La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/06/2022 | FRANCE | N°17/08500

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 22 juin 2022, 17/08500


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 22 JUIN 2022



(n°2022/ , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/08500 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3SQJ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Avril 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 16/05795





APPELANT



Monsieur [E] [U]

[Adresse 1]

[Localité 4]r>
Représenté par Me Jean-François PATOU, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 176





INTIMÉE



SARL SERVICES ENTRETIEN PROPRETE TECHNIQUE venant aux droits de la SARL LSN

[Ad...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 22 JUIN 2022

(n°2022/ , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/08500 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3SQJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Avril 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 16/05795

APPELANT

Monsieur [E] [U]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Jean-François PATOU, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 176

INTIMÉE

SARL SERVICES ENTRETIEN PROPRETE TECHNIQUE venant aux droits de la SARL LSN

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me David POTIER, avocat au barreau des SABLES D'OLONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Stéphane THERME conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M. [U] a été engagé par la société LSN par contrat de travail a durée déterminée à temps partiel en date du 3 juillet 2002, en qualité d'agent de propreté. Son contrat a été transformé 1e 12 août 2002 en un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein. Un avenant au contrat de travail a été signé le 23 février 2010.

La convention collective des entreprises de propreté est applicable.

M. [U] a été mis à pied à titre conservatoire le 26 février 2016 et licencié pour faute grave par lettre recommandée en date du 11 mars 2016.

M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 25 mai 2016, aux fins de contester le licenciement et demander des rappels de salaire.

Par jugement du 27 avril 2017 le conseil de prud'hommes a :

Débouté M. [U] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

M. [U] a formé appel le 15 juin 2017.

Par ordonnance du 6 juin 2018, le magistrat en charge de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions déposées par l'intimée les 23 et 24 avril 2018.

La société LSN a fait l'objet d'une fusion avec la société Service Entretien Propreté Techniques le 16 février 2019.

Dans ses conclusions déposées au greffe et signifiées à la société SEPT, venant aux droits de la société LSN, le 16 mars 2020, auxquelles la cour fait expressément référence M. [U] demande à la cour d'infirmer le jugement rendu sur tous les chefs de jugement et de :

A titre principal

Dire que M. [U] n'a commis aucune faute, et que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

Condamner la société SEPT venant aux droits de la société LSN à verser à M. [U] les sommes suivantes :

- Préavis : 4 312 euros

- Congés payés afférents : 431 euros

- Salaire pendant la mise en pied 1 050 euros

- Congés payés afférents 105 euros

- Indemnité de licenciement 6 071 euros

- Dommages et intérêts pour rupture abusive 25 872 euros

- Dommages et intérêts pour préjudice moral 5 000 euros

A titre subsidiaire

En l'absence de faute, et si par extraordinaire, la cour venait à considérer que le licenciement a une cause réelle et sérieuse

Condamner la société SEPT venant aux droits de la société LSN à verser à les sommes suivantes:

- Préavis : 4 312 euros

- Congés payés afférents : 431 euros

- Salaire pendant la mise en pied 1 050 euros

- Congés payés afférents 105 euros

- Indemnité de licenciement 6071 euros

En tout état de cause

Dire que l'employeur n'a pas rémunéré les heures supplémentaires de M. [U]

Condamner la société SEPT venant aux droits de la société LSN à verser à M. [U] les sommes suivantes :

- A titre d'heures supplémentaires 39 797 euros

- A titre de congés payés afférents 3979 euros

Condamner la société la société SEPT venant aux droits de la société LSN à verser à M. [U] 2 500 euros liés aux frais de premier instance et 3000 euros liés en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 mars 2022.

MOTIFS

En application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas est réputée s'approprier les motifs du jugement qui a accueilli ses prétentions.

Sur le licenciement

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Elle implique une réaction de l'employeur dans un délai bref à compter de la connaissance des faits reprochés au salarié.

En application des articles L.1232-1 et L. 1235-1 du code du travail dans leur rédaction applicable à l'espèce, l'administration de la preuve du caractère réel et donc existant des faits reprochés et de leur importance suffisante pour nuire au bon fonctionnement de l'entreprise et justifier le licenciement du salarié, n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et, au besoin, après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute persiste, il profite au salarié.

En revanche la charge de la preuve de la qualification de faute grave des faits reprochés qui est celle correspondant à un fait ou un ensemble de faits s'analysant comme un manquement du salarié à ses obligations professionnelles rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et le privant de tout droit au titre d'un préavis ou d'une indemnité de licenciement, pèse sur l'employeur.

En application des articles L.1232-1 et L.1235-3 du code du travail dans leur rédaction applicable à l'espèce, la cour, à qui il appartient de qualifier les faits invoqués et qui constate l'absence de faute grave, doit vérifier s'ils ne sont pas tout au moins constitutifs d'une faute de nature à conférer une cause réelle et sérieuse au licenciement.

La lettre de licenciement reproche à M. [U] :

- la mauvaise qualité voire l'absence d'exécution du travail sur deux chantiers malgré des rappels à l 'ordre,

- la perte d'un chantier,

- la concurrence déloyale du fait d'un autre emploi,

- la déloyauté par la violation de la législation du travail en matière d'horaires de travail et d'employeurs multiples,

- une insubordination pour ne pas avoir été à son poste et des propos déplacés,

- de travailler pour un autre employeur, ce qui a été découvert à l'occasion d'une demande de congé individuel de formation formée le 11 février 2016, ce qui constitue une concurrence déloyale et une violation grave et déterminante du contrat de travail, qu'une autorisation aurait dû être accordée.

