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10/06/2022 | FRANCE | N°17/09807

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 10 juin 2022, 17/09807


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 10 Juin 2022



(n° , 11 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/09807 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3ZPB



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Juin 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 14/02692





APPELANTE

CPAM 93 - SEINE SAINT DENIS ([Localité 3])

SERVICE CONTENTIEUX<

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[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901





INTIME...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 10 Juin 2022

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/09807 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3ZPB

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Juin 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 14/02692

APPELANTE

CPAM 93 - SEINE SAINT DENIS ([Localité 3])

SERVICE CONTENTIEUX

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

INTIME

Monsieur [C] [G]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Virginie OZIOL-DAHAN, avocat au barreau de PARIS, toque : R061

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 Mars 2022, en audience publique et double rapporteur, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre et devant Monsieur Lionel LAFON, Conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre

Monsieur Lionel LAFON, Conseiller

Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller

Greffier : Madame Claire BECCAVIN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par devant Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre et par Madame Alice BLOYET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Seine-Saint-Denis (la caisse) d'un jugement rendu le 20 juin 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige l'opposant au docteur [C] [G] (le professionnel de santé).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler qu'à la suite d'un contrôle d'activité du professionnel de santé, chirurgien-dentiste, la caisse a constaté de nombreuses anomalies, rapportées au nombre de patients, supérieures à la moyenne ; qu'elle a relevé un indu d'un montant de 29 325,41 euros au titre d'actes réalisés entre le 1er juin 2011 et le 30 juin 2012 ; que le professionnel de santé a également fait l'objet d'une procédure ordinale ayant abouti à une sanction disciplinaire ; que la caisse lui a notifié une demande de restitution de l'indu à hauteur de 29 325,41 euros ; qu'après saisine de la commission de recours amiable, laquelle a rejeté sa requête par décision du 13 novembre 2014, le professionnel de santé a formé un recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny.

Par jugement en date du 20 juin 2017, ce tribunal a :

- Dit l'action du professionnel de santé recevable ;

- Dit cette action bien fondée ;

- Dit irrégulière la procédure de contrôle réalisée par la caisse à l'encontre du professionnel de santé portant sur les actes et cotations qu'il a effectués entre le 1er juin 2011 et le 30 juin 2012 ;

- Annulé la procédure de contrôle réalisée par la caisse à l'encontre du professionnel de santé portant sur les actes et cotations qu'il a effectués entre le 1er juin 2011 et le 30 juin 2012 ;

- Annulé la décision de la commission de recours amiable du 13 novembre 2014 ;

- Débouté le professionnel de santé de sa demande en dommages-intérêts ;

- Condamné la caisse à payer aux professionnels de santé la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rappelé que la procédure est gratuite et sans frais ;

- Rejeté toutes conclusions plus amples ou contraires.

Le tribunal a considéré que la caisse ne produisait aucun document sur les opérations de contrôle réalisées antérieurement l'envoi du premier courrier adressé aux professionnels de santé qui semble être celui du 28 août 2012, tel que mentionné dans le mémoire de saisine de la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des chirurgiens-dentistes. Le tribunal a retenu que la caisse ne produisait pas, même a minima, un commencement de preuve des agissements frauduleux de l'intéressé justifiant l'absence d'information préalable au contrôle. Le tribunal a relevé que « Trop souvent la caisse oublie son statut de partie au procès et qu'il lui appartient de produire les pièces à l'appui de son argumentaire. Il ne suffit pas de déclarer qu'il y avait suspicion de fraude pour justifier la non-application de la procédure contradictoire prévue par l'article R. 315-1-1 du code de la sécurité sociale. » Le tribunal a rappelé qu'il devait pouvoir contrôler le respect des règles légales et qu'en l'espèce il n'était pas en mesure de vérifier, dans l'hypothèse d'une fraude, si celle-ci est apparue avant le contrôle hors présence de l'intéressé ou à l'occasion du contrôle auquel l'intéressé a été associé. En outre, le tribunal a regretté que la majeure partie des annexes mentionnées dans le mémoire de saisine de la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre régional des chirurgiens-dentistes ne fussent pas produites au débat, « la caisse estimant sans doute que le tribunal se contenterait de valider les termes de ce mémoire voire la décision de la chambre disciplinaire ». Ainsi, le tribunal a retenu que la caisse qui aurait dû justifier le choix de la procédure suivie par ses services, ne démontrait pas que les droits de la défense avaient été respectés comme exigé par l'article R. 315-1-1 du code de la sécurité sociale, de sorte que le contrôle réalisé était irrégulier. En revanche, le tribunal a estimé que le professionnel de santé ne démontrait pas la mauvaise foi, ni l'abus de droit de la caisse, ni la réalité du préjudice moral invoqué par lui.

