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13/06/2022 | FRANCE | N°19/20838

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 13 juin 2022, 19/20838


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 10



ARRET DU 13 JUIN 2022



(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/20838 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA7DW



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Septembre 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 16/00078





APPELANTS



Monsieur [X] [V]

né le 27 Novembre 1941 à [Localité 13]



Madame [A]

[V]

née le 04 Mai 1949 à [Localité 7]

Domicilié ensemble [Adresse 3]

[Localité 7]



Représentée par Me Julien FISZLEIBER de la SELARL WOOG & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0283





IN...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRET DU 13 JUIN 2022

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/20838 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA7DW

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Septembre 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 16/00078

APPELANTS

Monsieur [X] [V]

né le 27 Novembre 1941 à [Localité 13]

Madame [A] [V]

née le 04 Mai 1949 à [Localité 7]

Domicilié ensemble [Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Julien FISZLEIBER de la SELARL WOOG & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0283

INTIMEES

SAS APPART CITY

Ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 4]

N° SIRET : 490 176 120

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Johanne ZAKINE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0145

SASU GROUPE FRANCE EPARGNE

Ayant son siège social

[Adresse 1]

[Localité 4]

N° SIRET : 401 491 477

Représentée par Me Johanne ZAKINE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0145

SA GENERALI IARD

Ayant son siège social

[Adresse 2]

[Localité 7]

N° SIRET : 552 062 663

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Catherine marie DUPUY de l'ASSOCIATION HASCOET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

Représentée par Me Aurélie GARAUDET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0577

SARL L'IMMOBILIER ET VOUS

Ayant son siège social [Adresse 8]

[Localité 7]

N° SIRET : 789 959 483

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Morgane HANVIC de l'AARPI LEXANCE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D091

SAS MASTER FINANCE

Ayant son siège social [Adresse 6]

[Localité 7]

N° SIRET : 487 738 684

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Xavier DE RYCK de l'AARPI ASA, avocat au barreau de PARIS, toque : R018

Société LANDESBANK SAAR

URSULINENSTRASSE 2

[Localité 5]

N° SIRET : 450 489 996

Représentée par Me Xavier DE RYCK de l'AARPI ASA, avocat au barreau de PARIS, toque : R018

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Avril 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère

M. Stanislas de CHERGÉ, Conseiller

qui en ont délibérés, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Edouard LOOS, Président dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Sylvie MOLLÉ

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Edouard LOOS, Président et par Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCEDURE

En vue de se constituer un patrimoine immobilier par une acquisition en l'état futur d'achèvement, en partie financée par un bail commercial, et donnant droit aux avantages fiscaux liés au statut de loueur en meublé non professionnel, les époux [V] ont décidé d'acheter 6 appartements et deux places de stationnement dans une résidence sise à [Localité 12], commercialisée par la société Groupe France Épargne, et dont la gestion locative était confiée à la société d'exploitation Dom Ville Services, aux droits et obligations de laquelle vient la société Appart City.

A cette fin, les époux [V] ont souscrit le 7 avril 2005 auprès de la Banque Privée Européenne un emprunt d'une durée de 15 ans d'un montant de 522.383 euros, portant intérêt au taux de 3,50% l'an indexé sur le taux interbancaire en euros à 3 mois, assorti d'une hypothèse conventionnelle sur les six lots, et d'une assurance décès incapacité.

La vente a été conclue par acte authentique en date du 23 juin 2005, reçu par maître [I] [J], de la société civile professionnelle [I] [J], [W] [P], notaires, le montant global s'élevant à la somme susdite de 522.838 euros TTC.

Par acte sous privé du 12 juillet 2006, les époux [V] ont signé avec la société Dom Ville Services un bail commercial de biens immobiliers meublés d'une durée de 11 ans renouvelables, portant sur l'ensemble des lots acquis, le preneur exerçant une activité d'exploitation para-hôtelière en contrepartie du paiement trimestriel des loyers.

Par la suite, les époux [V] ont décidé d'investir dans une deuxième résidence sis à [Localité 14], également commercialisée par la société Groupe France Épargne.

