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09/06/2022 | FRANCE | N°21/134827

France | France, Cour d'appel de Paris, B1, 09 juin 2022, 21/134827


Copies exécutoires
délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 09 JUIN 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/13482 - No Portalis 35L7-V-B7F-CECSV

Décision déférée à la cour :
jugement du 24 juin 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 20/81782

APPELANTE

SOCIÉTÉ OLKY PAYMENT SERVICE PROVIDER,
société de droit Luxembourgeois, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domi

ciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 46]
[Localité 69]
LUXEMBOURG

Représentée par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au bar...

Copies exécutoires
délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 09 JUIN 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/13482 - No Portalis 35L7-V-B7F-CECSV

Décision déférée à la cour :
jugement du 24 juin 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 20/81782

APPELANTE

SOCIÉTÉ OLKY PAYMENT SERVICE PROVIDER,
société de droit Luxembourgeois, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 46]
[Localité 69]
LUXEMBOURG

Représentée par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945
Ayant pour avocats plaidants Me Michel LAVAL et Juliette HEINZ, avocats au barreau de PARIS

INTIMÉES

S.A.S. SOCIETE MÉRIDIONALE D'ENVIRONNEMENT
agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 9]
[Localité 25]

S.C.A. SADE - COMPAGNIE GENERALE DES EXPLOITATIONS DE NOR MANDIE PAR ABREVIATION SADE EXPLOITATIONS DE SUITE NOM : Normandie, SUITE ADRESSE : d'[Localité 67], agis
sant par son représentant légal en exercice
[Adresse 79]
[Localité 53]

S.N.C. SADE - COMPAGNIE GENERALE DES EXPLOITATIONS DU LAN GUEDOC-ROUSSILLON agissant par son représentant légal en exercice
[Adresse 72]
[Adresse 72]
[Localité 28]

S.C.A. SADE - COMPAGNIE GENERALE DES EXPLOITATIONS DU SUD -EST DE LA FRANCE PAR ABREVIATION SADE EXPLOITATIO SUITE NOM : Exploitations du Sud-Est de la France, agissant
par son représentant légal en exercice,
[Adresse 76]
[Localité 59]

S.C.A. SADE - COMPAGNIE GENERALE DES EXPLOITATIONS DE L'E ST DE LA FRANCE agissant par son représentant légal en exercice
[Adresse 2]
[Localité 34]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

S.C.A. SADE - COMPAGNIE GENERALE DES EXPLOITATIONS DU SUD -OUEST DE LA FRANCE PAR ABREVIATION « SADE EXPLOIT SUITE NOM : « SADE Exploitations du Sud Ouest de la France »
, agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 19]
[Localité 25]

S.A. SOCIETE AUXILIAIRE DE BATIMENTS ET TRAVAUX PUBLICS agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 37]
[Localité 30]

S.C.A. AVIGNONNAISE DES EAUX agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 24]
[Localité 60]

S.C.A. SOCIETE D'ENTREPRISES ET DE GESTION - SEG agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 37]
[Localité 30]

S.A.S. SOCIETE D'EXPLOITATION D'EAU DU BASSIN D'ARCACHON SUD agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 12]
[Localité 26]

S.N.C. SOCIETE D'ASSAINISSEMENT DU BOULONNAIS agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 61]
[Localité 40]

S.C.A. VEOLIA EAU - COMPAGNIE GENERALE DES EAUX agissant par son représentant légal en exercice
[Adresse 18]
[Localité 50]

S.C.A. SOCIETE DES EAUX DE CORSE agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 74]
[Adresse 74]
[Localité 17]

S.A. SA DES EAUX DE DOUAI agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 44]
[Localité 36]

S.C.A. SOCIETE DES EAUX DE L'AGGLOMÉRATION TROYENNE agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 11]
[Localité 34]

S.C.A. SOCIETE DES EAUX DE MELUN agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 14]
[Adresse 14]
[Localité 54]

S.C.A. SOCIETE DES EAUX DE PICARDIE agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 75]
[Localité 57]

S.C.A. SOCIETE DES EAUX DE SAINT OMER agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 33]
[Localité 41]

