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10/06/2022 | FRANCE | N°18/09029

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 10 juin 2022, 18/09029


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 10 Juin 2022



(n° , 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/09029 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6ENI



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Avril 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRETEIL RG n° 16/00499





APPELANTE

CPAM 94 - VAL DE MARNE

Division du contentieux

[Adresse 2

]

[Localité 3]

représentée par Me Virginie FARKAS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1748



INTIMEE

S.A. [5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Rachid MEZIANI, avocat au barr...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 10 Juin 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/09029 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6ENI

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Avril 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRETEIL RG n° 16/00499

APPELANTE

CPAM 94 - VAL DE MARNE

Division du contentieux

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Virginie FARKAS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1748

INTIMEE

S.A. [5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Rachid MEZIANI, avocat au barreau de PARIS, toque : K0084 substituée par Me Herve ROY, avocat au barreau de PARIS, toque : K084

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Avril 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Raoul CARBONARO, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Raoul CARBONARO, Président de chambre

Mme Sophie BRINET, Présidente de chambre

M. Gilles REVELLES, Conseiller

Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par M. Raoul CARBONARO, Président de chambre et par Mme Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val-de-Marne d'un jugement rendu le 30 avril 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil dans un litige l'opposant à la S.A. [5].

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que Mme [L] [W] a adressé le 29 juillet 2015 une déclaration de maladie professionnelle au titre du tableau n°57 des maladies professionnelles à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val-de-Marne en produisant un certificat médical initial du 31 août 2015 ; que la date de première constatation médicale a été fixée au 9 avril 2015 ; que le 25 septembre 2015, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val-de-Marne a informé la S.A. [5] de la clôture de l'instruction et de la possibilité de venir consulter les pièces du dossier avant la prise de décision devant intervenir le 15 octobre 2015 ; qu'à cette date, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val-de-Marne a notifié à la S.A. [5] la prise en charge de la maladie professionnelle ; que le 6 avril 2016, la S.A. [5] a saisi le tribunal afin qu'il lui déclare inopposable la reconnaissance de la maladie professionnelle de Mme [L] [W].

Par jugement en date du 30 avril 2018, le tribunal a :

- accueilli la demande de la S.A. [5] ;

- dit que la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie déclarée le 9 avril 2015 par Mme [L] [W] prise par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val-de-Marne le 15 octobre 2015 était inopposable à la S.A. [5] ;

- rejeté les autres demandes.

Le tribunal a considéré que la S.A. [5] avait démontré que Mme [L] [W] avait cessé d'être exposée au risque dans le cadre de son travail habituel à compter du 12 mars 2014, date à laquelle un repos a été prescrit au titre de l'assurance maladie. La date de première constatation a été déclarée au 4 avril 2014. L'exposition au risque a donc cessé le 12 mars 2014 et la constatation de la maladie a été opérée au-delà du délai de sept jours prévu par le tableau n°57 des maladies professionnelles. Il a estimé que la caisse aurait dû saisir un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles avant de statuer et que, de ce fait, la décision de la caisse était irrégulière et inopposable à l'employeur.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val-de-Marne le qui en a interjeté appel par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du 23 juillet 2018.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son représentant, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val-de-Marne demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

et statuant à nouveau :

- dire opposable à la S.A. [5] sa décision intervenue le 15 octobre 2015 reconnaissant le caractère professionnel de la maladie de Mme [L] [W] ;

en tout état de cause :

- condamner la S.A. [5] à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la S.A. [5] aux dépens.

Elle expose que Mme [L] [W] a déclaré présenter une tendinite de la main droite et qu'elle a produit un certificat médical initial daté du 9 avril 2015 ; qu'au cours de l'instruction diligentée, son médecin conseil a considéré que l'affection ainsi décrite devait être instruite au titre du tableau 57 des maladies professionnelles qui concernent les affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures ; que son médecin conseil a par ailleurs fixé la date de première constatation médicale de la maladie au 12 mars 2014, date à partir de laquelle la salariée a été placée en arrêt de travail au titre de cette même affection ; que Mme [L] [W] ayant cessé d'être exposée le 12 mars 2014, date de son arrêt, la condition tenant au délai de prise en charge de 7 jours est parfaitement satisfaite ; qu'il importe de préciser que l'avis d'arrêt de travail fixant la date de première constatation médicale de la maladie est un élément de diagnostic qui n'a pas à figurer dans les pièces consultables et mises à disposition de l'employeur ; qu'en tout état de cause, elle a offert la possibilité à la S.A. [5] de consulter les pièces du dossier de sa salariée avant prise de décision par courrier du 25 mai 2015 réceptionné le 30 septembre 2015.