Par acte sous seing privé du 17 décembre 2010, ils ont signé avec la société Dom Ville Services un bail commercial de biens immobiliers meublés dans une résidence de tourisme classée, d'une durée de 11 ans et demi renouvelable, portant sur un lot de ladite résidence, le preneur exerçant une activité d'exploitation de résidence de tourisme classée consistant en la sous-location meublée des logements, en contrepartie du paiement trimestriel des loyers.

La vente a été passée par acte authentique du 31 décembre 2010, reçu par maître [W] [P], de la société civile professionnelle [I] [J], [W] [P] et [O] [U], notaires, le montant global s'élevant à la somme de 136.899,52 euros TTC.

Aux termes d'une offre acceptée du 12 juillet 2011, réitérée par acte authentique du 24 août 2011 reçu par maître [O] [U], de la société civile professionnelle [I] [J], [W] [P] et [O] [U], notaires, les époux [V] ont souscrit auprès du Crédit foncier de France un emprunt destiné à financer l'achat précédent, d'une durée de 18 ans, d'un montant de 143.810 euros, portant intérêt au taux fixé à 4,15% l'an, assorti d'un privilège du prêteur de deniers et d'une hypothèque conventionnelle.

L'année suivante, les époux [V] ont réservé 3 lots d'une résidence sise à [Localité 9] dont la société Groupe France Épargne leur a retourné le 23 novembre 2012 un exemplaire du contrat préliminaire de vente en l'état futur d'achèvement signé le 21 novembre précédent.

Par courriels des 8 et 16 janvier 2013, [W] [C], gérant de la société L'Immoblier et Vous, s'est présenté aux époux [V] comme gestionnaire de patrimoine indépendant dans l'immobilier.

Il a convaincu les époux [V] d'acquérir 2 lots supplémentaires dans une résidence sise à [Localité 11], dont il avait le mandat de commercialisation, et leur a mis en relation avec la société de courtage CAFPI pour rechercher un financement global.

Le 13 mars 2013, [W] [C] a invité les époux [V] à se rendre à un rendez-vous avec la société Master Finance, représentante exclusive en France de la banque allemande Landesbank Saar.

Aux termes d'une offre acceptée le 30 mai 2013, réitérée par acte authentique en date du 14 juin 2013, reçu par maître [F]-[G] [B], de la société civile professionnelle Gilles Oury, Philippe Narbey, Delphine Fontaine et Jean-François Martin, notaires, les époux [V] ont souscrit auprès de la société Landesbank Saar un prêt immobilier comprenant deux phases, l'une dite « de préfinancement », la seconde « d'épargne-construction », d'un montant de 1.370.000 euros d'une durée globale prévisionnelle de 217 mois, portant intérêt au taux 3,60% l'an, en phase I jusqu'au 30 juin 2021, puis de 3,50% l'an en phase II, et ayant pour objet : le refinancement du prêt Habitat auprès de la Banque privée européenne, ayant permis d'acquérir les biens sis à [Localité 12], le refinancement du prêt consenti par le Crédit foncier de France, ayant permis d'acquérir les bien sis à [Localité 14], le refinancement d'un prêt contracté auprès du Crédit mutuel de Vendenheim afin d'acquérir un appartement sis à [Localité 10] selon le dispositif « Périssol », le financement de l'acquisition de 2 biens immobiliers à [Localité 11], le financement de l'acquisition de 3 biens immobiliers « Appart City » à [Localité 9].

La phase de préfinancement était une phase de prêt anticipé, première phase jusqu'à l'attribution du contrat épargne-construction. Cette phase d'une durée prévisionnelle de 121 mois, du 1er juillet 2013 au 31 juillet 2023, comportait une première sous-période de 96 mois, du 1er juillet 2013 au 30 juin 2021, pendant laquelle les emprunteurs devaient s'acquitter d'une échéance mensuelle d'intérêt de 4.110 euros et d'une échéance mensuelle d'épargne de 1.390 euros, soit un versement global de 5.500 euros.