S.C.A. SOCIETE DES EAUX DE TROUVILLE DEAUVILLE ET NORMAND IE -SETDN agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 66]
[Adresse 66]
[Localité 7]

S.N.C. SOCIETE DES EAUX DU BOULONNAIS agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 61]
[Localité 40]

S.A. SOCIETE DES EAUX DU [Localité 42] ET EXTENSI ONS agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 3]
[Localité 42]

S.C.A. SOCIETE DES EAUX ET DE L'ASSAINISSEMENT DE L'OISE agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 1]
[Localité 38]

S.C.A. COMPAGNIE FERMIERE DE SERVICES PUBLICS agissant par son représentant légal en exercice
[Adresse 78]
[Adresse 63]
[Localité 49]

S.C.A. SOCIETE FRANÇAISE DE DISTRIBUTION D'EAU agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 21]
[Localité 64]

S.C.A. SOCIETE MACONNAISE D'ASSAINISSEMENT DE DISTRIBUTIO N D'EAU ET DE CHALEUR agissant par son représentant légal en exercice
[Adresse 62]
[Localité 48]

S.C.A. SOCIETE MOSELLANE DES EAUX agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 13]
[Localité 34]

S.C.A. SOCIETE RÉGIONALE DE DISTRIBUTION D'EAU agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 20]
[Localité 23]

S.A.R.L. SOCIETE TECHNIQUE D'EXPLOITATION ET DE COMPTAGE agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 76]
[Localité 59]

S.A.R.L. SOCIETE VAROISE D'AMÉNAGEMENT ET DE GESTION agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 76]
[Localité 59]

S.C.A. SOCIETE DES EAUX DE LA VILLE DE CAMBRAI agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 4]
[Localité 35]

S.A.S. VALYO agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 5]
[Localité 55]

S.C.A. COMPAGNIE DES EAUX DE LA BANLIEUE DU [Localité 52] agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 43]
[Localité 52]

S.C.A. COMPAGNIE DES EAUX DE MAISONS LAFFITTE agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 21]
[Localité 64]

S.C.A. COMPAGNIE MEDITERRANEENNE D'EXPLOITATION DES SERVI CES D'EAU agissant par son représentant légal en exercice
[Adresse 68]
[Localité 6]

S.C.A. COMPAGNIE DES EAUX ET DE L'OZONE PROCÉDÉS M P OTTO agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 18]
[Localité 50]

S.A.S.U. REGIONGAZ agissant par son représentant légal en exercice
[Adresse 22]
[Localité 65]

S.C.A. SADE COMPAGNIE GENERALE DES EXPLOITATIONS DU NORD DE LA FRANCE agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 77]
[Adresse 77]
[Localité 39]

S.A. SOCIETE D'ASSAINISSEMENT ET DE GESTION DE L'ENVIRO NNEMENT DU BASSIN D'ARCACHON agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 71]
[Localité 27]

S.N.C. SOCIETE DES EAUX DE TOULON agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 76]
[Adresse 76]
[Localité 59]

S.N.C. SOCIETE DES EAUX INDUSTRIELLES DE [Localité 73] agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 31]
[Localité 51]

S.A.R.L. CEC COMPAGNIE D'EXPLOITATION ET DE COMPTAGE agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 76]
[Adresse 76]
[Localité 59]

S.A.S.U. WEILL agissant par son représentant légal en exercice
[Adresse 70]
[Localité 58]

S.N.C. CYO agissant par son représentant légal en exercice
[Adresse 47]
[Localité 50]

S.C.A. EAU ET CHALEUR EN HAUTE MONTAGNE agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 15]
[Localité 45]

S.A. ENTREPRISE RUAS MICHEL SA agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 56]
[Localité 29]

S.C.A. LA CHAMPENOISE DE DISTRIBUTION D'EAU ET D'ASSAINIS SEMENT agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 16]
[Localité 32]

S.N.C. ROYAN EAU ET ENVIRONNEMENT agissant par son représentant légal en exercice,
[Adresse 8]
[Localité 10]

Représentées par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Plaidants par Me Emmanuel Brochier et Julie Pasternak, avocats au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 12 mai 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*****
Par contrat du 23 novembre 2014, complété et amendé par plusieurs avenants et conventions en 2015 et en 2016, la société Veolia Eau – Compagnie générale des eaux (ci-après Veolia) a confié à la société de droit luxembourgeois Olky Payment Service Provider (ci-après Olkypay) le recouvrement et l'encaissement en ligne de factures d'eau pour son compte et celui de ses 46 filiales.

