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16/06/2022 | FRANCE | N°21/11976

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 16 juin 2022, 21/11976


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 16 Juin 2022

(n° 58 , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/11976 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD6DN



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Mai 2021 par le juge de l'expropriation de Créteil RG n° 20/00045





APPELANTE

S.A. SADEV 94

[Adresse 10]

[Localité 22]

représentée par Me Michaël MOUSSAULT de la SELAS DS AVOCAT

S, avocat au barreau de PARIS, toque : T07 substitué par Me Xavier GOSSELIN, avocat au barreau de PARIS, toque : T700





INTIMÉES

Madame [I] [R]

[Adresse 18]

[Localité 21]

...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 16 Juin 2022

(n° 58 , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/11976 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD6DN

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Mai 2021 par le juge de l'expropriation de Créteil RG n° 20/00045

APPELANTE

S.A. SADEV 94

[Adresse 10]

[Localité 22]

représentée par Me Michaël MOUSSAULT de la SELAS DS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : T07 substitué par Me Xavier GOSSELIN, avocat au barreau de PARIS, toque : T700

INTIMÉES

Madame [I] [R]

[Adresse 18]

[Localité 21]

représentée par Me Rajess RAMDENIE, avocat au barreau de PARIS, toque : R251 substitué par Me Charlie ZERNA, avocat au barreau de PARIS, toque : R251

Madame [C] [Z]

[Adresse 15]

[Localité 23]

représentée par Me Rajess RAMDENIE, avocat au barreau de PARIS, toque : R251 substitué par Me Charlie ZERNA, avocat au barreau de PARIS

DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DU VAL DE MARNE - COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

[Adresse 1]

[Localité 20]

représentée par M. [B] [T] (en visio conférence) en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Avril 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Hervé LOCU, Président chargé du rapport :

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Hervé LOCU, président

Monique CHAULET, conseillère

Catherine LEFORT, conseillère

Greffier : Marthe CRAVIARI, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Hervé LOCU, Président et par Florence GREGORI, Greffière, présent lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

La réalisation de la ZAC Ivry-Confluences et les acquisitions immobilières nécessaires à celle-ci ont été déclarées d'utilité publique par le préfet du Val-de-Marne, au bénéfice de la société d'aménagement et de développement des villes et du département du Val-de-Marne (ci-après dénommée la 'SADEV 94').

Sont concernées par l'opération Mme [I] [R] et Mme [C] [Z] (ci-après 'les consorts [R]-[Z]') en tant que propriétaires d'un bien immobilier situé [Adresse 18]), sur la parcelle cadastrée AP n°[Cadastre 4] (lots 36 et 40 de l'immeuble en copropriété et les 292/10 000 èmes des parties communes).

Le bien est situé dans la Zone d'aménagement Concerté (ci-après 'ZAC') Ivry-Confluences, créée sur l'initiative de la commune d'Ivy sur Seine, selon arrêté préfectoral n°2010/7224 du 28 octobre 2010, pour procéder à l'aménagement d'un quartier de logements, commerces et services, ainsi qu'un nouveau pôle d'emplois.

La SADEV 94 s'est vue déclarer cessibles les parcelles situées à l'intérieur de la zone définie par la déclaration d'utilité publique, par arrêté préfectoral n°2014/6355 du 25 juillet 2014.

Les consorts [R]-[Z] ont adressé à la mairie d'[Localité 26] une déclaration d'intention d'aliéner le bien mentionné ci-dessus, au prix de 86 000 euros en valeur libre d'occupation, outre une commission d'un montant de 7 920 euros, à la charge du vendeur, déclaration réceptionnée par la commune le 23 décembre 2019.

La SADEV 94 leur a notifié sa décision d'exercer son droit de préemption, assortie d'une proposition d'acquisition pour un prix de 75 082 euros, en valeur libre d'occupation.