A l'issue de la première sous-période, le 30 juin 2021, les emprunteurs auraient la possibilité, soit de rembourser la totalité du crédit en franchise de frais de remboursement par anticipation, soit de poursuivre le crédit auquel cas ils s'engageaient à verser sur le contrat épargne-construction la somme de 500.000 euros.

Le non-respect de ce versement à la date convenue entrainerait la déchéance des termes et la résiliation du crédit.

De nouvelles conditions de taux et de remboursement seraient convenues pour une nouvelle sous-période à taux fixe selon les modalités décrites aux conditions générales.

Cette première phase ne comportait aucun amortissement de capital.

La phase de prêt épargne-construction a commencé après l'attribution du contrat épargne-construction et remboursement partiel du capital prêté à hauteur de l'épargne constituée. Au cours de cette seconde phase, le capital s'amortissait mensuellement. Le montant prévisionnel maximum restant à rembourser s'élevait à 682.767,11 euros. Pendant cette phase d'une durée prévisionnelle de 96 mois, du 31 août 2023 au 31 juillet 2031, les emprunteurs devaient s'acquitter d'une échéance mensuelle en capital et intérêt d'un montant prévisionnel de 8.220 euros.

La durée de cette phase du prêt, les dates et les montant et le montant exact des échéances étaient déterminés lors de l'attribution, en fonction du capital souscrit, du tarif choisi et de l'épargne accumulée, conformément aux règles régissant l'épargne construction allemande.

L'emprunt a été garanti par une hypothèse conventionnelle de premier rang sur la résidence principale des époux [V] sis à [Localité 7], pour un montant en principal de 1.150.000 euros, une hypothèse conventionnelle de premier rang sur les 6 appartements et les 2 parkings de stationnement de la résidence de [Localité 12], pour un montant en principal de 220.000 euros, une cession-nantissement des loyers, le nantissement du contrat épargne-construction.

Les emprunteurs n'ont pas souscrit d'assurance contre le risque de décès, d'invalidité et de chômage.

Par 3 actes authentiques en date du 20 juin 2013 reçus par maître [W] [P], de la société civile professionnelle [I] [J], [W] [P] et [O] [U], notaires, les époux [V] ont acquis 3 appartements et 3 places de stationnement à [Localité 9] pour un montant total de 675.485,47 euros TTC.

Par 3 actes sous seing privé du 9 octobre 2013, ils ont signé avec la société Dom Ville services un bail commercial de biens immobiliers meublés dans une résidence de tourisme classée, d'une durée de 11 an et demi renouvelable, portant sur les lots de la résidence d'[Localité 9], le preneur exerçant une activité d'exploitation de résidence de tourisme consistant en la sous-location meublée des logements, en contrepartie du paiement trimestriel des loyers.

Dans les mêmes temps, les époux [V] ont achetés deux lots supplémentaires à [Localité 11].

A partir de 2014, les loyers des immeubles de [Localité 12] et de [Localité 14] ont été payés avec retard. Le 11 juin 2015, la société Appart City a informé les époux [V] qu'elle a cédé son bail d'[Localité 9] à un autre preneur, qui a connu également par la suite des retards de paiement.

Le 13 avril 2018, les époux [V] ont racheté le prêt consenti par la société Landesbank Saar au moyen d'un emprunt auprès du crédit mutuel.

Par exploits en dates des 28, 29 et 30 décembre 2015, placés le 5 janvier 2016, les époux [V] ont assigné en responsabilité devant le tribunal de grande instance de Paris la Sas Groupe France Épargne, la Sas Appart City, la Sarl L'Immobilier et Vous, la société civile professionnelle [I] [J], [W] [P] et [O] [U], notaires, la société civile professionnelle Gilles Oury, Philippe Narbey, Delphine Fontaine et Jean-François Martin, notaires, la Sas Master Finance et la société Landesbank Saar.

La société anonyme Generali Iard est intervenue volontairement en qualité d'assureur de la responsabilité civile de la société Groupe France Épargne.

