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22/06/2022 | FRANCE | N°18/12651

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 22 juin 2022, 18/12651


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 22 JUIN 2022

(n° , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/12651 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6WOQ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Octobre 2018 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 17/07430





APPELANT



Monsieur [T] [H]

[Adresse 1]

[Localité 5]
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Représenté par Me Emmanuel MAUGER, avocat au barreau de PARIS, toque : E0706







INTIMÉE



SAS BPI GROUP venant aux droits de la SOCIÉTÉ BPI

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représen...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 22 JUIN 2022

(n° , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/12651 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6WOQ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Octobre 2018 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 17/07430

APPELANT

Monsieur [T] [H]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Emmanuel MAUGER, avocat au barreau de PARIS, toque : E0706

INTIMÉE

SAS BPI GROUP venant aux droits de la SOCIÉTÉ BPI

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Nicolas SAUVAGE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2240

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Philippe MICHEL, président de chambre

Mme Valérie BLANCHET, conseillère

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par contrat de travail à durée indéterminée du 7 juillet 1998, M. [H] a été engagé par la société MOA devenue BPI en qualité de consultant.

La société BPI emploie habituellement au moins onze salariés.

Dans le dernier état des relations contractuelles entre les parties, régies par la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, dite Syntec, M. [H] occupait l'emploi de responsable contrat.

M. [H] a été licencié pour insuffisance professionnelle par lettre du 20 mars 2017.

Contestant le bien fondé de son licenciement et estimant ne pas avoir été intégralement rempli de ses droits durant le relation contractuelle de travail, M. [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 19 septembre 2017 afin de l'entendre :

- Condamner la société BPI à lui verser les sommes suivantes :

° heures supplémentaires : 21 221,70 euros,

° congés payés afférents : 2 112,17 euros,

° dommages et intérêts pour non respect de la procédure : 7 428 euros,

° dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 178 272 euros,

° article 700 du code de procédure civile : 2 500 euros,

- Condamner la société BPI à lui remettre des données personnelles contenues dans le téléphone et la carte SD personnelle sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

La société BPI a conclu au débouté de M. [H] et à la condamnation de ce dernier à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 3 octobre 2018, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- Condamné la société BPI à payer à M. [H] les sommes suivantes :

° 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral pour la brutalité du licenciement,

° 6 178 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement,

avec intérêts an taux légal à compter du jour du prononcé du jugement jusqu'au jour du paiement,

° 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté M. [H] du surplus des demandes,

- Débouté la société BPI de la demande reconventionnelle.

M. [H] a interjeté appel de la décision le 2 novembre 2018.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 septembre 2021, il demande à la cour de :

- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

- Dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- Condamner la société BPI à lui verser les sommes suivantes :

° 45 000 euros à titre de rappel de rémunération variable,

° 178 272 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

° à titre subsidiaire, 7 428 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure,

° 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

° 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 13 mars 2019, la société BPI demande à la cour de :

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que le licenciement de M. [H] était intervenu de manière brutale et, en conséquence, l'a condamnée à verser à son ancien salarié la somme de 2 000 euros pour préjudice moral outre celle de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- Confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

Statuant à nouveau,

- Débouter M. [H] de toutes ses demandes,

- Condamner M. [H] à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 14 décembre 2021 et l'affaire plaidée à l'audience du 26 janvier 2022.

Par arrêt du 6 avril 2022, la cour a ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture, ordonné la réouverture des débats, dit que la clôture sera ordonnée à l'audience de plaidoirie, dit que l'appelant et l'intimée devront régulariser leurs conclusions à l'encontre ou au nom de la société BPI Group, SAS immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 793 619 917 ayant son siège social [Adresse 3], venant aux droits de la société BPI, SAS immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 329 463 715.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 avril 2022, M. [H] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement entrepris,

- Fixer son salaire mensuel moyen de référence à la somme de 7 428 euros,

- Dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- Condamner la société BPI Group venant aux droits de la SAS BPI à lui payer les sommes suivantes :

° 45 000 euros à titre de rappel de rémunération variable,

° 178 272 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

° à titre subsidiaire, 7 428 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure,

° 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.

° 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 avril 2022, la société BPI Group demande à la cour de :

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que le licenciement de M. [H] était intervenu de manière brutale et, en conséquence, a condamné la société à verser au salarié la somme de 2 000 euros pour préjudice moral et celle de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Confirmer le jugement pour le surplus,

en conséquence,

- Débouter M. [H] de toutes ses demandes,

- Condamner M. [H] à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 19 avril 2022 et l'affaire rappelée à l'audience du même jour.

MOTIFS

Sur la demande au titre des heures supplémentaires

M. [H] ne reprend pas dans ses dernières conclusions d'appel cette demande formée en première instance, de sorte que celle-ci doit être considérée comme abandonnée à hauteur de cour.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [H] de sa demande en rappel de rémunération d'heures supplémentaires.

Sur le licenciement

L'insuffisance professionnelle se définit comme l'incapacité non fautive, objective et durable d'un salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification.