Le jugement a été notifié le 23 juin 2017 à la caisse qui en a interjeté appel le 21 juillet 2017.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son conseil, la caisse demande à la cour, au visa de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, de :

- Infirmer le jugement du 20 juin 2017 en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

- Débouter le professionnel de santé de l'ensemble de ses demandes ;

- Confirmer le bien-fondé de l'indu notifié au professionnel de santé le 13 mars 2014 et la décision de la commission de recours amiable du 13 novembre 2014 ;

- Condamner le professionnel de santé à lui verser la somme de 29 325,41 euros ;

- Condamner le professionnel de santé à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner le professionnel de santé en tous les dépens.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, le professionnel de santé demande à la cour, au visa des articles L. 315-1 IV, R. 315-1 et suivants, D. 315-1, R. 166-1, R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale, L. 1333-11, L. 1333-13, R. 1333-56, R. 1333-65 et R. 1333-66 du code de la santé publique, de :

- Confirmer le jugement rendu le 20 juin 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale RG 14-02692 en ce qu'il a :

* Dit l'action du professionnel de santé recevable et bien fondée ;

* Dit irrégulière la procédure de contrôle réalisée par la caisse à l'encontre du professionnel de santé portant sur les actes et cotations qu'il a effectués entre le 1er juin 2011 et le 30 juin 2012 ;

* Annulé la procédure de contrôle réalisée par la caisse à l'encontre du professionnel de santé portant sur les actes des cotations qu'il a effectués entre le 1er juin 2011 et le 30 juin 2012 ;

* Annulé la décision de la commission de recours amiable du 13 novembre 2014 ;

* Condamné la caisse à lui payer la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté de sa demande de dommages et intérêts et, statuant à nouveau :

- Condamné la caisse à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- Condamner la caisse à lui payer la somme de 40 000 euros par mois de privation d'exercice au titre de ses pertes financières sur la période durant laquelle il a été interdit exercer ;

- Condamner la caisse au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance.

Il est expressément renvoyé aux écritures des parties qu'elles ont déposées à l'audience du 24 mars 2022 et fait viser par le greffe pour un exposé complet de leurs moyens et arguments développés au soutien de leurs prétentions respectives.

SUR CE :

Sur la régularité du contrôle

Le professionnel de santé expose que la caisse n'a pas respecté les dispositions de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale et de l'article R. 133-9-1 du même code ; qu'en effet, elle ne prouve pas que le contrôle avait pour objet de « démontrer l'existence d'une suspicion de fraude » ; qu'elle a joint à sa lettre d'information de contrôle la charte du contrôle de l'activité des professionnels, démontrant ainsi qu'elle ne suspectait aucune fraude ; qu'il n'existe aucun élément antérieur justifiant qu'il s'agissait d'une analyse d'activité pour suspicion de fraude ; qu'enfin, elle ne l'a pas informé préalablement ni sur l'identité des patients avant d'effectuer son contrôle ni sur la période contrôlée.

Le professionnel de santé ajoute que la caisse n'a pas respecté les dispositions de l'article D. 315-2 du code de la sécurité sociale ; que la caisse l'a convoqué sans lui communiquer au préalable les informations recueillies au cours de l'examen non contradictoire réalisé par son praticien conseil, de sorte qu'il n'a pas pu utilement préparer ses explications ; que les patients ont été convoqués sous la menace d'une suspension de leurs avantages sociaux ; que la caisse a constitué un dossier à charge contenant peu de cas problématiques et, par ses lacunes, ne permettant aucune vérification ; que la caisse a manqué aux principes de loyauté, équité et égalité des armes entre les parties.