Les consorts [R]-[Z] ont adressé à la SADEV 94 un courrier de refus de cette proposition, réceptionné le 23 juillet 2020.

C'est dans ces circonstances que, par un mémoire introductif d'instance notifié aux consorts [R]-[Z] le 6 août 2020 et reçu au greffe le 7 août 2020, la SADEV 94 a saisi le juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de Créteil, en vue de la fixation du prix du bien préempté.

Par un jugement du 25 mai 2021 après transport sur les lieux le 10 novembre 2020, le juge de l'expropriation du Val de Marne a':

-Fixé à la somme de 101 724 euros en valeur libre le prix d'acquisition du bien appartenant à Mme [I] [R] et Mme [C] [Z], situé [Adresse 18]), sur la parcelle cadastrée AP n°[Cadastre 4] (lots 36 et 40 de l'immeuble en copropriété et les 292/10 000èmes des parties communes) ;

-Dit que les dépens de la présente instance seront supportés par la SADEV 94 en application des dispositions de l'article L. 312-1 du Code de l'expropriation ;

-Condamné la SADEV 94 à payer à Mme [I] [R] et Mme [C] [Z] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Rejeté toutes les autres demandes des parties.

La SADEV 94 a interjeté appel le 23 juin 2021 sur le montant du prix en indiquant que le premier juge a surévalué le montant de l'indemnité de dépossession.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

- Adressées au greffe, par la SADEV 94, appelante, le 21 septembre 2021 notifiées le 29 septembre 2021 (AR du 30 septembre 2021) aux termes desquelles elle demande à la cour de :

- déclarer la SADEV 94 recevable dans son appel ;

- infirmer partiellement la décision de première instance ;

Par suite,

- fixer la valeur vénale des lots 36 et 40 de l'immeuble en copropriété sis [Adresse 14], comme suit : 24,22 m² x 3.200 euros /m² = 77.504 euros, en valeur libre ;

- Adressées au greffe, par les Consorts [R]-[Z], intimées et appelantes incidentes, le 22 décembre 2021 notifiées le 29 décembre 2021 (AR du 31 décembre 2021 et du 3 janvier 2022) aux termes desquelles elles demandent à la cour de :

-Rejeter l'appel formé par la SADEV 94 contre le jugement du 25 mai 2021 ;

A titre incident,

-Réformer le jugement du 25 mai 2021, sauf en ce qui concerne l'allocation des frais de procédure de première instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la charge des dépens, qui seront confirmées ;

En conséquence, statuant à nouveau,

-Fixer le prix de la préemption à la somme de :

24, 22 m² x 5000 euros/m² = 121.100 euros ;

En tout état de cause,

-Condamner la SADEV 94 à verser à Madame [I] [R] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Condamner la SADEV 94 à verser à Madame [C] [Z] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Condamner l'autorité préemptrice aux entiers dépens.

-Adressées au greffe, par le commissaire du Gouvernement, intimé, le 7 décembre 2021 notifiées le 9 décembre 2021 (AR du 10 décembre 2021) aux termes desquelles il demande à la cour de confirmer le jugement du 25 mai 2021.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La SADEV 94 fait valoir que :

-Concernant l'estimation du juge de l'expropriation'; les références retenues portent sur des biens :

- d'une meilleure consistance matérielle,

- et/ou bénéficient d'un environnement géographique plus favorable.