* * *

Vu le jugement prononcé le 11 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Paris qui a statué comme suit :

-Dit et juge recevable en son intervention volontaire accessoire la société Generali Iard ;

-Rejette les exceptions de nullité ;

-Déboute [X] [V] et [A] [V] de l'ensemble de leurs demandes ;

-Dit et juge n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

-Dit et juge n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure au profit des sociétés L'Immobilier et vous, Master Finance et Landesbank Saar ;

-Condamne [X] [V] et [A] [V] à payer aux sociétés Groupe France Épargne et Appart City, ensemble, la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Condamne [X] [V] et [A] [V] à payer à chacune des sociétés [J], [P] et [U], et Oury, Narbey, Fontaine et Martin, la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Condamne [X] [V] et [A] [V] aux entiers dépens, dont distraction au profit de maîtres Johanne Zakine et Thomas Ronzeau en vertu de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu l'appel déclaré le 8 novembre 2019 par M. [X] [V] et Mme [A] [V],

Vu les dernières conclusions signifiées le 4 janvier 2022 par M. [X] [V] et Mme [A] [V],

Vu les dernières conclusions signifiées le 28 février 2022 par les sociétés Appart City et Groupe France Épargne,

Vu les dernières conclusions signifiées le 4 février 2022 par la société Generali Iard,

Vu les dernières conclusions signifiées le 11 mars 2021 par la société L'Immobilier et Vous,

Vu les dernières conclusions signifiées le 1er mars 2021 par les sociétés Master Finance et Landesbank Saar,

M. [X] [V] et Mme [A] [V] demandent à la cour :

-Donner acte à M. [X] [V] et Mme [A] [V] de leur désistement de leur appel du jugement du 11 septembre 2019 exclusivement à l'égard des sociétés Appart City, Groupe France Épargne et Generali Iard , es-qualité d'assureur de la société Groupe France Épargne ;

-Infirmer le jugement du 11 septembre 2019 en ce qu'il a débouté M. [X] [V] et Mme [A] [V] de leurs demandes à l'encontre des sociétés Landesbank Saar, Master Finance et L'Immobilier et vous ;

-A titre principal, condamner in solidum les sociétés Landesbank Saar, Master Finance et L'Immobilier et Vous à verser à M. [X] [V] et Mme [A] [V] les sommes de 337.874,29 euros à titre de dommages et intérêts au titre de leur préjudice matériel, ainsi que 50.000 euros au titre de leur préjudice moral ;

-A titre subsidiaire, désigner tel expert qu'il plaira à la cour afin de déterminer le montant du préjudice issu de la perte de chance de M. [X] [V] et Mme [A] [V] de ne pas contracter avec la société Landesbank Saar ;

-Condamner in solidum les sociétés Landesbank Saar, Master Finance et L'Immobilier et

Vous aux dépens, dont distraction au bénéfice de la Selarl Woog et Associés en application de l'article 699 code de procédure civile.

-Condamner in solidum les sociétés Landesbank Saar, Master Finance et L'Immobilier et Vous à verser à M. [X] [V] et Mme [A] [V] une indemnité de 50.000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile.

Les sociétés Appart City et Groupe France Épargne demandent à la cour :

Vu les articles L. 622-21 et L 622-24-du code de commerce, L120-1 et L121-1 du code de la consommation en vigueur depuis 2008, 1202 du code civil, 5 , 699 et 700 du code de procédure civile

A titre liminaire,

-Déclarer irrecevables l'appel en garantie de la société Immobilier et vous à l'encontre de la société Appart City au regard de l'interdiction des poursuites individuelles tendant au paiement d'une somme d'argent et de l'absence de déclaration de créance ;

Subsidiairement pour la société Appart City et à titre principal pour la société Groupe France Épargne,

-Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Ce faisant,

-Juger que la société Appart City n'a pas commis de pratique commerciale trompeuse ;

-Juger que la société Groupe France Épargne n'a pas commis de pratiques commerciales trompeuses ;

-Constater l'absence de préjudice avéré en lien avec les prétendues fautes alléguées ;

