Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRET DU 20 JUIN 2022
(n° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/22517 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBEJV
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Octobre 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2019002497
APPELANT
Monsieur [L] [P]
Domicilié [Adresse 2]
[Localité 3]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représenté par Me Johann BERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1744
INTIMEE
S.A.S. COTY FRANCE
Ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 3]
N° SIRET : 552 019 291
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753, Me Anne DUREAU, avocat au barreau de Paris ;
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Stanislas de CHERGÉ, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Edouard LOOS, président
Madame Sylvie CASTERMANS, conseillère
M. Stanislas DE CHERGE, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Sylvie MOLLÉ
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Monsieur Edouard LOOS, Président
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Edouard LOOS, Présidentr et par Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors du prononcé.
FAITS ET PROCÉDURE
La Sas Coty France (Coty), division « Professionnel Beauty » du groupe Wella-France, commercialise tout mobilier, outillage et produits capillaires auprès des professionnels de la coiffure.
La Sarl [Adresse 5] exploite un salon de coiffure sous l'enseigne « Jean Claude Biguine » au [Adresse 4]. M. [L] [P] en est le gérant et le porteur de parts majoritaires. Le fonds de la société [Adresse 5] a été cédé le 24 juillet 2017 à la Sas Deforges Art.
La société Wella-France a conclu avec la société [Adresse 5] le 4 mai 2015 un contrat d'avance sur remise de 30.000 euros en principal, outre des intérêts au taux de 4% l'an. En contrepartie, la société [Adresse 5] s'est engagée à s'approvisionner, durant cinq ans jusqu'au 31 mars 2020, en produits capillaires auprès de la société Wella-France, à hauteur de 22.099,83 euros Ht par an, moyennant une remise de 25% remboursant l'avance consentie.
Par acte sous seing privé en date du 4 mai 2015, M. [L] [P] s'est porté caution solidaire à hauteur de 33.149,74 euros des engagements de la société [Adresse 5], couvrant le principal, les intérêts et les frais inhérents à la dette.
Par courrier du 10 juin 2016, la société Coty a informé M. [L] [P] que la société [Adresse 5] n'avait pas payé la première échéance de remboursement et avait un solde débiteur, lui rappelant les 4 échéances restant à courir.
Par courrier du 27 avril 2017, la société Coty a informé la société [Adresse 5] d'un solde débiteur de 4.927,20 euros, ayant cessé de s'approvisionner chez la société Wella-France et retardant le remboursement de la seconde échéance annuelle.
Par mise en demeure du 18 avril 2018, la société Coty a demandé à la société [Adresse 5] de payer la somme de 23.500 euros, correspondant pour 22.354,23 euros au solde de l'avance non remboursée et pour 1.145,88 euros à des produits impayés.
La société Coty a mis en demeure le 28 juin 2018 M. [L] [P] d'honorer son engagement de caution pour un total de 23.500 euros. Cette lettre étant revenue non distribuée, une nouvelle mise en demeure a été dûment réceptionnée le 02 août 2018.
Par acte extrajudiciaire du 8 janvier 2019, la société Coty a assigné M. [L] [P] devant le tribunal de commerce de Paris.
Par jugement du 24 octobre 2019, le tribunal de commerce de Paris a statué comme suit :
-Déboute M. [L] [P] de sa demande d'écarter certaines pièces ;
-Dit que l'assignation est régulière et recevable et déboute M. [L] [P] de ses demandes à ce titre ;
-Déboute M. [L] [P] de ses demandes relatives à la prescription ;
-Condamne M. [L] [P] à payer à la Sas Coty France la somme de 23.500,11 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2018 ;
-Déboute M. [L] [P] de sa demande de délai de paiement ;
-Condamne M. [L] [P] à payer à la Sas Coty France la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Condamne M. [L] [P] aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 euros dont 12,20 euros de TVA ;
-Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement sans constitution de garantie.
Par déclaration du 5 décembre 2019, M. [L] [P] a interjeté appel du jugement.