Si l'insuffisance professionnelle peut constituer une cause légitime de licenciement, l'incompétence alléguée doit cependant reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l'employeur, étant rappelé qu'il suffit à l'employeur d'invoquer le grief d'insuffisance professionnelle, motif matériellement vérifiable, pour que la lettre soit dûment motivée. L'insuffisance de résultats peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsque le fait de ne pas avoir atteint les objectifs résulte d'une insuffisance professionnelle, lesdits objectifs devant présenter un caractère réaliste et correspondre à des normes sérieuses et raisonnables.

S'il appartient au salarié de fournir une prestation correspondant à sa qualification, l'employeur ne peut licencier celui-ci pour insuffisance professionnelle de façon soudaine et précipitée mais doit au préalable l'alerter de son incompétence ou insuffisance et lui accorder un délai d'adaptation raisonnable pour qu'il puisse remédier au problème.

La lettre de licenciement est ainsi rédigée :

' Monsieur,

Après un examen complet de la situation, nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement en raison de votre insuffisance professionnelle.

Nous rappelons que vous avez été engagé en qualité de Consultant au sein de notre société à compter du 7 juillet 1998.

En dernier lieu, vous exercez les fonctions de Consultant- RCT.

Or, nous sommes au regret de constater depuis plusieurs années votre insuffisance professionnelle matérialisée par une insuffisance de vos résultats (i), laquelle se double désormais d'un comportement d'opposition et de provocation systématiques (ii) que nous ne pouvons plus tolérer.

(i) Sur l'insuffisance de vos résultats

Pour la quatrième année consécutive, votre performance est jugée 'insuffisante'. Non seulement vos objectifs ne sont pas atteints, mais leur taux de réalisation est de plus en plus faible:

Année

TAC

Ventes

2016

20% pour un objectif de 70%

28 807 € pour un objectif de 300 000 €

2015

28,27% pour un objectif de 70%

59 756 € pour un objectif de 400 000 €

2014

31,71% pour un objectif de 60%

6 500 € pour un objectif de 500 000 €

2013

58% pour un objectif de 35%

282 000 € pour un objectif de 600 000 €

En outre, les rares contrats dont vous êtes à l'origine s'avèrent très peu rentables, voire nettement déficitaires :

Année

Contrat

Taux de marge

2016

DRFIP

-1%

ADEME

3%

MCI SAS

9%

Logement Francilien

-29%

2015

BRMG

-24%

2014

CHIPS

-2%

GHPSO

28%

ATHEOS

4%

Ces résultats en chute libre ne sont plus tolérables, d'autant qu'aussi bien vos supérieurs hiérarchiques que le Directeur de la Région Ile-de-France dont vous dépendez ont attiré votre attention depuis longtemps et à plusieurs reprises sur l'insuffisance de vos performances et vous ont proposé des pistes pour y remédier.

Ainsi, le 19 novembre 2014, une réunion a été organisée en présence de vous-même, votre supérieure hiérarchique à cette période, [F] [M], et le Directeur de la Région Ile de France de l'époque, [Z] [N].

À l'issue de cette réunion au cours de laquelle vos faibles résultats ont été évoqués, vous avez-vous-même suggéré de développer un plan d'action commercial autour du conseil RH. Il a été convenu de faire un point détaillé sur vos démarches à la fin du mois de janvier 2015. Cependant, le 25 février 2015, vous n'aviez toujours fait aucun retour sur ce plan d'action auquel vous vous étiez engagé. Il a fallu que [Z] [N] vous rappelle à vos obligations par e-mail du 25 février 2015.

Depuis lors, vous n'avez fourni aucun plan d'action de nature à rassurer BPI sur votre volonté de développer votre activité comme cela est attendu de tout consultant.

Et en dépit de la baisse continue de vos résultats, vous n'êtes jamais revenu vers [Z] [N] ni vers personne d'autre avec une proposition concrète destinée à obtenir une amélioration de vos résultats.

En tout état de cause, vous consacrez un temps très limité au développement de l'activité commerciale de la société:

Période

Temps consacré aux activités sur contrats

Du 01/09/2014 au 31/08/2015

436,5 heures

Du 01/09/2015 au 31/08/2016

338 heures

Par ailleurs, vous n'avez manifestement aucune volonté de parvenir à redresser la situation. Votre présence au bureau n'excède jamais une plage de 10 heures à 17 heures, et ce depuis plusieurs mois.

Enfin, depuis quatre ans, vous ne cessez d'imputer l'insuffisance de vos résultats à des objectifs que vous jugez irréalistes, alors même que ceux-ci sont réduits d'année en année et sont inférieurs à ceux de nombreux autres Consultants - RCT!

Dans ces conditions, nous ne pouvons raisonnablement envisager de vous voir retrouver une attitude de travail conforme aux attentes de la société vis-à-vis de ses consultants.

Votre insuffisance professionnelle est inacceptable de la part d'un consultant ayant plus de 18 ans d'ancienneté et bénéficiant de votre expérience.

(ii) Sur votre comportement d'opposition et de provocation systématiques

Outre l'insuffisance de vos résultats, vous manifestez depuis quelque temps une opposition et une provocation systématiques à l'égard de vos interlocuteurs au sein de BPI.

Vous multipliez ainsi les refus d'effectuer les tâches qui vous sont demandées et qui relèvent pourtant de vos fonctions.