-Débouter en conséquence la société Immobilier et vous de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre des sociétés Appart City et Groupe France Épargne ;

A titre subsidiaire

-Constater qu'il n'existe aucune solidarité entre les défendeurs ;

-Rejeter la demande en garantie formulée par la société L'Immobilier et Vous à l'encontre des sociétés Appart City et Groupe France Épargne ;

-Condamner la société Generali Iard à garantir la société Groupe France Épargne de toutes condamnations qui pourrait être prononcées à sa charge tant en principal, frais, intérêts, article 700 et dépens ;

Ajoutant au jugement de première instance,

-Condamner la société Immobilier et Vous à payer à chacune des sociétés Appart City et Groupe France Épargne, la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

-Condamner la société Immobilier et vous aux entiers dépens.

La société Generali Iard demande à la cour :

Vu les articles L120-1 et L121-1 du code de la consommation en vigueur depuis 2008, 1240 et suivants du code civil, 699 et 700 du code de procédure civile

A titre principal,

-Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 11 septembre 2019

Subsidiairement,

-Débouter la société Immobilier et Vous de son appel en garantie contre la société Generali en l'absence de preuve d'une faute de la société Groupe France Épargne, d'un lien de causalité entre les préjudices allégués et les griefs formulés contre la société Groupe France Épargne, et de justification du préjudice tant en son principe qu'en son quantum.

Plus subsidiairement encore,

-Juger que la société Generali Iard pourra déduire de l'éventuelle indemnité mise à sa charge le montant de la franchise correspondant à 10% des dommages avec un montant minimum de 3.200 euros et un maximum de 8.000 euros ;

-Débouter la société Immobilier et vous de toute demande de condamnation excédant les termes et limites du contrat d'assurance, autrement dit au-delà des plafonds de garantie, soit la somme de 160.000 euros par sinistre et 800.000 euros par année d'assurance ».

En tout état de cause,

-Condamner la société Immobilier et vous à payer à la société Generali Iard la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Condamner la société Immobilier et vous aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

La société L'Immobilier et Vous demande à la cour de statuer comme suit:

Vu l'article 1 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et l'article R 519-2 du code monétaire et financier

-Réformer le jugement en ce qu'il a retenu une faute à l'encontre de la société L'Immobilier et vous,

-Juger que la société L'Immobilier et vous n'a commis aucune faute en lien causal avec un préjudice allégué par les appelants,

-Juger qu'il n'y a pas de lien de causalité entre les pertes alléguées par les appelants et une faute qui serait imputable à la société L'Immobilier et vous,

-En tout état de cause, juger que le préjudice invoqué par les appelants n'est pas établi,

-En conséquence, confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les demandeurs de toutes leurs demandes d'indemnisation,

-Rejeter purement et simplement la demande subsidiaire d'expertise judiciaire des appelants, une telle mesure n'étant pas destinée à pallier une carence de preuve,

-Ce faisant, déclarer mal fondé l'appel de M. et Mme [V],

-En conséquence, rejeter toute demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société L'Immobilier et vous,

-Y ajoutant, condamner solidairement M. et Mme [V] à payer à la société L'Immobilier et Vous une somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-Si par extraordinaire, il était fait droit aux demandes des époux [V] et que la société L'Immobilier et vous était condamnée, condamner in solidum les société GFE et son assureur Generali, Appart City, Master Finance et Landesbank Saar à la garantir de l'intégralité des sommes mises à sa charge,

-Condamner tous succombants aux entiers dépens.

Les sociétés Master Finance et Landesbank Saar demande à la cour :

-Déclarer l'appel des époux [V] mal fondé ;

-le rejeter ;

-Confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il rejette les demandes formées par la société Master Finance et par la société Landesbank Saar au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Condamner les époux [V] solidairement à payer à la Sas Master Finance une somme de 8000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Condamner les époux [V] solidairement à payer à la société Landesbank Saar une somme de 8000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Condamner les époux [V] aux entiers frais et dépens qui pourront être recouvrés par maître De Ryck conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

si la cour devait statuer à nouveau après infirmation :

-Déclarer les demandes des époux [V] dirigées contre les sociétés Master Finance et Landesbank Saar irrecevables, subsidiairement mal fondées ;

-les rejeter en intégralité ;

-Rejeter toutes les demandes formées contre la société Master Finance et contre la société Landesbank Saar.

