Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRET DU 14 JUIN 2022
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/12431 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBE6Y
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Novembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MELUN - RG n° F19/00029
APPELANTE
Madame [G] [J]-[K]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Aurore CHAMPION, avocate au barreau de MELUN, toque : M71
INTIMEE
FONDATION COGNACQ-JAY
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Véronique MARTIN BOZZI, avocate au barreau de PARIS, toque : L0305
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laurence DELARBRE, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Laurence DELARBRE, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Anne HARTMANN Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Mme [G] [J]-[K], née le 18 mars 1978, a été engagée par la Fondation Cognacq-Jay, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 20 janvier 2014 en qualité de brancardière.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l'hospitalisation privée à but non lucratif (FEHAP5l).
Par lettre datée du 26 décembre 2017, Mme [J]-[K] ai été convoquée à un entretien préalable fixé au 9 janvier 2018 et mise à pied à titre conservatoire .
Mme [J]-[K] a ensuite été licenciée pour faute grave motivée par un abandon de poste par lettre datée du 17 janvier 2018 rédigée ainsi :
'Les faits qui nous conduisent envisager votre licenciement sont les suivants :
Vous avez quitté votre poste de coordinatrice de l'équipe des brancardiers et donc de responsable de cette équipe, en pleine journée, soit à 11h30 le 26 décembre 2017. C'est donc en plein exercice de vos fonctions de coordination de l'activité de brancardage, que vous avez décidé de partir sans aucune explication laissée à votre équipe. Vous avez d'ailleurs reconnu au cours de l'entretien le 9 janvier 2018 avoir quitté votre poste de votre propre chef, ce qui est une attitude scandaleuse.(...) Cette situation d'abandon de poste est donc totalement irresponsable de la part d'un manager d'équipe, qui se doit être avant tout responsable de son équipe, d'autant plus dans un hôpital au sein duquel, comme vous le savez, tant la continuité d'activité que la sécurité des patients doivent être assurées.( ...)
Ainsi vous n'étiez pas sans savoir que parmi les trois brancardiers présents ce jour là, il y avait un seul salarié ancien dans l'équipe (M. [W] [Y]) un nouveau [O] arrivé le 18 décembre 2017 (Mme [H] [L]) et un deuxième nouveau [O] que vous deviez d'ailleurs intégrer ce même jour du 26 décembre à 11 heures au sein de l'équipe (M. [P] [A]). Vous n'avez donc laissé d'autre choix à M. [W], [O] le plus ancien dans l'équipe, que d'intégrer de former lui-même le nouveau [O] arrivé le 26 décembre dans des conditions intolérables liées à la situation générée par votre abandon de poste ce jour-là. Votre comportement d'abandon de poste est donc grave et aurait pu être dramatique pour les patients dans la mesure où vous avez mis l'établissement dans une situation d'insécurité nécessitant de prendre sur-le-champ les mesures d'adaptation de l'organisation du brancardage avec l'effectif en poste pour permettre d'assurer la continuité de l'activité dans des conditions insatisfaisantes.( ...)
Qui plus est, votre comportement de responsable d'équipe inadaptée constatée le 26 décembre 2017 n'est pas une première. Nous avons en effet été amené à intervenir auprès de vous pour d'autres situations constatées, et ce à plusieurs reprises.
Nous avons en effet aussi été confrontés à une décision que vous avez prise sans aucune information de votre responsable hiérarchique lorsque vous avez décidé du jour au lendemain de ne plus brancarder, alors même que cette tâche est prévue précisément dans votre fiche de poste. Vous avez mis ainsi votre responsable hiérarchique devant le fait accompli lequel a découvert vos agissements tout comme la direction de l'hôpital en vous croisant dans les locaux de l'hôpital sans le port de votre tenue pourtant obligatoire. Là encore vous avez reconnu durant l'entretien avoir pris la décision de ne plus [O] de votre propre chef. Ces décisions prises sur des coups de tête à répétition ne nous permettent pas d'instaurer la confiance attendue avec un manager d'équipe. Vous avez par ailleurs aussi démontré une attitude inappropriée par la prise systématique de nombreuses pauses en cours de journée de façon récurrente suite auquel nous avons là encore dû intervenir.( ...)