Elle ajoute que le tableau 57 fixe une liste limitative des travaux susceptibles de provoquer une tendinite de la main ; qu'il s'agit des travaux comportant de façon habituelle des mouvements répétés ou prolongés des tendons fléchisseurs ou extenseurs de la main et des doigts ; qu'il ressort des fiches de poste de Mme [L] [W] que cette dernière, qui est facturière et technicienne d'information médicale, effectue principalement de la saisie d'informations, du contrôle de la facturation et de l'édition de documents remis aux patients ou adressés par courrier, le tout supposant une utilisation quotidienne et prolongée des outils informatiques ; que son activité comporte donc nécessairement de la saisie continue au clavier et, ce faisant, des mouvements répétés des doigts par le biais de la frappe sur clavier ainsi qu'une prise palmaire et un appui sur le talon de la main lors de l'utilisation de la souris ; que force est de constater que la S.A. [5], à l'appui de sa contestation de l'origine professionnelle de la maladie déclarée par sa salariée n'apporte pas d'élément fondant sa demande ; qu'elle se contente en effet de produire une fiche d'aptitude remontant au 8 mars 2012, soit plus de deux ans avant la constatation des premiers symptômes de la maladie de Mme [L] [W] ; que cette seule pièce n'est cependant pas de nature à remettre en cause l'origine professionnelle de la maladie ; que le certificat médical du 9 février 2015 aux termes duquel un aménagement du poste de travail est justifié en interdisant l'utilisation du poignet et du pouce droit, démontre au contraire que, dans le cadre de son travail, la salariée était normalement amenée à effectuer des mouvements sollicitant ces derniers.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la S.A. [5] demande à la cour de :

- rejeter l'ensemble des demandes formulées par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val-de-Marne ;

- confirmer le jugement entrepris, rendu le 16 mai 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Créteil ;

en conséquence,

à titre principal

- relever que les conditions tenant au délai de prise en charge et à la liste limitative des travaux (exposition au risque) telles que fixées par le tableau n°57C des maladies professionnelles ne sont pas remplies ,

- lui déclarer inopposable la décision de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val-de-Marne de prendre en charge, à titre professionnel, l'affection déclarée par Mme [L] [W] le 9 avril 2015, avec toutes conséquences de droit.

Elle expose que, s'agissant de l'affection dénommée [6], le tableau fixe le délai de prise en charge de 7 jours ; que l'affection pour laquelle le bénéfice des dispositions de la législation sur les maladies professionnelles est poursuivi par l'assuré social doit avoir été constatée médicalement pour la première fois, à l'intérieur de ce délai qui court à compter de la cessation de l'exposition au risque ; qu'en l'espèce, il est démontré par que Mme [L] [W] a cessé d'être exposée au risque à compter du 12 mars 2014, date à laquelle est observé un repos prescrit au titre de l'Assurance Maladie ; que de même, comme justement relevé par les premiers juges, par certificat médical initial établi en août 2015, le Docteur [R], médecin traitant de l'assurée sociale, a fixé la date de première constatation médicale de la pathologie dont litige au 4 avril 2014 ; que dès lors, la condition tenant au délai de prise en charge fixé à 7 jours par le tableau 57C des maladies professionnelles n'est pas respecté et ce, quelle que soit la date de première constatation médicale retenue.

