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16/06/2022 | FRANCE | N°21/151907

France | France, Cour d'appel de Paris, B1, 16 juin 2022, 21/151907


Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 16 JUIN 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/15190 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEHXW

Décision déférée à la cour :
Jugement du 01 juillet 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 21/80506

APPELANT

Monsieur [Z] [F]
[Adresse 1]
[Localité 3]

Représenté par Me Delphine PROVENCE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1670


Plaidant par Me Kamal SEFRIOUI de l'ASSOCIATION Cabinet SEFRIOUI, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

ADARE FINANCE DAC
[Adresse 2]
[Localité...

Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 16 JUIN 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/15190 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEHXW

Décision déférée à la cour :
Jugement du 01 juillet 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 21/80506

APPELANT

Monsieur [Z] [F]
[Adresse 1]
[Localité 3]

Représenté par Me Delphine PROVENCE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1670
Plaidant par Me Kamal SEFRIOUI de l'ASSOCIATION Cabinet SEFRIOUI, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

ADARE FINANCE DAC
[Adresse 2]
[Localité 4]-IRLANDE

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Plaidant par Me Erwan POISSON du LLP ALLEN et OVERY LLP, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre, et Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier, présent lors de la mise à disposition.

Déclarant agir en vertu d'une décision rendue par la High Court of justice de Londres le 19 octobre 2020, ayant condamné solidairement la société Yellowstone Capital Management et M. [F] à payer à la société Adare Finance DAC un certain nombre de sommes, et d'un certificat délivré en application de l'article 53 du règlement Bruxelles 1 bis, tous deux signifiés le 30 novembre 2020, la société Adare Finance DAC a régularisé à l'encontre de M. [F] :

- le 1er décembre 2020, une saisie-attribution entre les mains de la société Boursorama, pour avoir paiement de la somme de 10 567 840,34 euros ;

- le 1er décembre 2020, une saisie-attribution entre les mains de la société Axa Banque, pour avoir paiement de la somme de 10 565 274,43 euros ;

- le 1er décembre 2020, une saisie-attribution entre les mains de la société LCL, pour avoir paiement de la somme de 10 565 775,65 euros ;

- le 2 décembre 2020, une saisie-attribution entre les mains de la société JP Morgan chase Bank, pour avoir paiement de la somme de 10 566 026,26 euros ;

- le 2 décembre 2020, une saisie-attribution entre les mains de la Banque Postale, pour avoir paiement de la somme de 10 567 350,46 euros ;

- le 2 décembre 2020, une saisie-attribution entre les mains de la Banque Transatlantique, pour avoir paiement de la somme de 10 566 276,87 euros.

Ces saisies-attributions seront dénoncées au débiteur le 4 décembre 2020.

L'intéressé les ayant contestées devant le juge de l'exécution de Paris, ce dernier a suivant jugement daté du 1er juillet 2021 :

- rejeté sa demande de demande de réouverture des débats ;
- rejeté ses prétentions à fin de refus de reconnaissance et d'exécution de la décision de la High Court of justice de Londres ;
- débouté M. [F] de sa demande d'annulation des six saisies-attributions ;
- déclaré irrecevable sa demande de réduction des clauses pénales ;
- condamné M. [F] au paiement de la somme de 25 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon déclaration en date du 2 août 2021, M. [F] a relevé appel de ce jugement.

En ses conclusions notifiées le 23 septembre 2021, après avoir relaté ses relations contractuelles avec la société Yellowstone Capital Management et la société Adare Finance DAC (il est renvoyé aux écritures de l'appelant à ce sujet comme il est dit à l'article 455 du code de procédure civile), il a exposé :