Par lettre du 14 février 2017, la société Veolia a notifié à la société Olkypay la rupture de leurs relations contractuelles.

Par ordonnance de référé du 7 avril 2017, le président du tribunal de commerce de Paris a ordonné à la société Olkypay de reverser à la société Veolia et ses filiales, sur leur compte bancaire de liaison, les sommes figurant au 14 février 2017 sur les comptes de paiement ouverts à leur nom, déduction faite des sommes correspondant aux refus, reversements, retours ou remboursements d'opérations de paiement enregistrés au jour du reversement, ce reversement devant intervenir dans les 30 jours du prononcé de ladite ordonnance, sous astreinte de 100.000 euros par jour de retard passé ce délai, et ce pendant une durée de 30 jours.

Par arrêt du 2 novembre 2017, la cour d'appel de Paris a confirmé cette ordonnance.

Par jugement du 27 septembre 2017, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris a liquidé l'astreinte susvisée à la somme de 3.000.000 euros et fixé une nouvelle astreinte de 100.000 euros par jour de retard pendant une durée de 30 jours.

Par arrêt du 13 décembre 2018, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement du 27 septembre 2017 en toutes ses dispositions.

Par ordonnance du 13 juin 2019, le président de la Cour de cassation a radié le pourvoi formé par la société Olkypay contre l'arrêt du 13 décembre 2018, faute d'exécution.

Par jugement du 22 juillet 2019, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris a liquidé à 3.000.000 euros l'astreinte qu'il avait prononcée le 27 septembre 2017 et fixé une nouvelle astreinte provisoire de 100.000 euros par jour de retard pour une durée de trois mois.

Par ordonnance du 16 janvier 2020, le premier président de la cour de céans a radié l'appel interjeté par la société Olkypay contre ce jugement, faute d'exécution.

Le 11 juin 2020, le juge de l'exécution a liquidé à 9.000.000 euros l'astreinte provisoire qu'il avait prononcée le 22 juillet 2019 et fixé une nouvelle astreinte, définitive cette fois, de 100.000 euros par jour de retard pendant quatre mois.

Ce jugement a été signifié à la société Olkypay le 6 juillet 2020.

Par ordonnance du 10 décembre 2020, le premier président de la cour d'appel a radié l'appel interjeté par la société Olkypay contre ce jugement, faute d'exécution.

Le 13 novembre 2020, la société Veolia et ses filiales ont à nouveau assigné Olkypay devant le juge de l'exécution, sollicitant la liquidation à la somme de 12.000.000 euros de l'astreinte prononcée le 11 juin 2020 et le prononcé d'une nouvelle astreinte définitive de 100.000 euros par jour de retard, pour une durée de 6 mois à compter de la décision à intervenir ; l'allocation des sommes de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et de 30.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 24 juin 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris a :
– condamné la société Olkypay à verser aux parties demanderesses, entre les mains de la société Veolia, les sommes de :
– 12.000.000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris le 11 juin 2020,
– 25.000 euros à titre de dommages-intérêts,
– dit que l'injonction faite à la société Olkypay par l'ordonnance du 7 avril 2017 est assortie d'une astreinte définitive de 10.000 euros par jour de retard, durant trois mois, à compter de la signification du présent jugement,
– condamné la société Olkypay à verser aux parties demanderesses, entre les mains de la société Veolia, la somme globale de 25.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, le juge a dit qu'il n'existait aucune raison admissible de nature à entraîner la suppression totale ou partielle de l'astreinte définitive qui, par nature, ne peut être liquidée qu'à son taux plein ; que la nouvelle astreinte définitive est justifiée en ce que deux astreintes provisoires et une astreinte définitive auront été liquidées sans que la société Olkypay ne manifeste sa volonté d'exécuter cette injonction ; que la succession des décisions rendues à son encontre démontrait que les différents recours exercés par celle-ci devant les juridictions françaises étaient dilatoires et avaient causé aux demanderesses un préjudice financier.

