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17/06/2022 | FRANCE | N°18/09524

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 17 juin 2022, 18/09524


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 17 Juin 2022



(n° , 6 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/09524 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6G4D



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Mai 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 17-01253





APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS

[Adresse 1]

[L

ocalité 3]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901







INTIMEE

SA [5]

[Adresse...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 17 Juin 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/09524 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6G4D

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Mai 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 17-01253

APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

INTIMEE

SA [5]

[Adresse 2] - [6]

[Localité 4]

représentée par Me Valérie SCETBON GUEDJ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0346 substituée par Me Emilie WILBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0346

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre

Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller

Greffier : Madame Alice BLOYET, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre et par Madame Alice BLOYET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par l'Assurance maladie de Paris (la caisse) d'un jugement rendu le 28 mai 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige l'opposant à la société [5].

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [S] [V], salarié de la société [5] (la société), a été victime d'un accident du travail le 25 janvier 2007 ; que par courrier du 7 février 2007 la caisse a informé la société de sa décision de prendre en charge cet accident au titre de la législation professionnelle ; que l'état de santé de M. [V] a été considéré comme consolidé le 17 janvier 2008 ; que la société a saisi la commission de recours amiable le 3 octobre 2011 en vue de contester la durée des soins et arrêts de travail pris en charge dans l'intérêt de M. [V] ; qu'à défaut de réponse dans le délai, le 20 juin 2013 elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny lequel par jugement du 28 mai 2018, a :

- dit recevable l'action de la société [5],

- dit que la prescription n'est pas acquise à l'égard de la société [5],

- constate que la caisse ne justifie pas de la continuité des arrêts et soins consécutifs à l'accident du travail déclaré le 25 janvier 2007 par M. [V] à compter du 2 mai 2007,

- dit qu'en l'absence de continuité, la présomption d'imputabilité ne s'applique pas à la prise en charge des arrêts et soins prescrits à compter du 2 mai 2007,

- déclare inopposable à la société l'ensemble des arrêts et soins postérieurs au 2 mai 2007,

- rappelle que la procédure est gratuite et sans frais.

La caisse, le 31 juillet 2018, a interjeté appel de ce jugement, notifié le 10 juillet 2018 par courrier dont la date de réception n'est pas connue.

Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience par son avocat, la caisse demande à la cour de :

- infirmer le jugement,

en conséquence,

à titre principal,

- déclarer la société irrecevable car prescrite en sa contestation de l'opposabilité des soins et arrêts dont a bénéficié son salarié au titre de l'accident du travail du 25 janvier 2007,

à titre subsidiaire,

- débouter la société de l'ensemble de ses demandes,

- déclarer toutes les conséquences de l'accident du travail du 25 janvier 2007 opposables à la société jusqu'à la date de consolidation,

en tout état de cause,

- condamner la société en tous les dépens.

La caisse fait valoir en substance qu'en application des dispositions de l'article 2224 du code civil, l'action de la société est prescrite ; à compter du 19 juin 2008 (date d'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008) la prescription quinquennale était applicable et la société avait donc jusqu'au 19 juin 2013 pour saisir le tribunal des affaires de sécurité sociale de sa contestation de la durée de prise en charge or elle l'a fait hors délai le 20 juin 2013 ; la saisine de la commission de recours amiable, le 3 octobre 2011, n'a pas interrompu la prescription, l'accident du travail étant survenu avant l'entrée en vigueur de la réforme issue du décret de 2009 alors que la saisine de la commission de recours amiable n'était pas un préalable obligatoire à la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale par l'employeur; l'avis du médecin conseil de la société n'est pas suffisant pour renverser la présomption d'imputabilité et n'est pas de nature à rapporter la preuve d'une cause totalement étrangère au travail ni même un commencement de preuve en ce sens.

Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience par son avocat, la société [5] demande à la cour de :

à titre liminaire,

- déclarer son recours recevable et bien fondé,

- confirmer le jugement,

à titre principal,

- juger que la caisse ne démontre aucunement la continuité de symptômes et de soins à compter du 2 mai 2007,

- juger dès lors que la présomption d'imputabilité ne saurait s'appliquer en l'espèce dès lorsque le défaut de continuité des arrêts et soins est démontré,

en conséquence,

- juger que l'ensemble des prestations, arrêts et soins prescrits et pris en charge au titre de I'accident du 25 janvier 2007 doivent lui être jugés inopposables postérieurement au 2 mai 2007,

à titre subsidiaire,

- juger qu'il existe un litige d'ordre médical portant sur la réelle imputabilité des lésions, prestations, soins et arrêts de travail indemnisés au titre de I'accident survenu le 25 janvier 2007 à M. [V],