- que le juge de l'exécution avait rejeté à tort sa demande de réouverture des débats comme s'il s'agissait d'une note en délibéré ;
- que la High Court of justice de Londres avait appliqué la procédure de jugement sommaire, après avoir relevé qu'il n'avait aucune chance réelle de se défendre ;
- que les procès-verbaux de saisie-attribution étaient irréguliers car ne comportant pas de ventilation entre les deux sommes réclamées en principal et les intérêts, alors que le taux de conversion de la monnaie n'était pas précisé ;
- que le montant des frais d'exécution à lui réclamés variait d'un procès-verbal à l'autre ;
- que ces décomptes imprécis ne lui permettaient pas de déterminer ou de vérifier le quantum de la créance, et qu'un grief en était résulté ;
- que conformément à l'article 32 du règlement UE no 1215/2012 du 12 décembre 2012, un délai raisonnable aurait dû être observé entre la notification du certificat et l'engagement de la première mesure d'exécution ;
- que tel n'avait pas été le cas en l'espèce, le certificat ayant été notifié le 3 novembre 2020, sa traduction ayant été faite le 13 novembre 2020, alors que la première saisie-attribution avait été régularisée le 1er décembre 2020 ;
- qu'il y avait lieu, sur ce point, de combiner les dispositions de l'article 503 du code de procédure civile avec celles de la Convention européenne des droits de l'homme (article 6-1) ;
- que conformément aux articles 45 et 46 du règlement UE no 1215/2012 du 12 décembre 2012, le refus d'exécution d'un jugement étranger pouvait être opposé si l'ordre public avait été méconnu, ce qui était le cas en l'espèce, la procédure de summary judgment ayant été appliquée, sans débats, car la High Court of justice de Londres avait décidé hâtivement qu'il n'avait pas suffisamment précisé son argumentation afin de justifier d'une contrainte économique, pour faire le choix de cette procédure ;
- que la High Court of justice de Londres aurait dû ordonner la tenue d'un procès ;
- qu'il existait une disproportion dans le montant des sommes au paiement desquelles il avait été condamné avec la société Yellowstone Capital Management, eu égard aux pénalités de retard (26 jours à 33 414 $), au taux d'intérêt de 12,50 %, au prononcé de la déchéance du terme de façon abusive, et à l'ampleur des sommes dues (plus de 3 000 000 $) ;
- qu'il y avait lieu de lui octroyer des délais de paiement, le Tribunal de commerce de Paris ayant par décision du 17 juin 2021 reporté la dette de la société Yellowstone Capital Management envers la société Adare Finance DAC au visa de l'article 2 de l'ordonnance no 2020-596 du 20 mai 2020, si bien que la dette n'étant pas exigible vis à vis du débiteur principal, elle ne l'était pas non plus vis à vis de lui-même.

Il a demandé à la Cour de :

- infirmer le jugement ;
- prononcer la nullité des saisies-attributions et leur mainlevée ;
- subsidiairement, déclarer que ces saisies-attributions sont abusives et en ordonner mainlevée ;
- très subsidiairement prononcer le refus de reconnaissance et d'exécution de la décision de la High Court of justice de Londres et ordonner la mainlevée des saisies-attributions ;
- reporter sa dette à 24 mois ou lui octroyer des délais de la même durée ;
- condamner la société Adare Finance DAC au paiement de la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

En ses conclusions notifiées le 21 décembre 2021, la société Adare Finance DAC a fait valoir :

- que la procédure de summary judgment permettait à la High Court of justice de Londres de rendre une véritable décision au fond, à bref délai mais contradictoire, et ayant laissé à M. [F] tout loisir de se défendre ;
- qu'il ne pouvait dès lors pas invoquer une violation du droit au procès équitable ;
- que l'intéressé n'avait jamais contesté sa dette jusqu'au début du mois de novembre 2020 ;
- qu'elle avait dû finalement lui notifier une mise en demeure le 11 novembre 2020 ;
- que les six saisies-attributions querellées n'étaient atteintes d'aucun vice de forme, une éventuelle erreur sur le compte ne constituant pas une cause de nullité alors que l'huissier de justice instrumentaire n'était nullement tenu de détailler les divers postes de créances dans les actes ;
- que les débiteurs avaient été condamnés par la High Court of justice de Londres à payer un principal de 10 539 779 $, outre 1 137 798 $ au titre des intérêts, soit 11 677 577 $ ;
- que s'y ajoutaient des intérêts, capitalisés, au taux de 12,50 % (s'agissant du prêt sur découvert différé) et de 2,50 % (s'agissant du prêt sur frais différés et commissions de report) ;
- que les intérêts échus réclamés à hauteur de 130 500,28 euros étaient ceux devenus exigibles après le prononcé de la décision ;