Par e-mail du 17 janvier 2017, votre manager, [K] [D], vous a demandé, ainsi qu'aux autres consultants de son équipe, de renseigner le planning des ORDC dans un délai de 2 jours, soit pour le 19 janvier 2017 au plus tard. Constatant de votre part une absence de réalisation de la tâche demandée à cette date, [K] [D] a été contrainte de vous relancer par e-mail du lundi 23 janvier 2017. Vous lui avez alors répondu que vous le feriez le jeudi 26 janvier 2017 !

Le 25 janvier 2017, [V] [L] a cherché à vous joindre afin de vous poser des questions au sujet du dossier FBG. N'étant pas parvenue à vous joindre par téléphone et ne vous ayant pas trouvé dans votre bureau, elle vous a laissé un message en vous demandant de la recontacter, ce que vous n'avez jamais fait. Le même jour, [S] [O] vous a relancé à ce sujet mais vous n'avez pas non plus daigné lui répondre. Le 27 janvier 2017, [V] [L] a tenté une nouvelle fois de discuter de ce sujet avec vous. Vous lui avez répondu que vous n'étiez pas disponible ce jour-là, que vous ne le seriez pas non plus lundi 30 janvier mais que peut-être vous pourriez en parler dans le courant de la semaine.

Dans l'attente de votre disponibilité - sur laquelle vous êtes incapable de donner la moindre visibilité aux équipes de BPI - les dossiers ne peuvent être traités. En conséquence, les engagements de délai pris auprès des clients ne sont pas tenus, ce qui affecte terriblement l'image de rigueur et de sérieux de BPI.

Par ailleurs, vous ne vous présentez pas à des réunions auxquelles vous êtes tenu d'assister.

Vous avez ainsi quitté sans prévenir une réunion commerciale avant la fin le 4 janvier 2017.

De manière générale, vous êtes le plus souvent soit absent, soit en retard aux réunions d'équipe du lundi matin (début de la réunion 9h30/9h45), et ce en dépit des remarques qui vous ont été faites à plusieurs reprises sur l'importance de votre présence ponctuelle à ces réunions.

Vous êtes ainsi arrivé en retard à la réunion du lundi 12 décembre 2016, sans excuse ni explications.

Le lundi 9 janvier 2017, vous êtes arrivé dans les locaux de BPI à 10 heures passées. Vous êtes passé devant l'ensemble de l'équipe réunie sur le plateau puis êtes allé vous installer devant votre ordinateur sans rien dire à personne. À cette occasion, [K] [D] vous a rappelé oralement que votre participation à ces réunions n'était pas facultative.

Le lundi 23 janvier 2017, vous ne vous êtes, une fois de plus, pas présenté à la réunion d'équipe, obligeant [K] [D] à vous rappeler à vos obligations, pour la énième fois.

Cette attitude d'opposition systématique est d'autant plus grave qu'elle s'accompagne d'une volonté délibérée de provocation de votre part, manifestée parla grossièreté de vos propos.

Par e-mail du 3 novembre 2016, [K] [D] vous a demandé, comme aux autres consultants de son équipe, de remplir un tableau destiné à identifier les domaines d'intervention de chacun pour le 8 novembre 2016. Une relance a été effectuée par e-mail du 10 novembre 2016 auprès des consultants qui, comme vous, n'avaient pas encore répondu. Le même jour, vous avez adressé à [K] [D] un tableau quasiment vide, vous moquant ainsi ouvertement de sa demande.

À l'occasion de la réunion d'équipe du lundi 12 décembre 2016, à laquelle vous êtes arrivé en retard, votre avis a été sollicité concernant la réunion régionale du vendredi précédent. Adoptant une attitude fermée, bras croisés, vous avez manifesté votre insatisfaction dans les termes suivants : 'la direction est une nouvelle fois à côté de la plaque mais comme d'habitude''. Puis, lorsqu'il vous a été demandé si vous aviez quelque chose à ajouter, vous avez répondu, en souriant 'la nourriture était bonne'. Enfin, interrogé sur les missions en cours vous concernant, vous avez répondu s'agissant de l'une d'entre elles 'c'est une mission de merde'.

Le 19 décembre 2016, [Y] [A] a souhaité s'entretenir avec vous de divers points concernant le dossier FBG sur lequel vous travaillez ensemble et pour lequel il vous avait été demandé de réaliser certaines tâches. Vous lui avez répondu : 'C'est nul à chier, c'est stupide et ça ne sert à rien. Ok je vais lui remplir son truc à la con mais c'est un travail de merde avec zéro valeur ajoutée. [S] ne gère pas son client, elle ne gère pas son projet, la cliente fait n'importe quoi...'. Et lorsque [Y] [C] vous a suggéré des pistes pour avancer sur le dossier, vous lui avez rétorqué 'Ils foutent des règles à la con de staffing ils n'ont qu'à s'en occuper, je ne suis pas chef de projet. Une mission aussi nulle et aussi inintéressante non gérée par le chef de projet, je n'ai pas de temps à perdre, moi, j'ai trois autres missions à côté.'

À l'issue de la réunion d'équipe du lundi 9 janvier à laquelle vous n'êtes pas venu, [K] [D] vous a rappelé le caractère non facultatif de ces réunions. Vous lui avez déclaré haut et fort, pour que tout le monde autour de vous entende 'je trouve que c'est inintéressant et que je perds mon temps, je n'y viens donc pas'.