Dès lors, le juge ne pouvait raisonnablement en tenir compte pour apprécier correctement la valeur du bien en cause. Le bien préempté, s'il dispose d'un environnement favorable (proche gare RER), n'en reste pas moins compris au sein d'un immeuble à l'aspect général passable, qui ne dispose pas de fonctionnalités plus qualitatives que la moyenne';

- si l'on exclut les deux références non pertinentes, se dégage de l'étude de marché présentée par le commissaire du gouvernement, un prix moyen de 3.615 euros /m², qu'il convient de minorer eu égard' à l'état des parties communes', à l'environnement peu favorable du bien' et aux nombreux autres termes de comparaison disponibles';

-Concernant l'offre de la SADEV 94'; elle propose d'évaluer le bien en cause sur la base d'une valeur unitaire de 3.200 euros /m² en se fondant sur 14 termes de comparaison';

Les consorts [R] répondent que :

- les termes de comparaison S1. S2 et S5 à S8 devront être écartés d'emblée, car ils datent de plus de 3 ans et sont donc trop anciens, alors que le marché des appartements dans le quartier a été suffisamment dynamique ces trois dernières années'; il est frappant de constater que l'intégralité des termes de comparaison visés par la SADEV 94 sont des mutations réalisées à son profit dans le cadre de la ZAC Ivry-Confluences, de sorte qu'elles ne font que représenter un marché contraint que cet opérateur foncier public a lui-même créé';

-Concernant l'évaluation par le commissaire du gouvernement'; elle indique qu'il n'y a pas lieu de ' retenir une référence de plus de 3 ans à la date du jugement du 25 mai 2021, alors que le marché de ce type de biens est dynamique et les références abondantes' (conclusions du 8 décembre 2021, p. 3), et il sera rappelé une nouvelle fois que la surface de l'appartement ainsi vendu, de 35 m², n'est pas comparable avec celle du T1 de Mesdames [R] et [Z], qui est de moins de 25 m²';

-Concernant l'évaluation demandée par les propriétaires préemptées'; la juridiction de l'expropriation ne manquera pas de relever que les valeurs unitaires de ces ventes, d'une moyenne de 4.743.50 euros/m², sont nettement plus élevées que celles des mutations réalisées au profit de la SADEV 94 dans le cadre de la réalisation de la ZAC Ivry Confluences et versées aux débats par cette dernière comme références S1 à S14 dont la valeur unitaire moyenne n'est que de 2.927,50 euros /m²'; elles proposent 4 références de ventes d'appartement';

Le commissaire du Gouvernement observe que':

- Le jugement du 25 mai 2021 retient cinq termes de référence situés à proximité immédiate du bien, tous à moins de 200 mètres, de petites surfaces - surface maximale 35 m² et minimale 21,06 m² - et dans des immeubles de construction et d'état d'entretien très comparables à celui du [Adresse 18]';

- La juge procède également à un examen des facteurs d'appréciation et de dépréciation du bien, externes sur l'environnement et internes en relevant le mauvais entretien des parties communes, le bilan de cet examen conduit à un lissage de la valeur, qui est portée à 4.200 euros/m².

SUR CE, LA COUR

- Sur la recevabilité des conclusions

Aux termes de l'article R 311-26 du code de l'expropriation modifié par décret N°2017-891 du 6 mai 2017-article 41 en vigueur au 1 septembre 2017, l'appel étant du 23 juin 2021, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.

À peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.

L'intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.

Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.

Les conclusions et documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.

Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.

En l'espèce, les conclusions de la SADEV 94 du 21 septembre 2021, des consorts [R]-[Z] du 22 décembre 2021 et du commissaire du gouvernement du 7 décembre 2021 adressées ou déposées dans les délais légaux sont recevables.

- Sur le fond

Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée qui s'impose au juge français, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils juge nécessaire pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.

Aux termes de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité.

L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Aux termes de l'article L 211-5 du code de l'urbanisme, tout propriétaire d'un bien soumis au droit de préemption peut proposer au titulaire de ce droit l'acquisition de ce bien, en indiquant le prix qu'il en demande. Le titulaire doit se prononcer dans un délai de 2 mois à compter de ladite proposition dont copie doit être transmise par le maire au directeur départemental des finances publiques.

À défaut d'accord amiable, le prix est fixé par la juridiction compétente en matière d'expropriation selon les règles mentionnées à l'article L 213'4.

En cas d'acquisition, l'article 213'14 est applicable.