- que M. [F] disposait de toutes précisions utiles quant au calcul des intérêts, qui avait été réalisé en euros et non pas en dollars, car le paiement avait été réalisé en France, alors même qu'en tout état de cause le certificat en mentionnait la contre-valeur en dollars ;
- qu'aucun texte ne rendait obligatoire l'indication du taux de conversion, dont le débiteur pouvait en outre facilement vérifier l'exactitude en comparant les sommes au paiement desquelles il avait été condamné, en dollars, et celles qui étaient prévues dans les procès-verbaux de saisie-attribution, en euros ;
- que si des différences portant sur les intérêts ou sur les frais pouvaient s'observer d'un procès-verbal de saisie-attribution à l'autre, c'était uniquement en raison du fait qu'ils n'avaient pas été dressés à la même date ;
- qu'aucun abus de saisie ne pouvait être mis en évidence, l'article 43 du règlement Bruxelles 1 bis ne prévoyant pas de délai entre le certificat délivré en application de l'article 53 et la première mesure d'exécution ;
- que le délai raisonnable dont se prévalait l'appelant était purement facultatif ;
- qu'au moins un mois avant les saisies-attributions querellées, l'intéressé savait quelles sommes il aurait à payer ;
- que le principe de proportionnalité invoqué par M. [F] concernait uniquement les dommages et intérêts ;
- que tant l'intéressé que la société Yellowstone Capital Management s'étaient avérés défaillants dans l'exécution de leurs obligations de manière répétée ;
- que les sommes réclamées au titre des clauses pénales étaient régies par le droit anglais ;
- que conformément à l'article 52 du règlement susvisé, la décision de la High Court of justice de Londres ne pouvait pas être revue sur le fond par le juge de l'exécution ;
- que selon l'article R 121-1 alinéa 2 du Code des procédures civiles d'exécution, ce dernier ne peut pas modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites ;
- qu'il n'était pas possible d'octroyer des délais de paiement à un débiteur faisant l'objet d'une saisie-attribution ;
- qu'en outre, M. [F] ne connaissait pas de difficultés financières et était de mauvaise foi ;
- qu'il ne pouvait utilement se prévaloir de l'ordonnance du Tribunal de commerce de Paris qui ne concernait que la société Yellowstone Capital Management.

La société Adare Finance DAC a demandé à la Cour de confirmer le jugement et de condamner M. [F] au paiement de la somme de 30 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Les contestations de l'appelant relativement à l'opportunité qu'il y avait d'ordonner la réouverture des débats en première instance sont sans intérêt dès lors que devant la Cour, tant l'intéressé que la société Adare Finance DAC ont pu déposer de nouvelles conclusions et communiquer de nouvelles pièces.

Conformément à l'article 32 du préambule du règlement UE no 1215/2012 du 12 décembre 2012, qui en fait partie intégrante, pour informer la personne contre laquelle l'exécution est demandée de l'exécution d'une décision rendue dans un autre État membre, le certificat établi au titre du présent règlement, accompagné si nécessaire de la décision, devrait lui être signifié ou notifié dans un délai raisonnable avant la première mesure d'exécution. Dans ce contexte, il convient d'entendre, par première mesure d'exécution, la première mesure d'exécution qui suit la signification ou la notification.

En l'espèce, la décision rendue par la High Court of justice de Londres le 19 octobre 2020 et le certificat délivré en application de l'article 53 du règlement Bruxelles 1 bis ont tous deux été signifiés à M. [F] le 30 novembre 2020, alors que les saisies-attributions querellées ont été régularisées les 1er et 2 décembre 2020. Il s'est ainsi écoulé un délai d'un ou deux jours entre les deux. Toutefois il est constant que la décision de la High Court of justice de Londres en date du 19 octobre 2020 a été rendue contradictoirement, à l'issue d'une procédure qui avait duré plus de dix mois, alors que, le 11 novembre 2020, une lettre de mise en demeure avait été adressée à M. [F]. Nonobstant la brièveté du délai qui s'est écoulé entre la signification du certificat et la mise en place des saisies-attributions querellées, M. [F] ne peut prétendre qu'il a été pris au dépourvu, alors que l'importance des sommes dues, jointe à la circonstance qu'il n'avait effectué aucun règlement, rendaient probable voire certaine l'utilisation de mesures d'exécution forcées par la société Adare Finance DAC ; cela était d'ailleurs annoncé dans la lettre de mise en demeure susvisée.

En outre, en droit interne, l'article 503 du code de procédure civile n'édicte pas de délai minimal entre la date à laquelle la décision de justice est signifiée et celle à laquelle elle peut être exécutée.

Les articles 45 1 a) et 46 du règlement UE no 1215/2012 du 12 décembre 2012 disposent qu'à la demande de toute partie intéressée, la reconnaissance d'une décision est refusée si elle est manifestement contraire à l'ordre public de l'État membre requis, et l'exécution de ladite décision peut elle aussi être refusée.

