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16/06/2022 | FRANCE | N°21/153147

France | France, Cour d'appel de Paris, B1, 16 juin 2022, 21/153147


Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 16 JUIN 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/15314 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEIDX

Décision déférée à la cour :
jugement du 23 juillet 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 20/81817

APPELANTE

S.C.P. PAUL AKAR
[Adresse 1]
[Localité 3]

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151r>Plaidant par Me Jacques ZOUKER, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

S.C.I. LA PALOISE
[Adresse 4]
[Localité 2]

Représentée par Me Karine L...

Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 16 JUIN 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/15314 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEIDX

Décision déférée à la cour :
jugement du 23 juillet 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 20/81817

APPELANTE

S.C.P. PAUL AKAR
[Adresse 1]
[Localité 3]

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
Plaidant par Me Jacques ZOUKER, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

S.C.I. LA PALOISE
[Adresse 4]
[Localité 2]

Représentée par Me Karine LE STRAT de l'ASSOCIATION L et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : J060

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre, et Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier, présent lors de la mise à disposition.

Déclarant agir en vertu d'un acte notarié en date du 6 octobre 2015 contenant reconnaissance de dette et affectation hypothécaire, la SCP Paul Akar a, le 30 juillet 2020, dressé un procès-verbal de saisie-attribution entre les mains de la SCI La Paloise et à l'encontre de M. [S], pour avoir paiement de la somme de 137 047,32 euros. Cette mesure d'exécution a été dénoncée au débiteur le 4 août 2020, puis un certificat de non contestation sera établi le 12 octobre 2020 et signifié au tiers saisi le 29 octobre suivant.

La SCI La Paloise étant resté taisante suite à la délivrance du procès-verbal de saisie-attribution, et n'ayant rien réglé à la SCP Paul Akar, celle-ci l'a assignée en paiement, au visa de l'article R 211-5 du code des procédures civiles d'exécution, devant le juge de l'exécution de Paris qui, selon jugement en date du 23 juillet 2021, a rejeté ses demandes, tant au titre de la condamnation du tiers saisi aux causes de la saisie-attribution que des dommages et intérêts.

Selon déclaration en date du 5 août 2021, la SCP Paul Akar a relevé appel de ce jugement.

En ses conclusions notifiées le 8 mars 2022, la SCP Paul Akar a exposé :

- qu'il existait une collusion manifeste entre M. [S] et la SCI La Paloise (représentée par Mme [S]) ;
- que le procès-verbal de saisie-attribution avait été notifié à la SCI La Paloise dans les formes de l'article 659 du code de procédure civile, mais que Mme [S] avait reçu une copie de cet acte par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ;
- que la SCI La Paloise avait donc été pleinement informée de la procédure d'exécution litigieuse ;
- que conformément l'article R 211-5 alinéa 1 du code des procédures civiles d'exécution, dès lors que la SCI La Paloise avait failli à son obligation de renseignement, elle devait être condamnée au paiement des causes de la saisie, sauf si au jour de celle-ci elle n'était tenue à aucune dette envers le débiteur ;
- que cette exception ne devait être retenue qu'en l'absence de toute obligation et de collusion entre le débiteur et le tiers saisi ;
- que tel n'était pas le cas en l'espèce, dans la mesure où M. [S] faisant l'objet d'une mesure de faillite personnelle prononcée par le Tribunal de commerce de Paris le 28 mars 2017, il perdait la qualité d'associé dans la SCI La Paloise par application de l'article 1860 du code civil, si bien que ses parts devaient lui être remboursées ;
- que lors de la délivrance de la saisie-attribution, la SCI La Paloise aurait dû à tout le moins déclarer à l'huissier de justice instrumentaire que les parts sociales qu'il détenait étaient en cours d'évaluation ;
- que leur valeur était de 85 000 euros environ ;
- qu'il en résultait que M. [S] était bien créancier de la SCI La Paloise à ce titre ;
- que de plus, cette dernière n'avait jamais produit les procès-verbaux des assemblées générales ni ne tenait ses comptes, alors qu'en réalité M. [S] devait percevoir environ 4 200 euros par an de dividendes ;
- que l'intéressé se prétendant sans ressources, le défaut de paiement des sommes à lui dues revêtait de toute évidence un caractère frauduleux ;
- que les déclarations fiscales de la SCI La Paloise, qui du reste avaient été établies par Mme [S], montraient qu'elle percevait des bénéfices substantiels ;
- subsidiairement, que des dommages et intérêts seraient dus par l'intéressée eu égard aux fautes commises, à la violation de ses obligations légales et contractuelles, et à la collusion frauduleuse existant entre la SCI et M. [S].

