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14/06/2022 | FRANCE | N°19/11363

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 13, 14 juin 2022, 19/11363


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13



ARRÊT DU 14 JUIN 2022



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/11363 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAB6H



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 mars 2019 - Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG n° 16/04090





APPELANTE



Madame [X] [K]

[Adresse 5]

[Localité 1]



Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Assistée de Me Diane DELUME de l'AARPI 186 Avocats, avocat au barreau de ...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13

ARRÊT DU 14 JUIN 2022

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/11363 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAB6H

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 mars 2019 - Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG n° 16/04090

APPELANTE

Madame [X] [K]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Assistée de Me Diane DELUME de l'AARPI 186 Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : D0010

INTIMÉS

Maître [G] [C]

[Adresse 2]

[Localité 4]

SCP BONDET [C] PIADE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Deux représentés et assistés par Me Thierry KUHN de la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0090, substitué par Me Gérard SALLABERRY, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre, et Mme Estelle MOREAU, Conseillère chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Nicole COCHET, Première présidente de chambre

Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre

Mme Estelle MOREAU, Conseillère

Greffière lors des débats : Sarah-Lisa GILBERT

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre, pour Mme Nicole COCHET, Première présidente de chambre empêchée et par Sarah-Lisa GILBERT, Greffière présente lors de la mise à disposition.

* * * * *

Par acte authentique du 4 septembre 2009, dressé par M. [G] [C], notaire associé de la Scp Bondet-[C]-Piadé (ci-après, la Scp), Mme [X] [K] a acquis, moyennant le prix de 90 000 euros, les lots n°26, 48 et 49 d'un ensemble immobilier situé dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, sis [Adresse 3] à [Localité 6]. Le lot n°48 était ainsi désigné : 'Dans le bâtiment A, au rez-de-jardin, niveau maximum du sol 38,70 NGF : Une pièce avec coin cuisine et salle d'eau, une entrée par la partie commune W face nord Et les trois millièmes (3/ 1000èmes) de la propriété du sol et des parties communes générales'.

Selon promesse de vente du 26 mai 2015, Mme [K] s'est engagée à céder ces trois lots à Mme [O] pour un prix de 105 000 euros, frais d'agence d'un montant de 5 000 euros inclus à la charge du vendeur, l'acte authentique de vente devant être dressé dans un délai de trois mois et demi.

Envisageant de faire réaliser des travaux nécessitant l'obtention d'un permis de construire après son acquisition, Mme [O] s'est rapprochée du service de l'urbanisme de la ville de [Localité 6], lequel a indiqué, le 30 octobre 2015, qu'à l'occasion du changement d'affectation intervenu dans les années 1989-1993, des caves situées en rez-de-jardin, en habitation, par réunion des lots de caves n°2, 3, 4 devenus le lot n°48, aucune demande de permis de construire n'avait été déposée et qu'aucune régularisation n'était possible s'agissant d'un changement d'affectation intervenu sur un bien situé en zone inondable.

Mme [O] a renoncé au bénéfice de la promesse et Mme [K] a vendu les lots le 30 novembre 2017 au prix de 53 000 euros net vendeur.

C'est dans ces circonstances que par acte du 25 août 2016, Mme [K] a fait assigner M. [C] et la Scp devant le tribunal de grande instance de Meaux en responsabilité civile professionnelle.

Par jugement du 21 mars 2019, le tribunal a :

- condamné la Scp à payer à Mme [K], à titre de dommages et intérêts, les sommes de 2 500 euros en réparation de sa perte de chance et de 500 euros en réparation de son préjudice moral,

- débouté Mme [K] de sa demande, tant à titre principal, qu'à titre subsidiaire, de condamnation personnelle de M. [C],

- condamné la Scp à payer à Mme [K] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamné la Scp aux dépens de l'instance,

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration du 29 mai 2019, Mme [K] a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 7 janvier 2020, Mme [X] [K] demande à la cour de :

- dire et juger qu'elle est recevable en son action,

- dire et juger que les intimés ont engagé leur responsabilité délictuelle à son égard,

- infirmer le jugement en ce qu'il a écarté la responsabilité personnelle de M. [C],

- condamner les intimés à lui payer in solidum ou, subsidiairement, l'un à défaut de l'autre, la somme de 55 633,21 euros à parfaire, à titre de dommages et intérêts,

- infirmer le jugement en ce qu'il a évalué le préjudice subi à la somme totale de 3 000 euros,

- débouter les intimés de leurs demandes, fins et conclusions,

y ajoutant :

- condamner les intimés à lui payer in solidum ou, subsidiairement, l'un à défaut de l'autre, la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les intimés aux entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions notifiées et déposées le 7 octobre 2019, M. [G] [C] et la Scp Bondet-[C]-Piadé demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que M. [C] n'a pas manqué à son devoir de vérification,

- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que M. [C] a manqué à son devoir d'information et a condamné la Scp à indemniser Mme [K] à hauteur de 2 500 euros au titre de la perte de chance, 500 euros au titre du préjudice moral et 1 500 au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclarer irrecevable l'action de Mme [K] visant à voir réparer son préjudice de perte de chance pour cause de prescription,

- dire et juger Mme [K] mal fondée et la débouter en toutes ses demandes, fins et conclusions à leur encontre,

- la condamner au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner en tous les dépens.

