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15/06/2022 | FRANCE | N°18/05234

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 15 juin 2022, 18/05234


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 15 JUIN 2022

(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/05234 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5PR3



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Janvier 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F16/01492



APPELANTE



Madame [W] [D]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me

Rachel SPIRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0335

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/024862 du 10/09/2018 accordée par le bureau d'aide juridicti...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 15 JUIN 2022

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/05234 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5PR3

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Janvier 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F16/01492

APPELANTE

Madame [W] [D]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Rachel SPIRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0335

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/024862 du 10/09/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEE

Association MEDECINS SANS FRONTIERES (MSF)

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Loïc TOURANCHET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DECHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par contrat à durée indéterminée du 2 janvier 2008, précédé de trois contrats à durée déterminée qui se sont succédé du 21 avril 2005 au 14 décembre 2007, Mme [W] [D] a été embauchée en qualité d'adjointe au responsable opérationnel 'face à face' par l'association Médecins sans frontières.

A compter du 10 janvier 2011, elle a été promue responsable opérationnel. Au dernier état de la relation de travail, elle percevait une rémunération mensuelle de 3.440 euros brut.

L'association employeur a pour objet l'action médicale humanitaire internationale et emploie habituellement plus de dix salariés. L'activité dite 'face à face' consiste à recruter des médiateurs pour démarcher d'éventuels donateurs dans des lieux privés ou publics.

Le 17 avril 2015, Mme [D] a été licenciée pour insuffisance professionnelle.

Le 10 février 2016, contestant ce licenciement et formant diverses autres demandes, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 25 janvier 2018, a rejeté l'ensemble de ses prétentions.

Suivant déclaration du 10 avril 2018, Mme [D] a fait appel de cette décision notifiée par le greffe le 13 mars précédent.

Par conclusions déposées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 6 juillet 2018, elle demande à la cour, infirmant le jugement, de :

- fixer son salaire de référence à 3.440,03 euros ;

- fixer son ancienneté au 16 août 2006 ;

- condamner l'association Médecins sans frontières à lui payer 41.280 euros net à titre de dommages-intérêts réparant le préjudice né de l'exécution fautive du contrat de travail par l'employeur ;

- condamner l'association Médecins sans frontières à lui payer la somme de 17.771,13 euros de rappel d'heures supplémentaires et 1.777,11 euros de congés payés afférents ;

- condamner l'association Médecins sans frontières à lui payer la somme de 20.640 euros net, à titre d'indemnité de travail dissimulé ;

- principalement, annuler son licenciement pour violation du statut protecteur et condamner l'association Médecins sans frontières à lui payer 10.320,09 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur ;

- subsidiairement, juger son licenciement pour insuffisance professionnelle dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- en tout état de cause, condamner l'association Médecins sans frontières à lui payer la somme de 912,99 euros à titre de rappel d'indemnité légale de licenciement ;

- condamner l'association Médecins sans frontières à lui payer la somme de 123.840 euros net, à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ou, à tout le moins, sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner l'association Médecins sans frontières à lui fournir des bulletins de paie conformes au 'jugement' à intervenir, une attestation Pôle emploi conforme, un certificat de travail conforme, le tout, sous astreinte de 300 euros par jour de retard et par document à compter du 8 ème jour suivant la notification du 'jugement' à intervenir, la cour se réservant le contentieux

de la liquidation de l'astreinte ;

- condamner l'association Médecins sans frontières à payer les intérêts au taux légal avec anatocisme ;

- condamner l'association Médecins sans frontières à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens et éventuels frais d'exécution.

Par conclusions déposées sur le réseau privé virtuel des avocats le 23 août 2020, l'association MSF demande à la cour principalement de confirmer le jugement et de :

- juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ;

- rejeter l'ensemble des demandes ;

- subsidiairement limiter le quantum des dommages-intérêts à six mois de salaire ;

- condamner Mme [D] à lui payer 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 : Sur l'exécution du contrat

1.1 : Sur l'ancienneté

Il ressort de l'article L.1243-11 du code du travail qu'en cas de succession de contrats sans interruption, l'ancienneté acquise à l'issue du contrat à durée déterminée est reprise dans le cadre du contrat à durée indéterminée mais qu'en revanche, lorsque les contrats successifs sont séparés par des périodes d'interruption et que la relation contractuelle n'est pas requalifée par le juge dans son ensemble en contrat à durée indéterminée, la durée des contrats antérieurs n'est pas prise en compte.

