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16/06/2022 | FRANCE | N°21/057527

France | France, Cour d'appel de Paris, B1, 16 juin 2022, 21/057527


Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 16 JUIN 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/05752 - No Portalis 35L7-V-B7F-CDL4X

Décision déférée à la cour :
jugement du 05 mars 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 20/81935

APPELANTE

SCCV INNOVESPACE SAINT-DENIS
[Adresse 1]
[Localité 3]

Représentée par Me Philippe REZEAU de la SELARL AQUILON AVOCATS, avocat

au barreau de PARIS, toque : L158

INTIMÉE

S.A.S. KP1 BÂTIMENTS
[Adresse 4]
[Localité 2]

Représentée par Me Anne-Hortense JOULIE, avocat...

Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 16 JUIN 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/05752 - No Portalis 35L7-V-B7F-CDL4X

Décision déférée à la cour :
jugement du 05 mars 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 20/81935

APPELANTE

SCCV INNOVESPACE SAINT-DENIS
[Adresse 1]
[Localité 3]

Représentée par Me Philippe REZEAU de la SELARL AQUILON AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L158

INTIMÉE

S.A.S. KP1 BÂTIMENTS
[Adresse 4]
[Localité 2]

Représentée par Me Anne-Hortense JOULIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0518

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 20 avril 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Catherine LEFORT, conseiller, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

MINISTERE PUBLIC : avis rendu le 19 avril 2022 par Madame Marie-Daphné PERRIN, substitut général

GREFFIER lors des débats : Madame Camille LEPAGE

ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par jugement du 22 septembre 2017, le tribunal de grande instance de Paris a notamment condamné la Sccv Innovespace Saint Denis à payer à la SAS KP1 Bâtiments les sommes de :
– 456.030,90 euros HT au titre des travaux exécutés, avec intérêts au taux légal à compter du 7 avril 2011 (condamnation prononcée solidairement avec la SA Bred Banque Populaire),
– 56.587 euros HT au titre des travaux exécutés, avec intérêts au taux légal à compter du 7 avril 2011,
– 164.331 euros HT à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement,
– 219.458,28 euros HT à titre de solde d'honoraires,
– 25.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par arrêt du 20 décembre 2019, la cour d'appel de Paris a notamment :
- confirmé ce jugement, sauf en ce qu'il a condamné solidairement la Sccv Innovespace Saint Denis et la SA Bred Banque Populaire à verser à la SAS KP1 Bâtiments la somme de 456.030,90 euros HT avec intérêts au taux légal à compter du 7 avril 2011,
Statuant à nouveau,
- condamné solidairement la Sccv Innovespace Saint Denis et la SA Bred Banque Populaire, dans la limite de 216.174,25 euros HT pour cette dernière, à verser à la société KP1 Bâtiments la somme de 456.030,90 euros HT, avec intérêts au taux légal à compter du 7 avril 2011 au titre du solde du marché,
Ajoutant au jugement,
- dit que la somme de 456.030,90 euros HT portera intérêts moratoires de l'article L. 441-6 du code de commerce à partir du 7 avril 2011,
- dit que la condamnation confirmée de 56.587 euros HT portera intérêts moratoires de l'article L. 441-6 du code de commerce sur la somme de 33.725 euros HT à compter du 7 avril 2011.
- condamné la Sccv Innovespace Saint Denis à verser à la société KP1 Bâtiments la somme de 10.000 euros.

La Sccv Innovespace Saint Denis a réglé l'intégralité des sommes auxquelles elle a été condamnée, et notamment les factures en y incluant la taxe sur la valeur ajoutée, mais a refusé de régler les intérêts de retard sur la TVA.

Suivant procès-verbal dressé le 4 décembre 2020, la société KP1 Bâtiments a fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes de la Sccv Innovespace Saint Denis à la Bred Banque Populaire, pour avoir paiement de la somme de 93.285,70 euros correspondant aux intérêts moratoires dus sur la TVA des factures. La saisie a été dénoncée à la Sccv Innovespace Saint Denis par acte d'huissier du 8 décembre 2020.

Par acte d'huissier en date du 18 décembre 2020, la Sccv Innovespace Saint Denis a fait assigner la société KP1 Bâtiments devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris aux fins de mainlevée de la saisie-attribution.