SUR CE,

Sur la responsabilité du notaire

Sur la faute :

Le tribunal, tout en relevant qu'il n'est pas contesté que la désignation du lot n°48 telle que figurant au descriptif de division du règlement de copropriété ainsi qu'à l'acte authentique du 4 septembre 2009, résulte d'un modificatif du descriptif de division intervenu le 10 avril 1992, sans qu'ait été obtenu un permis de construire, pourtant nécessaire et dont les parties ont découvert l'absence en octobre 2015, a jugé que :

- aucun manquement du notaire quant à son obligation de s'informer sur la réglementation applicable au lot n°48 en matière d'urbanisme n'est caractérisé dès lors que :

- le bien litigieux est un lot de copropriété,

- il n'est pas établi ni allégué que Mme [K] aurait lors de son acquisition envisagé la réalisation de travaux qui auraient nécessité du notaire qu'il se rapproche des services de l'urbanisme pour s'assurer de leur faisabilité,

- la conformité entre l'acte querellé et l'acte de vente précédent n'est pas contestée, pas plus qu'une absence de travaux ou modification de destination des lieux au cours des 10 années précédant l'acte objet du litige,

- aucun élément soumis aux débats ne permet d'établir que le notaire, qui devait vérifier la description du bien vendu en procédant à une comparaison avec les désignations antérieures, aurait pu déceler d'éventuelles anomalies des travaux de réunification des lots antérieurs, notamment en ce qu'aucune interdiction de construire n'est mise en évidence sur le certificat d'urbanisme de 2009,

- en revanche, le notaire a manqué à son obligation de conseil en n'attirant pas l'attention de Mme [K] sur la spécificité du lot n°48 qui ressort du règlement de copropriété en ce que ce lot résulte de la réunion puis suppression des lots n°2,3 et 4,

- toutefois, Mme [K] n'est pas fondée à reprocher au notaire d'avoir été rédacteur d'un acte sans efficacité juridique puisqu'elle a notamment vendu le bien et n'a pas agi en nullité de la vente consentie à son profit.

Mme [K] fait valoir que :

- aux termes de l'acte de vente, le lot n°48 était à usage d'habitation alors qu'il ressort du règlement de copropriété du 22 août 1990 et de l'acte modificatif du 10 avril 1992 que ce lot est le fruit de trois lots désignés comme des 'caves',

- au vu de la discordance entre la destination d'origine du bien vendu, désigné comme 'caves' dans le règlement de copropriété, et de celle souhaitée par ses soins en qualité d'acquéreur, soit l'habitation, il appartenait à M. [C] de l'alerter sur cette spécificité mais également de s'interroger sur la réalité de la destination du bien vendu et de vérifier l'effectivité et la régularité du changement de destination du bien vendu,

- ces deux obligations n'allant pas l'une sans l'autre, les premiers juges n'ont pas tiré les conséquences de leurs propres constatations en retenant la faute du notaire pour ne pas avoir attiré son attention sur la spécificité juridique des lots acquis, tout en écartant la faute du notaire tenant aux obligations de s'informer sur la règlementation applicable au lot n°48 en matière de règles d'urbanisme ou, à tout le moins, sur l'effectivité du changement d'affectation opéré,

- le notaire devait vérifier si le lot vendu, procédant à la réunion de trois caves, était conforme ou non à l'usage d'habitation au regard de la copropriété mais également de l'urbanisme, et ne l'a pas informée alors qu'elle a acquis un bien qu'elle pensait être à usage d'habitation.

Les intimés répliquent que :

- la description du lot n°48 faite par M. [C] est identique à celle de l'état descriptif de division de l'immeuble et il n'avait pas pour obligation de vérifier la conformité de cet état descriptif aux règles d'urbanisme de l'époque,

- la destination d'un bien s'apprécie non pas au niveau du lot de copropriété mais de l'ensemble immobilier, et celle du lot 48 correspond à une habitation,

- en revanche, le jugement est contradictoire en retenant un manquement du notaire à son devoir d'information tout en relevant qu'il ne lui incombait pas de réaliser davantage de vérifications concernant la validité du changement de destination,

- dès lors que le notaire ne détenait en sa possession aucun élément de nature à soupçonner l'existence d'une non-conformité du changement de destination des lots lors de leur réunion en 1992, l'information selon laquelle le lot n° 48 résultait de la réunion de trois lots n'était pas importante au point d'exiger du notaire qu'il attire l'attention de l'acquéreur sur ce point.