La SCP Paul Akar a demandé à la Cour d'infirmer le jugement, et de condamner la SCI La Paloise au paiement de la somme de 138 068,25 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, sur le fondement de l'article R 211-5 alinéa 1 du code des procédures civiles d'exécution ou subsidiairement de l'alinéa 2. En outre elle a réclamé la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

En ses conclusions notifiées le 9 février 2022, la SCI La Paloise a soutenu :

- que la sanction édictée à l'article R 211-5 du code des procédures civiles d'exécution ne pouvait être prononcée que si le tiers saisi était en mesure de fournir sur le champ les renseignements demandés ;
- qu'elle n'avait pu s'exécuter puisque la saisie-attribution lui avait été notifiée dans les formes de l'article 659 du code de procédure civile ;
- que la sommation de fournir les renseignements qui avait été délivrée ultérieurement l'avait été à Mme [S] et non pas à la SCI La Paloise ;
- qu'il n'existait pas de dette de la SCI La Paloise vis à vis de M. [S], puisque la distribution des dividendes n'avait pas été votée en assemblée générale, ces dividendes n'ayant pas d'existence avant la constatation des sommes distribuables et la détermination des droits de chaque associé ;
- que l'assemblée générale était souveraine pour décider de distribuer ou non des dividendes ;
- que de plus, s'agissant de la valeur des parts sociales, l'exclusion de M. [S] en tant qu'associé du fait de la mesure de faillite personnelle le frappant ne pouvait prendre effet qu'à compter de la décision des associés le constatant ;
- qu'elle n'avait commis aucune faute, l'éventuelle violation des dispositions de l'article 1816 du code civil prévoyant que le gérant devait, au moins une fois par an, rendre compte de sa gestion, ne pouvant entraîner la mise en jeu de la responsabilité que du gérant, et non pas de la SCI ;
- que la SCP [O] [C] ne saurait prospérer en sa demande de dommages et intérêts faute de préjudice, et de lien de causalité entre sa prétendue faute et le dommage allégué.

La SCI La Paloise a demandé à la Cour de confirmer le jugement et de condamner la SCP Paul Akar au paiement de la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 avril 2022.

MOTIFS

Selon les dispositions de l'article R 211-4 du code des procédures civiles d'exécution, le tiers saisi est tenu de fournir sur-le-champ à l'huissier de justice les renseignements prévus à l'article L 211-3 (à savoir l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s'il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures) et de lui communiquer les pièces justificatives.

L'article R 211-5 prévoit que le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus est condamné, à la demande du créancier, à payer les sommes dues à ce dernier sans préjudice de son recours contre le débiteur.
Il peut être condamné à des dommages et intérêts en cas de négligence fautive ou de déclaration inexacte ou mensongère.

Le procès-verbal de saisie-attribution en date du 30 juillet 2020 a été délivré à la SCI La Paloise dans les formes de l'article 659 du code de procédure civile ; cette circonstance ne supprime pas les obligations qui sont les siennes en vertu du texte susvisé. En effet, un acte d'exécution délivré sous la forme d'un procès-verbal de recherches infructueuses produit les mêmes effets qu'un acte signifié selon d'autres modalités, mais il peut justifier, dans une certaine mesure, un retard pris par le tiers saisi pour renseigner l'huissier de justice quant aux obligations dont il est débiteur.

En outre, par acte d'huissier en date du 4 août 2020, soit du même jour que la dénonciation de la saisie-attribution, la SCP [O] [C] a notifié à Mme [S], en sa qualité de gérante de la SCI La Paloise, le procès-verbal de saisie-attribution avec sommation de lui communiquer sur le champ (ces mots en caractères gras) tous renseignements et pièces relatifs à l'étendue de ses obligations envers le débiteur. Cet acte a été remis en l'étude de l'huissier de justice instrumentaire. L'intimée était donc, nonobstant ses contestations, pleinement informée de l'existence du procès-verbal de saisie-attribution et des obligations que ce dernier mettait à sa charge. Il est acquis qu'elle n'y a jamais répondu.