Votre dernière provocation en date a eu lieu le 26 janvier 2017 dans le cadre de la fixation de vos objectifs pour 2017. Interrogé par [K] [D] sur vos souhaits pour 2017, vous lui avez répondu que vous n'attendiez rien de cette année et confirmez que vous seriez satisfait si vous vous faisiez virer.

Vous comprendrez que nous ne puissions tolérer plus longtemps un tel comportement. Dans ce contexte, nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour insuffisance professionnelle.

En conséquence, votre licenciement prendra effet à la date de première présentation de cette lettre à votre domicile par les services postaux.

À cette date débutera votre préavis d'une durée de 3 mois dont nous vous dispensons de l'exécution mais qui vous sera néanmoins rémunéré aux échéances habituelles.

(...)'

Au soutien de son appel, M. [H] fait d'abord valoir que l'absence d'entretien préalable à son licenciement a porté atteinte à son droit de se défendre, ce qui constitue une violation, non d'une règle de procédure, mais d'une garantie de fond instaurée par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 7 de la convention n°158 de l'Organisation internationale du travail qui rend son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il ajoute que la jurisprudence selon laquelle l'absence d'entretien préalable n'a pas pour effet de priver la cause de son licenciement de son caractère réel et sérieuse a été rendue au visa des articles L.1232-2 et L.1235- 2 anciens du code du travail seuls invoqués, non sur le fondement des articles 6 de la CEDH et 7 de la convention n° 158 de l'OIT.

En ce qui concerne l'insuffisance de résultats qui lui est reprochée, il se prévaut :

- en premier lieu, du caractère irréaliste et inatteignable de ses objectifs qui ont été doublés pour passer de 35 % en 2013 à 70 % en 2016 et alors que le mode de comptabilisation de ses ventes a été modifié puisque celles-ci ont été comptabilisées à 40 % au lieu de 100 % auparavant,

- en deuxième lieu, de la réduction de ses moyens commerciaux à la suite du départ de très nombreux salariés qui a fait passer le nombre de consultants issus de la branche « Change » d'une centaine entre 2008 et 2011 à une dizaine en 2013 et a entraîné une baisse de la rentabilité,

- en troisième lieu, d'une baisse des ventes dans le secteur hospitalier associée à une augmentation par sa hiérarchie du prix moyen/jour renforçant la difficulté de vendre des contrats,

- en quatrième lieu, de changements d'affectation qui lui ont été imposés,

- en cinquième lieu, de la versatilité des taux de marge en raison de l'absence de répercussion de la diminution des coûts salariaux et d'une part des coûts fixes de la société BPI sur le prix de revient / jour, de la décision de son supérieur hiérarchique de fixer le prix de vente de plusieurs contrats en dessous du prix de vente habituel de l'entreprise et même en dessous du prix de revient théorique et de l'absence de consultants confirmés l'ayant obligé à intervenir faisant passer le coût comptable moyen de 890 à 1 440 €/jour,

- en sixième et dernier lieu, de la volonté de la société BPI d'obtenir son départ après le rachat de la société par le fonds d'investissement Perceva en 2012.

Sur le comportement d'opposition qui lui est reproché, il plaide que certains faits sont prescrits car antérieurs au 20 janvier 2017, et qu'en tout état de cause les griefs allégués contre lui ne sont pas démontrés ou sont dénués de toute portée.

La société BPI réplique que l'absence d'entretien préalable est une irrégularité de la procédure, que la baisse des résultats de M. [H] est attestée par les pièces de son dossier et ne saurait être combattue par la présentation fallacieuse qu'en fait M. [H], que la prescription ne peut être soulevée dans le cas d'un licenciement pour insuffisance professionnelle qui ne doit pas être confondu avec un licenciement pour motif disciplinaire et que l'opposition systématique de M. [H] est établie par l'attestation de Mme [D] et les échanges de mails que les explications du salarié ne peuvent contredire.

Cela étant, l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales consacre le droit à un procès équitable et ne peut donc être appliqué à la procédure de licenciement.

L'article 7 de la Convention de l'OIT dispose qu'un travailleur ne devra pas être licencié pour des motifs liés à sa conduite ou à son travail avant qu'on ne lui ait offert la possibilité de se défendre contre les allégations formulées, à moins que l'on ne puisse pas raisonnablement attendre de l'employeur qu'il lui offre cette possibilité.

Pour autant, il ne peut être déduit de ce texte qui instaure une garantie de procédure qu'un licenciement prononcé sans la formalité qu'il prévoit est nul ou privé de cause réelle et sérieuse.

En conséquence, l'absence de convocation de M. [H] à un entretien préalable est une violation de la procédure de licenciement qui ouvre droit à dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.1235-2 du code du travail selon lequel si le licenciement d'un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge impose à l'employeur d'accomplir la procédure prévue et accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

Sur le fond, il ressort du tableau ci-dessous reproduit dans la lettre de licenciement que M. [H] ne conteste pas, sauf pour en alléguer le caractère incomplet sur d'autres points :

Année

TAC

Ventes

2016

20% pour un objectif de 70%

28 807 € pour un objectif de 300 000 €

2015

28,27% pour un objectif de 70%

59 756 € pour un objectif de 400 000 €

2014

31,71% pour un objectif de 60%

6 500 € pour un objectif de 500 000 €

2013

58% pour un objectif de 35%

282 000 € pour un objectif de 600 000 €

que si les objectifs de production ont été augmentés de 35 % à 70 % entre 2013 et 2016, les taux d'activité sur contrat ont été diminués pour passer de 58 % sur un objectif de 35 % à 20 % sur un objectif de 70 %.