Aussi, vous entretenez sans cesse des relations conflictuelles avec le service de kinésithérapie, avec lequel votre service est amené à travailler en grande partie, ce qui n'est pas sans générer les difficultés de fonctionnement important au sein de l'hôpital.
Ainsi, compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien au sein de l'établissement s'avère impossible. En conséquence, nous vous notifions votre licenciement pour faute grave. Le licenciement prend donc effet immédiatement à la date de présentation de la présente lettre sans préavis ni indemnité. (...)'
Le 23 janvier 2018 la Fondation Cognacq-Jay a remis à son employée Mme [J]-[K]
l'ensemble de ses documents de fin de contrat.
A la date du licenciement, Mme [J]-[K] avait une ancienneté de 4 ans et la Fondation Cognacq-Jay occupait à titre habituel plus de dix salariés.
Le 30 janvier 2018, Mme [J]-[K] a contesté par courrier son licenciement.
Contestant à titre principal la validité et à titre subsidiaire la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, Mme [J]-[K] a saisi le 18 janvier 2019 le conseil de prud'hommes de Melun qui, par jugement du 20 novembre 2019, auquel la cour se réfère
pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :
- dit que le licenciement de Mme [J]-[K] est fondé sur une faute grave,
- débouté Mme [J]-[K] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- donné acte à la Fondation Cognacq-EJay de la régularisation du rappel de salaire au titre du repos compensateur relatif aux temps d'habillage et de déshabillage avec le bulletin de salaire correspondant,
- laissé les dépens à la charge de Mme [J]-[K].
Par déclaration du 19 décembre 2019, Mme [J]-[K] a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 9 décembre 2019.
A la demande des parties et par arrêt rendu le 30 novembre 2021, la cour a ordonné une médiation qui a échoué.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe parle réseau privé virtuel des avocats le 12 mai 2022, Mme [J]-[K] demande à la cour de :
- infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Melun du 20 novembre 20l9 dans toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau.
- fixer le salaire moyen de Mme [J]-[K] à la somme de 1 883 euros,
- condamner la Fondation Cognacq-Jay à payer à Mme [J]-[K] la somme de 1.230 euros au titre du rappel des jours de RTT non pris, augmentée de 123 euros au titre des congés payés y afférents,
- condamner la Fondation Cognacq-Jay à payer à Mme [J]-[K] la somme de 395 euros au titre du rappel, des heures pour le temps d`habillage / déshabillage, augmentée de 39 euros au titre des congés payés y afférents,
- juger que le licenciement de Mme [J]-[K] du 17 janvier 2018 est nul (subsidiairement sans cause réelle et sérieuse),
- ordonner la réintégration de Mme [J]-[K] à la date du jugement à intervenir,
- condamner la Fondation Cognacq-Jay à payer à Mme [J]-[K] la somme de 21.607 euros au titre de l'indemnité de réintégration, augmentée de 1.777,47 euros par mois écoulé à compter du ler janvier 2019 jusqu'à la date du jugement à intervenir (proratisé si besoin).
A titre subsidiaire :
- condamner la Fondation Cognacq-Jay à payer la somme de 1.093 euros au titre du rappel de la mise à pied conservatoire injustifiée, augmentée de 109 euros au titre des congés payés y afférents,
- condamner la Fondation Cognacq-Jay. à payer à Mme [J]-[K] la somme de 3.767 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, augmentée de 377 euros au titre des congés payés y afférents,
- condamner la Fondation Cognacq-Jay à payer à Mme [J]-[K] la somme de 1.980 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- condamner la Fondation Cognacq-Jay à payer à Mme [J]-[K] la sommede 22.000 euros au titre de l'indemnité de licenciement nul (ou sans cause réelle et sérieuse).
En tout état de cause
- ordonner à la Fondation Cognacq-Jay de rectifier et produire les bulletins de salaire conformes à l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter d'un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir,
- ordonner que les condamnations relatives aux rappels desalaires, l'indemnité de réintégration, l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférents et l°indemnité de licenciement porteront intérêt au taux d'intérét légal à compter de la date de saisine du Conseil de prud'hommes.
- condamner la Fondation Cognacq-Jay à payer à Mme [J]-[K] la somme de 5.500 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la fondation à payer les honoraires du médiateur désigné par la cour et à rembourser les sommes déjà réglées au médiateur par Mme Mme [J]-[K].