Selon la jurisprudence, le tiers saisi peut échapper aux sanctions susvisées si au jour de la saisie-attribution il n'était tenu à aucune dette envers le débiteur. Cette exception ne peut être retenue qu'en cas d'absence avérée et certaine de créance.

En l'espèce, l'intimée fait observer à juste titre que tant que la répartition des bénéfices entre ses associés n'a pas été votée en assemblée générale, ces derniers ne peuvent prétendre à aucune somme. En revanche, il est acquis que suivant jugement daté du 26 mars 2017, le Tribunal de commerce de Paris a prononcé à l'encontre de M. [S] une mesure de faillite personnelle. Conformément à l'article 1860 du code civil, s'il y a déconfiture, faillite personnelle, liquidation de biens ou règlement judiciaire atteignant l'un des associés, à moins que les autres unanimes ne décident de dissoudre la société par anticipation ou que cette dissolution ne soit prévue par les statuts, il est procédé, dans les conditions énoncées à l'article 1843-4, au remboursement des droits sociaux de l'intéressé, lequel perdra alors la qualité d'associé.

Il résulte de ce texte que la perte de la qualité d'associé ne peut être antérieure au remboursement de la valeur de ses droits sociaux, alors qu'en l'espèce M. [S] ne s'est jamais vu rembourser le montant de ceux-ci. La SCP [O] [C] argue d'une collusion frauduleuse entre la SCI La Paloise et son associé, mais il n'est pas nécessaire de constater la mauvaise foi du tiers saisi et/ou du débiteur pour mettre en oeuvre les sanctions prévues à l'article R 211-5 du code des procédures civiles d'exécution.

Les 16 et 23 novembre 2021, la SCP [O] [C] a délivré aux différents associés de la SCI La Paloise ainsi qu'à la gérante, Mme [S], une sommation, en application de l'article 1341-1 du code civil, de proposer à M. [S] une évaluation de ses parts, et signalait qu'elle pourrait solliciter en justice une expertise sur ce point. Le 1er décembre 2021, Mme [S] a prétendu qu'il ne lui appartenait pas d'apporter une réponse à cette demande, le remboursement des droits devant intervenir sur décision de l'assemblée générale de la SCI La Paloise. Il s'est ainsi écoulé plus de cinq ans depuis le prononcé du jugement du Tribunal de commerce de Paris, et aucune démarche n'a été entreprise pour remplir M. [S] de ses droits, ni pour en évaluer le montant. Une carence manifeste de la SCI est ainsi mise en évidence, qui constitue la cause du défaut de remboursement au débiteur du montant de ses parts sociales.

Dans ces conditions, M. [S] doit être considéré comme créancier, et ce dès à présent, de la valeur desdites parts sociales vis à vis de la SCI La Paloise même si le nécessaire n'a pas été fait pour le remplir de ses droits. Dès lors que l'absence de créance du débiteur contre le tiers saisi n'est pas établie, ladite SCI devait satisfaire à son obligation de déclaration et elle ne l'a pas fait. Par voie d'infirmation du jugement, la SCI La Paloise doit être condamnée au paiement des causes de la saisie-attribution soit 138 068,25 euros. Cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2020, date de délivrance de l'assignation à comparaître devant le juge de l'exécution.

La SCI La Paloise, qui succombe, sera condamnée au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Statuant dans les limites de l'appel,

- INFIRME le jugement en date du 23 juillet 2021 en l'ensemble de ses dispositions ;

et statuant à nouveau :

- CONDAMNE la SCI La Paloise à payer à la SCP Paul Akar la somme de 138 068,25 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2020 ;

- CONDAMNE la SCI La Paloise à payer à la SCP Paul Akar la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE la SCI La Paloise aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés par Maître Fromantin conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 21/153147
Date de la décision : 16/06/2022
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-06-16;21.153147 ?
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