Elle ajoute que le tableau 57C dresse une liste limitative des travaux susceptibles de provoquer la ténosynovite, ceux-ci devant comporter habituellement des travaux impliquant des mouvements répétés ou prolongés des tendons fléchisseurs ou extenseurs de la main et des doigts ; qu'en l'espèce, il n'est pas démontré par la Caisse que dans le cadre de son emploi de technicienne de l'information médicale et de facturière, Mme [L] [W] soit exposée au risque du tableau n°57 ; que dans son dernier avis en date du 8 mars 2012, l'intéressée a été déclarée apte à son poste sans restriction par la médecine du travail.

SUR CE,

Sur le délai d'exposition au risque

Aux termes de l'article L 461-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale : 'Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.'

En l'espèce, l'affection dont souffre Mme [L] [W], la ténosynovite de « de Quervain » de la main droite, est référencée au tableau n°57 C des maladies professionnelles qui indique que le délai de prise en charge de cette maladie est de 7 jours à compter de la date de la cessation de l'exposition au risque.

Il appartient donc à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val-de-Marne de démontrer que la date de la première constatation médicale est situé à l'intérieur de ce délai.

La date de première constatation médicale retenue par le médecin-conseil peut correspondre à une date indiquée dans une pièce non communiquée à l'employeur car couverte par le secret médical, mais que les colloques médico-administratifs qui ont été communiqués à ce dernier mentionnent avec la nature de l'événement ayant permis de la retenir. Elle doit correspondre à la date de première apparition des symptômes de la maladie.

En la présente espèce, la déclaration de maladie professionnelle mentionne une ténosynovite de de Quervain main droite constatée le 4 avril 2014. Le colloque médico-administratif du 28 août 2015 fait remonter la date de première constatation à l'arrêt de travail du 12 mars 2014.

Il n'est pas contesté par la S.A. [5] que Mme [L] [W] a quitté son travail à la suite de l'arrêt de travail du 12 mars 2014. La S.A. [5] n'a pas soulevé de contestation d'ordre médical pour contester le lien opéré par le médecin conseil entre cet arrêt de travail et les symptômes de la maladie.

La cour doit donc en conclure que la date de première constatation médicale, correspondant à la date de la cessation d'exposition au risque, la condition tenant au délai de prise en charge de sept jours est respectée.

La liste limitative des travaux pour l'affection déclarée inclut des travaux comportant de façon habituelle des mouvements répétés ou prolongés des tendons fléchisseurs ou extenseurs de la main et des doigts.

En l'espèce, le colloque médico-administratif indique que Mme [L] [W], employée en qualité de secrétaire-facturière, effectuait de la saisie informatique, le classement de dossiers et d'autres tâches. La lecture des fiches de poste met en évidence que Mme [L] [W] devait opérer la saisie des actes de laboratoire, d'anatomopatholgie, de la radiologie, des chirurgiens, des justifications des dépassements d'honoraires , des prothèses posées, les relances des impayés, notamment en qualité de facturière et la saisie des informations médicales, le traitement et leur analyse en qualité de technicien d'Information Médicale.

Cette activité importante de saisie de données comporte de manière habituelle des mouvements listés dans la liste limitative des travaux du tableau n°57.

L'avis d'aptitude médicale de la médecine du travail du 8 mars 2012, antérieur de deux ans à la première constatation de la maladie, ne saurait invalider ce constat, alors même que le docteur [U] [K] demande, dix mois après l'arrêt de travail, un aménagement de poste face à la réapparition des symptômes dès le moindre effort, d'écriture notamment.

La cour constate donc que les conditions du tableau n°57 C des maladies professionnelles étaient réunies et que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val-de-Marne n'avait nul besoin de solliciter l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Le jugement déféré sera donc infirmé.

La S.A. [5], qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel et au paiement d'une indemnité de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

DÉCLARE recevable l'appel de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val-de-Marne ;

INFIRME le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil en date du 30 avril 2018 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

DÉCLARE opposable à la S.A. [5] sa décision intervenue le 15 octobre 2015 reconnaissant le caractère professionnel de la maladie de Mme [L] [W] ;

CONDAMNE la S.A. [5] à payer à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val-de-Marne la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la S.A. [5] aux dépens d'appel.

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 18/09029
Date de la décision : 10/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-10;18.09029 ?
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