- ordonner, avant dire droit au fond, une expertise médicale judiciaire confiée à tel expert avec pour mission :

*de prendre connaissance des documents détenus par la caisse concernant les prestations prises en charge au titre de I'accident survenu le 25 janvier 2007 à M. [V],

*de déterminer exactement les lésions initiales provoquées par I'accident,

*de fixer la durée des arrêts de travail et des soins en relation directe avec ces lésions,

*de dire si I'accident a seulement révélé ou s'iI a temporairement aggravé un état indépendant à décrire et dans ce dernier cas, dire à partir de quelle date cet état est revenu au statu quo ante ou a recommencé à évoluer pour son propre compte,

*en tout état de cause, dire à partir de quelle date la prise en charge des lésions, prestations, soins et arrêts au titre de la législation professionnelle n'est plus médicalement justifiée au regard de l'évolution du seul état consécutif à I'accident,

*fixer la date de consolidation des seules lésions consécutives à I'accident à l'exclusion de tout état indépendant évoluant pour son propre compte,

en tout état de cause,

- renvoyer l'affaire à une audience ultérieure pour qu'il soit débattu du caractère professionnel des soins et arrêts en cause.

La société fait valoir en substance que la caisse ne démontre pas l'existence du point de départ de la prescription invoquée à savoir la date du fait générateur qui lui aurait permis d'exercer son recours en contestation des arrêts de travail et des soins ; la saisine de la commission de recours amiable intervenue le 3 octobre 2011 avant l'expiration du délai de prescription a un effet interruptif ; il résulte des conclusions de son médecin conseil le docteur [O] que postérieurement au 2 mai 2007 la poursuite des arrêts de travail et des soins n'était plus médicalement justifiée ; à tout le moins la note du docteur [O] constitue le commencement de preuve d'un litige d'ordre médical sur l'imputabilité et le bien fondé des arrêts pris en charge que seul le recours à une expertise médicale pourrait permettre de trancher.

En application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties déposées le 16 mai 2022 pour l'exposé des moyens développés et soutenus à l'audience.

SUR CE, LA COUR

1. Sur la prescription de l'action en inopposabilité

La caisse soutient que le point de départ du délai de la prescription serait la date de la consolidation, soit le 17 janvier 2008, avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 modifiant la durée de la prescription de droit commun. Dans la mesure où l'article 26 de cette loi prévoyait que les dispositions réduisant la durée de prescription s'appliquaient à compter du jour de son entrée en vigueur, l'appelante affirme que le nouveau délai de prescription de 5 ans a commencé de courir le 19 juin 2008 pour expirer le 19 juin 2013.

La société oppose à cette fin de non recevoir le fait que le date de consolidation ne lui a pas été notifiée par la caisse, ce que ne conteste pas l'appelante. Dès lors, cette dernière échoue à démontrer que l'employeur a connu les faits lui permettant de l'exercer à la date du 17 janvier 2008.

La caisse fait également valoir que l'employeur a établi le 1er juin 2007 une attestation de salaire au titre de la législation professionnelle faisant référence et précisait que le salarié était toujours en arrêt de travail. Elle soutient que l'employeur était donc avisé de la situation de son salarié. Mais cette attestation a été rédigé avant même la prescription des arrêts et des soins dont l'employeur conteste l'opposabilité à son encontre. Dès lors, la caisse ne peut sérieusement soutenir que le point de départ de la prescription se situe avant même la naissance de l'action à laquelle elle est attachée.

Enfin, il convient de rappeler que l'employeur conteste au cas précis, la prise en charge par l'organisme de sécurité sociale des arrêts et soins au titre de la législation professionnelle et que le fait que le salarié lui adresse un certificat médical d'arrêt au titre de la législation professionnelle n'emporte pas nécessairement que la caisse le prenne en charge comme tel. Dès lors, cette remise ou le constat par l'employeur que le salarié se prévaut d'une prescription d'arrêt de travail dans le cadre de la législation professionnelle ne peut pas caractériser le point de départ de la prescription de l'action en contestation de l'opposabilité de cette prise en charge.

Dès lors, la caisse n'établit le point de départ de la prescription dont elle se prévaut.

2. Sur l'opposabilité de la prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels des arrêts et soins prescrits à l'assuré

L'employeur ne conteste pas en cause d'appel la matérialité et la prise en charge de l'accident du travail survenu le 27 janvier 2007 mais sollicite que lui soient déclarés inopposables les arrêts de travail et les soins pris en charge au titre de la législation professionnelle postérieurement au 2 mai 2017.

La présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d' incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire, à savoir celle de l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou la maladie ou d'une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs.

Par ailleurs, il résulte de la combinaison des articles 10, 143 et 146 du code de procédure civile que les juges du fond apprécient souverainement l'opportunité d'ordonner les mesures d'instruction demandées; que le fait de laisser ainsi au juge une simple faculté d'ordonner une mesure d'instruction demandée par une partie, sans qu'il ne soit contraint d'y donner une suite favorable, ne constitue pas en soi une violation des principes du procès équitable, tels qu'issus de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En l'espèce, il convient de relever qu'il résulte de la déclaration d'accident du travail établie le 30 janvier 2017 que : « en tirant une voiture repas, pendant le service, (le salarié) a ressenti une violente douleur dans le bas du dos à type poignard ». Le certificat médical initial établi le fait état d'un « lumbago aigu» et prescrit un arrêt de travail jusqu'au 11 février 2007 et des soins jusqu'au 28 février 2007.

L'état de santé de la victime a été déclaré consolidé sans séquelles indemnisables le 17 janvier 2008(pièce n°18 de la caisse).

Il ressort des pièces produites par les parties que des arrêts de travail et soins ont été prescrits au salarié jusqu'au 2 mai 2007. Un nouvel arrêt de travail a été prescrit le 26 mai 2007 jusqu'au 14 juin 2006, lequel s'est trouvé prolongé à compter de cette date, à plusieurs reprises, mais sans interruption, jusqu'au 17 janvier 2008, date de la consolidation.

L'employeur a fait examiner les certificats médicaux par le docteur [O], mandaté par ses soins, qui indique que l'assuré a repris le travail entre le 2 mai et le 26 mai 2007, en précisant « Nous avons d'ailleurs, dans ce dossier, une fiche de la médecine du travail qui, le 3 mai 2007, autorise la reprise du travail ». La cour constate que cette fiche de la médecine du travail n'est pas produite aux débats.

La cour relève également que s'il est indiqué dans ce rapport que le certificat médical du 13 juillet 2007 indique effectivement « Repos campagne », cette mention figure en regard de la rubrique « sorties autorisées » et qu'au titre des renseignements médicaux, le rédacteur a noté « Lumbago d'effort ». A cet égard, l'ensemble des certificats médicaux, y compris ceux rédigés à compter du 26 mai 2007 mentionne à titre de renseignements médicaux un « lumbago d'effort » et dès lors, la caisse peut valablement se prévaloir de la présomption d'imputabilité de ces arrêts et soins à l'accident du travail du 27 janvier 2007, l'interruption de la prescription de soins ou d'arrêts entre le 2 mai et le 26 mai 2007 n'étant pas en elle-même de nature à écarter cette présomption.

Le docteur [O] relève qu'à compter du 26 mai 2007, les certificats prescrivant des arrêts et des soins, qui mentionnent tous au titre des renseignements médicaux un « lumbago d'effort » et ne font état d'aucune complication justifiant la longueur totale des arrêts de travail, alors que la littérature médicale sur cette question prescrit pour un lumbago isolé un arrêt de travail de quelques jours et il affirme « qu'en l'état actuel des documents qui sont transmis, il n'y a pas de justification médicale à la poursuite des soins et arrêts de travail et des soins au-delà de la prescription initiale de reprise de travail, c'est à dire le 2 mai 2007 ». Mais aucun de ces arguments n'est de nature à commencer d'établir qu'il existe état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou d'une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs au 2 mai 2007.

Dès lors, l'ensemble des soins et arrêts prescrits à M. [V] et pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels comme en lien avec l'accident du travail qu'il a subi le 27 janvier 2007 doivent être déclarés opposables à la société [5], précision faite que le certificat médical du 10 janvier 2008 prescrit un arrêt de travail jusqu'au 17 janvier 2008 et des soins jusqu'au 17 avril 2008.

La décision du premier juge doit être infirmée.

3. Sur les dépens

La société [5], succombant en cette instance, devra en supporter les dépens engagés depuis le 1er janvier 2019.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny du 28 mai 2018 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau ;

Déclare opposable la prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels à la société [5] les arrêts de travail jusqu'au 17 janvier 2008 et des soins prescrits jusqu'au 17 avril 2008 à M. [V] au titre de l'accident du travail survenu le 27 janvier 2007,

Déboute la société [5] du surplus de ses demandes,

Y ajoutant,

Condamne la société [5] aux dépens de la procédure d'appel engagés depuis le 1er janvier 2019.

La greffière,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 18/09524
Date de la décision : 17/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-17;18.09524 ?
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