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17/06/2022 | FRANCE | N°18/13752

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 17 juin 2022, 18/13752


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 17 Juin 2022



(n° , 6 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/13752 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B64ET



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Décembre 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRETEIL RG n° 17/00348





APPELANTE

Société [4]

[Adresse 1]

[Localité 3]

repré

sentée par Me Paul SORIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0888 substitué par Me Emilie PARANCE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1265





INTIMEE

URSSAF PARIS - ILE DE FRANCE

Division des reco...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 17 Juin 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/13752 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B64ET

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Décembre 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRETEIL RG n° 17/00348

APPELANTE

Société [4]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Paul SORIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0888 substitué par Me Emilie PARANCE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1265

INTIMEE

URSSAF PARIS - ILE DE FRANCE

Division des recours amiables et judiciaires

[Adresse 6]

[Localité 2]

représentée par M. [Z] [L] en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre

Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller

Greffier : Madame Alice BLOYET, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre et par Madame Alice BLOYET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la société [4] d'un jugement rendu le 6 décembre 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil dans un litige l'opposant à l'Urssaf de l'Ile de France.

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que suite l'Urssaf d'Ile de France (l'Urssaf) a notifié le 6 janvier 2016 à la société [4] (la société) par une lettre d'observations, un rappel de cotisations et contributions sociales pour la somme de 149 695 euros correspondant à la mise en oeuvre de la solidarité financière suite au constat de l'infraction de travail dissimulé par dissimulation de salariés reprochée à la société [5] ; que l'Urssaf a délivré le 2 juin 2016 une mise en demeure invitant la société à régler cette somme ; qu'après avoir saisi en vain la commission de recours amiable, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil, lequel par jugement du 6 décembre 2017 a :

- déclaré le recours de la société [4] recevable, mais mal fondé,

- confirmé la décision de la commission de recours amiable de l'Urssaf d'Ile de France du 12 décembre 2016,

- accueilli la demande reconventionnelle de l'Urssaf,

- dit qu'au titre que la solidarité financière prévue à l'article L.8222-2 du code du travail, la société devra verser à l'Urssaf la somme de 149 695 euros représentant les cotisations dues pour l'année 2013.

La société [4] a interjeté appel de ce jugement le 7 décembre 2018. La copie du jugement qu'elle a annexée à sa déclaration porte mention d'une notification en date du 23 octobre 2018, mais le dossier de la juridiction de premier ressort ne comporte aucun élément permettant de connaître les conditions et la date de la notification de la décision à l'appelante.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 31 janvier 2022 et en cours de délibéré, l'Urssaf a communiqué le procès-verbal de travail dissimulé et la Cour a réouvert les débats à l'audience du 16 mai 2022 aux fins de recueillir les moyens et les explications des parties sur cette pièce.

Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience par son conseil, la société demande à la cour de :

- reformer en totalité le jugement déféré,

- ordonner la décharge en faveur de la société [4] de la totalité des sommes mises à sa charge par l'Urssaf, au titre de la solidarité prévue par les articles L. 8222-1 et suivants du Code du Travail, à savoir : 149 695 euros,

En toute hypothèse,

- limiter le montant des cotisations sociales susceptibles d'être réclamées à la société [4] à : 31.250 euros au titre de l'année 2013, et ce compte tenu du nombre de personne ayant travaillé sur les chantiers dont elle était le donneur d'ordre.

- condamner l'Urssaf à régler à la société [4] une somme de : 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Dans des écritures reprises oralement à l'audience par son représentant, l'Urssaf demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner la société à lui payer 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties déposées le 16 mai 2022 pour un plus ample exposé des moyens développés et soutenus à l'audience.

SUR CE, LA COUR

1. Sur la communication du procès verbal dressé à l'encontre du sous-traitant

Les parties s'opposent sur l'étendue de l'obligation de production du procès-verbal de travail dissimulé dressé à l'encontre de la société sous-traitante.