Le conseil de prud'hommes a retenu que la preuve des reproches relatifs à la qualité du travail, à la perte de chantiers et à l'insubordination était rapportée par des lettres de réclamation, copie des mises en demeure, attestation d'une personne. Ces éléments sont contestés par l'appelant, qui expose qu'ils émanent d'une autre société que son employeur; ils ne sont pas versés régulièrement aux débats.

La réalité de ces comportements, qui ne sont pas datés dans la lettre de licenciement, n'est pas établie.

Le conseil de prud'hommes a également retenu que la déloyauté du salarié était caractérisée par le double emploi sans autorisation de M. [U], malgré son contrat de travail.

L'avenant au contrat de travail de M. [U] signé le 23 février 2010, produit par l'appelant, indique en son article 9 'Sauf accord écrit de la société, le salarié s'engage à n'exercer aucune activité professionnelle complémentaire à celle qu'il exerce dans le cadre du présent contrat. Compte tenu de l'emploi à plein temps du salarié, cette clause est considérée comme particulièrement déterminante par l'employeur.'

Le 11 février 2016 M. [U] a demandé une autorisation d'absences dans le cadre d'un congé formation, à laquelle était joint un dossier qui indiquait qu'il travaillait auprès de deux sociétés différentes.

M. [U] ne justifie pas d'une autorisation écrite de son employeur pour exercer au profit d'une autre entreprise. Il produit deux attestations de salariés de la société LSN, qui indiquent que les responsables savaient que les employés avaient pratiquement tous un deuxième emploi, sans accord écrit. Elles sont rédigées en termes vagues sans préciser que le gérant de la société LSN savait que M. [U] exerçait une autre activité professionnelle et l'aurait accepté.

Le manquement de M. [U] aux obligations de son contrat de travail est ainsi établi. Compte tenu des termes du contrat de travail, il justifiait la rupture de celui-ci, sans être cependant incompatible avec la présence du salarié dans l'entreprise.

Le licenciement pour faute grave doit ainsi être requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

M. [U] doit être débouté de ses demandes d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour préjudice moral consécutif. Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Sur les conséquences financières

M. [U] ayant une ancienneté supérieure à deux années, la durée du préavis prévue par la convention collective était de deux mois.

Sur la base d'un salaire mensuel de 2 156,56 euros, tel qu'indiqué sur l'attestation destinée à Pôle Emploi, dans les limites de la demande la société SEPT doit être condamnée à payer à M. [U] la somme de 4312 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et celle de 431euros au titre des congés payés afférents.

L'indemnité de licenciement est de 1/10eme par année d'ancienneté pour la fraction des 5 premières années, 1/6eme de mois par année d'ancienneté pour la fraction de 6 à 10 ans révolus, 1/5eme de mois par année au delà.

M. [U] avait une ancienneté de treize années, sept mois et deux jours.

Sur la base d'un salaire de référence de 2 156,56 euros, la société SEPT doit être condamnée à payer à M. [U] la somme de 4 369,28 euros au titre de l'indemnité de licenciement.

La société SEPT doit être condamnée à payer à M. [U] le salaire correspondant à la période de mise à pied à titre conservatoire, soit 1 050 euros.

Le jugement sera infirmé de ces chefs.

Sur les heures supplémentaires

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux articles L. 3171-2 à L. 3171-4 du code du travail. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence de rappels de salaire, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Le conseil de prud'hommes a retenu que le salarié ne produisait aucun élément à l'appui de sa demande alors que l'employeur rapportait quant à lui la preuve que M. [U] travaillait 35 heures par semaine, temps de trajet d'un chantier à l'autre inclus.

A l'appui de sa demande, l'appelant produit une attestation d'un salarié qui indique en termes généraux que les salariés ne prenaient pas de pause et terminaient après 17h voire 17h30, sans préciser que M. [U] était concerné. Il verse aux débats un tableau qui indique pour une semaine le temps de travail consacré à chaque chantier, ajoute le temps de transport et mentionne une durée hebdomadaire d'heures supplémentaires de 10h10. Il s'agit d'une semaine type, qui ne détaille pas les horaires qui auraient été effectués par le salarié. Les conclusions indiquent que la somme est demandée de mars 2013 à mars 2016, sans préciser sur quelles périodes des horaires supplémentaires auraient été accomplies, notamment compte tenu des périodes de congés.

Les éléments produits par le salarié ne sont pas suffisamment précis.

M. [U] doit être débouté de sa demande de rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral

La demande de dommages et intérêts pour préjudice moral n'est formée que dans le cadre de la demande principale, et pas dans l'hypothèse où le licenciement aurait une cause réelle et sérieuse.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La société SEPT qui succombe supportera les dépens et sera condamnée à verser à M. [U] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes, sauf en ce qu'il a débouté M. [U] de ses demandes d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité pour préjudice moral et de rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

REQUALIFIE le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société SEPT, venant aux droits de la société LSN, à payer à M. [U] les sommes suivantes :

- 4 312 euros au titre de l'indemnité compensatrice et 431 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 050 euros au titre du rappel de salaire au cours de la mise à pied,

- 4 369,28 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

CONDAMNE la société SEPT aux dépens,

CONDAMNE la société SEPT à payer à M. [U] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 17/08500
Date de la décision : 22/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-22;17.08500 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award