Aux termes de l'article L 213'4 du code de l'urbanisme, à défaut d'accord amiable le prix d'acquisition est fixé par la juridiction compétente en matière d'expropriation ; ce prix est exclusif de toute indemnité accessoire, et notamment l'indemnité de remploi.

Conformément aux dispositions de l'article L 322-2, du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L 322-3 à L 322-6 dudit code - leur usage effectif à la date définie par ce texte.

L'appel de la SADEV 94 porte sur le montant du prix ainsi que l'appel incident des consorts [R]-[Z] .

S'agissant de la date de référence, le premier juge a retenu en application des articles L213-4 et L 213-6 du code de l'urbanisme le 26 mars 2019, correspondant à la date d'opposobabilité de la dernière modification du PLU de la commune d'[Localité 25].

Les appels ne portent pas sur la date de référence ; la SADEV 94, les consorts [R]-[Z] et le commissaire du gouvernement retiennent la même date que le premier juge.

S'agissant des données d'urbanisme, à cette date le bien était situé en zone UIC correspondant pour la quasi totalité à la ZAC 'Yvry- Confluences'.

Pour ce qui est de la nature du bien, de son usage effectif et de sa consistance, il s'agit d'un appartement (lot 36) et d'une cave (lot N°40).

Ce bien est situé à 200 m de la gare RER C '[Localité 25]', à 900 m de la station de métro ' Mairie d'[Localité 24]' (ligne 7) et est desservi par les lignes de bus N°125, N°323 et N°325 ; il se trouve à 600 m du centre commercial Quai d'Ivry.

Il ressort du procès verbal de transport que la façade est en état d'usage et que l'appartement est propre avec des murs peints en blanc et des sols en bon état.

Il s'agit d'un studio en rez-de-chaussée, d'une surface Carrez de 24,22 m², comprenant une pièce de vie, une cuisine, une salle de bain et des WC.

La SADEV 94 indique en produisant des photographies que l'élément extérieur constitue un élément de moins value, les murs et façades étant taguées et certaines fenêtres étant murées.

En réalité, comme l'indique le commissaire du gouvernement, l'immeuble est de façade modeste, le coté du boulevard de Brandebourg présentant un meilleur aspect que celui de la rue Molière ; le coté évoqué par la SADEV concerne donc la rue Molière, le coté [Adresse 18] étant en état d'usage comme le mentionne le premier juge.

Le commissaire du gouvernement ajoute que la date exacte de la construction n'est pas connue, qu'il s'agit d'un ensemble modeste mais correctement entretenu, ne présentant pas de facteur de risque ou d'insalubrité, l'environnement étant plutôt valorisant avec un réseau de transport public dense et proche.

En conséquence, les façades ne sont pas un élément de dévalorisation.

La SADEV 94 indique que si le secteur du boulevard de Brandebourg est desservi par de nombreuses fonctionnalités, il est un axe majoritairement déqualifié, étant très bruyant, ce qui constitue un facteur de moins value.

Cependant, le commissaire du gouvernement indique qu'il propose une évaluation avec des ventes de biens comparables, qui sont fréquentes sur la ville d'[Localité 25] et sur le secteur.

Pour une plus ample description, il convient de se référer au procès verbal de transport.

S'agissant de la date à laquelle le bien doit être estimé, il s'agit de celle de la première instance, soit le 25 mai 2021.

- Sur la méthode

La méthode par comparaison retenu par le juge n'est pas contestée par les appelants.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

- Sur la surface

Comme en première instance, les parties s'accordent sur une surface de 24, 22 m² loi Carrez correspondant à l'appartement.

Le jugement sera confirmé en ce sens.

- Sur la situation locative

Les parties s'accordent en appel pour retenir comme le premier juge, les locaux d'habitation étant libres d'occupation, une évaluation en valeur libre.

Le jugement sera confirmé en ce sens.