Par dernières conclusions signifiées le 4 mars 2020, M. [L] [P] demande à la cour :
Vu les articles 1134 ancien et suivants, 1315 ancien, 2288 et suivants du code civil et 56 du code de procédure civile,
-Déclarer recevable et bien fondé l'appel de Monsieur [L] [P],
-Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 24 octobre 2019 en toutes ses dispositions,
-Débouter la Sarl Coty France de ses demandes, fins et conclusions,
-Condamner la Sarl Coty France à payer à M. [L] [P] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-Condamner la Sarl Coty France aux entiers dépens d'instance et d'appel.
Si par impossible la cour devait confirmer partiellement ou totalement le jugement dont appel,
Vu l'article 1343-5 du code civil,
-Accorder à Monsieur [L] [P] les plus larges délais de paiement.
Par dernières conclusions signifiées le 17 septembre 2021, la société Coty demande à la cour :
Vu les articles 2288 et suivants du code civil, 56 du code de procédure civile et L. 110-4 I du code de commerce,
-Déclarer l'appel interjeté par M. [L] [P] mal fondé ;
-Débouter M. [L] [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
-Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Y ajoutant
-Ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;
-Condamner M. [L] [P] au paiement de la somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Le condamner aux entiers dépens de l'instance.
SUR CE, LA COUR
Sur la régularité de l'assignation devant les premiers juges et la complétude des pièces produites
M. [L] [P] soutient que le « par ces motifs » ne reprend pas les textes légaux à l'appui desquels la société Coty France fonde ses demandes. La juridiction saisie est tenue au seul dispositif des derniers actes de procédure. Par conséquent, la nullité de l'assignation doit être prononcée. En l'état des pièces figurant au bordereau de l'assignation, aucune créance ne peut être fixée.
La société Coty réplique, au visa de l'article 56 du code de procédure civile, qu'elle a exposé ses moyens de fait et de droit dans l'objet de sa demande. L'assignation précise que « la demanderesse se voit dès lors fondée à entendre le tribunal en application des dispositions de l'article 2288 et suivants du code civil ». En conséquence, l'assignation est régulière et recevable.
Ceci étant exposé,
M. [L] [P] fait valoir à la fois l'irrégularité de la demande introductive d'instance du 26 juin 2017 et l'absence de pièces probantes au soutien de l'assignation qui est un moyen de fond.
S'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention, M. [L] [P], dans ses cinq lignes de motivation, n'a pas mentionné la référence à l'article 2288 du code civil se trouvant pourtant clairement dans le texte de l'assignation. Le procès-verbal de la Scp Nocquet en date du 08 janvier 2019 précise sur trois pages l'auteur de la requête, l'objet de la demande et la motivation, respectant les dispositions de l'article 56 du code de procédure civile. La société Coty détaille ainsi une demande de condamner M. [L] [P] à lui payer la somme de 23 500 euros, es qualité de caution. Comme l'ont relevé les premiers juges à juste titre, l'assignation est régulière.
En ce qui concerne les pièces fournies par la société Coty, M. [L] [P] modifie ses prétentions puisqu'il a fait valoir devant les premiers juges une demande portant sur la communication tardive de ces pièces. M. [L] [P] allègue devant la présente cour l'absence de pièces probantes accompagnant l'assignation devant les premiers juges, sans l'avoir soulevé devant ces derniers. Mais il y a lieu de relever que M. [L] [P] ne fournit aucun élément précis à l'encontre des huit pièces justificatives de la société Coty, lui-même en ayant présenté la quantité de cinq.
Il en résulte que les demandes de M. [L] [P] seront rejetées.
Sur la qualité de caution de M. [L] [P] et la prescription
M. [L] [P] fait valoir que les dispositions du code de la consommation lui profitent en sa qualité de caution personne physique d'une société commerciale. En application de l'article L. 218-2 de ce code, l'action se prescrit par deux ans. En l'espèce, le point de départ de la prescription se situe à compter du 10 juin 2016, date du premier impayé. L'action de la société est donc prescrite.