Par ailleurs, il ressort du tableau présenté par M. [H] dans ses conclusions afin de compléter celui de l'employeur,

Année

Objectifs

Equivalent objectif à règles identiques

Ventes comptabilisées

par BPI dans mes résultats

Prime versée

2006-2007

600 000

600 000

591 600

18 000

2007-2008

600 000

600 000

647 500

18 000

2008-2009

600 000

600 000

261 600

15 000

2009-2010

600 000

600 000

408 600

10 500

2010-2011

800 000

800 000

1 189 700

9 750

2011-2012

750 000

750 000

320 300

6 750

2012-2013

600 000

1 500 000

282 000

5 833

2013-2014

500 000

1 250 000

6 500

-

2014-2015

400 000

1 000 000

59 756

-

2015-2016

300 000

750 000

28 807

-

les éléments suivants :

- Indépendamment du mode de comptabilisation des objectifs pour le calcul de la prime qui y est liée, les résultats de M. [H] sont en très nette diminution à compter de 2013 puisque les chiffres des ventes comptabilisées du salarié sont passés de 282 000 euros sur cette année à 28 807 euros en 2016. Le réalisé de 2016 ne représente donc qu'un peu plus de 10 % de celui de 2013 et celui de 2015 environ 21 % de celui de 2013,

- si l'on prend en compte les objectifs assignés par l'employeur, en faisant abstraction de 'l'équivalent objectif à règles identiques' qui résulterait de la modification du mode de comptabilisation des objectifs, M. [H] n'a réalisé qu'une très faible part de ceux-ci bien qu'ils aient été considérablement réduits par l'employeur de 750 000 euros à 600 000 euros, puis à 500 000 euros, 400 000 euros et 300 000 euros. Ainsi, M. [H] a réalisé 41 % de l'objectif en 2013, 13 % en 2014 (année de transition selon M. [H]), 15 % en 2015 et 9,6 % en 2016,

- la modification de la comptabilisation des ventes dans les résultats du salariés dénoncée par M. [H] n'explique pas la baisse des résultats : en effet, comme justement relevé par M. [H], la note interne du 23 novembre 2012 répartit le montant de la vente à 40 % pour le pilote commercial et à 60 % pour les contributeurs. Il n'en demeure pas moins que les chiffres de M. [H] sont en très nette baisse depuis l'exercice 2013-2014 puisque les ventes comptabilisées à 100 % s'élèveraient à 16 250 euros pour 6 500 euros retenus en 2013-2014, à 148 940 euros pour 59 576 euros retenus en 2014-2015 et 72 017 euros pour 28 807 euros retenus en 2015-2016,

- la diminution des moyens commerciaux entre 2010 et 2013 dénoncée par M. [H] n'explique pas cette situation. En effet, l'employeur reproche à son ancien salarié une baisse de résultats à compter de 2013 jusqu'en 2016 à une période où, d'après les explications de l'intéressé, les effectifs étaient stabilisés.

Cette absence de résultats est à rapprocher des comptes-rendus d'entretien annuels d'évaluation professionnelle qui relèvent chez le salarié une perte d'investissement et de réactivité depuis 2013.

Ainsi, la hiérarchie de M. [H] note :

- en 2013 :

'Compte tenu de son parcours et de son expérience, [T] peut apporter et contribuer beaucoup au développement et à la professionnalisation de l'équipe « Anticipation économique et RH des transformations'. C'est pourquoi, les attentes sont fortes quant à l'investissement de [T] [H] dans cette équipe mais aussi quant à son positionnement interne. Il est nécessaire que [T] reprenne un rôle de leader /développeur en participant au développement de cette équipe tant d'un point de vue commercial qu'auprès des consultants de l'équipe, tel qu'il a pu le mener il y a quelques années.

Le développement du secteur hospitalier reste un axe important mais non exclusif dans les activités à venir de [T].'

- en 2014 :

'[T] ne s'est pas du tout investi cette année dans le développement de l'activité de l'équipe ou du business BPI global. Aucune démarche proactive n'a été engagée avec une posture très en retrait voire négative.

Malgré plusieurs points faits ensemble cette année et les propositions d'axes de repositionnement précisés ensemble, [T] ne s'est emparé d'aucun sujet et aucune évolution positive ni signe de volonté de faire 'bouger les choses' ne sont apparues au cours de l'exercice.

Ce comportement, signe d'une démotivation profonde, est très regrettable. Bien que son c'ur de métier soit l'expertise en organisation sur le secteur hospitalier, sa grande expérience du conseil lui confère toutes les qualités professionnelles et humaines (comme éprouvées durant plusieurs années chez BPI) nécessaires à sa réussite et à celle de l'entreprise.'

'[T] doit accepter de changer sa posture et son périmètre d'intervention. [T] indique que le secteur hospitalier a de grandes difficultés et donc que le potentiel de missions d'orga. dans ce secteur est très faible d'une part et, d'autre part, que les honoraires jours du secteur sont bien en dessous des standards BPI.

