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10/06/2022 | FRANCE | N°22/09719

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 10 juin 2022, 22/09719


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 10 JUIN 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/09719 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF262



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Juin 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CRETEIL - RG n° 22/00753





APPELANTE



LE PARTI SOCIALISTE, agissant poursuites et dil

igences de son premier secrétaire domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 5]

[Localité 8]



Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au bar...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 10 JUIN 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/09719 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF262

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Juin 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CRETEIL - RG n° 22/00753

APPELANTE

LE PARTI SOCIALISTE, agissant poursuites et diligences de son premier secrétaire domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assisté par Me Ouhioun COSIMA, avocat au barreau de PARIS, toque P517

INTIMES

M. [C] [S]

[Adresse 4]

[Localité 6]

M. [O] [F]

[Adresse 1]

[Localité 6]

M. [M] [D]

[Adresse 3]

[Localité 7]

Mme [K] [B]

Münir Özkul Sokak

n°7 Cihangir/Beyoglu

[Localité 2]

Représentés et assistés par Me Frédéric SCANVIC de l'AARPI FOLEY HOAG, avocat au barreau de PARIS, toque : B1190

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 juin 2022, en audience publique, Marie-Hélène MASSERON, Président ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Président,

Florence LAGEMI, Président,

Michèle CHOPIN, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Marie GOIN

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence LAGEMI pour le Président empêché et par Marie GOIN, Greffier présent lors de la mise à disposition.

A la suite du résultat du premier tour de l'élection présidentielle du 10 avril 2022, les principaux partis politiques de gauche (La France Insoumise, Europe Ecologie Les Verts, le Parti Communiste Français et le Parti Socialiste) se sont rapprochés afin de trouver un accord électoral en vue des élections législatives.

C'est ainsi qu'un accord, intitulé 'Nouvelle Union Populaire Ecologie et Sociale' (NUPES) a été établi et validé, le 5 mai 2022, par 62 % des votants du Conseil national du Parti Socialiste.

Par une décision du 10 mai 2022, le bureau national a investi les candidats membres du Parti Socialiste pour les élections législatives de juin 2022.

Par acte du 30 mai 2022, Mme [B] et MM. [F], [D] et [S] ont fait assigner en référé à heure indiquée devant le président du tribunal judiciaire de Créteil, le Parti Socialiste afin qu'il lui soit enjoint, sous astreinte, de réunir la convention nationale et de soumettre à son vote l'accord NUPES et, dans cette attente, qu'il lui soit interdit de se prévaloir de cet accord tant en interne qu'en externe.

Par ordonnance du 7 juin 2022, le juge des référés a :

enjoint au Parti Socialiste de réunir une convention nationale dans le délai d'un mois à compter de sa signification :

dit que cette obligation, à défaut d'exécution, sera assortie d'une astreinte de 500 euros par jour de retard pendant une durée de 60 jours ;

interdit au Parti Socialiste de se prévaloir de l'accord NUPES ;

condamné le Parti Socialiste aux dépens et au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 8 juin 2022, le Parti Socialiste a relevé appel de cette décision en critiquant l'ensemble de ses chefs de dispositif.

Autorisé par ordonnance du 8 juin 2022, le Parti Socialiste a fait assigner à jour fixe par acte du même jour, Mme [B] et MM. [F], [D] et [S], pour l'audience du 9 juin 2022 et a demandé à la cour de :

infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau,

déclarer l'action irrecevable pour défaut de qualité à agir en ce que les intimés ne justifient pas être adhérents du Parti Socialiste à jour du paiement de leurs cotisations ;

subsidiairement, déclarer leur action irrecevable en ce qu'ils n'ont pas épuisé les voies de recours internes au Parti Socialiste conformément aux dispositions de ses statuts ;

subsidiairement, déclarer leur action irrecevable pour défaut d'intérêt à agir, ne justifiant pas avoir subi un préjudice personnel, direct et certain du fait de la décision contestée ;

subsidiairement, dire les demandes infondées ;

subsidiairement, dire que les intimés ne rapportent pas la preuve de l'existence d'un trouble manifestement illicite ou d'un péril imminent ;

en tout état de cause, dire n'y avoir lieu à référé ;

débouter les intimés de l'ensemble de leurs prétentions ;

les condamner à lui verser chacun 1.000 euros au titre des frais irrépétibles conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de recouvrement direct conformément à l'article 699 du même code.

Par conclusions déposées à l'audience du 9 juin 2022, les intimés demandent à la cour de confirmer l'ordonnance entreprise et de leur allouer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu'aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur la recevabilité de l'action engagée par les intimés

L'appelant soutient que les intimés ne justifient pas de leur qualité d'adhérents à jour de leurs cotisations et explique que les attestations produites, pour deux d'entre elles non datées, ne permettent pas d'établir cette qualité, leur contenu étant en contradiction avec les recherches effectuées dans le fichier 'Blum' (fichier centralisant les adhérents) confirmées par le trésorier national.

Il fait en outre valoir que les intimés ne pouvaient saisir le juge des référés sans avoir préalablement épuisé les voies de recours interne prévues à l'article 4.3.1 des statuts.

Enfin, il soulève leur défaut d'intérêt à agir au motif que les intimés ne justifient pas d'un préjudice direct et personnel.

Selon les articles 31 et 32 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé ; toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir est irrecevable.

En l'espèce, les intimés, qui versent aux débats, pour trois d'entre eux, des attestations du trésorier de la section Jacques Bravo Paris 9 justifiant qu'ils sont à jour de leurs cotisations 2022 et, pour Mme [U], un avis d'opération de virement bancaire en date du 25 janvier 2022 pour un montant de 170 euros confirmant la fiche d'adhésion produite en première instance, établissent suffisamment leur qualité d'adhérent du Parti Socialiste.