La société Coty réplique que le cautionnement souscrit par M. [L] [P] est un acte de commerce par accessoire en application de l'article L. 110-4 I du code de commerce emportant prescription de 5 ans. La première échéance annuelle impayée date du 31 mars 2017. L'action est intentée dans le délai de sorte que l'appelant doit être débouté de sa demande relative à la prescription.
Ceci étant exposé,
M. [L] [P] fait valoir une prescription de deux ans en sa qualité de personne physique bénéficiant des dispositions protectrices du code de la consommation.
Mais, d'une part, la société Wella-France a conclu le 04 mai 2015 avec la société [Adresse 5] un contrat d'avance sur remise de 30.000 euros. La société [Adresse 5] s'est engagée à s'approvisionner durant cinq ans en produits capillaires auprès de la société Wella-France. M. [L] [P], clairement mentionné en tant que représentant de la société [Adresse 5], a signé le contrat es qualité de gérant de la société [Adresse 5]. M. [L] [P] a donc la qualité de commerçant au moment de son engagement.
D'autre part, par acte sous seing privé en date du 4 mai 2015, M. [L] [P] s'est porté caution solidaire à hauteur de 33.149,74 euros des engagements de la société [Adresse 5]. Elisant domicile au siège social de la société [Adresse 5], M. [L] [P] a apposé son paraphe sur les quatre pages de la caution. Dans ce cadre, en rédigeant de façon manuscrite, en datant et en signant l'engagement de caution solidaire le 04 mai 2015, M. [L] [P] s'est engagé à « se constituer caution solidaire et indivisible de la société [Adresse 5] dans la limite de 33.149,74 , couvrant le paiement du principal et des intérêts, à rembourser les sommes dues sur ses revenus et ses biens si la société [Adresse 5] n'y satisfait pas avec renonciation aux bénéfices de discussion (...) ».
Par ailleurs, caution avertie, M. [L] [P] a été en mesure d'apprécier le risque résultant de son engagement, pour lequel il avait un intérêt patrimonial en tant que gérant et actionnaire majoritaire de la société [Adresse 5].
Enfin, M. [L] [P] n'apporte aucune justification sur l'existence d'une prescription qui ne serait pas celle de droit commun prévue à l'article L. 110-4 I du code de commerce. De fait, le point de départ ayant été fixé à juste titre par les premiers juges à la date du premier impayé le 10 juin 2016, il y a lieu de relever que le délai de prescription de cinq ans a été interrompu le 18 avril 2018, date de la première mise en demeure.
Il y a lieu en conséquence de confirmer les premiers juges en ce qu'ils ont débouté M. [L] [P] de ses demandes relatives à la prescription.
Sur la déchéance du terme
M. [L] [P] affirme n'avoir pas été informé du défaut de paiement de la société débitrice. La société Coty n'avait pas invité au préalable la société [Adresse 5] à régulariser la situation. Faute de mise en demeure préalable aux fins de régularisation, l'action de la société Coty France sera déclarée irrecevable.
La société Coty réplique, au visa de l'article 2288 du code civil, que la caution doit satisfaire à l'obligation si le débiteur n'y satisfait pas lui-même. En l'espèce, elle a adressé une mise en demeure le 18 avril 2018 à la société [Adresse 5]. Par ailleurs, l'article 5 du contrat prévoit que l'avance devient de plein droit exigible en cas de non-paiement. L'appelant a été informé tous les ans et doit être débouté de sa demande d'absence de déchéance du terme.
Ceci étant exposé,
Celui qui réclame l'extinction d'une obligation doit la prouver.
D'une part, M. [L] [P] a signé et paraphé l'acte de caution solidaire du 4 mai 2015, reconnaissant notamment contracter son engagement de caution en pleine connaissance de la situation financière et juridique du débiteur, la société [Adresse 5], dont il lui appartiendra de suivre personnellement l'évolution, indépendamment des renseignements que le créancier pourrait éventuellement lui communiquer.