- Sur la fixation du prix

Après examen des références, le premier juge a retenu cinq références correspondant à une moyenne de 4428 euros/m² en valeur libre et après examen des facteurs de plus value et de moins value a revu à la baisse la moyenne à 4200 euros/m².

La SADEV 94 demande de retenir une valeur de 3200 euros/m², et les consorts [R]-[Z] une valeur de 5000 euros/m².

Il convient d'examiner les références des parties :

1° Les références de la SADEV 94

Elle propose 14 actes de quittancement à Ivry Sur Seine:

N° du terme

Date de vente

Adresse

Surface

Prix en euros

Prix en euros/m²

Observations

T1

20 février 2015

AZ n°30

lot 47,48, 32 et 33

42,75

156'183

3300

un appartement disposant de 2 caves

pièce n°2

T2

14 octobre 2016

[Adresse 17]

AZ n°30, lot n°41 et 43

47,75

147'590,90

3091

appartement

pièce n°3

T3

22 février 2019

[Adresse 17]

AZ n°30, lot n°44,46, 45 et 36

34,19

82'545

2414

appartement

pièce n°4

T4

10 juillet 2019

[Adresse 16]

AZ n°30, lot 39, et 40

23,80

83'500

3508

appartements

pièce n°5

T5

30 janvier 2017

AY n°13, lots n°8 et 18

20

60'800

3040

appartement

pièce n°6

T6

20 mars 2017

AS n°157, lot 77,78 et 95

22,86

57'280

2506

appartement

pièce n°7

T7

11 mai 2017

AV n°147 et 148, lot n°11

23,64

78'000

3299

appartement

pièce n°8

T8

11 décembre 2017

[Adresse 3]

AU n°110, lots 22, 46, 47, 48 et 49

62,54

142'662

2281

2 appartements une chambre

pièce n°9

T9

6 avril 2018

[Adresse 3]

AU n°110, lots 26,52 et 53

35

94'545

2701

un appartement

pièce n°10

T10

22 juillet 2019

[Adresse 3]

AU n°110, lots 54 et 55

25,08

72'050

2872

appartement

pièce n°12

T11

2 septembre 2019

[Adresse 19]

X n°27, lot 39 et 40

42,01

133'486

3177

un appartement

pièce n°13

T12

15 janvier 2020

[Adresse 13]

AV n°151,152, lot 37

49,17

169'650

3450

un appartement

pièce n°14

T13

11 juin 2020

[Adresse 5]

C n°31, lots 12 et 30

21

60'000

2857

un appartement

pièce n°15

T14

12 avril 2019

[Adresse 3]

AU n°110

lots 44 et 45

33

70'454

2134

un appartement

pièce n°11

Comme l'indique exactement le commissaire du gouvernement, ces mutations ne peuvent renseigner sur le niveau du marché sectoriel, s'agissant d'acte de quittancement portant sur des mutations entre la SADEV 94 et des propriétaires expropriés ou concernés par un arrêté d'utilité publique, les propriétaires n'étant pas dans une situation de contractant libre puisque l'unique acquéreur possible est la société bénéficiaire du transfert de propriété ; en outre, ces biens sont souvent vétustes et dégradés et ne reflètent pas l'état du parc immobilier d'une commune.

En outre, les consorts [R]-[Z] indiquent, ce qui n'est pas contesté par la SADEV 94, que les termes T1 à T6, T8 à T12, sont situés à 400 m au moins du bien préempté, certains étant même distants de celui-ci de plus d'un kilomètre, que les termes T1, T3, T4 et T14 sont tous situés en étage, que le bien préempté est en rez-de-chaussée et que les termes T1 à T3, T8 à T10, T12 présentent tous des surfaces de plus 32 m², alors que le bien préempté est d' une surface Carrez de 24,22 m², alors qu'il est constamment relevé que plus la surface augmente, puis le prix unitaire diminue, de sorte que les appartements de plus 32 m² ne sauraient être utilisés pour déterminer le prix au m² d'un appartement de moins de 25 m².

