La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/06/2022 | FRANCE | N°21/211647

France | France, Cour d'appel de Paris, B1, 09 juin 2022, 21/211647


Copies exécutoires
délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 09 JUIN 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/21164 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEYUN

Décision déférée à la cour :
jugement du 26 novembre 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 21/81625

APPELANTE

S.A.R.L. MAEVA PRODUCTIONS
[Adresse 5]
[Localité 2]

Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au

barreau de PARIS, toque : L0020
Plaidant par Me Martine BENNAHIM, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ

Monsieur [W] [E]
[Adresse 4]
[Loc...

Copies exécutoires
délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 09 JUIN 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/21164 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEYUN

Décision déférée à la cour :
jugement du 26 novembre 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 21/81625

APPELANTE

S.A.R.L. MAEVA PRODUCTIONS
[Adresse 5]
[Localité 2]

Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
Plaidant par Me Martine BENNAHIM, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ

Monsieur [W] [E]
[Adresse 4]
[Localité 3]

Représenté par Me Delphine MENGEOT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1878
Plaidant par Me Paul ZEITOUN de la SELEURL PZA PAUL ZEITOUN, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier, présent lors de la mise à disposition.

Déclarant agir en vertu d'une ordonnance de référé rendue par le président du Tribunal judiciaire de Paris le 4 février 2020, M. [E] a le 16 juillet 2021 délivré à la société Maeva Productions un commandement de quitter les lieux, portant sur des locaux sis [Adresse 1].

Suivant jugement en date du 26 novembre 2021, le juge de l'exécution de Paris a rejeté la demande d'annulation dudit commandement de quitter les lieux ainsi que la demande de délais, présentées par la société Maeva Productions.

Par déclaration en date du 2 décembre 2021, la société Maeva Productions a relevé appel de cette décision. La déclaration d'appel a été signifiée à la partie adverse le 13 janvier 2022.

En ses conclusions notifiées le 12 avril 2021, la société Maeva Productions a fait valoir :
- que le commandement de quitter les lieux avait été délivré durant la période dite juridiquement protégée en raison de l'épidémie de Covid 19 ;
- qu'en effet l'article 4 de l'ordonnance no 2020-306 du 25 mars 2020 avait prohibé la mise en oeuvre d'une clause résolutoire jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la cessation de l'état d'urgence sanitaire, l'article 14 de la loi no 2020-1379 du 14 novembre 2020 prolongeant ce dernier jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la date à laquelle l'activité était impactée par une mesure de police, si bien que durant ladite période, les locataires ne pouvaient encourir ni sanction ni voie d'exécution forcée ;
- qu'elle avait réglé les loyers dus, notamment l'arriéré dû au titre des 18 échéances antérieures à la crise sanitaire ;
- qu'elle avait rencontré des difficultés économiques importantes, n'ayant pu travailler que durant 5 mois au cours de l'année 2020 et n'ayant reçu aucune aide de l'Etat ;
- que M. [E] lui avait délivré le 6 août 2021 une offre d'achat de l'immeuble sans réserve, et qu'il ne pouvait dès lors pas poursuivre la procédure d'expulsion, les divers actes de poursuite étant antérieurs à cette date ;
- que M. [E] avait régularisé plusieurs saisies-attributions dans des conditions abusives ;
- que l'ordonnance de référé fondant les poursuites n'avait pas constaté l'acquisition de la clause résolutoire mais en avait suspendu les effets, si bien qu'elle n'aurait pu prendre effet qu'en raison du paiement partiel de l'échéance du 4ème trimestre 2020, au mois d'octobre 2020, alors que les parties se trouvaient en période dite juridiquement protégée ;
- que le bailleur était responsable du défaut de paiement des loyers car les locaux étaient mal entretenus et inondés ;
- que si l'expulsion avait eu lieu le 14 mars 2022, il était sollicité sa réintégration.