La caisse réplique que le contrôle était régulier ; que la réglementation visée par le professionnel de santé n'est pas applicable au litige depuis 2009 et que la nouvelle rédaction du texte prévoir précisément que lorsqu'il s'agit de démontrer l'existence d'une fraude la liste des patients convoqués par le service médical n'a pas à être communiqué au professionnel de santé ; qu'au stade du contrôle la fraude n'a pas à être caractérisée ; que rapporter une telle preuve est l'objet du contrôle ; que seul l'examen des bases de données concernant les actes facturées a permis de mettre en évidence de nombreux cas de facturations multiples par dent et d'actes de prothèse dentaire conjointe, qui rapportés au nombre de patients étaient supérieurs à la moyenne, justifiant ainsi le contrôle ; que le contrôle a permis de révéler la facturation d'actes non constatés ; qu'enfin, la chambre disciplinaire de première instance de la section des assurances sociales et la chambre disciplinaire du conseil national de l'ordre ont retenus à l'encontre du professionnel de santé des « fautes, abus, fraudes au sens de l'article L. 145-1 du code de la sécurité sociale ».

Selon l'article L. 133-4 un du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 :

« En cas d'inobservation des règles de tarification ou de facturation :

« 1° Des actes, prestations et produits figurant sur les listes mentionnées aux articles L. 162-1-7, L. 162-17, L. 165-1, L. 162-22-7 ou relevant des dispositions des articles L. 162-22-1 et L. 162-22-6 ;

« 2° Des frais de transports mentionnés à l'article L. 321-1, l'organisme de prise en charge recouvre l'indu correspondant auprès du professionnel ou de l'établissement à l'origine du non-respect de ces règles et ce, que le paiement ait été effectué à l'assuré, à un autre professionnel de santé ou à un établissement.

« Il en est de même en cas de facturation en vue du remboursement, par les organismes d'assurance maladie, d'un acte non effectué ou de prestations et produits non délivrés.

« Lorsque le professionnel ou l'établissement faisant l'objet de la notification d'indu est également débiteur à l'égard de l'assuré ou de son organisme complémentaire, l'organisme de prise en charge peut récupérer la totalité de l'indu. Il restitue à l'assuré et, le cas échéant, à son organisme complémentaire les montants qu'ils ont versés à tort.

« L'action en recouvrement, qui se prescrit par trois ans, sauf en cas de fraude, à compter de la date de paiement de la somme indue, s'ouvre par l'envoi au professionnel ou à l'établissement d'une notification de payer le montant réclamé ou de produire, le cas échéant, leurs observations.

« En cas de rejet total ou partiel des observations de l'intéressé, le directeur de l'organisme d'assurance maladie adresse, par lettre recommandée, une mise en demeure à l'intéressé de payer dans le délai d'un mois. La mise en demeure ne peut concerner que des sommes portées sur la notification.

« Lorsque la mise en demeure reste sans effet, le directeur de l'organisme peut délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, comporte tous les effets d'un jugement et confère notamment le bénéfice de l'hypothèque judiciaire. Une majoration de 10 % est applicable aux sommes réclamées qui n'ont pas été réglées aux dates d'exigibilité mentionnées dans la mise en demeure. Cette majoration peut faire l'objet d'une remise.

« Un décret en Conseil d'État définit les modalités d'application des trois alinéas qui précèdent. »

L'article R. 133-9 du même code énonce que :

« I. - La notification de payer prévue à l'article L. 133-4 est envoyée par le directeur de l'organisme d'assurance maladie au professionnel ou à l'établissement par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception.

« Cette lettre précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement. Elle mentionne l'existence d'un délai de deux mois à partir de sa réception imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamées ainsi que les voies et délais de recours. Dans le même délai, l'intéressé peut présenter des observations écrites à l'organisme d'assurance maladie.