D'autre part, les premiers juges se sont référés à juste titre aux autres stipulations de l'acte de cautionnement, réfutant toute obligation de subordonner l'exécution de l'engagement de caution de M. [L] [P] à une mise en demeure préalable du débiteur par le créancier, les écritures du créancier étant opposables.
Par ailleurs, M. [L] [P] ne justifie pas de sa bonne foi dans l'exécution de son engagement dans la mesure où la société Coty a mis en demeure le 18 avril 2018 la société [Adresse 5], dont il est le gérant, de payer la somme de 23 500 euros Ttc.
Il en résulte que la demande de M. [L] [P] sera rejetée.
Sur la créance de la société Coty et les délais de paiement
M. [L] [P] conteste le montant de la créance sollicité à son encontre faute par la société Coty France de présenter la reddition des comptes et les pièces comptables justifiant l'absence d'exécution par la Sarl [Adresse 5] de son engagement de fourniture. Ce montant ne peut être justifié par un simple décompte non certifié par un expert-comptable ou un commissaire au compte. L'intimée n'apporte pas la preuve du caractère certain de sa créance et des pièces permettant de vérifier l'exactitude de la dette restant due par la débitrice principale. M. [L] [P] estime avoir justifié de la baisse de ses ressources et sollicite des délais de paiement.
La société Coty rappelle qu'en matière commerciale, la preuve est libre. Elle a produit un relevé de compte certifié le 14 septembre 2018 dont le montant n'est pas contesté par l'appelant qui n'a pas fait délivrer une sommation de produire des preuves ou demandé la désignation d'un expert comptable afin d'établir les comptes entre les parties. Les relevés de comptes étaient systématiquement annexés aux lettres envoyées au débiteur principal et à la caution. Le relevé certifié du 14 septembre 2018 récapitule de façon claire et synthétique les sommes dues. L'appelant doit être débouté de sa demande de délais de paiement, il ne rapporte pas la preuve de la baisse de ses ressources et il a déjà bénéficié de 36 mois par le biais de cette procédure.
Ceci étant exposé,
M. [L] [P] fait valoir des obligations à l'encontre de son cocontractant qui sont absentes de l'engagement souscrit le 04 mai 2015. S'il prétend exiger une « reddition de comptes » de la part de son créancier, il est dans l'incapacité de justifier qu'il s'est acquitté de ses propres obligations. Il ne fournit lui-même aucun élément sur la société [Adresse 5] qui ne conserve à ce jour aucune activité selon le Kbis fourni par son contradicteur.
Les premiers juges ont dit que la société Coty a mis en demeure la société [Adresse 5] le 18 avril 2018 de payer la somme de 23 500 euros Ttc, que le relevé du compte client du 18 avril 2018 n'a pas été contesté par M. [L] [P] et que la société Coty détient une créance liquide, certaine et exigible à l'encontre de ce dernier d'un montant de 23 500,11 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2018, date de la mise en demeure portant sur ce montant. Il y a lieu par adoption de motifs de confirmer les premiers juges.
La solution du litige conduira à rejeter l'octroi de délais de paiement, M. [L] [P] ne justifiant sur ce point d'aucune intention d'entamer un échéancier de paiement, d'autant que le ménage fiscal qu'il constitue avec une autre personne perçoit chaque année des revenus fonciers (8 400 euros en 2017, 10 080 euros en 2018) et des revenus de capitaux mobiliers, outre des revenus salariaux.
Il y a lieu en conséquence de confirmer les premiers juges en ce qu'ils ont condamné M. [L] [P] à payer à la société Coty la somme de 23.500,11 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2018, outre la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et l'ont débouté de sa demande de délais de paiement.
Au vu de la demande de la société Coty, il y a lieu d'ajouter à la condamnation précitée la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil et de rejeter toutes les autres demandes.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement déféré ;
Y ajoutant,
DIT que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt, conformément à l'article 1343-2 du code civil ;
REJETTE toute autre demande ;
CONDAMNE M. [L] [P] à payer à la société Coty France la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [L] [P] aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
S.MOLLÉ E.LOOS