La société Maeva Productions a demandé à la Cour de :
- infirmer le jugement dont appel ;
- annuler le commandement de quitter les lieux en date du 16 juillet 2021 ;
- ordonner sa réintégration dans les lieux ;
- condamner M. [E] au paiement de la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

En ses conclusions notifiées le 19 avril 2022, M. [E] a soutenu :
- que l'ordonnance de référé datée du 4 février 2020 n'avait nullement homologué un quelconque accord, mais avait condamné la débitrice au paiement des sommes dues et constaté le jeu de la clause résolutoire tout en en suspendant les effets ;
- que de l'aveu même de l'appelante, les termes de ces condamnations n'avaient pas été respectés par elle, car les loyers de novembre, décembre 2020 et ceux des deux premiers trimestres 2021 n'avaient pas été payés ;
- que dès le 1er octobre 2020, soit antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 14 novembre 2020 (au 17 octobre 2020), le loyer afférent au 4ème trimestre n'avait pas été réglé par la société Maeva Productions ;
- que l'appelante ne pouvait dès lors se prévaloir de ce texte ;

- que l'ordonnance no 2020-306 du 25 mars 2020 ne pouvait s'appliquer qu'à des échéances et pénalités conventionnelles, et non pas à un titre exécutoire ;
- qu'il n'avait nullement renoncé à l'expulsion, même si une offre de vente avait été faite à l'appelante dans le seul but de purger le droit de préemption ;
- que le juge de l'exécution n'avait pas le pouvoir d'apprécier la bonne ou la mauvaise foi des parties dans l'exécution du bail ;
- que la société Maeva Productions payait irrégulièrement ses loyers depuis l'année 2018, soit bien antérieurement aux difficultés par elle invoquées dans l'occupation des locaux.

M. [E] a demandé en conséquence à la Cour de confirmer le jugement du juge de l'exécution de Paris, de rejeter les demandes adverses, et de condamner la société Maeva Productions au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon ordonnance de référé en date du 9 mars 2022, le magistrat délégataire du premier président de cette Cour a rejeté la demande de sursis à exécution du jugement formée par l'appelante, la société Maeva Productions.

MOTIFS

Selon l'article R 121-1 alinéa 2 du Code des procédures civiles d'exécution, le Juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites ni en suspendre l'exécution. L'ordonnance de référé datée du 4 février 2020 a condamné la société Maeva Productions à payer à M. [E] une somme provisionnelle de 14 745,60 euros, dit qu'elle pourra s'en acquitter en 18 mensualités égales le 15 de chaque mois (et pour la première fois le 15 du mois suivant la signification de l'ordonnance) en sus du loyer courant, ordonné la suspension des effets de la clause résolutoire, et dit que faute par la société Maeva Productions de régler les sommes dues la totalité de la dette devriendra exigible, la clause résolutoire sera acquise, et il sera procédé à l'expulsion de la société Maeva Productions. Cette décision de justice n'a nullement pris acte d'un accord, et au contraire, a imparti à l'appelante des obligations financières qui, si elles n'étaient pas respectées, donneraient lieu à une expulsion. Par ailleurs c'est en vain que la société Maeva Productions se plaint de l'état des locaux loués, cet argument ne pouvant nullement être pris en compte par le juge de l'exécution pour revenir sur le contenu du titre exécutoire susvisé.

Selon l'article 4 de l'ordonnance no 2020-316 du 25 mars 2020, les personnes mentionnées à l'article 1er (c'est à dire les personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique qui sont susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité mentionné à l'article 1er de l'ordonnance no 2020-317 du 25 mars 2020 susvisée ; celles qui poursuivent leur activité dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire peuvent également bénéficier de ces dispositions au vu de la communication d'une attestation de l'un des mandataires de justice désignés par le jugement qui a ouvert cette procédure) ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d'astreinte, d'exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d'activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 et L. 641-12 du code de commerce.
Les dispositions ci-dessus s'appliquent aux loyers et charges locatives dont l'échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai de deux mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée, c'est à dire jusqu'au 10 septembre 2020 car la cessation de l'état d'urgence sanitaire est intervenue le 10 juillet 2020.

Ce texte, s'il prohibe le constat du jeu de la clause résolutoire insérée au bail pour cause de défaut de paiement du loyer, ne dispense aucunement le locataire de payer le loyer ni n'interdit au bailleur de diligenter des mesures d'exécution pour en obtenir le recouvrement ou de poursuivre une mesure d'expulsion.

La société Maeva Productions n'est donc pas fondée à l'invoquer pour tenter d'obtenir l'annulation du commandement de quitter les lieux querellé.