« À défaut de paiement à l'expiration du délai de forclusion prévu à l'article R. 142-1 ou après notification de la décision de la commission instituée à ce même article, le directeur de l'organisme de sécurité sociale compétent lui adresse la mise en demeure prévue à l'article L. 133-4 par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception.

« Cette mise en demeure comporte la cause, la nature et le montant des sommes demeurant réclamées, la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement, le motif qui, le cas échéant, a conduit à rejeter totalement ou partiellement les observations présentées ainsi que l'existence du nouveau délai d'un mois imparti, à compter de sa réception, pour s'acquitter des sommes réclamées. Elle mentionne, en outre, l'existence et le montant de la majoration de 10 % appliquée en l'absence de paiement dans ce délai, ainsi que les voies et délais de recours.

« II. - La majoration de 10 % peut faire l'objet d'une remise par le directeur de l'organisme de sécurité sociale à la demande du débiteur en cas de bonne foi de celui-ci ou si son montant est inférieur à un des seuils, différents selon qu'il s'agit d'un professionnel de santé ou d'un établissement de santé, fixés par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.

« III. - Les dispositions des articles R. 133-3, R. 133-5 à R. 133-7 sont applicables à la contrainte instituée par l'article L. 133-4.

« IV. - Pour le régime social des indépendants mentionné à l'article L. 611-1, l'indu est recouvré par le directeur de la caisse de base selon les modalités définies ci-dessus ».

L'article L. 315-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable à la cause, disposait que :

« I. - Le contrôle médical porte sur tous les éléments d'ordre médical qui commandent l'attribution et le service de l'ensemble des prestations de l'assurance maladie, maternité et invalidité ainsi que des prestations prises en charge en application des articles L. 251-2 et L. 254-1 du code de l'action sociale et des familles.

« II. - Le service du contrôle médical constate les abus en matière de soins, de prescription d'arrêt de travail et d'application de la tarification des actes et autres prestations.

« Lorsque l'activité de prescription d'arrêt de travail apparaît anormalement élevée au regard de la pratique constatée chez les professionnels de santé appartenant à la même profession, des contrôles systématiques de ces prescriptions sont mis en 'uvre dans des conditions définies par la convention mentionnée à l'article L. 227-1.

« Lorsqu'un contrôle effectué par un médecin à la demande de l'employeur, en application de l'article L. 1226-1 du code du travail, conclut à l'absence de justification d'un arrêt de travail ou fait état de l'impossibilité de procéder à l'examen de l'assuré, ce médecin transmet son rapport au service du contrôle médical de la caisse dans un délai maximal de quarante-huit heures. Le rapport précise si le médecin diligenté par l'employeur a ou non procédé à un examen médical de l'assuré concerné. Au vu de ce rapport, ce service :

« 1° Soit demande à la caisse de suspendre les indemnités journalières. Dans un délai fixé par décret à compter de la réception de l'information de suspension des indemnités journalières, l'assuré peut demander à son organisme de prise en charge de saisir le service du contrôle médical pour examen de sa situation. Le service du contrôle médical se prononce dans un délai fixé par décret ;

« 2° Soit procède à un nouvel examen de la situation de l'assuré. Ce nouvel examen est de droit si le rapport a fait état de l'impossibilité de procéder à l'examen de l'assuré.[...]

« IV. - Il procède également à l'analyse, sur le plan médical, de l'activité des professionnels de santé dispensant des soins aux bénéficiaires de l'assurance maladie, de l'aide médicale de l'État ou de la prise en charge des soins urgents mentionnée à l'article L. 254-1 du code de l'action sociale et des familles, notamment au regard des règles définies par les conventions qui régissent leurs relations avec les organismes d'assurance maladie ou, en ce qui concerne les médecins, du règlement mentionné à l'article L. 162-14-2. La procédure d'analyse de l'activité se déroule dans le respect des droits de la défense selon des conditions définies par décret.

« Par l'ensemble des actions mentionnées au présent article, le service du contrôle médical concourt, dans les conditions prévues aux articles L. 183-1, L. 211-2-1 et au 5° de l'article L. 221-1, à la gestion du risque assurée par les caisses d'assurance maladie.