Une réelle insatisfaction de [T] sur la reconnaissance depuis plusieurs années.

Un désaccord important sur la stratégie de BPI et les orientations prises : sur la définition des règles de contribution commerciales, sur le niveau des objectifs de vente et de Tac de production, sur les coûts standards et donc les prix de vente.

Une interrogation sur les actions réalisées pour un TAC commercial de 50% (5 Rdv, 10 participations à des propositions commerciales, 1 participation à une proposition gagnée d'un montant de 13k€)=$gt; l'efficacité sur les temps passés en commercial doit radicalement changer.

Il est attendu d'un RCT de réaliser des actions commerciales pour BPI et non pas uniquement pour 'se vendre'.

Un rdv avec [Z] [N], [T] [H] et [W] [P] est à organiser pour échanger sur un plan d'action devant permettre de changer radicalement la situation : tant sur les actions commerciales & les ventes, que sur les missions de production et la posture attendue d'un RCT.

Il a été demandé à [T] de réfléchir aux actions rapides qu'il envisage pour se mettre en posture d'atteindre les objectifs attendus.

Il n'est pas possible d'envisager une nouvelle année bien en-dessous des objectifs attendus : Un changement de posture et de résultat à court terme est à minimum nécessaire.'

- en 2015 :

'D'un point de vue factuel, [T] n'a pas atteint les objectifs qui lui étaient assignés cette année. En outre, son statut RCT lui confère la responsabilité de développer l'offre commerciale de BPI- notamment sur les sujets « Secteur Public '' qu'il porte - mais également d'être moteur auprès de collègues moins seniors que lui, tant en commercial que sur du pilotage de projet. Cela ne s'est pas produit cette année.

En outre, la posture de [T] - au-delà du fait d'arriver quasi-systématiquement après 10h au bureau - ne lui permet pas de s'intégrer dans l'équipe. Si certains sujets ne lui conviennent pas depuis longtemps chez BPI, et nous avons échangé sur ce sujet, force est de constater que [T] ne met pas en place les actions qui pourraient lui permettre d'être plus serein professionnellement, et à tout le moins aux attendus de ses poste et statut (démarche pro active en commercial, développement d'une offre dédiée sur ses sujets d'expertise, promotion interne des sujets liés au Secteur public, rencontre avec les acteurs internes susceptibles d'être en lien business avec lui, tutorat de consultants juniors sur ses sujets d'expertise...).'

- 2016 :

'[T] a pris davantage de sujets que l'année précédente et s'est montré plus enthousiaste au sein de l'équipe.

Toutefois, au regard de son niveau de compétence et d'ancienneté, il n'a pas atteint les objectifs qui lui ont été fixés.

Nous espérons que son passage dans une équipe plus en adéquation avec ses compétences, lui permette d'atteindre ses nouveaux objectifs.'

Dans ses observations, M. [H],

- en 2013 : invoque le caractère inatteignable de ses objectifs et dénonce le manque de reconnaissance de son rôle de leader / développeur dans le passé caractérisé par la suppression de son équipe santé un salaire inférieur à la moyenne des RCT et la fixation d'un part variable par des objectifs inatteignables,

- en 2014 : invoque le caractère inatteignable de ses objectifs et dénonce la politique tarifaire de la société BPI, ainsi qu'une déformation de ses propos,

- en 2015 : invoque le caractère inatteignable de ses objectifs et dénonce la fixation de son salaire au niveau le plus bas des RCT, l'annonce en juin 2015 par la société BPI de son intention de le faire quitter l'entreprise qui ne contribue pas à l'exercice de son travail dans la sérénité ni à la nécessité de venir tôt le matin,

- en 2016 : se réfère à ses observations de 2015.

Ainsi, les observations de M. [H] aux remarques de sa hiérarchie ne constituent pas une critique des appréciations globales de sa hiérarchie, à l'exception de celles de 2014, mais plutôt une justification d'un certain désinvestissement.

En tout état de cause les évaluations annuelles de M. [H] sont à rapprocher d'un mail du 25 février 2015, de M. [Z] [N] à M. [H] :

'Lors du 19 novembre dernier, tu nous as présenté la possibilité éventuelle de développer un plan d'actions commerciales autour du conseil RH en matière d'optimisation des ressources ' Nous avions convenu que ce plan était structuré autour :

' De la mise en forme de cette offre par tes soins

' L'identification de quelques pistes commerciales auxquelles nous pourrions tester cette offre

' L'intégration de cette démarche dans les Plans d'actions commerciaux de l'Ile de France

Ton engagement pris lors de cette réunion était de piloter et déployer cette démarche afin de faire un point détaillé fin janvier 2015 sur le sujet pour confirmer ou non la démarche envisagée.

Nous sommes le 25 février, et à ce jour force est de constater que cette démarche n'a pas été déployée malgré des temps commerciaux déclarés incompréhensibles :

Décembre : 13,19 jours commerciaux (proposition/note)

Janvier : (13,38 jours commerciaux (2 jours de prospection veille ' 11, 38 jours de proposition/note)

Au regard de ton profil, je ne peux que déplorer cette situation : Tac de production 20,55% pour un objectif de 70% depuis le début de l'exercice, ce déficit n'étant même pas compensé par une implication pleine et entière dans la dynamique commerciale de la région.'

et de sa réponse par M. [H] le jour-même :

'(...)