En l'espèce, le contrat à durée indéterminée ne faisant pas immédiatement suite au contrat à durée déterminée le précédant puisqu'ils sont séparés par une période de dix-neuf jours, qui ne saurait être considérée comme correspondant à des congés payés acquis dans le cadre de la relation de travail, et au vu de l'absence de requalification de la relation contractuelle dans son ensemble, il n'y a pas lieu de prendre en compte l'ancienneté acquise au titre des précédents contrats.

La demande à ce titre sera rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

1.2 : Sur le manquement à l'obligation d'adaptation de la salariée à son poste de travail et à l'obligation de sécurité

En application de l'article L.6321-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme. Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation mentionné au 1° de l'article L. 6312-1

En l'espèce, il ressort de la comparaison de ces comptes-rendus d'évaluation et du listing des formations dispensées produit par l'employeur qu'alors que la salariée a été promue du poste d'adjointe à celui de responsable opérationnelle, elle n'a pas bénéficié en temps utile et malgré ses demandes, des formations nécessaires notamment sur les aspects budgétaires, de gestion des ressources humaines et d'encadrement.

Il convient dès lors de retenir un manquement de l'employeur à son obligation d'adaptation.

Par ailleurs, en application de l'article L.4121-1 du code du travail dans sa version alors applicable, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d'information et de formation, la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Il ressort des pièces versées aux débats que la salariée a décrit à plusieurs reprises sa charge de travail comme excessive, ce qu'un rapport d'audit par un organisme extérieur a également confirmé. Elle a par ailleurs alerté sa hiérarchie sur ce point. Il résulte également des débats que la salariée s'est vu proposer un changement d'affectation qui, malgré son intitulé, s'analyse en rétrogradation compte tenu de la perte de responsabilités qu'il impliquait. Or, si ce changement n'a pas été imposé à la salariée, il n'en demeure pas moins qu'elle a été de facto écartée d'un échange de mails concernant la réorganisation de son service et qu'une offre d'emploi pour son poste a été diffusée avant même sa convocation à un entretien préalable.

Il est également établi que Mme [D] a été arrêtée de façon concomitante pour une affection psychologique.

Au regard de ce qui précède, l'employeur a manqué à son obligation de sécurité.

Compte tenu des difficultés d'exercice professionnel engendrées par le manque d'adaptation de la salariée à son poste de travail, de la souffrance psychologique générée par sa surcharge d'activité et les conditions dans lesquelles elle été écartée de son poste avant même son licenciement, la salarié se verra allouer la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts de ce chef.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

1.3 : Sur les heures supplémentaires

A titre liminaire, il convient de rappeler qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, aucune fin de non-recevoir tirée d'une éventuelle prescription des demandes de rappel de salaire ne figurant au dispositif des conclusions de l'intimée, malgré l'évocation de ce point dans le corps de ses conclusions, la cour, qui ne peut soulever d'office la prescription, n'est saisie d'aucune exception d'irrecevabilité de ce chef.

Or, aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, Mme [D] verse aux débats des documents faisant état d'une surcharge de travail, un rapport d'audit par un organisme extérieur qui pointe une insuffisance des moyens humains dédiés à son service, des éléments montrant que des médiateurs sous sa responsabilité travaillent le samedi ainsi que deux comptes-rendus d'évaluation dans lesquels une astreinte le samedi, régulièrement mobilisée, est mentionnée. Elle communique également un tableau mentionnant des samedis qui auraient été travaillés à hauteur de 7 heures quotidiennes et ce de façon systématique.

Ce faisant, néanmoins, alors que l'accomplissement d'astreintes ne saurait s'assimiler à celui d'heures supplémentaires et que les prétendues heures travaillées le samedi sont comptabilisées de façon forfaitaire sans précision sur les heures de début et de fin de la journée de travail, la salariée ne produit pas d'éléments suffisamment précis sur les heures supplémentaires prétendument accomplies permettant à l'employeur d'y répondre utilement.