« IV. bis. - '

« V. - ' »

L'article R. 315-1-1 du code de la sécurité sociale dispose que :

« Lorsque le service du contrôle médical procède à l'analyse de l'activité d'un professionnel de santé en application du IV de l'article L. 315-1, il peut se faire communiquer, dans le cadre de cette mission, l'ensemble des documents, actes, prescriptions et éléments relatifs à cette activité.

« Dans le respect des règles de la déontologie médicale, il peut consulter les dossiers médicaux des patients ayant fait l'objet de soins dispensés par le professionnel concerné au cours de la période couverte par l'analyse. Il peut, en tant que de besoin, entendre et examiner ces patients. Il en informe au préalable le professionnel, sauf lorsque l'analyse a pour but de démontrer l'existence d'une fraude telle que définie à l'article R. 147-11, d'une fraude en bande organisée telle que définie à l'article R. 147-12 ou de faits relatifs à un trafic de médicaments. Un bilan annuel des cas où le professionnel n'a pas été informé préalablement, incluant les suites données pour chaque cas, est adressé aux conseils nationaux des ordres concernés par chaque caisse nationale. »

L'article R. 147-11 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la cause, disposait que :

« Sont qualifiés de fraude, pour l'application de l'article L. 162-1-14, les faits commis dans le but d'obtenir ou de faire obtenir un avantage ou le bénéfice d'une prestation injustifiée au préjudice d'un organisme d'assurance maladie ou, s'agissant de la protection complémentaire en matière de santé, de l'aide au paiement d'une assurance complémentaire de santé ou de l'aide médicale de l'État, d'un organisme mentionné à l'article L. 861-4 ou de l'État, y compris dans l'un des cas prévus aux sections précédentes, lorsque aura été constatée l'une des circonstances suivantes :

« 1° ...

« Est également constitutive d'une fraude au sens de la présente section la facturation répétée d'actes ou prestations non réalisés, de produits ou matériels non délivrés. »

L'article R. 315-1-2 du code de la sécurité sociale dispose que :

« À l'issue de cette analyse, le service du contrôle médical informe le professionnel concerné de ses conclusions. Lorsque le service du contrôle médical constate le non-respect de règles législatives, réglementaires ou conventionnelles régissant la couverture des prestations à la charge des organismes de sécurité sociale, il en avise la caisse. La caisse notifie au professionnel les griefs retenus à son encontre, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Dans le délai d'un mois qui suit la notification des griefs, l'intéressé peut demander à être entendu par le service du contrôle médical. »

L'article D. 315-2 du code de la sécurité sociale dispose que :

« Préalablement à l'entretien prévu à l'article R. 315-1-2, le service du contrôle médical communique au professionnel de santé contrôlé l'ensemble des éléments nécessaires à la préparation de cet entretien, comportant notamment la liste des faits reprochés au professionnel et l'identité des patients concernés.

« Cet entretien fait l'objet d'un compte-rendu qui est adressé, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au professionnel de santé dans un délai de quinze jours. À compter de sa réception, le professionnel de santé dispose d'un délai de quinze jours pour renvoyer ce compte-rendu signé, accompagné d'éventuelles réserves. À défaut, il est réputé approuvé. »

Il convient de rappeler qu'est seule recevable l'action engagée selon la procédure de recouvrement de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale par un organisme de prise en charge, lorsque la demande de ce dernier porte exclusivement sur le remboursement de prestations indues en raison de l'inobservation des règles de tarification ou de facturation des actes imposées au professionnel de santé, que celle-ci résulte d'une simple erreur ou d'une faute délibérée.

En la présente espèce, le contrôle a été opéré sur la période du 1er juin 2011 au 30 juin 2012, de sorte que les dispositions visées par le professionnel de santé en vigueur avant le décret du 20 août 2009 ne trouvent pas à s'appliquer.