- condamner la Fondation Cognacq-Jay aux dépens de première instance et d'appel.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 12 mai 2022, la Fondation Cognacq-Jay demande à la cour de :
Rejeter les dernières écritures de Mme [J]-[K] communiquées le 12 mai 2022,
Susbsidiairement débouter Mme [J]-[K] des nouvelles demandes par conclusions du 12 mai 2022,
Confirmer le jugement déféré,
- constater l'abandon de poste de Mme [J]-[K] en date du 26 décembre 2017 ;
- dire et juger que le licenciement pour faute grave de Mme [J]-[K] est parfaitement justifié ;
- constater l'absence de discrimination en raison de l'état de santé ;
- constater que la demande de rappel de salaire au titre de jours RTT est infondée ;
- constater la régularisation de la demande relative au rappel de salaire au titre du repos
compensateur ;
- constater que Mme [J]-[K] n'apporte aucune justification à sa demande d'exécution provisoire sur le tout ;
Par conséquent de :
- débouter Mme [J]-[K] de l'intégralité de ses demandes ;
- condamner Mme [J]-[K] au paiement de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les éventuels dépens,
A titre subsidiaire,
- réduire le montant des demandes de Mme [J]-[K] au titre du licenciement nul,
A titre infiniment subsidiaire,
- réduire le montant des demandes de Mme [J]-[K] au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 juin 2021 et l'affaire a été fixée à-l'audience du 8 octobre 2021.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leursconclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure
MOTIVATION :
Sur la nullité du licenciement
Selon l'article L 1132 -1 du code du travail dans sa version applicable au litige, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mars 2008, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L3221-3, deux mesures d'intéressement de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son état de santé ou de son handicap.
L'article L 1134- 1 du code du travail prévoient qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salariée concernée présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte au vu desquels, il incombe à l'employeur de prouver que cette décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Mme [J]-[K] fait valoir, que la cause exacte de son licenciement correspond à une
discrimination sur état de santé. Elle s'estime ainsi bien fondée à demander la nullité de son
licenciement et sa réintégration au sein de la Fondation Cognacq-Jay.
La salariée explique qu'à la suite d'une surcharge de travail associée à une discussion houleuse avec la Directrice des ressources humaines de la Fondation Cognacq-Jay, elle a subi une crise d'angoisse lors de la journée du 26 décembre 2017 et que c'est dans ce contextequ'elle a quitté son lieu de travail afin de consulter son médecin traitant. Le médecin traitant de Mme [J]-[K] l'a recue le lendemain soit le 27 décembre.20l7 et l'a arrêtée jusqu'au 5 janvier 2018, puis a prolongé l'arrêt de travail au 8 janvier 2018.
Mme [J]-[K] a alors déposé le jour même en main propre son arrêt de travail auprès du service, des ressources humaines. Le surlendemain, soit le 28 décembre 2017, Mme [J]-[K] indique avoir reçu une convocation pour entretien préalable en raison d'un
prétendu abandon de poste.
La salariée soutient alors que l'employeur n'a aucune légitimité pour remettre en cause l'arrêt maladie qui a pour effet de suspendre le contrat de travail alors que la salariée a justifié de son état de santé dégradé sous 48 heures. Mme [J]-[K] considère que la Fondation Cognacq-Jay est alors mal fondée à essayer de se prévaloir d'un prétendu abandon de poste En tout état de cause, Mme [J]-[K] fait valoir qu'elle n'a nullement abandonné son poste de travail, mais a été confrontée à une dégradation de son état de santé constatée médicalement.
La salariée conclut qu'en maintenant sa procédure de licenciement alors qu'e1le savait que Mme [J]-[K] était malade, la Fondation Cognacq-Jay a rompu le contrat de travail de [K] discriminatoire.