Le notaire rédacteur d'acte engage sa responsabilité sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil dans sa version applicable aux faits, à charge pour celui qui l'invoque de démontrer une faute, un préjudice et un lien de causalité.

Le notaire rédacteur d'acte de vente d'un immeuble a l'obligation, bien que n'étant pas le négociateur de la convention, de s'assurer de l'efficacité de l'acte qu'il reçoit, de vérifier les origines de la propriété, la situation juridique de l'immeuble et de se faire délivrer un certificat d'urbanisme. Il est tenu d'éclairer les parties et d'appeler leur attention sur la portée et les effets de l'acte, ainsi que sur ses conséquences et les risques encourus.

L'acte authentique de vente rédigé par le notaire désigne le lot n°48, d'une superficie de 24,39 m², comme étant 'Dans le bâtiment A, au rez-de-jardin, niveau maximum du sol 38,70 NGF : Une pièce avec coin cuisine et salle d'eau, une entrée par la partie commune W face nord et les trois millièmes (3/ 1000èmes) de la propriété du sol et des parties communes générales' et donc à usage d'habitation.

Cet acte vise l'état descriptif de division et le règlement de copropriété du 22 août 1990 et les modifications intervenues les 12 octobre 1991, 10 avril 1992 et 7 février 1995.

Selon l'état descriptif de division et le règlement de copropriété du 22 août 1990, le bâtiment A est constitué de 8 lots numérotés de 1 à 8 dont quatre lots au rez-de-jardin, parmi lesquels les lots n°2, 3 et 4 désignés comme 'au rez-de-jardin, du bâtiment A, une [première, deuxième et troisième] cave ayant son entrée sur le pignon Nord du bâtiment A'. L'état modificatif du 10 avril 1992 précise que ces lots n°2, 3 et 4 ont été réunis et supprimés pour former un lot unique n°48, dont la désignation est reprise à l'identique dans l'acte authentique.

La description du bien dans l'acte étant conforme à celle de l'état descriptif de division et du règlement de copropriété modifié qui mentionne un lot n°48 à usage d'habitation, le notaire s'est ainsi assuré de la conformité de la destination du bien au regard de la copropriété. Le notaire a également levé un certificat d'urbanisme.

Compte tenu de la spécificité du lot n°48, vendu à usage d'habitation et constitué d'anciennes caves, le notaire devait attirer l'attention de l'acquéreur sur le changement de destination du bien objet de la vente.

Il n'appartient pas au notaire, qui a correctement vérifié les titres de propriété, s'est assuré de la conformité de la destination du bien au regard de la copropriété mais également de l'ensemble immobilier et a levé un certificat d'urbanisme mentionnant toutes les dispositions d'urbanisme et les limitations administratives au droit de propriété applicable à l'immeuble, et qui n'était informé d'aucun projet de construction ou de transformation du bien nécessitant la délivrance d'un permis de construire, de vérifier par de plus amples investigations la conformité de la destination du bien au regard des règles d'urbanisme établies par la commune du lieu de situation de l'immeuble, et en particulier la délivrance d'un permis de construire autorisant les travaux de transformation des caves en appartement réalisés en 1992.

Les premiers juges ont donc retenu à juste titre le seul manquement du notaire à son devoir de conseil pour ne pas avoir mis en garde l'acquéreur sur le changement de destination du bien.

Sur le préjudice et le lien de causalité

Le tribunal a jugé que :

- la faute du notaire a seulement privé Mme [K] d'une chance d'acquérir le lot n°48 à un prix légèrement moindre, mais est indépendante de la diminution du prix de vente accordée à l'acquéreur lors de la vente de 2017, des frais engagés entre la promesse de 2015 et la vente de 2017 et des plus-values manquées qui ne sont pas indemnisables,

- cette perte de chance, qui peut être estimée à 35%, est évaluée à la somme de 2 500 euros, seul le lot n°48 étant impacté et pour lequel il ressort qu'elle aurait uniquement pu obtenir raisonnablement une réduction du prix de vente de l'ordre de 10% puisque seul doit être pris en compte le défaut de conseil et non le vice du lot en matière d'urbanisme,

- Mme [K] a nécessairement subi un préjudice moral en découvrant que le lot n°48 était le fruit de la réunification de caves, et ce jusqu'au jour où elle l'a revendu,

- aucune faute personnelle de M. [C], notaire de la Scp, n'étant alléguée ni démontrée, la demande de condamnation personnelle de ce dernier, tant à titre principal, qu'à titre subsidiaire, n'est pas justifiée.