De plus, contrairement à ce que soutient le professionnel de santé, le contrôle n'avait pas pour objet de « démontrer l'existence d'une suspicion de fraude », cette suspicion étant la cause du contrôle et non son objet ou « but », mais de rechercher l'existence ou non d'une fraude. Et à partir de 2009, la réglementation a organisé un cadre spécifique destiné à garantir la manifestation de la vérité au cours de ce contrôle.

Ainsi, dans le cadre d'un contrôle opéré en 2012-2013 sur la période du 1er juin 2011 au 30 juin 2012, il résulte des dispositions de l'article R. 315-1-1 du code de la sécurité sociale ci-dessus rappelé qu'en raison d'une suspicion de fraude, la caisse n'était pas tenue d'informer au préalable le professionnel de santé de liste des patients consultés au cours des opérations de contrôle, ni même de l'informer de la période contrôlée dans ce cadre.

La suspicion de fraude est née de la seule analyse des bases de données de la caisse concernant les actes facturés par le professionnel de santé ayant fait apparaître de nombreux cas de facturations multiples par dent et d'actes de prothèse conjointe supérieurs qui rapportés au nombre de patients étaient supérieurs à la moyenne observée par la caisse. Cette suspicion de fraude n'a pas à être autrement démontrée.

Le contrôle a permis de vérifier les cas douteux et de mettre en évidence également des facturations d'actes non contestés, lesquels ne sont pas expressément discutés dossier par dossier par le professionnel de santé qui se borne à critiquer la globalité de la procédure de contrôle sur le terrain du principe du contradictoire, de la loyauté et de l'égalité des armes.

Néanmoins, la caisse n'étant pas tenue d'informer au préalable l'intéressé de la liste des patients convoqués ou consultés, l'argumentation du professionnel de santé sur la violation de ces principes préalablement au contrôle est inopérante.

Par ailleurs, les autorités ordinales ont sanctionné le professionnel de santé notamment pour des actes de fraude au sens de l'article L. 145-1 du code de la sécurité sociale parfaitement établis et listés par les deux décisions produites par le professionnel de santé lui-même (pièces n°11 à 13 du professionnel de santé).

Il n'est pas contesté que le professionnel de santé a été convoqué par la caisse afin de s'expliquer. L'intéressé se bornant encore à faire valoir qu'il n'avait pas été informé préalablement à l'entretien de la liste des patients concernés. Néanmoins, cette communication préalable n'étant pas prévue par les textes, le professionnel de santé ne démontre pas que lors de l'entretien mais aussi à sa suite, directement ou par un quelconque moyen de communication, il n'a pas été mis en mesure d'apporter des explications et de fournir tout élément utile à sa défense au praticien-conseil de la caisse l'ayant reçu et entendu.

Dès lors, le professionnel de santé ne peut reprocher à la caisse de ne pas avoir respecté la procédure de contrôle.

Sur l'indu

Il incombe au professionnel de santé qui conteste l'indu revendiqué par la caisse de rapporter la preuve contraire dès lors qu'il lui appartient de justifier le bienfondé du bénéfice des prestations dont il a réclamé le paiement sur la base de ses propres déclarations à la caisse.

Or, en l'espèce, devant la cour, le professionnel ne discute pas de l'indu dossier par dossier et ne verse aucune pièce susceptible de contredire dossier par dossier les constatations du service médical ayant mis en évidence des anomalies qualifiées de fraudes. Il ne discute pas davantage le chiffrage de l'indu dégagé par le contrôle, ni cas par cas, ni globalement.

Au contraire, la caisse reproche précisément au professionnel de santé d'avoir, notamment engagé des soins sur des dents ne présentant aucune pathologie carieuse ou pulpaire et d'avoir réalisé des restaurations corono-radiculaires abusives et systématiques. Elle justifie qu'il a ainsi facturé des traitements endodontiques alors que la comparaison des radiographies pré et postopératoire communiquées par l'intéressé avec celles réalisées par le service médical montre que le traitement endodontique préexistant n'a pas fait l'objet d'une reprise.