A l appui de ses arguments, Mme [J] [K] produit les faits suivants :
- un entretien houleux le 26 décembre 2018 dirigé par Mme [N], directrice des ressources humaines concernant la non rémunération de la semaine de congés de Mme [J] [K] annulée du 18 décembre 2017 (pièce n°7),
- une crise d'angoisse associée à des palpitations, sueurs et tremblements le 26 décembre l'ayant contrainte à quitter son lieu de travail afin de consulter son médecin traitant,
- une consultation chez le Docteur [X] le 27 décembre 2017 qui a délivré un arrêt de travail jusqu'au 5 janvier 2018, (pièce n° 17),
- un arrêt de travail prolongé le 6 janvier jusqu'au 8 janvier 2018 (pièce n°20),
- une attestation de Melle [M] [J] [K], sa s'ur relatant le malaise de Mme [G] [J] [K] 'rentrée chez elle dans le but de voir un médecin..; son état nécessitait un avis médical' (pièce n°21),
- un certificat du Docteur [X] certifiant avoir reçu en consultation Mme [J] [K] le mercredi 27 décembre 2017, celle-ci n'ayant pu obtenir un rendez-vous la veille (pièce n°25),
Mme [J]-[K] établit ainsi l'existence matérielle de faits pouvant laisser présumer l'existence d'une discrimination à son encontre.
La Fondation Cognacq-Jay soutient quant à elle qu'aucune défaillance présentielle volontaire n'est envisageable pour la prise en charge des patients de l'hôpital.
La Fondation rappelle que l'activité de Mme [J]-[K] consistait à assurer des prestations de brancardage au sein de l'hôpital et de coordonner l'activité. Il ressort alors de sa fonction qu'elle avait la responsabilité de la gestion de l'activité de brancardage et des équipes dédiées, dont la continuité de service est déterminante et doit impérativement être assurée au sein de l'Hôpital.
Outre la planification du brancardage, elle était tenue d'assurer également les tâches de brancardage, notamment afin de montrer à son équipe toute l'exemplarité attendue sur ce type de poste au sein de l'hôpital.
La Fondation intimée explique que le 26 décembre 2017, alors que Mme [J]-[K] était tenue selon le planning du service de travailler de 8h45 à 12h00 et de 12h45 à 16h45, celle-ci a quitté son poste de façon intempestive et sans aucune autorisation préalable, à 11h30. Dans ces conditions, l'hôpital indique qu'il a été contraint de la convoquer le jour même, à un entretien préalable prévu le 9 janvier 2018.
La Fondation Cognacq-Jay fait valoir que cet abandon de poste a compromis la nécessaire continuité de service de l'activité de brancardage ainsi que la sécurité des patients, et a désorganisé le service.
La procédure disciplinaire ayant mené au licenciement de Mme [J]-[K] a été engagée le jour même de l'abandon de poste du 26 décembre 2017, soit la veille du début de l'arrêt de travail de cette derière, ce qui démontre que le licenciement est intervenu en raison du grave manquement de Mme [J]-[K]. Enfin, la Fondation rappelle qu'aucun accident du travail n'a été déclaré par Mme [J]-[K], et que seule la juridiction des affaires de Sécurité Sociale serait compétente pour reconnaître à l'arrêt de travail pour maladie un caractère professionnel, sous réserve d'établir un lien de causalité lequel n'est à ce jour nullement établi.
La Fondation Cognacq-Jay demande à la Cour de débouter Mme [J]-[K] de sa
demande et de considérer la procédure de licenciement justifiée et fondée sur la faute grave
constituée par son abandon de poste du 26 décembre 2017.
Elle verse aux débats les pièces suivantes :
- la fiche de poste de coordinatrice [O] de Mme [J]-[K] (pièce n°8),
- le contrat de travail de Mme [J]-[K] (article 1) l'obligeant au respect du règlement intérieur du centre ainsi qu'aux instructions données par le centre et les règles régissant le fonctionnement interne de l'hôpital (pièce n°2, pièce n°9),
- les principes de la charte de la personne hospitalisée, (pièce n°21),
- la convention collective nationale de l'hospitalisation privée à but non lucratif en son article 13. 01. 1, fixant l'obligation pour le salarié d'informer son employeur le plus rapidement possible est celle d'adresser dans les deux jours un certificat médical prescrivant soit un arrêt de travail soit une prolongation d'un arrêt antérieurement prescrit,
- l'attestation de M. [W] [O], présent le 26 décembre 2017 attestant du départ impromptu de Mme [J]-[K] en fin de matinée (pièce n° 11), sans donner de directives,
- l'attestation de M. [S], chef du pôle plateau technique et ambulatoire qui atteste avoir appris le 26 décembre 2017 le départ de Mme [J]-[K] de l'établissement en fin de matinée, sans qu'aucune consigne de coordination n'ait été donnée au reste de l'équipe souffrant déjà d'un manque d'effectif (pièce n°22),
-la lettre de convocation un entretien préalable à un éventuel licenciement en date du 26 décembre 2017 (pièce n°4).