Ce jugement a été signifié à la société Olkypay le 21 juillet 2021.

Par déclaration du 13 juillet 2021, la société Olkypay a relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions du 13 avril 2022, la société Olkypay demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau,
– condamner in solidum la société Veolia Eau et ses filiales à lui payer la somme de 30.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Veolia Eau aux entiers dépens.

Elle fait valoir que :
– la condamnation initiale de l'ordonnance du 7 avril 2017 était impossible à exécuter comme portant sur des sommes dont le montant n'avait été ni établi ni validé par le tribunal de commerce de Paris ni par la cour d'appel saisie de la réformation de l'ordonnance ; l'astreinte dont elle était assortie ne pouvait donc pas être liquidée ;
– les intimées occultent le fait que l'ordonnance du 7 avril 2017 a ordonné le reversement à la société Veolia des montants figurant sur le compte de paiement « déduction faite des sommes correspondant aux refus, reversements, retours ou remboursements d'opérations de paiement enregistrés au jour du reversement, les sommes ultérieurement dues à Olkypay par Veolia à ce titre devant être remboursées à première demande » ; si le 18 octobre 2017, elle a communiqué un décompte faisant apparaître au profit de la société Veolia un solde créditeur de 4.323.703,90 euros au 14 février 2017, que n'a pas contesté la société Veolia, celle-ci a poursuivi volontairement l'utilisation de la plateforme jusqu'au 16 août 2017, la contraignant à en maintenir l'exploitation pendant la période légale de 13 mois jusqu'au 14 septembre 2018, conduisant à un solde quasi-nul au 25 janvier 2018, puis à un solde débiteur de 9.000.488 euros au 25 mars 2019 pour la société Veolia ; elle invoque donc la compensation avec la contre-créance dont elle dispose, résultant de la poursuite du fonctionnement de la plate-forme au-delà du 14 février 2017 ;
– l 'ordonnance de référé du 7 avril 2017 est susceptible d'être réformée puisqu'elle n'a pas l'autorité de la chose jugée et présente un caractère provisoire ; sa remise en cause éventuelle est susceptible d'entraîner, pour perte de fondement juridique, l'anéantissement de toute décision de liquidation de l'astreinte ;
– l'astreinte liquidée à la somme de 12 millions d'euros est manifestement disproportionnée par rapport à la condamnation initiale et à sa situation financière, son chiffre d'affaires s'élevant à 3.226.917,28 euros en 2020 et à 5.606.185 euros au cours des neufs premiers mois de l'année 2021, et sa trésorerie propre s'élevant à 1.392.747,49 euros au 31 décembre 2020 et à 2.906.161,08 euros au 30 septembre 2021, alors qu'il résulte de trois arrêts rendus par la Cour de cassation le 20 janvier 2022 que le juge qui statue sur la liquidation de l'astreinte doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte qu'elle porte au droit de propriété du débiteur au regard du but légitime qu'elle poursuit ;
– la liquidation de l'astreinte n'aurait pas dû être prononcée puisqu'elle a entièrement exécuté la condamnation principale de l'ordonnance, ainsi que le premier jugement du juge de l'exécution, de sorte que toutes les astreintes postérieurement prononcées et liquidées l'ont été indûment.