SUR CE, LA COUR

a) Sur la responsabilité de la société L'Immobilier et Vous

M. [X] [V] et Mme [A] [V] soutiennent, au visa de l'article L 541-1 du code monétaire et financier, que le conseiller en gestion du patrimoine est un conseiller en investissement financier tenu d'une obligation d'information et de conseil à l'égard de son client afin de définir la stratégie la plus appropriée à sa situation. La société L'Immobilier et Vous a fourni des des données financières complexes, imprécises, et pour certaines fausses, ce qui a conduit les emprunteurs à s'engager dans une opération d'investissement dont ils ne connaissaient pas la réelle opportunité financière. La société L'Immobilier et Vous a joué un rôle essentiel dans le montage du dossier de prêt, incitant les appelants à s'engager dans l'opération malgré l'inadaptation de l'emprunt à leur situation. Elle n'a pas délivré d'informations et de conseils adaptés sur les aléas juridiques, financiers et constructifs inhérents à l'opération et ce nonobstant le caractère non-averti des investisseurs. Leur attention n'a pas été attirée sur le caractère atypique de l'opération au regard des standards français et sur le retard de livraison qui a conduit à la perte de l'avantage fiscal. L'acquisition de lots supplémentaires à [Localité 11] a entraîné une charge excessive pour les appelants qui n'en étaient pas demandeurs. Le préjudice subi est indépendant des avantages tirés des investissements litigieux.

La société L'Immobilier et Vous réplique qu'elle ne saurait assumer la responsabilité de l'opération dans son ensemble. Elle n'a pas la qualité de conseil en investissement financier, son activité s'inscrit exclusivement dans le cadre de la loi Hoguet du 2 janvier 1970. Dans le cadre de son mandat de vente de biens immobiliers à [Localité 11], elle n'a commis aucune faute. Le retard de livraison ne peut lui être imputé dans la mesure où elle ne peut se substituer au constructeur dans l'opération de construction. En outre, il s'agissait de délais prévisionnels, tous les paramètres n'étant pas connus l'avance. Les époux [V] ne pouvaient ignorer cet aspect pour avoir acquis des biens immobiliers dans le cadre de contrat de vente en l'état futur d'achèvement. Subsidiairement, les sociétés Master Finance et Landesbank Saar doivent être condamnées à la garantir intégralement. Il convient de tenir compte de l'expérience des époux [V] qui sont avisés et connaissent ce type d'investissement, son fonctionnement et son régime fiscal. Les appelants ne démontrent pas la réalité d'un préjudice réparable. Les conditions de l'indemnisation d'une perte de chance ne sont pas réunies. Il n'y a pas eu de perte d'avantage fiscal mais simplement un décalage dans le temps. Par ailleurs, il n'y a pas lieu d'ordonner une mesure d'expertise sollicitée par les appelants, l'expert n'ayant pas à se substituer aux parties dans la caractérisation du préjudice.

Ceci étant exposé, l'intervention de la société L'Immobilier et Vous se situe lors de l'acquisition par les époux [V] en février 2013 de 2 biens immobiliers situés à [Localité 11] ;

La société l'immobilier et Vous était titulaire d'un mandat de vente qui lui avait été consenti par la société Iplus Diffusion, promoteur du programme 'Suites Home' à Issy. Elle est ainsi intervenue dans le cadre de la loi Hoguet du 2 janvier 1970 .

Aucun contrat n'a été signé entre les époux [V] et la société L'immobilier et Vous qui n'a perçu à ce titre aucune rémunération sur le fondement d'une activité de conseil. Elle a perçu sa commission de 7% sur la vente des 2 appartements dans le cadre des conventions signées avec la société Iplus Diffusion. La société L'immobilier et Vous a mis les époux [V] en relation avec la société de courtage CAFPI et et avec le courtier en prêt COBSP, le financement ayant ensuite été mis en place par les sociétés Master Finance et Landesbank Saar.