L'appelante soutient que faute pour l'Urssaf de produire devant le Pôle social ce procès-verbal, l'organisme social n'est pas fondé à mettre en oeuvre la solidarité financière. Mais il résulte de l'arrêt de la Cour de cassation du 8 avril 2022 qu'elle sollicite pour appuyer ce moyen de droit, que l'organisme de sécurité sociale est tenu de produire ce procès-verbal devant les juges du fond en cas de contestation par le donneur d'ordre de l'existence ou du contenu de ce document. Il ne résulte ni de la jurisprudence, ni des textes normatifs que l'Urssaf est tenu de produire cette pièce en l'absence de demande du cotisant ou avant toute procédure contentieuse. Or, au cas particulier, il ne résulte pas du jugement entrepris que l'appelante a formé une demande de production du procès-verbal devant le premier juge, dès lors ce moyen est sans portée.

L'appelante soutient également que le procès-verbal produit par l'intimée est incomplet car les annexes visées par ce procès-verbal ne sont pas produites. La cour constate que le procès-verbal de l'audition du directeur général de la société [4] (pièce n°7 de l'Urssaf) est communiqué sous forme de document papier et que le reste des annexes de ce procès-verbal (pièces n°6 de la cour) a été communiqué sur une clé Usb remise à la Cour.

Dès lors, la cour constate que l'Urssaf a rempli son obligation de produire le procès-verbal d'infraction et que le moyen soulevé par l'appelante sur ce point ne peut être retenu.

2. Sur la mise en oeuvre de la solidarité financière

Il résulte des dispositions de l'article L. 8222-2 du code du travail, dans sa version applicable au litige, que :

« Toute personne qui méconnaît les dispositions de l'article L. 8222-1, ainsi que toute personne condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, est tenue solidairement avec celui qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé:

- Au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale ;

- Le cas échéant, au remboursement des sommes correspondant au montant des aides publiques dont il a bénéficié ;

-Au paiement des rémunérations, indemnités et charges dues par lui à raison de l'emploi de salariés n'ayant pas fait l'objet de l'une des formalités prévues aux articles L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche et L. 3243-2, relatif à la délivrance du bulletin de paie. »

Il résulte des dispositions de l'article L.8222-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, que «Toute personne vérifie lors de la conclusion d'un contrat dont l'objet porte sur une obligation d'un montant minimum en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce, et périodiquement jusqu'à la fin de l'exécution du contrat, que son cocontractant s'acquitte des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5».

L'article D.8222-5 du même code applicable, à savoir celui issu du décret n°2011-1601 du 21 novembre 2011, prévoit que :

« La personne qui contracte, lorsqu'elle n'est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l'article D. 8222-4, est considérée comme ayant procédé aux vérifications imposées par l'article L.8222-1 si elle se fait remettre par son cocontractant, lors de la conclusion et tous les six mois jusqu'à la fin de son exécution :

1° Une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale prévue à l'article L. 243-15 émanant de l'organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et des contributions datant de moins de six mois dont elle s'assure de l'authenticité auprès de l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale. 
2° Lorsque l'immatriculation du cocontractant au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers est obligatoire ou lorsqu'il s'agit d'une profession réglementée, l'un des documents suivants : 
a) Un extrait de l'inscription au registre du commerce et des sociétés (K ou K bis) ; 
b) Une carte d'identification justifiant de l'inscription au répertoire des métiers ; 
c) Un devis, un document publicitaire ou une correspondance professionnelle, à condition qu'y soient mentionnés le nom ou la dénomination sociale, l'adresse complète et le numéro d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ou à une liste ou un tableau d'un ordre professionnel, ou la référence de l'agrément délivré par l'autorité compétente ; 
d) Un récépissé du dépôt de déclaration auprès d'un centre de formalités des entreprises pour les personnes en cours d'inscription. »

Pour contester la mise en oeuvre à son encontre de la solidarité financière prévue aux textes susvisées, l'appelante fait valoir qu'il ressort de l'audition de son directeur général que la société [5] n'a mis à sa disposition, dans le cadre de la sous-traitance, que deux ou trois salariés par chantier et qu'il n'y a jamais eu de chantier simultané et que par ailleurs, le procès-verbal de constatation d'infraction indique que s'il a été constaté que plus de 300 personnes physiques ont bénéficié de règlements de la société [5] au cours de la période contrôlée, il est établi qu'elle a déclaré deux salariés. L'appelante indique qu'à aucun moment l'Urssaf ne souligne que les salariés, ayant travaillé pour le compte du donneur d'ordre [4], n'auraient pas été déclarés par le sous-traitant. Elle ajoute : « En d'autres termes, rien ne peut dire que la sous-traitance effectuée par la société [5] pour le compte de la société [4] n'aurait pas fait l'objet de déclarations sociales correspondantes »