Par dernières conclusions du 28 avril 2022, la société Veolia et ses filiales demandent à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
– débouter la société Olkypay de toutes ses demandes,
– condamner la société Olkypay à leur payer la somme de 30.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elles soutiennent que :
– la société Olkypay n'a pas exécuté la condamnation prononcée à son encontre par l'ordonnance du 7 avril 2017, ni aucun des jugements du juge de l'exécution ;
– la prétendue impossibilité d'exécuter l'ordonnance du 7 avril 2017 alléguée par l'appelante est infondée : le seul fait que l'ordonnance ne précise pas le montant de la condamnation ne la prive pas de force exécutoire, cette décision contenant tous les éléments permettant l'évaluation de la condamnation ; la société Olkypay était en mesure de chiffrer la condamnation prononcée à son encontre puisque c'est elle qui tenait les comptes de paiement visés dans l'ordonnance du 7 avril 2017 et qui en établissait les relevés, lesquels lui ont permis d'évaluer précisément le montant dû à 6.421.629,06 euros ; ce montant n'a jamais fait l'objet d'une contestation judiciaire devant les différents juges de l'exécution ; la société Olkypay a fait l'aveu judiciaire qu'elle était bien capable d'évaluer au moins partiellement la condamnation prononcée à son encontre, puisqu'elle admet dans ses conclusions qu'elle a adressé une lettre, le 18 octobre 2017, un décompte arrêté au 14 février 2017 qui faisait apparaître un solde créditeur de 4.323.703,90 euros pour Veolia ; les moyens soulevés pour justifier prétendûment l'inexécution ne constituent pas une cause étrangère susceptible de supprimer ou réduire l'astreinte définitive fixée par le juge de l'exécution le 11 juin 2020 ;
– la décision au fond à intervenir n'aura aucune incidence sur l'ordonnance du 7 avril 2017, les décisions des juges de référés étant exécutoires et obligatoires ; en tout état de cause, la société Olkypay ne conteste pas qu'elle était tenue de leur reverser les sommes figurant sur leurs comptes de paiement ; la prétendue compensation dont l'intimée tente de se prévaloir est manifestement infondée et abusive, procédant de factures émises unilatéralement par la société Olkypay, contre sa volonté, après la rupture des relations contractuelles ;
– le nouveau moyen soulevé par la société Olkypay, tiré de la prétendue disproportion manifeste du montant de l'astreinte liquidée par rapport à sa situation financière, est mal fondé, l'obligation de se livrer à un contrôle de proportionnalité consacrée par les trois arrêts rendus par la Cour de cassation le 20 janvier 2022, étant inapplicable à l'astreinte définitive, outre le fait que la société Olkypay, qui n'a pas payé un centime en exécution de l'ordonnance de référé, est en train d'organiser son insolvabilité ;
– compte tenu du comportement abusif de la société Olkypay, une nouvelle astreinte définitive est nécessaire pour assurer l'exécution de l'ordonnance du 7 avril 2017 et la condamnation par le premier juge à des dommages-intérêts à hauteur de 25.000 euros doit être confirmée.

MOTIFS

Sur la demande de liquidation de l'astreinte

Selon les dispositions de l'article L.131-2 du code des procédures civiles d'exécution, l'astreinte est considérée comme provisoire si le juge n'a pas indiqué son caractère définitif.

Aux termes de l'article L. 131-4 alinéa 2 du même code, le taux de l'astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation.

L'article L. 131-4 alinéa 3 permet au juge de supprimer l'astreinte provisoire ou définitive en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution provient d'une cause étrangère.

Or en l'espèce, le premier juge était saisi de la liquidation d'une astreinte définitive, prononcée par le jugement du 11 juin 2020 et qui devait courir durant quatre mois à compter de la signification du jugement, soit du 6 juillet au 6 novembre 2020, le jugement ayant été signifié le 6 juillet 2020. Il convient donc d'examiner successivement si, durant cette période comprise entre les 6 juillet et 6 novembre 2020, la société Olkypay est fondée à se prévaloir de l'exécution de son obligation, d'une impossibilité de s'exécuter constitutive d'une cause étrangère, d'une contre-créance ayant produit l'extinction de son obligation et de la remise en cause potentielle de son obligation à l'occasion de la procédure au fond pendante devant le tribunal de commerce, enfin de la disproportion manifeste de la liquidation de l'astreinte opérée par le premier juge.

En premier lieu, pour prétendre rapporter la preuve de l'exécution de l'ordre judiciaire et de ce que la liquidation de l'astreinte est par conséquent injustifiée, l'appelante se fonde sur sa pièce no38, comportant 132 pages et retraçant l'ensemble des mouvements de la plateforme SIO4 (dite Veolky) sur laquelle étaient tenus les comptes de paiement ouverts par la société Olkypay au nom de la société Veolia et de chacune de ses filiales, du 1er janvier 2017 au 27 mars 2019. Il ressort de son examen qu'il s'agit du « calcul des soldes journaliers en valeur des comptes de paiement tenus sur cette plateforme » comme mentionné en haut de la première page. Or l'injonction judiciaire visait expressément un reversement par la société Olkypay à la société Veolia et ses filiales, sur leur compte bancaire de liaison et non pas sur les comptes de paiement, des sommes figurant au 14 février 2017 sur les comptes de paiement ouverts à leur nom. Par conséquent la production de l'historique de la plateforme sur laquelle étaient tenus les comptes de paiement de la société Veolia et ses filiales ne saurait établir la preuve du paiement du solde créditeur litigieux mis à la charge de l'appelante par l'ordonnance de référé, ce d'autant moins que cet historique fait apparaître la poursuite de l'exploitation de cette plateforme jusqu'à ce que le solde devienne nul puis créditeur par le jeu de facturations opérées par la société Olkypay, et ce à des dates de loin postérieures à celle, prescrite par l'ordonnance de référé, de 30 jours suivant le prononcé de celle-ci.