Mme [K] fait valoir que :

- la faute du notaire lui a causé une perte de chance de 100%, et non pas 35%, d'acquérir le bien à un prix moindre,

- elle a également dû supporter des frais résultant de la propriété du bien pendant 2 ans et 2 mois, en l'état du report de sa revente au mois de novembre 2017 au lieu de septembre 2015,

- elle a subi un préjudice moral de 5 000 euros, le retard dans la vente du bien ayant gêné la réalisation de ses projets d'installation et de maternité.

Les intimés répondent que :

- le préjudice résultant de la perte de chance de ne pas avoir pu renégocier le prix d'acquisition du bien en 2009 n'est pas réparable puisque prescrit, ce dommage allégué s'étant manifesté lors de la conclusion de l'acte de vente du 4 septembre 2009,

- en tout état de cause, le préjudice de perte de chance n'est pas prouvé par l'appelante, étant souligné que l'accord sur la chose et le prix était parfait avant l'intervention du notaire,

- les frais prétendus exposés en raison du retard pris dans la revente du bien sont sans lien de causalité avec la faute prétendue du notaire, lequel ne peut être tenu pour responsable du caractère prétendument irrégulier de travaux entrepris entre 1989 et 2002 et du contenu du modificatif de division du 10 avril 2002 qu'il n'a pas reçu, et la renonciation de l'acquéreur à la vente en 2015 étant liée non pas à l'état du bien mais à sa volonté de le modifier,

- le préjudice moral allégué n'est justifié ni dans son principe, ni dans son quantum.

Le manquement au devoir de conseil du notaire sur le changement de destination du bien a fait perdre à Mme [K] une chance d'obtenir une réduction du prix de vente du bien. L'action en responsabilité diligentée à l'égard du notaire et en réparation du préjudice subi n'est pas prescrite dès lors que Mme [K] a été informée du changement de destination du bien en 2015 par la bénéficiaire de la promesse de vente dudit bien et que l'action a été engagée le 25 août 2016, dans le délai de la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil.

Cette perte de chance est réelle et sérieuse, quand bien même les parties avaient signé une promesse de vente, ces dernières pouvant faire le choix de renégocier le prix en considération du changement de destination du bien, plutôt que l'acquéreur ne renonce à l'acquisition. Cette perte de chance doit être évaluée à 10% de la valeur des lots acquis dans leur ensemble et dont le lot 48, constitué d'anciennes caves, est le seul à usage d'habitation, les lots 26 et 49 consistant en un parking et la jouissance d'un jardin de 28 m², dès lors que le bien acquis à usage d'habitation est conforme à sa destination et que Mme [K], qui n'avait pas l'intention de procéder à des travaux nécessitant un permis de construire, ni celle de revendre le bien -qu'elle a mis en vente plus de cinq ans après son acquisition- n'aurait pas eu d'arguments à opposer au vendeur autres que la transformation de caves à usage d'habitation. Son préjudice de perte de chance doit donc être évalué à 9 000 euros.

Le préjudice qu'elle allègue au titre de l'échec de la revente du bien en 2015 et de son report en 2017 compte tenu de la non-conformité du bien aux règles d'urbanisme applicables est sans lien causal avec le manquement du notaire à son devoir de conseil.

Le préjudice moral subi par Mme [K], du fait des divers tracas causés par la découverte du changement de destination du bien, doit être évalué à la somme de 3000 euros.

La demande de condamnation personnelle de M. [C] n'est pas justifiée ainsi que l'ont pertinemment retenu les premiers juges.

Le jugement est donc infirmé s'agissant du quantum des sommes au paiement desquelles la Scp doit être condamnée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les intimés échouant en leurs prétentions seront condamnés aux dépens et à payer à l'appelante une indemnité de procédure que l'équité commande de fixer à 5 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Dit recevable l'action de Mme [K] visant à voir réparer son préjudice de perte de chance,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf s'agissant du quantum des sommes au paiement desquelles la Scp Bondet-[C]-Piadé est condamnée à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance et du préjudice moral de Mme [K],

Statuant de nouveau,

Condamne la Scp Bondet-[C]-Piadé à payer à Mme [X] [K] les sommes de 9 000 euros en réparation de la perte de chance et de 3000 euros en réparation du préjudice moral subi,

Condamne la Scp Bondet-[C]-Piadé à payer à Mme [X] [K] une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Scp Bondet-[C]-Piadé aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 19/11363
Date de la décision : 14/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-14;19.11363 ?
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