-le planning mensuel du service des brancardiers de décembre 2017 (pièce n° 10),
Il est établi par l'échange des courriels entre Mme [G] [J]-[K] et Mme [V] [N], directrice des ressources humaines de la Fondation Cognacq-Jay, que Mme [J] [K] revendiquait le paiement de sa semaine de congés du 18 au 22 décembre 2017 qu'elle avait accepté d'annuler suite à un accord convenu avec le service des ressources humaines, que ce paiement lui a été refusé par Mme [N], qui lui indiquait substituer ses congés payés par des RTT (pièce n°13).
Il résulte du courrier de Mme [J]-[K] daté du 30 janvier 2018 (pièce n°7salariée), du courrier recommandé du 26 décembre 2017 de la Fondation Cognacq-Jay (pièce n°4), et de l'attestation de Mme [R] déléguée du personnel ayant assisté la salariée lors d'un entretien préalable le 9 janvier 2018, que Mme [J]-[K] a quitté son poste de travail le 26 décembre à 11 h 30, suite à l'entretien 'houleux' entre elle et Mme [N] (DRH), cette dernière lui ayant dit 'qu'elle avait mal compris et n'était pas en droit de réclamer quoi que ce soit et devait se remettre en cause pour les absences de ses agents', que la salariée est 'ressortie sous le choc des propos tenus et se sentant très mal, complètement déconsidérée par sa hiérarchie', 'oppressée et anéantie', elle a décidé de partir afin de consulter son médecin.
Concernant l'abandon de poste argué par la Fondation Cognacq-Jay, l'employeur produit l'attestation de M. [W], coordinateur [O], qui relate qu'en fin de matinée ' [G] entre dans le bureau des brancardiers et annonce énervé qu'elle s'en va. Elle prend son sac dans le placard et quitte le bureau. À ce moment-là, elle ne précise pas comment s'organiser le reste de la journée et qui prend les responsabilités.'( pièce n° 21).
Contrairement à ce qu' indique Mme [J]-[K] dans son courrier en date du 30 janvier 2018, aucun élément ne permet d'établir qu'elle a prévenu, avant son départ, ses collaborateurs présents, soit les deux brancardiers, ni contacté son supérieur hiérarchique, ce qui est requis par l' article 11-3 du règlement intérieur de la Fondation Cognacq-Jay (sauf cas de force majeure, tout membre du personnel absent sans autorisation préalable doit, le jour même de son absence, prévenir ou faire prévenir son employeur en lui précisant le motif de son absence ou, s'il s'agit d'un accident du travail, en indiquant la date, l'heure, le lieu et les circonstances exactes de l'accident).
L'employeur, qui a adressé le jour même de cette absence, soit le 26 décembre 2017, un courrier à la salariée, de convocation à un entretien préalable de licenciement, alors qu'il n'avait pas connaissance de son arrêt de travail intervenu le lendemain le 27 décembre 2017, démontre que les faits matériellement établis par Mme [J]-[K] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Il s'ensuit que les demandes relatives à la discrimination et au licenciement nul doivent être rejetées.
La cour confirme le jugement déféré ayant débouté Mme [J]-[K] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul fondé sur son état de santé, ainsi que sa demande de réintégration.
Sur le licenciement pour faute grave :
La lettre de licenciement en date 17 janvier 2018 relève les griefs suivants :
- abandon de poste,
- refus de brancarder et absence de la tenue professionnelle obligatoire,
- prise systématique de nombreuses pauses en cours de journée,
-relations conflictuelles avec le service de kinésithérapie.
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige doit être suffisamment motivée et viser des faits et des griefs matériellement vérifiables sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et nécessite son départ immédiat sans indemnité.
L'employeur qui invoque une faute grave doit en rapporter la preuve.