Ces moyens sont pertinents, ces références non comparables seront donc écartées.

La SADEV 94 propose cinq autres références avec les références d'enregistrement à [Localité 26] :

N° du terme

Date de vente

Adresse

Surface Carrez

Prix en euros

Prix en euros/m²

Observations

T15

13 mai 2016

[Adresse 2]

AZ 25

39

100'000

2564

au premier étage, porte à gauche sur le palier, un appartement, comprenant : entrée, 2 pièces, cuisine, penderie, WC, salle de bains. Au sous-sol, une cave

T16

22 juillet 2019

[Adresse 18]

AP 6

24

87'986

3666

dans le bâtiment A, au rez-de-chaussée, 2e porte à gauche dans le couloir d'entrée de l'immeuble, un appartement comprenant cuisine avec débarras une chambre, WC. Au rez-de-chaussée, comme avec les lots 7 et 12, remise et cave

T17

11 mai 2017

[Adresse 12]

AV 147,148

24

78'000

3250

un appartement 2 pièces

T18

23 mai 2017

[Adresse 11]

AP n°19

35

110'000

3142

un appartement, au rez-de-chaussée gauche comprenant : entrée, séjour, cuisine indépendante, chambre et salle d'eau avec WC

T19

29 mars 2017

[Adresse 18]

AP n°44

34

125'000

3676

un appartement 2 pièces avec une cave

Le terme T 15 est trop ancien datant de plus de 5 ans et sera donc écarté.

Le terme T16 : les consorts [R]-[Z] indiquent que cette référence avait été citée par le commissaire du gouvernement de première instance, que le premier juge a indiqué que le bien avait été estimé dans une procédure de fixation judiciaire « à la date du 23 octobre 2017 à partir de références datant des années antérieures » (pièce n°6) et le propriétaire préempté avait versé aux débats l'arrêt permettant de constater que le prix avait été fixé sur la base de références datées entre 2013 et 2016 (cour d'appel de Paris, 21 mars 2019, RG 17/23077, pièce n°1).

En conséquence, cette référence est trop ancienne, et ce d'autant que le commissaire du gouvernement précise que le marché est porteur ; cette référence sera donc écartée.

Le terme T17 : les consorts [R]-[Z] indiquent que ce bien est situé au 1er étage et concerne une vente conclue avec la SADEV, ce qui n'est pas contesté par celle-ci (pièce N°8).

Ce terme correspond donc à un marche contraint, il n'est pas comparable en consistance, étant situé au premier étage et sera donc écarté.

Le terme T18 : les consorts [R]-[Z] indiquent également que cette référence avait été citée par le commissaire du gouvernement en première instance.

Cette référence est trop ancienne étant de plus quatre ans en raison du dynamisme du marché et la surface de l'appartement de 35 m² n'est pas comparable avec le bien à évaluer qui est de moins de 25 m² ; elle sera donc écartée.

Le terme T19 : cette référence est trop ancienne étant de plus de 4 ans en raison du dynamisme du marché et la surface de l'appartement de 34 m² n'est pas comparable avec le bien évalué qui est de moins de 25 m². Elle sera donc écartée.

2° Les références des consorts [R]-[Z]

Ils proposent 4 termes de comparaison correspondant à des ventes conclues dans les trois années précédant le jugement, d'appartements en rez de chaussée d'une surface Carrez d'une vingtaine de m², dans un rayon de 200 mètres de leur bien avec les références de publication :

N° du terme

Date de vente

Adresse

Surface

Prix en euros

Prix en euros/m²

Observations

T1

8 mars 2019

[Adresse 18]

à 95 m

29,15

128'543

4410

appartement rez-de-chaussée pièce n°2

T2

21 janvier 2020

[Adresse 9]

à 185 m

21,06

100'000

4748

appartement rez-de-chaussée

pièce n°3

T3

2 août 2019

[Adresse 7]

à 190 m

29,48

150'000

5088

appartement rez-de-chaussée

pièce n°4

T4

1er juin 2018

30 la révolution

à 180 m

27,07

128'000

4728

appartement rez-de-chaussée

pièce n°5

soit une moyenne de 4743,50 euros/m².