Par jugement en date du 5 mars 2021, le juge de l'exécution a notamment :
- débouté la Sccv Innovespace Saint Denis de sa contestation et a validé la saisie-attribution pratiquée le 4 décembre 2020,
- condamné la Sccv Innovespace Saint Denis au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
- rejeté les demandes plus amples ou contraires.

Pour débouter la Sccv Innovespace Saint Denis de sa contestation, le juge de l'exécution a estimé que les intérêts moratoires devaient être acquittés sur le montant total des factures impayées et devaient donc également courir sur le montant de la taxe sur la valeur ajoutée, dès lors que les parties reconnaissaient en être redevables, peu important que cette taxe ne soit reversée par le créancier au trésor public qu'à la perception de cette somme et n'ait pas causé de manque de trésorerie au créancier.

Par déclaration du 25 mars 2021, la Sccv Innovespace Saint Denis a fait appel de ce jugement.

Par conclusions en date du 18 mai 2021, la Sccv Innovespace Saint Denis demande à la cour d'appel de :
- réformer le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- dire et juger que les intérêts moratoires ne sont dus que sur les condamnations hors taxes,
- déduire des sommes dues la somme de 93.288,75 euros,
- dire et juger que la dette est entièrement soldée,
En conséquence,
- ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée par la société KP1 Bâtiments le 4 décembre 2020,
- condamner la société KP1 Bâtiments au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens de première instance et d'appel.

Elle fait valoir que la société KP1 Bâtiments ne peut prétendre aux intérêts moratoires sur la part de TVA des sommes dues.
Elle explique en premier lieu qu'il résulte des dispositions de l'article 1231-6 du code civil que le retard dans le paiement occasionne un préjudice qui est indemnisé par l'intérêt légal ; que la société KP1 Bâtiments n'a subi aucun préjudice du fait du paiement tardif de la part de la dette correspondant à la TVA, n'a pas subi de charges de trésorerie sur ces sommes, contrairement aux sommes hors taxes contractuellement dues qui ont effectivement fait défaut dans la trésorerie de la société KP1 Bâtiments ; que si la TVA est effectivement due au créancier pour lui permettre de l'acquitter, cette taxe ne saurait produire des intérêts puisqu'elle ne sera payée par la société KP1 Bâtiments que lors de l'encaissement des sommes qui lui sont dues, en application de l'article 269-2 c du code général des impôts. Elle reproche au juge de l'exécution de ne pas avoir répondu à son moyen relatif à l'absence de préjudice subi par le créancier tout en visant le principe de la réparation intégrale, ce qui constitue une contradiction de motifs. Elle ajoute qu'il ne résulte pas de la jurisprudence de la Cour de cassation que la TVA porte intérêt, mais seulement qu'elle peut porter intérêt si le juge du fond le décide, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
En second lieu, elle invoque les dispositions de l'article R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution qui prive le juge de l'exécution du pouvoir de compléter le titre exécutoire sur lequel se fonde la saisie, et soutient que dès lors que les intérêts ne portent que sur les condamnations HT, le créancier n'est pas en droit de réclamer les intérêts sur TVA, puisque le titre exécutoire n'en dispose pas ainsi.
Subsidiairement, si la cour estime que les intérêts sur la TVA sont dus, elle fait valoir qu'il ne peut s'agir des intérêts majorés de l'article L. 441-6 du code de commerce qui ne sont dus que sur décision de justice, mais uniquement de l'intérêt légal en application de l'article 1231-6 du code civil, ce qui représente une somme de 6.236,21 arrêtée au 30 juin 2020.

Par conclusions d'intimé et d'appel incident du 17 juin 2021, la société KP1 Bâtiments demande à la cour de :
- débouter la Sccv Innovespace Saint Denis de toutes ses demandes,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne la demande d'indemnisation pour frais irrépétibles,
A titre reconventionnel,
- condamner la Sccv Innovespace Saint Denis à lui payer la somme de 86.034,04 euros au titre de ses frais irrépétibles, à titre principal sur le fondement de l'article L. 446-10 du code de commerce, et à titre subsidiaire sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Elle soutient que les intérêts de retard sont dus sur la totalité de la somme due, y compris sur la TVA. Elle explique qu'elle est une société commerciale soumise à TVA ; que la Sccv Innov Espace Saint Denis ne conteste pas devoir la TVA sur les factures et l'a réglée spontanément même si les condamnations étaient prononcées hors taxes, les juridictions n'étant pas saisies de la question du régime fiscal applicable ; que si la TVA était due, alors les intérêts de retard ont couru sur la TVA depuis la date d'exigibilité des factures, même en présence d'une condamnation HT. Elle estime que l'argument relatif à l'absence de préjudice est inopérant au regard de l'article 1231-6 alinéa 2 du code civil, et fait valoir que la Cour de cassation a déjà tranché cette question dans une espèce où la condamnation était également prononcée HT, confirmant que les intérêts de retard courent sur le montant TTC des factures. Elle soutient en outre que contrairement à ce que soutient l'appelante, le juge de l'exécution n'a rien ajouté aux décisions, n'ayant pas jugé que la TVA était due et ayant seulement rappelé la loi en jugeant que les intérêts de retard courent sur l'intégralité des sommes dues.
Sur la contestation subsidiaire de la Sccv Innov Espace Saint Denis, elle répond que s'agissant de factures entre professionnels, l'article L. 441-6, devenu L. 441-10 du code de commerce, qui est d'ordre public, s'applique de plein droit.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 2 décembre 2021.