Il résulte néanmoins des courriers électroniques versés aux débats que des échanges sont intervenus entre les époux [V] et M. [C] intervenant pour le compte de la société l'Immobilier et Vous et que ce dernier a étudié le financement dont disposait les investisseurs en vue des 2 acquisitions projetées, a dressé une simulation financière et un calendrier de trésorerie. Si la société l'Immobilier et Vous est ainsi devenue de fait conseiller en gestion du patrimoine, parallélement à ses fonctions de mandataire de vente, les époux [V] ne caractérisent pas les manquements au devoir d'information et de conseil qu'ils lui imputent.

En effet le montage financier finalement adopté et le retard pris dans la livraison des appartements ne peuvent être reprochés à la société L'immobilier et Vous .

L'étude de la solvabilité des acquéreurs à laquelle a procédé la société L'immobilier et Vous ne présente pas un caractère erroné puisque les premiers juges ont pu relever que les 2 appartements d'[Localité 11] avaient été évalués en 2018 à 470 000 euros (270 000 + 200 000 euros) et que les investiseurs avaient perçu les loyers et profité des avantages fiscaux bénéficiant aux investissements locatifs. Il a ainsi été justement conclu que l'acquisition des 2 appartements n'avait causé aucun préjudice aux époux [V] .

Les époux [V] doivent être déboutés de leurs demandes présentées contre la société l'Immobilier et Vous, le jugement déféré devant être confirmé de ce chef par motifs substitués puisque les premiers juges ont retenu le défaut d'information et de conseil mais constaté l'absence de préjudice .

b) Sur la responsabilité des sociétés Landesbank Saar et Master Finance

M. [X] [V] et Mme [A] [V] soutiennent, au visa de l'article 1231-1 du code civil, que le banquier est tenu d'une obligation d'information et de conseil, ainsi qu'un devoir de mise en garde à l'égard de l'emprunteur profane ou averti sans qu'il y ait lieu de distinguer entre l'existence ou non d'un risque de surendettement lors de l'octroi ou lors du terme du crédit. Ils exposent ne pas être des professionnels avertis et ne pas disposer des compétences nécessaires pour comprendre les investissements litigieux. Au regard de la complexité et du caractère parfaitement inhabituel du montage, les sociétés Landesbank Saar et Master Finance auraient dû les accompagner dans la réflexion qu'exigeait leur engagement. Elles ont manqué à leur obligation d'information en cherchant à dissimuler le surendettement qu'implique le prêt litigieux. Elles ont dissimulé le taux d'intérêt réellement applicable. Les appelants ont été mis en situation de surendettement à révélation différée. Les éléments justifiant le choix de ce montage par rapport à un crédit classique n'ont pas été portés à leur connaissance, ce qui leur aurait permis de renoncer à l'opération. Ils n'ont pas été mis en garde sur un risque élevé de non-paiement des loyers, pas plus que sur un risque d'effondrement de la valeur de leurs appartements. Ils ont été incités à souscrire l'emprunt malgré l'absence d'assurance décès-invalidité. M. [X] [V] et Mme [A] [V] font valoir qu'ils ont subi un préjudice consistant en la perte d'une chance de ne pas avoir contracté. A titre subsidiaire, ils sollicitent la désignation d'un expert pour évaluer leur préjudice.