En tout état de cause, selon l'article 2.1.1.4.1 des statuts, la qualité de membre du parti se perd par la radiation, la démission ou l'exclusion, et selon l'article 2.1.1.4.2, la radiation ne peut intervenir que pour retard prolongé du versement des cotisations, le retard minimal étant d'une année.

Or, il n'est pas prétendu en l'espèce que les intimés auraient été radiés du Parti Socialiste pour non paiement de leurs cotisations. Leur qualité de membres de ce parti n'est donc pas discutable.

Etant adhérents du Parti Socialiste et invoquant une violation de ses statuts constitutive, selon eux, d'un trouble manifestement illicite, Mme [B] et MM. [S], [F] et [D] disposent de la qualité à agir et justifient d'un intérêt légitime à cette fin.

Par ailleurs, la fin de non recevoir tirée du défaut d'exercice préalable des voies de recours interne prévues dans les statuts ne peut valablement prospérer. En effet, s'il est prévu à l'article 4.3.1 qu''A défaut de saisine des premiers secrétaires fédéraux ou du Premier secrétaire et d'épuisement des voies de recours interne, aucune contestation des décisions du parti et de ses instances ne pourra faire l'objet d'un recours juridictionnel', cette disposition ne peut cependant faire obstacle à la saisine du juge des référés sur le fondement de l'article 835 du code de procédure civile, dès lors qu'il est invoqué un trouble manifestement illicite relevant des seuls pouvoirs de cette juridiction.

En conséquence, il convient, confirmant de ce chef l'ordonnance entreprise, de déclarer recevable l'action engagée par Mme [B] et MM. [S], [F] et [D].

Sur le trouble manifestement illicite

Selon l'article 835, alinéa 1, du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Le caractère illicite de l'acte peut résulter de sa contrariété à la loi, aux stipulations d'un contrat ou aux usages.

En l'espèce, il est constant qu'un accord, intitulé 'Nouvelle Union Populaire Ecologie et Sociale' (NUPES) a été validé, le 5 mai 2022, par le Conseil national du Parti Socialiste.

Il n'est pas discuté que le Conseil national, qui, aux termes des dispositions combinées des articles 2.6.1.1 et 2.6.2.3 des statuts du Parti Socialiste, assure la direction du parti entre deux congrès et ne peut déléguer au bureau national le pouvoir de décider, notamment, des accords politiques de fond avec d'autres formations, disposait d'une compétence exclusive pour valider l'accord politique en cause, cette compétence étant encore confirmée par le dernier alinéa de l'article 3.4.2 des statuts, qui précise que les accords politiques relèvent des décisions du Conseil national.

Il est tout aussi établi que cet accord n'a pas fait l'objet d'une consultation des fédérations ni d'une ratification par une convention nationale, ce point étant critiqué par les intimés.

Ces derniers soutiennent en effet que ce défaut de consultation et de ratification est contraire à l'article 5.1.1 des statuts, qui conditionne l'opposabilité de l'accord aux instances de désignation du parti à la réalisation de ces mesures, ce qui constitue une violation des statuts du Parti Socialiste, constitutive d'un trouble manifestement illicite.

Selon l'article 5.1.1, intitulé 'Accords et décisions nationales', 'Les accords nationaux signés par la direction nationale, après consultation des fédérations et ratification par une convention nationale, s'imposent à tous les échelons de désignation du parti, quel que soit le type d'élection. Dans le cas des scrutins uninominaux, les décisions nationales de répartition des candidatures femmes-hommes s'imposent à tous les échelons de désignation du parti.'

Il résulte clairement de cet article que la consultation des fédérations et la ratification par une convention nationale ne constituent pas une condition de validité de l'accord en cause mais une condition d'opposabilité à tous les échelons de désignation du parti, lesquels ne peuvent se voir imposer qu'un accord ratifié par la convention nationale.

Ainsi, il ne peut se déduire du choix opéré par l'échelon de désignation d'appliquer cet accord nonobstant son absence de ratification par la convention nationale, une violation manifeste des statuts.

En outre, la cour relève que s'agissant d'élections législatives, l'échelon de désignation est soit la convention nationale soit le bureau national, l'article 5.2.2 prévoyant en effet que 'Les désignations des candidats pour les élections législatives sont adoptées en convention nationale sauf en cas de nécessité, par délégation par le bureau national.'

Au cas présent, c'est le bureau national, qui, par délégation, a procédé à la désignation des candidats aux élections législatives conformément aux dispositions susvisées, la nécessité étant caractérisée de toute évidence par les délais contraints liés à la proximité des élections.

La violation manifeste des statuts n'est donc pas établie ni, par conséquent, le trouble manifestement illicite.

L'ordonnance entreprise sera donc infirmée de ce chef et, statuant à nouveau, la cour dira n'y avoir lieu à référé sur les demandes de Mme [B] et de MM. [F], [D] et [S].

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Parties perdantes, Mme [B] et MM. [F], [D] et [S] seront condamnés in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Au regard des circonstances de la cause, aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise en sa seule disposition relative à la recevabilité de l'action engagée par Mme [B] et MM. [F], [D] et [S] ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés ;

Dit n'y avoir lieu à référé ;

Condamne in solidum Mme [B] et MM. [F], [D] et [S] aux entiers dépens de première instance et d'appel avec faculté de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Pour le Président empêché,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/09719
Date de la décision : 10/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-10;22.09719 ?
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