M. [F] avance que ces dispositions doivent recevoir application au cas d'espèce, d'une part parce que la procédure de summary judgment, qui a été appliquée par la High Court of justice de Londres, ne lui a pas permis de se défendre utilement, d'autre part au motif que les sommes au paiement desquelles il a été condamné sont disproportionnées.

Sur le premier point, il résulte de la lecture de la décision de la High Court of justice de Londres que le demandeur a requis conformément à l'article 24.2 du règlement de procédure civile du Royaume Uni qu'un jugement sommaire ("summary judgment") soit rendu. Cette procédure est applicable si la Cour estime que le défendeur n'a aucune chance réelle de s'opposer avec succès aux demandes et s'il n'y a aucune raison impérieuse que l'affaire soit tranchée au cours d'un procès. Il faut, pour ce faire, que les moyens de défense du défendeur n'aient pas de perspective de succès réaliste. La High Court of justice de Londres a (paragraphe 47 de la décision du 19 octobre 2020 décidant de faire usage de cette procédure) rappelé que lors de l'audience d'une requête de jugement sommaire, elle peut trancher des questions de droit ou d'interprétation contractuelle susceptible de régler la procédure.

Il s'avère que les défendeurs ont invoqué devant cette juridiction un certain nombre de moyens (caractère abusif de l'acte de commission de report, existence d'une contrainte économique, illicéité de la clause d'exigibilité anticipée du crédit, et possibilité qu'avait la société Yellowstone Capital Management de payer les montants indiqués dans l'acte de commission de report avant le 18 novembre 2019 de sorte qu'il n'y avait pas eu de défaut). Des demandes reconventionnelles ont été formées. Et surtout, la High Court of justice de Londres a répondu point par point aux quatre moyens de défense susvisés pour conclure que la procédure de summary judgment pouvait être utilisée.

Même si ladite procédure est moins formaliste et longue que celle de droit commun, elle a laissé au débiteur la possibilité de présenter des moyens de défense, par le biais de son avocat. Les conditions procédurales dans lesquelles la décision a été rendue par la High Court of justice de Londres ne contreviennent donc nullement à l'ordre public français.

Sur le second point, la convention de financement prévoyait que la société Yellowstone Capital Management devrait intégralement rembourser le prêt avec tous les intérêts courus et tous les autres montants dus au prêteur à la date de résiliation, que le prêt sur découvert différé porterait intérêt au taux de 10,50 % par an, que des intérêts de retard seraient dus en cas d'impayé à concurrence de 2 % supplémentaires, et qu'un acte de commission de report prévoyait que la société Yellowstone Capital Management règlerait au prêteur une somme forfaitaire de 100 000 $ pour la période s'étendant du 28 septembre au 4 octobre 2019, outre des frais journaliers d'environ 33 000 $ pour chaque jour du 5 octobre 2019 au jour où le refinancement serait achevé. Il était également prévu que la société Yellowstone Capital Management paierait par anticipation le montant du séquestre différé, 3 250 000 $, les coûts différés moins 113 000 $, et un montant égal aux intérêts courus sur le prêt du montant du séquestre différé conformément à l'article 7. La High Court of justice de Londres a également mis en lumière un défaut de paiement et le non règlement des commissions de report.

Il apparaît ainsi que la juridiction britannique n'a fait qu'appliquer les clauses de conventions que tant la société Yellowstone Capital Management que M. [F] avaient librement signées. Dans ces conditions, c'est à tort que l'appelant prétend que les condamnations dont il a fait l'objet sont disproportionnées, et qu'en cela, elles heurteraient l'ordre public.

L'article 52 du règlement susvisé dispose qu'en aucun cas une décision rendue dans un État membre ne peut faire l'objet d'une révision au fond dans l'État membre requis. Ces dispositions sont reprises, en droit interne, par l'article R 121-1 alinéa 2 du Code des procédures civiles d'exécution, selon lequel le Juge de l'exécution ne peut pas modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites. Ce texte n'établit d'ailleurs aucune distinction selon qu'il s'agit d'une décision rendue par une juridiction française ou étrangère. Le juge de l'exécution ne peut dès lors pas réduire les clauses pénales et indemnités au paiement desquelles M. [F] a été condamné.