Ce raisonnement fait litière de la règle de droit qui n'impose pas à l'organisme de sécurité sociale démontrer que le sous-traitant a employé dans le cadre de la mission qui lui a été confiée par le donneur des salariés dont le travail était dissimulé, mais qui permet de mettre en oeuvre la solidarité financière à l'encontre du second dès lors qu'il est établi qu'il n'a pas procédé aux vérifications mises à sa charge par les articles L.8222-1 et D.8222-5 du code du travail. Or, force est de constater que l'appelante ne conteste pas ce manquement qui lui est reproché par l'organisme de sécurité sociale.

Dès lors, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation de la cause et des droits des parties, il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a dit que le principe de la solidarité financière mise en oeuvre à l'encontre de l'appelante était fondé.

3. Sur la validité de la lettre d'observations et le quantum du redressement

L'appelante conteste à la fois le quantum de la somme mis à la charge et la validité de la lettre d'observations.

La lettre d'observations du 6 janvier 2016 mentionne : « Par mesure de cohérence, nous avons retenu les dates d'encaissement réalisées pour fixer les périodes de réintégration des cotisations et contributions sociales ci-dessus indiquées ».

L'appelante soutient que cette lettre d'observations n'est pas motivée au motif que la solidarité a été mise en oeuvre au titre de l'année 2013, alors qu'elle aurait confié des travaux de sous-traitance à la société [5] dès le courant de l'année 2012, ces travaux n'ayant été payé qu'au cours de l'année 2013. Elle soutient que les sommes correspondant aux travaux réalisés par le sous-traitant en 2012 n'auraient pas du être prises en compte pour le calcul du redressement. La cour constate que contrairement à ce qu'affirme l'appelante, la lettre d'observations est parfaitement motivée, puisque l'inspecteur a indiqué clairement qu'il s'était basé sur les dates d'encaissement des sommes pour calculer le montant du redressement et que les objections qu'elle formule constituent une contestation des sommes retenues pour calculer le redressement. Si l'appelante soutient qu'une partie des sommes réintégrées dans l'assiette des cotisations sociales correspond à des contrats de sous-traitance conclus et exécutés en 2012, elle n'en rapporte pas la preuve. Ce moyen, qui en tout état de cause, n'est pas susceptible d'entraîner la lettre d'observations sera écarté.

L'article L.8222-3 du code du travail dispose :

« Les sommes dont le paiement est exigible en application de l'article L. 8222-2 sont déterminées à due proportion de la valeur des travaux réalisés, des services fournis, du bien vendu et de la rémunération en vigueur dans la profession. »

Il ressort de la lettre d'observations que l'organisme de sécurité sociale a calculé, au vu des paiements effectués par la société [4] à la société [5], le ratio représenté par la part du donneur d'ordre dans le chiffre d'affaires du sous-traitant pour l'année 2013 (page 2 de la lettre d'observations, pièce n°2 de l'intimée). Ce ratio calculé à 18,62% n'est pas en lui-même contesté. Le calcul proposé par l'appelante dans ses conclusions, outre qu'il ne correspond pas au texte précité, repose sur l'affirmation non établie que les missions ressortant des contrats de sous-traitance conclus entre les deux sociétés auraient été effectuées uniquement par les deux salariés déclarés par la société [5].

Dès lors, le redressement mis à la charge de l'appelante a été calculé conformément aux dispositions ci-dessus rappelées.

La décision du premier juge doit être confirmée.

4. Sur l'article 700 du code de procédure civile

La société [4] sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles et condamnée à payer la somme de 1 500 euros à l'Urssaf de l'Ile de France à ce titre.

5. Sur les dépens

La société [4], succombant en cette instance, devra en supporter les dépens engagés depuis le 1er janvier 2019.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil du 6 décembre 2017 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute la société [4] de sa demande au titre des frais irrépétibles et la condamne à payer à l'Urssaf d'Ile de France la somme de 1 500 euros à ce titre,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,

Condamne la société [4] aux dépens de la procédure d'appel engagés depuis le 1er janvier 2019.

La greffière,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 18/13752
Date de la décision : 17/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-17;18.13752 ?
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