Par arrêt du 24 mars 2022, la cour d'appel de Paris a :
- rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture de la société PK1 Bâtiments,
- mais rejeté les conclusions no2 notifiées le 2 décembre 2021 par la Sccv Innovespace Saint Denis,
- ordonné la réouverture des débats afin de recueillir les observations écrites des parties et du ministère public sur l'opportunité de saisir la Cour de cassation pour avis sur la question de droit suivante posée à la cour d'appel, statuant avec les pouvoirs du juge de l'exécution : En présence d'une décision de justice prononçant une condamnation au paiement de factures HT, avec intérêts moratoires, le débiteur, qui ne conteste pas devoir la TVA en sus, est-il tenu de payer les intérêts sur la TVA ?
- renvoyé l'affaire et les parties à l'audience du mercredi 20 avril 2022 à 9h30,
- dit que le présent arrêt sera communiqué par le greffe au ministère public pour avis,
- dit que les parties et le ministère public devront faire parvenir leurs observations écrites par le RPVA avant le mercredi 13 avril 2022,
- sursis à statuer sur l'ensemble des demandes,
- réservé les dépens d'appel.

Le ministère public a rendu son avis le 19 avril 2022. Il estime que la cour dispose des éléments pour trancher et dit n'y avoir lieu à saisine de la Cour de cassation pour avis. Il considère en premier lieu que la lecture du dispositif de l'arrêt du 20 décembre 2019 permet de constater que les juges d'appel ont décidé que les intérêts moratoires couraient sur les sommes hors taxes, et que la clarté du dispositif s'impose au juge de l'exécution. En second lieu, il soutient que l'État est seul créancier de la TVA versée par la Sccv Innovespace Saint Denis à la société KP1 Bâtiments, et que les intérêts moratoires compensant un préjudice abstrait, à savoir le retard dans le paiement, la société KP1 Bâtiments ne peut donc prétendre à la perception d'intérêts moratoires sur les sommes dues au titre de la TVA dont elle n'est que collectrice, et que la perception de ces intérêts, qui ont pour assiette une somme dont seul l'État est créancier, constituerait un enrichissement sans cause, désormais qualifié d'injustifié par les dispositions de l'article 1303 du code civil, pour la société KP1 Bâtiments et un appauvrissement corrélatif et sans fondement juridique du patrimoine de la société Innovespace Saint Denis.

Les parties ont indiqué ne pas avoir d'observations à formuler et s'en rapportent à la décision de la cour.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la contestation principale de la Sccv Innovespace Saint Denis

Aux termes de l'article R.121-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution.

En l'espèce, la cour d'appel a :
- condamné solidairement la Sccv Innovespace Saint Denis et la SA Bred Banque Populaire, dans la limite de 216.174,25 euros HT pour cette dernière, à verser à la société KP1 Bâtiments la somme de 456.030,90 euros HT, avec intérêts au taux légal à compter du 7 avril 2011 au titre du solde du marché,
- dit que la somme de 456.030,90 euros HT portera intérêts moratoires de l'article L. 441-6 du code de commerce à partir du 7 avril 2011,
- dit que la condamnation confirmée de 56.587 euros HT portera intérêts moratoires de l'article L. 441-6 du code de commerce sur la somme de 33.725 euros HT à compter du 7 avril 2011.

Ainsi, la lecture du dispositif de l'arrêt du 20 décembre 2019 fait apparaître clairement que la juridiction du fond a décidé que les intérêts moratoires ne courraient que sur les sommes hors taxes.