Il est constant que le juge a le pouvoir de requalifier la gravité de la faute reprochée aux salariés en restituant en fait leurs exactes applications juridiques conformément à l'article 12 du code de procédure civile ; qu'en conséquence, si le juge ne peut ajouter d'autres faits que ceux invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement, lorsque celui-ci intervient pour motif disciplinaire, il doit rechercher si ces faits, à défaut de caractériser une faute grave, comme le prétend l'employeur, ne constitue pas néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Si un doute subsiste, il profite au salarié.
A l' appui du grief de l'abandon de poste, la Fondation Cognacq-Jay produit l'attestation de M. [W] relatant le départ impromptu de Mme [J]-[K], laissant le [O] sans directives quant à l'organisation du service, alors que cette dernière avait la responsabilité de la coordination de l'équipe de brancardage et devait veiller au bon déroulement des transports programmés et non programmés, encadrer son équipe et gérer et contrôler le temps de travail, traiter le remplacement des absences (pièce n°21; fiche de poste- pièce n°8).
La cour rappelle qu'il est établi que Mme [J]-[K] n'a pas prévenu sa hiérarchie de son départ le 26 décembre à 11 h 30, qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'instruction aux fins de procéder à l'audition de M. [D], [O].
Par ailleurs, il convient de constater que Mme [J]-[K] n'a été reçue par le médecin que le 27 décembre 2017, soit le lendemain de son départ impromptu et qu'il n'est pas établi qu'elle ait avisé son employeur de son absence, entre le 26 et 27 décembre 2017.
Il résulte des pièces versées aux débats que le service de brancardage souffrait sur cette période d'un manque d' effectifs, due à des absences, (pièce n°10, pièce n°12) que le planning du 26 décembre mentionnait deux absents pour maladie et des personnes en RTT ou en ATTR, ce qui portait l'effectif présent à trois salariés, ce qui avait nécessairement un impact sur la prise en charge des patients, ce que ne pouvait ignorer la salariée.
Ainsi la Fondation Cognacq-Jay démontre qu'en s'absentant de [K] soudaine, sans prévenir sa hiérarchie, le 26 décembre 2017, et laissant le service de brancardage sans responsable en le mettant en difficulté Mme [J]-[K] a contrevenu à ses obligations contractuelles, que le grief doit être retenu.
Lcour retient que ce grief à lui seul, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres reproches, était d'une gravité telle qu'il rendait le maintien de l'intéressée à son poste de travail impossible pour l'employeur.
Par conséquent, la cour retenant que le licenciement de Mme [J]-[K] est fondé sur une faute grave, confirme le jugement déféré ayant débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes indemnitaires .
Sur le rappel des jours de RTT
A la suite de la rupture du contrat de travail, Mme [J]-[K] indique qu'elle n'a nullement été payée des jours de RTT non pris. La salariée constate sur le bulletin de paie du mois de décembre 2017 qu'elle disposait de 15 jours de RTT restant dus.
Par conséquent, Mme [J]-[K] sollicite la condamnation de la Fondation Cognacq-Jay au versement de la somme de 1.230 euros au titre du rappel des jours de RTT non pris, augmentée de 123 euros au titre des congés payés y afférents.
La Fondation Cognacq-Jay explique, qu'en raison d'un problème de paramétrage en paie du décompte des jours RTT, le compteur repris au bas des bulletins de paie est erroné. Il en est ainsi du bulletin de paie de janvier 2018, dans la mesure où Mme [J]-[K] aurait en réalité utilisé 14 jours RTT sur les 15 dont elle disposait en 2017. Dans ces conditions, la Fondation intimée affirme que le compteur RTT devait afficher 1 jour restant et non plus 15.
La Fondation Cognacq-Jay expose qu'aucun rappel de salaire ne saurait être dû à Mme [J]-[K] dans la mesure où le jour RTT restant non pris a été perdu par la salariée au 31 décembre 2017.
La cour relève que si le bulletin de salaire du mois de décembre 2017 de Mme [J] [K] relate 15 jours de RTT restant dus, le planning individuel concernant Mme [J] [K] établie qu'elle a bénéficié au cours de l'année 2017 de 14 jours de RTT, de sorte qu'au moment de son licenciement son solde de RTT équivaut à 1, 25 comme le mentionne le bulletin de salaire du 1er au 23 janvier 2018 (pièce n°3, pièce n°20).