Je suis à ta disposition pour faire un point détaillé des actions qui ont été entreprises dans le cadre de ce plan d'action et disponible, comme prévu dans ce document pour février 2015 (et non janvier) pour faire un retour à l'équipe commerciale (dont je ne connais pas les dates des réunions prévues car je n'en fais pas partie).

En ce qui concerne les temps 'incompréhensibles' que j'ai passés sur le commercial, voici le détail des actions que j'ai réalisées depuis décembre :

[suit une liste de clients avec énumération des missions menées pour chacun d'entre eux]

(...)'.

Cet échange démontre que, bien que se disant prêt pour faire un point détaillé du plan d'action autour du conseil RH, M. [H] a attendu la relance de son interlocuteur pour proposer d'organiser une présentation.

Par ailleurs, le comportement d'opposition et de provocation systématiques reproché à M. [H] est confirmé par le témoignage de Mme [D], manager de l'intéressé, très précis et circonstancié qui ne peut être écarté aux seuls motifs qu'il est daté du 10 mars 2017, soit 10 jours avant même la lettre de licenciement, ce qui démontrerait qu'il a été recueilli pour 'préparer' le licenciement et que Mme [D] a été remerciée en avril 2017, montrant à tout le moins qu'elle n'avait pas la confiance de la société, alors qu'il est confirmé par :

- des mails de Mme [D] à M. [H] des 8 novembre 2016, 12 décembre 2016 et 23 janvier 2017 lui reprochant ses absences injustifiées aux réunions du lundi matin et lui demandant d'être présent à celles-ci ,

- des mails de Mme [D] à M. [H] dont l'un du 17 janvier 2017 lui demandant de compléter le tableau de planning des ORDC dans les 2 jours et l'autre du 23 janvier 2017 faisant remarquer à M. [H] que sa réponse était attendue pour le 19 janvier 2017 et lui demandant de bien vouloir répondre aux demandes collectives sans relance, alors que comme justement relevé par la société BPI, il n'appartenait pas à M. [H] d'estimer lui-même la date à laquelle les démarches administratives devaient être réalisées,

- un mail daté du 20 janvier 2017 de M. [U], directeur régional de la région Ile-de France, alertant la DHR des difficultés rencontrées par trois salariées dans leur collaboration avec l'intéressé et les mails des salariées concernées :

'Je viens de faire le point avec [S] quant à l'avancée de la mission FBG. ll s'avère que [T] [H] a causé de nombreux désagréments sur la production de cette mission. Des désagréments comportementaux auxquels s'ajoutent des insuffisances quant à son travail. Ce matin, il est absent à une réunion de travail importante. Celle-ci doit être annulée. Il ne s'est pas manifesté pour prévenir cette absence et sommes sans nouvelle.

Au regard d'un ensemble d'élément remontés ces dernières semaines et mois, je demande qu'une sanction soit envisagée.'

- un mail de [S] [O] à [K] [D] du 23 janvier 2017 :

'Dès le début de la mission, il a manifesté des réticences fortes à contribuer, revendiquant le fait qu'il n'était pas expert du domaine.

Et même une fois rassuré sur le soutien de [Y] [A] et de [B] [R] (expert), il a continué à avancer à reculons sur cette mission.

Ensuite, il n'a jamais eu une approche constructive et facilitatrice, et au contraire a eu une posture systématiquement critique vis-à-vis de la cliente, du chef de projet de BPI, des tâches qui lui incombaient et de son binôme: entrée systématique dans les sujets par les problèmes, pas de confirmation de sa présence aux réunions, peu de visibilité sur des disponibilités, attitude fuyante.

Ces comportements sont inacceptables au regard de sa compétence et de son statut et peu respectueux du groupe projet et particulièrement de son binôme et ils perdurent.'

- un mail d'[V] [L] à [S] [O] du 25 janvier 2017 :

'[S]

J'ai essayé de joindre [T] [H] ce matin car il y a qq questions sur le fichier rému par rapport à la demande de la cliente.

Je suis passée aussi à son bureau mais il était parti.

Je n'ai eu aucun retour de sa part.

J'apprécierai qu'il prenne en compte les besoins de la cliente et qu'il puisse répondre rapidement

Cdt

[V]'

- un mail de [S] [O] à [T] [H] du 25 janvier 2017 :

'Bonsoir [T],

Je t'avais demandé en début d'après-midi de te rendre disponible un quart d'heure pour [V] [L] qui a besoin de toi sur l'étude de rémunération. Je l'ai vue ce soir et elle n'a pas eu de tes nouvelles. C'est vraiment important que tu te mettes à sa dispo demain pour répondre à ses questions.'

- un mail d'[V] [L] à [K] [D] et [S] [O] du 27 janvier 2017 :

'Bonjour Mesdames,

J'ai tenté à nouveau aujourd'hui de discuter avec [T] [H] sur l'étude rému.

ll n'est pas disponible aujourd'hui, ni lundi sur le sujet, peut être courant de semaine prochaine.

Je ne suis pas apte à déterminer sa charge de travail.