En deuxième lieu, sur le moyen tiré de l'impossibilité alléguée d'exécuter l'ordonnance de référé, laquelle serait constitutive d'une cause étrangère, le montant de l'obligation de la société Olkypay était parfaitement déterminable dès le 7 mai suivant au vu du dispositif de l'ordonnance de référé, qui ordonnait à la société Olkypay de reverser à la société Veolia et ses filiales les sommes figurant au 14 février 2017 sur les comptes de paiement ouverts à leur nom, déduction faite des sommes correspondant aux refus, reversements, retours ou remboursements d'opérations de paiement enregistrés au jour du reversement, ce reversement devant intervenir dans les 30 jours du prononcé de ladite ordonnance.

Or il ressort de la lettre adressée par la société Olkypay à la société Veolia le 18 octobre 2017, que la première a été en mesure de chiffrer ce reversement, au vu des données de la plateforme SIO4 (pièce no38 de l'appelante), comme suit :

consolidation des positions des comptes de paiement arrêtés au 14/02/2017 : 4.759.487,92 euros
imputation des refus, reversements, retours ou remboursements postérieurs : - 435.784,02 euros
solde net du compte de paiement au 14/02/2017 : 4.323.703,90 euros.

Ainsi aucune cause étrangère, au sens de l'article L. 131-4 alinéa 3 du code des procédures civiles d'exécution, n'est caractérisée, qui justifierait l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge des référés.

En troisième lieu, contrairement à ce que soutient l'appelante, l'ordonnance de référé ne lui permettait pas de se prévaloir d'une prétendue contre-créance résultant du fonctionnement de la plateforme Veolky au-delà du 7 mai 2017, puisque les sommes correspondant aux refus, reversements, retours ou remboursements d'opérations de paiement ne pouvaient être déduites, aux termes du dispositif, que jusqu'au jour du reversement devant intervenir dans les 30 jours du prononcé de l'ordonnance de référé, et ce peu important le caractère volontaire ou non de la poursuite de l'exploitation de la plateforme de comptes de paiement par la société Veolia et ses filiales, au demeurant contesté par celles-ci qui invoquent la rupture des relations contractuelles entre les parties depuis le 14 février 2017.

Sur le moyen tiré de « l'éventuelle réformation de la décision du juge des référés », d'une part, il y a lieu d'observer que l'ordonnance du 7 avril 2017 a été confirmée en toutes ses dispositions par arrêt du 2 novembre 2017, et que celui-ci y a même ajouté une disposition condamnant la société Olkypay à communiquer à la société Veolia le relevé des sommes encaissées sur les comptes de paiement des sociétés intimées depuis le 23 mars 2017, sous astreinte de 100.000 euros par jour de retard ; d'autre part, si une décision du juge des référés n'a pas, au principal, l'autorité de la chose jugée, elle est néanmoins exécutoire et obligatoire en vertu de l'autorité qui s'attache aux décisions de justice (2ème Civ. 11 oct. 2007, no06-19.085). Comme l'a souligné l'arrêt du 2 novembre 2017, l'obligation de reversement du solde susvisé n'est pas sérieusement contestable et, ce que pourrait être amené à retenir le tribunal de commerce devant lequel une action au fond est pendante, c'est seulement l'exception de compensation avec la contre-créance alléguée par la société Olkypay. En outre, le caractère accessoire de l'astreinte a pour seule conséquence que, si une condamnation en sens contraire était prononcée au fond, les paiements faits en application de la liquidation de l'astreinte seraient restituables.