Par conséquent , la cour constatant que ce jour de RTT n'a pas été rémunéré à Mme [J] [K], condamne la Fondation Cognacq-Jay à lui verser la somme de 102,55 € à titre du rappel de RTT. La cour infirme le jugement déféré de ce chef.
Sur le rappel des heures pour le temps d'habillage/ déshabillage non prises
Dans le cadre de ses fonctions de [O], Mme [J]-[K] explique qu'elle est contrainte de porter une tenue vestimentaire obligatoire au sein de la Fondation Cognacq-Jay. Elle bénéficie ainsi d'un repos compensateur de 10 minutes par journée de travail. A la suite de la rupture de son contrat de travail, Mme [J]-[K] indique avoir demandé au service compétent le solde de son repos compensateur au titre du temps d'habillage / déshabillage. Celui-ci s'élevait à 33h40 selon le décompte imprimé au 31 janvier 2018 à 11:20/ 33 intitulé Planníng individuel année 2017.
Or, à la suite de la rupture du contrat de travail de Mme [J]-[K], la Fondation Cognacq-Jay n'a pas soldé ses heures de repos compensateurs.
Par conséquent, Mme [J]-[K] sollicite la condamnation de la Fondation Cognacq-Jay à lui payer la somme de 395 euros au titre du rappel des heures pour le temps d'habillage / déshabillage, augmentée de 39 euros au titre des congés payés y afférents.
La Fondation Cognac-Jay soutient avoir procédé à la régularisation du solde de son repos
compensateur de Mme [J]-[K] et des congés payés afférents.
La cour relève qu'il résulte du planning individuel année 2017 établi au 31 janvier 2018 à 11: 20:33 qu'il reste du à Mme [J]-[K] 33 h 40 au titre du solde des heures pour le temps d'habillage/déshabillage (pièce n°11), que Mme [J]-[K] peut donc prétendre à la somme de 394,57 euros due au titre de ses heures de repos compensateur pour le temps d'habillage/ déshabillage, ainsi que la somme de 39,45 euros pour les congés payés afférents.
La cour relève que la Fondation Cognacq-Jay ne justifie pas de la régularisation du solde du repos compensateur de la salariée alors qu'elle ne conteste pas lui devoir cette somme.
Par conséquent, la cour condamne la Fondation Cognacq-Jay à verser à Mme [J]-[K] la somme de 394,57 euros au titre du rappel des heures pour le temps d'habillage/ déshabillage et la somme de 39,45 euros pour les congés payés afférents.
Sur les autres demandes :
La cour ordonne à la Fondation Cognacq-Jay de produire un bulletin de salaire rectifié conforme dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'ordonner d'astreinte.
Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1153 et 1153-1 du Code civil, recodifiés sous les articles 1231-6 et 1231-7 du même code par l'ordonnance n°2016-131du 10 février 2016, en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil, devenu l'article 1343-2.
Mme [J]-[K], partie perdante sera condamnée aux dépens d'appel, sans qu'il y ait lieu de modifier la répartition des frais de médiation telle que décidée par arrêt de la cour rendu le 30 novembre 2021. Mme [J]-[K] est déboutée de cette demande accessoire et donc non nouvelle.
Compte tenu de la situation économique respective des parties, il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS:
La Cour,
CONFIRME le jugement déféré, excepté sur le rappel des jours de RTT et le rappel des heures de repos au titre de l'habillage/ déshabillage;
Statuant de nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE la Fondation Cognacq-Jay à payer à Mme [G] [J]-[K] les sommes de:
-102,55 euros à titre du rappel de RTT,
- 394,57 euros au titre du rappel des heures pour le temps d'habillage/ déshabillage et la somme de 39,45 euros pour les congés payés afférents,
DIT n' y avoir lieu de déroger aux dispositions des articles 1153 et 1153-1 du Code civil, recodifiés sous les articles 1231-6 et 1231-7 du même code par l'ordonnance n°2016-131du 10 février 2016, en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil, devenu l'article 1343-2.
ORDONNE à la Fondation Cognacq-Jay de produire un bulletin de salaire rectifié conforme dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'ordonner d'astreinte,
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
DEBOUTE Mme [G] [J]-[K] du surplus de ses demandes.
CONDAMNE Mme [G] [J]-[K] aux entiers dépens.
La greffière, La présidente.