En tout état de cause, je ne peux pas faire ce travail à sa place. L'historique du choix des colonnes retenues pour l'étude est détenu par [Y] [A] et [T] [H].

ll est donc impossible de faire avancer le sujet pour s'assurer de donner des chiffres cohérents.

Je vous passe ce qu'il pense du dossier.

L'impact est le non-respect de l'engagement pris vis-à-vis de [I] [X] en terme de livraison.'

Aucun des faits caractérisant un comportement d'opposition et de provocation de la part de M. [H] ne peut être considéré comme prescrit dès lors que le licenciement n'est pas disciplinaire et que les reproches énoncés à l'encontre du salarié ne sont pas utilisés par l'employeur pour établir une faute mais une insuffisance professionnelle.

Les éléments ci-dessus caractérisent de la part de M. [H] une insuffisance professionnelle qui s'est traduite, non seulement par une absence de résultats mais aussi par une opposition et critique aux choix de l'entreprise avec une certaine résistance dans les actions à mener et démontrent la persistance de celle-ci malgré les alertes de la hiérarchie et de collègues.

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [H] de sa demande en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le rappel de primes d'objectifs

Les développements ci-dessus qu'il n'est pas nécessaire de reproduire, sauf à se répéter, démontrent que M. [H] n'a pas rempli ses objectifs.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [H] de sa demande en rappel de primes d'objectifs et, par voie en conséquence, de sa demande de fixation de son salaire de référence à la somme de 7 428 euros.

Sur les dommages et intérêts pour non respect de la procédure

Si la société BPI Group reconnaît qu'elle n'a effectivement pas respecté la procédure en ne convoquant pas M. [H] à un entretien préalable avant de lui notifier son licenciement, elle soutient que la demande en dommages et intérêts ne peut pour autant prospérer, faute pour l'intéressé de justifier d'un préjudice dont il aurait souffert du fait de cette omission.

Mais, la longue lettre de protestation (9 pages d'une écriture dactylographiée dense) de M. [H] en date du 27 mars 2017 démontre que l'absence d'entretien préalable a privé le salarié de la possibilité de s'expliquer et qu'il en a dès lors subi un préjudice qui doit être réparé à la hauteur des dommages et intérêts alloués par le jugement entrepris qui sera donc confirmé sur ce point.

Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral

M. [H] fait valoir que son licenciement lui a été signifié brutalement et verbalement le 21 mars 2017, le matin, dès son arrivée à son bureau, que la société BPI l'a forcé à quitter les locaux sur le champ, après lui avoir repris son badge d'accès aux locaux de l'entreprise, son ordinateur et son téléphone professionnels, et l'a escorté jusqu'à la sortie, de façon humiliante, l'empêchant même de saluer ses collègues, que le procédé est d'autant plus brutal qu'en plus de 18 ans de travail pour BPI SAS, il ne s'était jamais vu signifier le moindre avertissement, et qu'il n'a même pas été convoqué à un entretien préalable. Il ajoute que, du fait du retrait inopiné de son ordinateur et de son téléphone, il a été empêché de récupérer ses données personnelles.

La société BPI Group réplique que M. [H] avance des faits sur son éviction brutale de l'entreprise sans avancer la moindre preuve, que le départ du salarié s'est fait conformément aux termes de la lettre de licenciement qui le dispense de préavis, et que s'agissant de l'absence de restitution des données personnelles, M. [H] ne peut s'en prendre qu'à lui-même puisqu'il a refusé de se plier à la procédure en vigueur au sein de l'entreprise.

Cela étant, il doit être constaté qu'après 19 ans d'ancienneté, M. [H] a été licencié sans entretien préalable à effet immédiat puisque dispensé de préavis alors qu'il avait encore des contrats en cours, qu'il s'est vu priver tout aussi immédiatement de son ordinateur et de son téléphone professionnels sans avoir eu le temps de récupérer ses données personnelles, qu'il n'a pas été autorisé à revenir dans l'entreprise pour un rendez-vous avec un technicien informatique afin récupérer celles-ci (lettre BPI du 27 mars 2017) alors que la récupération des données sous le contrôle d'un technicien informatique aurait été sans risque de préjudice pour l'entreprise, qu'à la place d'un tel rendez-vous, la société BPI lui a été demandé par lettre du 5 avril 2017 de communiquer le code PIN et le modèle de déverrouillage de son téléphone professionnel afin de lui restituer ses données personnelles sous la menace de réinitialisation de l'appareil avec perte des données, ce qui implique que l'entreprise aurait eu accès à celles-ci.

De telles conditions d'un licenciement pour insuffisance professionnelles sont vexatoires et ont causé au salarié un préjudice qui sera réparé par l'octroi d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, par infirmation du jugement sur le montant alloué.

Sur les frais non compris dans les dépens

Conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la société BPI Group sera condamnée à verser à M. [H] la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par l'appelant qui ne sont pas compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement entrepris, sauf sur le montant des dommages et intérêts pour préjudice moral alloués à M. [H],

Statuant à nouveau sur ce seul chef,

CONDAMNE la société BPI Group, venant aux droits de la société BPI, à verser à M. [H] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société BPI Group, venant aux droits de la société BPI, à verser à M. [H] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société BPI Group, venant aux droits de la société BPI, aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 18/12651
Date de la décision : 22/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-22;18.12651 ?
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