En quatrième lieu, c'est à tort que l'appelante fait valoir la disproportion manifeste du montant de l'astreinte liquidée par rapport à celui de la condamnation initiale - qu'elle prétendait par ailleurs ne pas pouvoir être évalué - et à sa situation financière. En effet, elle se fonde sur trois arrêts de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 20 janvier 2022, rendus au visa des articles L. 131-4 alinéa 1er et 1er du Protocole no1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en matière de liquidation d'astreinte provisoire, et non pas d'astreinte définitive. Or outre que, en la présente espèce, le Protocole no1 de la Convention précitée n'est pas invoqué, l'alinéa 2 de l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que le taux de l'astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation. Le moyen tiré de l'application d'un contrôle de proportionnalité par la cour doit donc être écarté.

En définitive, l'ensemble des moyens ci-dessus examinés étant écarté, le jugement entrepris doit être confirmé du chef de la liquidation de l'astreinte définitive à la somme de 12.000.000 euros.

Sur le prononcé d'une nouvelle astreinte

La chronologie des décisions judiciaires ci-dessus retracée et notamment des ordonnances de radiation, faute d'exécution de ces décisions, des recours intentés systématiquement par la société Olkypay tant contre les jugements des juges de l'exécution que des arrêts, démontre la volonté de cette dernière de ne pas exécuter l'ordre judiciaire prononcé par l'ordonnance de référé du 7 avril 2017, confirmée par arrêt du 2 novembre suivant.

En conséquence, il apparaît nécessaire de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a assorti l'injonction faite à la société Olkypay par l'ordonnance du 7 avril 2017 d'une nouvelle astreinte définitive de 10.000 euros par jour de retard durant trois mois, dont le point de départ sera néanmoins reporté à la date de la signification du présent arrêt.

Sur la demande en dommages-intérêts pour résistance abusive

Le droit de se défendre en justice ne dégénère en abus qu'en cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière, équipollente au dol, de sorte que la condamnation à dommages-intérêts doit se fonder sur la démonstration de l'intention malicieuse et de la conscience d'un acharnement procédural voué à l'échec, sans autre but que de retarder ou de décourager la mise en oeuvre par la partie adverse du projet contesté, en l'espèce l'exécution de l'ordonnance de référé du 7 avril 2017. Le principe du droit de se défendre implique que la décision judiciaire de retenir le caractère non fondé des prétentions ne suffit pas à caractériser l'abus de l'exercice du droit. En l'espèce, la société Olkypay a continué à affirmer devant la Cour, de mauvaise foi, au mépris des nombreuses décisions judiciaires et du contenu même de ses pièces, avoir exécuté l'injonction judiciaire tout en la prétendant impossible à exécuter. La cour d'appel avait d'ailleurs mis en exergue, dans son arrêt du 2 novembre 2017, la mauvaise foi de la société Olkypay. Cette dernière ayant persisté dans cette attitude, sa résistance revêt un caractère abusif, justifiant le prononcé à une condamnation en dommages-intérêts, que le premier juge a justement évaluée à 25.000 euros au regard du montant évalué à 6.000.000 euros, a minima 4.323.703,90 euros, de la somme dont la société Veolia et ses filiales ont été privées depuis février 2017, soit depuis plus de cinq ans.

Le jugement sera donc également confirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires

L'issue du litige justifie de confirmer le jugement entrepris également sur les demandes accessoires et de condamner la société Olkypay aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société Veolia et ses filiales la somme globale de 5000 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en compensation de leurs frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le point de départ de la nouvelle astreinte de 10.000 euros par jour de retard,

Statuant à nouveau dans cette limite,

Dit que l'injonction faite à la SA Olky Payment Service Provider par l'ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Paris en date du 7 avril 2017 est assortie d'une astreinte définitive de 10.000 euros (dix-mille euros) par jour de retard, durant trois mois, à compter de la signification du présent arrêt ;

Et y ajoutant,

Condamne la SA Olky Payment Service Provider à payer à la société Veolia – Compagnie Générale des Eaux et ses 46 filiales la somme globale de 5000 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en compensation de leurs frais irrépétibles d'appel,

Condamne la SA Olky Payment Service Provider aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 21/134827
Date de la décision : 09/06/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-06-09;21.134827 ?
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