Concernant la régularité formelle des procès-verbaux de saisie-attribution : Selon les dispositions de l'article R 211-1 du code des procédures civiles d'exécution, le procès-verbal de saisie-attribution contient à peine de nullité :

1o L'indication des nom et domicile du débiteur ou, s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;
2o L'énonciation du titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée ;
3o Le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorées d'une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d'un mois prévu pour élever une contestation ;
4o L'indication que le tiers saisi est personnellement tenu envers le créancier saisissant et qu'il lui est fait défense de disposer des sommes réclamées dans la limite de ce qu'il doit au débiteur ;
5o La reproduction du premier alinéa de l'article L 211-2, de l'article L 211-3, du troisième alinéa de l'article L 211-4 et des articles R. 211-5 et R. 211-11.

La mention d'une somme erronée -ou contestée- quant au quantum de la créance n'est pas de nature à entraîner l'annulation du procès-verbal de saisie-attribution, seule une absence de mention pouvant avoir cette conséquence. Au vu des procès-verbaux de saisie-attribution, ont été mentionnés sur chaque acte le principal (9 874 328,61 euros), la contrevaleur au 13 novembre 2020 de la somme de 475 000 £ (soit 529 642,03 euros, il s'agissait là des frais de procédure), les intérêts échus (128 688,68 euros, soit ceux au taux de 12,5 % depuis le 20 octobre 2020 calculés au jour le jour sur une base de 8 770 262,53 euros avec anatocisme, et intérêts au taux de 2 % depuis le 20 octobre 2020 calculés au jour le jour sur une base de 1 104 157,28 euros avec anatocisme), outre les frais. Ces sommes correspondent à celles qui ont été prévues dans la décision de la High Court of justice de Londres du 19 octobre 2020, et c'est en vain que M. [F] se plaint de ce que le taux de conversion des sommes n'y figure pas. En effet il ne s'agit pas d'une mention obligatoire prévue par les textes et en outre, en comparant les sommes au paiement desquelles il avait été condamné (en $) et celles qui étaient réclamées dans les procès-verbaux de saisie-attribution (en euros), il lui était aisé de retrouver quel taux de change avait été appliqué.

M. [F] soutient que le montant des frais d'exécution à lui réclamés variaient d'un procès-verbal de saisie-attribution à l'autre. Dès lors que six saisies-attributions ont été successivement régularisées, chacune d'elles reprenait le coût des précédentes dans le décompte de frais ce qui explique que les sommes mentionnées ne soient pas toujours les mêmes. En outre M. [F] n'explicite pas en quoi le décompte de frais et dépens serait erroné.

M. [F] se prévaut d'une décision rendue dans le cadre d'une procédure de conciliation concernant la société Yellowstone Capital Management.

Le président du Tribunal de commerce de Paris a, par ordonnance datée du 17 juin 2021, reporté l'exigibilité de la dette de la société Yellowstone Capital Management envers la société Adare Finance DAC jusqu'à l'issue de la procédure de conciliation, et fait interdiction à cette dernière d'user de toute procédure d'exécution à l'encontre de la société Yellowstone Capital Management dans ce délai.

L'article L 611-10-2 du code de commerce prévoit que les personnes coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent se prévaloir des mesures accordées au débiteur en application du cinquième alinéa de l'article L 611-7 ou du deuxième alinéa de l'article L 611-10-1 ainsi que des dispositions de l'accord constaté ou homologué. Il s'agit là des mesures prises dans le cadre de la procédure de conciliation dont peuvent bénéficier les débiteurs exerçant une activité commerciale ou artisanale qui éprouvent une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible, et ne se trouvent pas en cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours.

L'article L 611-7 alinéa 5 du code de commerce dispose qu'au cours de la procédure, le débiteur peut demander au juge qui a ouvert celle-ci de faire application de l'article 1343-5 du code civil à l'égard d'un créancier qui l'a mis en demeure ou poursuivi, ou qui n'a pas accepté, dans le délai imparti par le conciliateur, la demande faite par ce dernier de suspendre l'exigibilité de la créance. Dans ce dernier cas, le juge peut, nonobstant les termes du premier alinéa de ce même article, reporter ou échelonner le règlement des créances non échues, dans la limite de la durée de la mission du conciliateur. Le juge statue après avoir recueilli les observations du conciliateur. Il peut subordonner la durée des mesures ainsi prises à la conclusion de l'accord prévu au présent article. Dans ce cas, le créancier intéressé est informé de la décision selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat.