Selon l'article 14 de la loi no 2020-1379 du 14 novembre 2020,
I.-Le présent article est applicable aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique affectée par une mesure de police administrative prise en application des 2o ou 3o du I de l'article 1er de la loi no 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire, du 2o du I de l'article 1er de la loi no 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire ou du 5o du I de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, y compris lorsqu'elle est prise par le représentant de l'Etat dans le département en application des deux premiers alinéas du III de l'article 1er de la loi no 2021-689 du 31 mai 2021 précitée ou du second alinéa du I de l'article L. 3131-17 du code de la santé publique. Les critères d'éligibilité sont précisés par décret, lequel détermine les seuils d'effectifs et de chiffre d'affaires des personnes concernées ainsi que le seuil de perte de chiffre d'affaires constatée du fait de la mesure de police administrative.
II.-Jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur activité cesse d'être affectée par une mesure de police mentionnée au I, les personnes mentionnées au même I ne peuvent encourir d'intérêts, de pénalités ou toute mesure financière ou encourir toute action, sanction ou voie d'exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où leur activité est ou était ainsi affectée.
Pendant cette même période, les sûretés réelles et personnelles garantissant le paiement des loyers et charges locatives concernés ne peuvent être mises en oeuvre et le bailleur ne peut pratiquer de mesures conservatoires qu'avec l'autorisation du juge, par dérogation à l'article L. 511-2 du code des procédures civiles d'exécution.
Toute stipulation contraire, notamment toute clause résolutoire ou prévoyant une déchéance en raison du non-paiement ou retard de paiement de loyers ou charges, est réputée non écrite.
III.-Le II ne fait pas obstacle à la compensation au sens de l'article 1347 du code civil.
IV.-Le II s'applique aux loyers et charges locatives dus pour la période au cours de laquelle l'activité de l'entreprise est affectée par une mesure de police mentionnée au I.
Les intérêts ou pénalités financières ne peuvent être dus et calculés qu'à compter de l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du II.
En outre, les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le bailleur à l'encontre du locataire pour non-paiement de loyers ou de charges locatives exigibles sont suspendues jusqu'à la date mentionnée au même premier alinéa.
(...).
VII.-Le présent article s'applique à compter du 17 octobre 2020.
VIII.-Le présent article est applicable à Wallis-et-Futuna, dans sa rédaction résultant de la loi no 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire.
L'ordonnance de référé a prévu que les 18 mensualités devaient être réglées le 15 de chaque mois et pour la première fois le 15 du mois suivant la signification de l'ordonnance, et celle-ci est intervenue le 25 février 2021 (et non pas le 25 février 2020 comme le soutient M. [E] dans ses écritures), de sorte que le premier versement devait intervenir le 15 mars 2021. Si la débitrice fait valoir qu'elle a rencontré des difficultés financières courant 2020, elle ne démontre ni même ne soutient qu'au 16 juillet 2021, date de délivrance du commandement de quitter les lieux, son activité était encore affectée par des mesures de police ou l'avait été moins de deux mois auparavant. Dans ces conditions, la société Maeva Productions reconnaissant dans ses écritures (en page 10) ne pas avoir réglé les loyers au titre des deux premiers trimestres de l'année 2021, il faut nécessairement considérer qu'elle n'a pas satisfait aux obligations à elle imparties par la décision de justice fondant les poursuites, étant rappelé que tant les mensualités à valoir sur l'arriéré que le loyer courant devaient être réglés concomitamment.

Par ailleurs, c'est en vain que l'appelante fait plaider que M. [E] lui avait délivré une offre d'achat sans réserve ; en effet, l'acte d'huissier par lui signifié le 6 août 2021 et intitulé "signification aux fins de purge du droit de préemption" avait pour seul but de lui proposer l'acquisition du bien, qu'il souhaitait céder, sans pour autant renoncer à une éventuelle expulsion ni, à quelque titre que ce soit, au bénéfice de l'ordonnance de référé du 4 février 2020.

C'est dès lors dans des conditions exemptes de critiques que la partie adverse lui a délivré un commandement de quitter les lieux puis a procédé à son expulsion.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement, et y ajoutant, de rejeter la demande de réintégration de la société Maeva Productions dans les locaux.

La société Maeva Productions, qui succombe, sera condamnée au paiement de la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Statuant dans les limites de l'appel,

- CONFIRME le jugement en date du 26 novembre 2021 ;

- REJETTE la demande de la société Maeva Productions à fin de réintégration dans les locaux sis [Adresse 1] ;

- CONDAMNE la société Maeva Productions à payer à M. [W] [E] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE la société Maeva Productions aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 21/211647
Date de la décision : 09/06/2022
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-06-09;21.211647 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award