Dès lors, les demandes au titre des heures supplémentaires, de congés payés afférents et, celle, subséquente, au titre du travail dissimulé seront rejetées et le jugement confirmé de ce chef.

2 : Sur la rupture du contrat de travail

2.1 : Sur l'annulation pour violation du statut protecteur en raison de l'imminence de sa candidature aux élections

Le licenciement d'un salarié protégé qui intervient sans autorisation de l'inspecteur du travail est nul.

Par ailleurs, aux termes de l'article L.2411-10 du code du travail, l'autorisation de licenciement est requise pour le candidat aux fonctions de membre élu du comité d'entreprise, au premier ou au deuxième tour, pendant les six mois suivant l'envoi des listes de candidatures à l'employeur. Cette autorisation est également requise lorsque la lettre du syndicat notifiant à l'employeur la candidature aux fonctions de membre élu du comité d'entreprise ou de représentant syndical au comité d'entreprise a été reçue par l'employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l'employeur a eu connaissance de l'imminence de sa candidature avant que le candidat ait été convoqué à l'entretien préalable au licenciement.

Au cas présent, si la salariée se prévaut d'une protection en raison de l'imminence de sa candidature, il ne résulte aucunement des documents versés aux débats que l'intention de la salariée de se présenter aux élections ait été annoncée publiquement et il ne saurait être déduit de la seule réponse de l'employeur excluant tout lien entre le licenciement et la tenue des élections professionnelles qu'il a été informé de l'imminence de la candidature invoquée.

Il convient dès lors de rejeter les demandes au titre de la nullité du licenciement, de l'indemnité subséquente de dommages-intérêts pour licenciement nul, ainsi que d'indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

2.2 : Sur l'insuffisance professionnelle

L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Aux termes de l'article L.1232-1 du même code, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Enfin, l'insuffisance professionnelle, qui se définit comme l'incapacité objective et durable d'un salarié d'exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification, constitue une cause légitime de licenciement.

Si l'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relève du pouvoir patronal, l'insuffisance alléguée doit toutefois reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation subjective de l'employeur. Pour constituer une cause légitime de rupture, l'insuffisance professionnelle doit être directement imputable au salarié et non au comportement de l'employeur notamment lorsque ce dernier a manqué à son obligation d'adaptation. Cette insuffisance s'apprécie en outre sur la totalité de la période d'exercice professionnel du salarié ainsi que sur l'ensemble de ses attributions et non sur certaines tâches prises isolément des autres.

En l'espèce, aux termes de la lettre de rupture du 17 avril 2015, qui fixe les limites du litige, Mme [D] a été licenciée pour insuffisance professionnelle au motif qu'elle aurait des difficultés dans la gestion des ressources humaines de ses équipes, qu'elle manquerait de professionnalisme et de rigueur dans la gestion de l'activité ainsi que pour une attitude d'opposition et de blocage et une dissimulation de certaines informations à sa hiérarchie.

Cependant, s'il résulte des pièces versées aux débats par l'employeur que Mme [D] a pu rencontrer des difficultés dans les différents domaines susmentionnés, il ressort par ailleurs du dossier et plus particulièrement, de certaines attestations, du rapport d'audit, des entretiens d'évaluation et du listing des formations délivrées, que la salariée n'a pas bénéficié d'une véritable adaptation à son poste de travail et qu'elle était confrontée à une surcharge de travail compte tenu de l'absence d'adjoint et d'une augmentation de l'activité compte tenu de la croissance des équipes.

En outre, les éléments négatifs produits sont particulièrement récents et contemporains du projet de réorganisation du service consistant notamment à changer les attributions de la salariée. Or, sa dernière évaluation, signée le 19 décembre 2014, quatre mois avant l'engagement de la procédure, si elle fait état de marges importantes d'amélioration, se conclut par la mention suivante : 'globalement une bonne année 2014 dans la mesure où l'on atteindra voire on dépassera les objectifs (...) Restent toutefois quelques points d'amélioration pour être en plein maîtrise du poste dont le principal est le pilotage/suivi de l'activité' ce qui ne saurait caractériser une quelconque insuffisance justifiant un licenciement.