En jugeant que les intérêts moratoires devaient également courir sur la TVA, le juge de l'exécution a méconnu le principe d'intangibilité du titre exécutoire puisqu'il a modifié le dispositif, pourtant clair et précis, de l'arrêt qui s'imposait à lui en ajoutant une créance au profit de la société KP1 Bâtiments.

En outre, l'article 1231-6 du code civil dispose :
« Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.
Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.
Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire. »

Il résulte certes de ces dispositions et notamment de l'alinéa 2 que les intérêts moratoires sont dus de plein droit sans que le créancier ait à justifier d'un préjudice. Pour autant, les intérêts moratoires visent bien à compenser un préjudice, à savoir le retard dans le paiement.

L'article L. 441-6, I, alinéa 8 du code de commerce, dans sa version applicable au présent litige dispose :
« Les conditions de règlement doivent obligatoirement préciser les conditions d'application et le taux d'intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture ainsi que le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date. Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d'intérêt légal, ce taux est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage. Dans ce cas, le taux applicable pendant le premier semestre de l'année concernée est le taux en vigueur au 1er janvier de l'année en question. Pour le second semestre de l'année concernée, il est le taux en vigueur au 1er juillet de l'année en question. Les pénalités de retard sont exigibles sans qu'un rappel soit nécessaire. Tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l'égard du créancier, d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret. Lorsque les frais de recouvrement exposés sont supérieurs au montant de cette indemnité forfaitaire, le créancier peut demander une indemnisation complémentaire, sur justification. Toutefois, le créancier ne peut invoquer le bénéfice de ces indemnités lorsque l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire interdit le paiement à son échéance de la créance qui lui est due. »

Ces dispositions, applicables aux factures dues entre commerçants, sont d'ordre public et les intérêts sont dus de plein droit, sans que le créancier ait à justifier d'un préjudice. Ici encore, il s'agit d'indemniser automatiquement le retard dans le paiement. L'article L. 441-6, I ne précise pas si les intérêts moratoires sont dus sur le montant HT ou TTC des factures.

Or, la TVA n'est pas une créance de la société KP1 Bâtiments, mais de l'État. Cette dernière ne fait que collecter la TVA pour la reverser à l'État. Ainsi, la société KP1 Bâtiments ne saurait prétendre à la perception d'intérêts moratoires sur la TVA dans la mesure où n'étant pas créancière de la TVA, elle ne peut subir aucun préjudice du retard dans le paiement de celle-ci.

La société KP1 Bâtiments invoque un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 24 juin 2014 (no13-18.317) dont il résulte que dès lors que les intérêts moratoires indemnisent le retard dans le paiement de la somme due, c'est sans méconnaître le principe de réparation intégrale que la cour d'appel, qui a constaté que la débitrice était redevable envers le créancier du montant total des factures impayées, incluant la taxe à la valeur ajoutée, a retenu que l'assiette des intérêts moratoires devait inclure cette taxe.

Cependant, cet arrêt, qui se fonde sur le caractère indemnitaire des intérêts de retard, a été rendu, non pas au stade de l'exécution, mais dans le cadre des procédures au fond : la Cour de cassation approuve la cour d'appel, juridiction du fond, d'avoir décidé que les intérêts au taux légal s'appliquaient sur les sommes dues, TVA incluse. Dès lors, c'est à juste titre que la société Innovespace Saint Denis soutient qu'il résulte seulement de cette décision que la TVA peut porter intérêt si la juridiction du fond le décide, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, c'est à bon droit que l'appelante conteste les intérêts moratoires sur la TVA qui lui sont réclamés par la saisie-attribution litigieuse.

Le juge de l'exécution ayant à tort rejeté la contestation de la société Innovespace Saint Denis en estimant qu'elle était redevable des intérêts moratoires sur la TVA, le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions et il sera fait droit à la demande de mainlevée de la saisie-attribution présentée par la société Innovespace Saint Denis.

Sur les demandes accessoires

La société KP1 Bâtiments, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'appelante.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 mars 2021 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris,

Statuant à nouveau,

ORDONNE la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée par la SAS KP1 Bâtiments le 4 décembre 2020,

CONDAMNE la SAS KP1 Bâtiments à payer à la Sccv Innovespace Saint Denis la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SAS KP1 Bâtiments aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 21/057527
Date de la décision : 16/06/2022
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-06-16;21.057527 ?
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