Les sociétés Master Finance et Landesbank Saar répliquent que le crédit litigieux n'était nullement disproportionné aux revenus et au patrimoine des emprunteurs. Le banquier dispensateur de crédit n'est tenu envers l'emprunteur d'aucune obligation de conseil. Elles n'avaient pas d'obligation de de conseiller les emprunteurs concernant la fiscalité de leurs investissements immobiliers. L'obligation de mise en garde contre le risque d'endettement se s'applique qu'à l'égard des emprunteurs non avertis. Le prêt accordé aux appelants n'a donné lieu à aucune difficulté de remboursement. En l'absence de risque de surendettement, les sociétés Master Finance et Landesbank Saar n'avaient pas à mettre en garde les époux [V]. Elles n'avaient pas davantage l'obligation attirer leur attention sur les risques de défaut de paiement des loyers et ceux liés à la prise d'une hypothèque portant sur leur résidence principale. Les appelants sont des loueurs professionnels et sont avertis des risques de défaut de perception des loyers attendus. Ils ont été informés des taux d'intérêts applicables au préfinancement qui étaient parfaitement déterminés ou déterminables. Les époux [V] ont été informés et mis en garde mais ils ont renoncé à souscrire des assurances par mesure d'économie. Ils n'établissent pas la preuve d'un préjudice réparable. Ils ont pu rembourser le prêt litigieux, ce qui démontre leur absence de surendettement. Très subsidiairement, le montant demandé, correspondant au coût total du prêt, est démesuré. Leur demande d'expertise ne peut être reçue dès lors que l'appréciation d'une perte de chance relève de l'application du droit par le juge.

Ceci étant exposé, par de justes motifs que la cour adopte, les premiers juges ont rappelé que le banquier dispensateur d'un crédit n'était pas soumis aux obligations des articles L.533-12 et L533-13 du code monétaire et financier puisque le financement n'a pas porté sur un instrument financier. Il a été rappelé que le banquier avait une obligation d'information à laquelle il avait satisfait sans devoir s'immiscer dans les affaires de son client et sans être tenu à un devoir de conseil.

Il a également été justement relevé concernant l'obligation de mise en garde vis à vis d'un emprunteur non averti que les [V] avaient déjà contracté à trois reprises des prêts destinés à des financements d'opérations défiscalisées et que leurs revenus mensuels se chiffraient à environ 16 000 euros, outre un patrimoine immobilier de presque 3 000 000 euros et mobilier de 300 000 euros. Il a pu être considéré que cette situation était conciliable avec des charges de remboursements mensuelles de 5 500 euros dans un premier temps puis de 8 220 euros. Ce prêt a également permis de rembourser d'autres emprunts puisque l'ensemble a été refondu dans un nouveau prêt.

Concernant l'obligation faite aux époux [V] de verser à l'échéance de 8 années une somme de 500 000 euros sur leur compte épargne- construction , les époux [V] ont été bien sûr informés de cette échéance en envisageant d'y faire face par la vente de l'appartement de [Localité 10] et la cession de 2 violoncelles pour des montants escomptés de 130 000 euros et de 50 000 euros ;

Il se déduit de ce qui précède que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a débouté les époux [V] de leurs demandes à l'encontre des sociétés Landesbank Saar et Master Finance.

c) Sur les autres demandes

La solution du litige rend sans objet la demande d'appel en garantie formée par la société l'Immobilier et Vous à l'encontre des sociétés GFE et son assureur Generali, Appart City, Master Finance et Landesbank Saar.

La solution du litige conduit à allouer une indemnisation au titre de l'article 700 du code de procédure civile aux seules sociétés l'Immobilier et Vous et Landesbank Saar et Master Finance.

PAR CES MOTIFS

DONNE acte à M. [X] [V] et Mme [A] [V] de leur désistement d'appel à l'encontre des sociétés Appart City, Groupe France Épargne et Generali Iard , es-qualité d'assureur de la société Groupe France Épargne ;

CONFIRME le jugement déféré ;

CONDAMNE solidairement M. [X] [V] et Mme [A] [V] à verser sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile 4 000 euros à la sociétés l'Immobilier et Vous , 2 500 euros à la société Landesbank Saar et 2 500 euros à la société Master Finance ;

REJETTE toutes autres demandes;

CONDAMNE solidairement M. [X] [V] et Mme [A] [V] aux dépens et accorde à maître de Ryck, avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile .

LE GREFFIER LE PRESIDENT

S.MOLLÉ E.LOOS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 19/20838
Date de la décision : 13/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-13;19.20838 ?
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