Par ailleurs, alors que l'insuffisance professionnelle s'apprécie sur la totalité de la durée de l'exercice professionnel, la salariée qui a bénéficié de plusieurs contrats à durée déterminée depuis 2005, a été embauchée à durée indéterminée en 2008 et promue en 2011, ne saurait se voir licenciée sur la base de griefs qui sont principalement constatés sur les trois derniers mois.

Il s'en déduit que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et que le jugement doit être infirmé sur ce point.

3 : Sur les conséquences financières de la rupture

3.1 : Sur le rappel d'indemnité de licenciement

En l'absence de reprise d'ancienneté, il n'y a pas lieu de procéder à un rappel d'indemnité de licenciement. Le jugement sera confirmé sur ce point.

3.2 : Sur les dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

En application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige, la salariée ayant plus de deux années d'ancienneté et l'association employant habituellement plus de dix salariés et compte tenu de son préjudice moral et financier tel qu'il résulte notamment de son âge, de son employabilité, de sa situation postérieure au regard de l'emploi, de sa situation familiale ainsi que de la perte de droits futurs à la retraite, des avantages sociaux de l'entreprise et du bénéfice de la mutuelle et de la prévoyance, une somme de 25.000 euros sera allouée à la salariée à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

4 : Sur la remise des documents de fin de contrat.

Il convient d'ordonner la remise d'un bulletin de paie rectificatif, d'une attestation Pôle emploi et d'un certificat de travail conformes à la présente décision dans les quinze jours de sa signification, celle-ci étant de droit.

Il n'y a pas lieu en revanche d'assortir cette condamnation d'une astreinte et la demande en ce sens sera rejetée.

5 : Sur les intérêts et leur capitalisation

Conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil, les intérêts au taux légal courent sur les créances indemnitaires à compter du présent arrêt. Ils seront par ailleurs capitalisés en application de l'article 1343-2 du même code.

6 : Sur le remboursement des indemnités de chômage à Pôle emploi

Il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur à Pôle emploi, partie au litige par l'effet de la loi, des indemnités de chômage qu'il a le cas échéant versées à Mme [D] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de six mois d'indemnités. Le jugement sera complété en ce sens.

7 : Sur les autres demandes

La décision sera infirmée sur les dépens et les frais irrépétibles.

Partie perdante, l'association Médecin sans frontières supportera les dépens de la première instance comme ceux éventuellement engagés en cause d'appel, outre 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

- Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 25 janvier 2018 sauf en ce qu'il rejette les demandes au titre de l'ancienneté, des heures supplémentaires et des congés payés afférents, du travail dissimulé, d'annulation du licenciement, de dommages-intérêts de ce chef, d'indemnité pour violation du statut protecteur et de complément d'indemnité de licenciement;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- Condamne l'association Médecin sans frontières à payer à Mme [W] [D] la somme de 2.000 euros de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat et manquement de l'employeur à ses obligations d'adaptation à l'emploi et de sécurité ;

- Juge le licenciement du 17 avril 2015 dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- Condamne l'association Médecin sans frontières à payer à Mme [W] [D] la somme de 25.000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les créances indemnitaires à compter du présent arrêt ;

- Ordonne leur capitalisation ;

- Ordonne la remise d'un bulletin de paie récapitulatif, d'une attestation Pôle emploi et d'un certificat de travail conformes à la présente décision dans les quinze jours de sa signification ;

- Rejette la demande d'astreinte ;

- Ordonne le remboursement par l'employeur à Pôle emploi, partie au litige par l'effet de la loi, des indemnités de chômage qu'il a le cas échéant versées à Mme [D] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de six mois d'indemnités ;

- Condamne l'association Médecin sans frontières à payer à Mme [W] [D] la somme de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles ;

- Condamne l'association Médecin sans frontières aux dépens de la première instance comme de l'appel.

LA GREFFI'RE LE PR''SIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 18/05234
Date de la décision : 15/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-15;18.05234 ?
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