Ces références correspondent à des appartements situés au rez-de-chaussée, d'une surface Carrez de 20 m², situés dans le même secteur géographique, à moins de 200 m du bien à évaluer et correspondant à des ventes récentes.

La SADEV 94 demande d'écarter toutes ces références en produisant des photographies pour faire état pour l'appartement situé [Adresse 9] d'une consistance de l'environnement nettement plus favorable, avec une rue calme, les immeubles en excellent état d'entretien, en façade rénovée ; pour l'appartement situé [Adresse 6], d'immeubles à l'architecture attrayante, s'agissant notamment de l'immeuble situé [Adresse 8], doté d'une façade entièrement briquée et de balcon en fer forgé.

Cependant, ces références sont récentes, correspondent à des appartements situés en rez-de-chaussée, d'une surface de 20 m² en loi Carrez comparable au bien évalué, dans un secteur géographique à moins de 200 m du bien à évaluer ; la consistance extérieure de meilleure qualité sera étudiée dans le cas de l'examen des facteurs de plus-value et de moins-value ci-après.

3° Les références du commissaire du gouvernement

Le commissaire du gouvernement fait état à titre indicatif du prix moyen sur [Localité 26] constaté par la Chambre des notaires de Paris fin août 2021, de 5270 euros/m², en progression de 5,7 % sur le trimestre, 5 % sur l'année et de 29,4 % sur les 5 dernières années, en soulignant que le marché est porteur, et en progression constante.

Il indique que le jugement a retenu cinq termes de référence pour une moyenne de 4428 euros/m² en valeur libre, ce qui démontre que la différence de niveau moyen général constaté par la Chambre des notaires témoigne de la faible qualité constructible de l'immeuble et il demande la confirmation du lissage de la valeur portée à 4200 euros/m².

La moyenne des références retenues par la cour est donc de 4743,50 euros/m².

Les facteurs de plus-value sont les suivants :

'bonne situation géographique, proche des transports et du centre-ville

'état intérieur décrit globalement comme « propre avec des murs peints en blanc et des sols en bon état » dans le procès-verbal de transport.

Les facteurs de moins-value sont les suivants :

'mauvais entretien des parties communes

'bien situé dans un ensemble modeste, de faible qualité constructible.

'une façade taguée, l'autre étant en état d'usage.

Comme l'indique le commissaire du gouvernement à titre indicatif au regard du prix moyen sur [Localité 26] constaté par la chambre des notaires, de 5270 euros/m², la moyenne plus basse correspond à la faible qualité constructible de l'immeuble comme le démontre la consultation du site 'Google Street View'.

En conséquence, les facteurs de moins-value étant plus importants que les facteurs de plus-value, le premier juge a exactement retenu une valeur inférieure de 4200 euros/m².

Le prix de préemption, hors frais d'agence, est donc de :

24,22 m² x 4200 euros = 101'724 euros en valeur libre.

Le jugement sera donc confirmé en ce sens.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de confirmer le jugement qui a condamné la SADEV 94 à verser aux consorts [R]-[Z] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de condamner la SADEV 94 à verser la somme de 3000 euros aux consorts [R]-[Z] au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

- Sur les dépens

Il convient de confirmer le jugement pour les dépens de première instance.

LA SADEV 94 perdant le procès sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare recevables les conclusions des parties ;

Confirme le jugement entrepris ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne la SADEV à verser à Mme [I] [R] et Mme [C] [Z] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SADEV 94 aux dépens.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 21/11976
Date de la décision : 16/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-16;21.11976 ?
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