Le deuxième alinéa de l'article L 611-10 du même code prévoit que si, au cours de cette même durée, le débiteur est mis en demeure ou poursuivi par l'un des créanciers appelés à la conciliation dans le but d'obtenir le paiement d'une créance qui n'a pas fait l'objet de l'accord, le juge qui a ouvert la procédure de conciliation peut, à la demande du débiteur et après avoir recueilli, le cas échéant, les observations du mandataire à l'exécution de l'accord, faire application des dispositions de l'article 1343-5 du code civil, en prenant en compte les conditions d'exécution de l'accord. Les dispositions du présent alinéa ne sont pas applicables aux créanciers mentionnés au troisième alinéa de l'article L 611-7.

L'article 2 de l'ordonnance 2020-596 du 20 mai 2020 prévoit que :
I. - Le présent article est applicable lorsqu'est mise en oeuvre la procédure de conciliation prévue par les articles L. 611-4 et L. 611-5 du code de commerce.
II. - Lorsqu'un créancier appelé à la conciliation n'accepte pas, dans le délai imparti par le conciliateur, la demande faite par ce dernier de suspendre l'exigibilité de sa créance pendant la durée de la procédure, le débiteur peut demander au président du tribunal ayant ouvert cette procédure, qui statue par ordonnance sur requête :
1o D'interrompre ou d'interdire toute action en justice de la part de ce créancier et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent ;
2o D'arrêter ou d'interdire toute procédure d'exécution de la part de ce créancier tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant la demande ;
3o De reporter ou d'échelonner le paiement des sommes dues.
Les observations du conciliateur sont jointes à la requête.
Lorsqu'il est fait application du 1o ou du 2o, les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont suspendus. Lorsqu'il est fait application du 3o, les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

Les mesures ordonnées par le président du tribunal ne produisent leur effet que jusqu'au terme de la mission confiée au conciliateur.
L'ordonnance est communiquée au ministère public.
III. - Par dérogation au cinquième alinéa de l'article L. 611-7 du code de commerce, le débiteur peut demander au juge qui a ouvert la procédure de conciliation de faire application de l'article 1343-5 du code civil avant toute mise en demeure ou poursuite à l'égard d'un créancier qui n'a pas accepté, dans le délai imparti par le conciliateur, la demande faite par ce dernier de suspendre l'exigibilité de la créance.

Or c'est au visa de l'article 2 II de l'ordonnance suvisée qu'a été rendue la décision du président du Tribunal de commerce de Paris. Elle ne porte donc pas sur des mesures dont les cautions ou coobligés peuvent se prévaloir.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté l'ensemble des contestations de M. [F].

Ce dernier a sollicité le report de sa dette ou des délais de paiement.

L'article 1343-5 du Code civil, en ce qu'il est conçu en des termes généraux, permet l'octroi de délais de paiement y compris après la mise en oeuvre d'une mesure d'exécution ; il prévoit seulement que la décision du Juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées. Cette suspension, qui ne saurait être assimilée à une mainlevée, s'opère nécessairement dans l'état où se trouve la mesure d'exécution au jour de l'octroi de délais. Ainsi en matière de saisie-attribution la suspension ne peut avoir pour effet que de faire obstacle à l'attribution matérielle des fonds au créancier dans le mois suivant la mise en place de cette voie d'exécution, puisqu'en application de l'article L 211-2 du Code des procédures civiles d'exécution, l'acte de saisie a déjà emporté attribution juridique des fonds au saisissant.

En conséquence l'octroi de délais, qui ne permettrait pas de débloquer les comptes de M. [F], n'aurait aucun intérêt. Les saisies-attributions litigieuses produiront donc leurs effets sur les sommes qui avaient été saisies sur ces comptes, sous réserve de l'application de l'article L 162-1 du Code des procédures civiles d'exécution. Pour le surplus, la Cour relève que le débiteur ne produit pas de justificatifs de ses revenus et ne démontre donc pas le bien fondé de sa prétention. Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de report de la dette ou d'octroi de délais.

M. [F], qui succombe, sera condamné au paiement de la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Statuant dans les limites de l'appel,

- CONFIRME le jugement en date du 1er juillet 2021 en toutes ses dispositions ;

y ajoutant :

- REJETTE la demande de délais de paiement ;

- CONDAMNE M. [Z] [F] à payer à la société Adare Finance DAC la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE M. [Z] [F] aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 21/151907
Date de la décision : 16/06/2022
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-06-16;21.151907 ?
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