De même, la caisse lui reproche d'avoir facturé des inlay-core, cotés SPR57, et des couronnes, cotées SPR50, qui n'ont pas été objectivés sur les radiographies communiquées par le praticien et celles réalisées par le service médical. Ces actes, réalisés pour 8 assurés à 26 reprises pour les inlay-core et à 14 reprises pour les couronnes, n'ont manifestement pas été réalisés en l'absence de tout ancrage radiculaire sur les clichés radiographiques consultés.

Lors de son entretien avec le service médical, le professionnel de santé a reconnu que pour un patient il avait facturé à 7 reprises des inlay-core alors qu'il avait réalisé des obturations foulées à l'ancrage radiculaire qui auraient donc dû être facturées en SC7 ou SC33 selon le nombre de faces, de sorte que ces inlay-core ont été facturés indûment.

Le contrôle a également permis de mettre en évidence que le professionnel de santé avait facturé deux fois des actes identiques réalisés à la même date sur la même localisation et pour le même patient.

Le contrôle a ensuite permis de mettre en évidence 8 facturations de nombreuses cotations inappropriées et non justifiées au regard de la NGAP, actes réalisés sur des dents saines ou peu délabrées, paraissant ainsi injustifiés. Il a également été relevé que le professionnel de santé facturait de nombreux couronnes et inlay-core en utilisant des dents saines comme piliers de bridge qu'il dépulpait et obturait par un inlay-core avant de les coiffer par une couronne servant d'ancrage de bridge, alors qu'une dent saine ne justifie pas ce traitement.

De même, la caisse fait valoir que le professionnel de santé, par exemple, n'a pas transmis au service médical les radiographies réalisées pour justifier les facturations des actes d'imagerie cotés Z ou qu'il n'a pas respecté les préconisations de la nomenclature en matière de radiographie complémentaires à certains moments du traitement.

Le contrôle a ainsi mis en évidence de nombreuses anomalies et l'application de cotations erronées au regard des actes réalisés ou ne respectant pas les conditions précises de prise en charge prévues par la NGAP.

Le professionnel de santé ne répond à la caisse sur aucun de ces points et ne discute pas dossier par dossier les constatations du contrôle.

À défaut de critiques précises et expresses des conclusions techniques du contrôle, les constats opérés par le service médical sont donc suffisants pour justifier l'indu notifié par la caisse au professionnel de santé qui échoue, par sa carence, à justifier le bien-fondé des paiements des actes qu'il a déclarés à la caisse, étant rappelé que les griefs faits par la caisse à l'encontre du professionnel de santé ont tous été retenus par la chambre disciplinaire de première instance du conseil de l'ordre des chirurgiens-dentistes (pièces n°5 de la caisse et 11 du professionnel de santé) puis par la chambre disciplinaire du conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes (pièce n°7 de la caisse et 12 et 13 du professionnel de santé).

Dès lors, le professionnel de santé sera condamné à payer à la caisse la somme de 29 325,41 euros.

Sur les dommages et intérêts

Le professionnel de santé, qui reproche à la caisse d'avoir initié une procédure irrégulière ayant entraîné une condamnation ordinale de 6 mois d'interdiction d'exercer dont 4 mois avec sursis, ne démontre ni le caractère irrégulier de la procédure de contrôle ni aucune faute de la caisse. Sa demande de dommages et intérêts n'est donc pas fondée et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes accessoires

Le professionnel de santé, qui succombe, sera condamné aux dépens d'appel et au paiement à la caisse de la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. La demande d'indemnité formée par le professionnel de santé sur le même fondement sera rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Déclare recevable l'appel de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Seine-Saint-Denis ;

Infirme le jugement rendu le 20 juin 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté [C] [G] de sa demande en dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau,

Rejette l'ensemble des moyens soulevés par [C] [G] ;

Condamne [C] [G] à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Seine-Saint-Denis la somme de 29 325,41 euros ;

Déboute [C] [G] de l'ensemble de ses autres demandes ;

Condamne [C] [G] à payer à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Seine-Saint-Denis la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute [C] [G] de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne [C] [G] aux dépens d'appel.

La greffière,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 17/09807
Date de la décision : 10/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-10;17.09807 ?
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