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09/06/2022 | FRANCE | N°21/12242

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 09 juin 2022, 21/12242


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 29 Septembre 2022

(n° 78 , 16 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/12242 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD62D



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Juin 2020 par le juge de l'expropriation de Bobigny RG n° 19/00263





APPELANTE

L'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE DE FRANCE

[Adresse 13]

[Localité 20]

représentée par Me Mi

guel BARATA de l'AARPI BARATA CHARBONNEL, avocat au barreau de PARIS, toque : D1185





INTIMÉS

Monsieur [J] [H]

[Adresse 2]

[Localité 33]

représenté par Me Jean Claude GU...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 29 Septembre 2022

(n° 78 , 16 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/12242 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD62D

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Juin 2020 par le juge de l'expropriation de Bobigny RG n° 19/00263

APPELANTE

L'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE DE FRANCE

[Adresse 13]

[Localité 20]

représentée par Me Miguel BARATA de l'AARPI BARATA CHARBONNEL, avocat au barreau de PARIS, toque : D1185

INTIMÉS

Monsieur [J] [H]

[Adresse 2]

[Localité 33]

représenté par Me Jean Claude GUIBERE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 001

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/054239 du 28/01/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

Madame [G] [B] épouse [H]

[Adresse 2]

[Localité 33]

représentée par Me Jean Claude GUIBERE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 001

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/054239 du 28/01/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DE LA SEINE ST DENIS COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

France domaine

[Adresse 6]

[Localité 23]

représentée par Mme [I] [S] en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Juin 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Hervé LOCU, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Hervé LOCU, président

Catherine LEFORT , conseillère

Raphaël TRARIEUX, conseiller

Greffier : Marthe CRAVIARI, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Hervé LOCU, Président, et par Dominique CARMENT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

Par décret n°2015-99 du 28 janvier 2015, l'opération de requalification des copropriétés dégradées du quartier dit du Bas [Localité 33], comprenant les copropriétés du Chêne Pointu et de l'Etoile du Chêne Pointu, a été déclarée d'intérêt national et sa mise en 'uvre a été confiée à l'Etablissement public foncier d'Ile-de-France (EPFIF).

Sont concernés par l'opération, Monsieur [J] [H] et Madame [G] [B], épouse [H], en tant que propriétaires des lots n°1106, 1128 et 2164 dans le [Adresse 30] de la copropriété du Chêne Pointu, située [Adresse 2].

Le lot n°1106 est un appartement de type F4, d'une superficie de 65,76 m². Le lot n°1128 est une cave. Le lot n°2164 est un emplacement de stationnement extérieur.

Une déclaration d'intention d'a1iéner (DIA) le bien mentionné ci-dessus au prix de 84 000 euros (soit 1 277,37 euros/m²), datée du 16 avril 2019, a été adressée à la commune de [Localité 34] qui l'a réceptionnée le 19 avril 2019.

L'établissement Public Foncier d'Ile de France a exercé le droit de préemption dont il est délégataire par décision du 17 juin 2019 au prix de 65 760 euros, soit 1 000 euros/m².

Par un courrier du 2 août 2019, reçu le 6 août 2019 par l'Etablissement Public Foncier d'Ile de France, Monsieur [J] [H] et Madame [G] [B], épouse [H], ont refusé l'offre de l'EPFIF et maintenu leur demande à hauteur de 84 000 euros.

Par une requête et un mémoire introductif d'instance reçus le 13 août 2019 par le greffe de la juridiction de l'expropriation, l'Etablissement Public Foncier d'Ile de France a saisi le juge de l'expropriation du tribunal de grande instance de Bobigny, devenu tribunal judiciaire le 1er janvier 2020, en vue de la fixation du prix du bien préempté.

La juridiction de l'expropriation a été saisie dans un délai de 15 jours à compter de la date de réception de la réponse du propriétaire, conformément aux dispositions de l'article R.213-11 du code de l'urbanisme.

L'établissement Public Foncier d'Ile de France justifie avoir notifié la saisine de la juridiction à Monsieur [J] [H] et Madame [G] [B], épouse [H], par lettres recommandées avec accusés de réception datés du 13 août 2019 pour l'un et l'autre des époux.

Par jugement du 01 juin 2021 après transport sur les lieux le 18 novembre 2020, le juge de l'expropriation de la Seine-Saint-Denis a':

-Fixé à la somme de 84 200 euros (quatre-vingt-quatre mille deux cents euros), en valeur libre, le prix d'acquisition des lots n°1106 (appartement), 1128 (cave) et 2164 (emplacement de stationnement extérieur) situés dans le bâtiment 5 de la copropriété du Chêne Pointu, [Adresse 2] appartenant à Monsieur [J] [H] et à Madame [G] [B], épouse [H] ;

- Débouté Monsieur [J] [H] et Madame [G] [B], épouse [H], de leurs demandes tendant à la réparation de préjudices de remploi, de perte de loyer, de déménagement et moral ;

-Fixé les frais de commission d'agence dus par l'Etablissement Public Foncier d'Ile-de-France (EPFIF) à la somme de 8 000 euros, dans l'hypothèse d'une réalisation de l'opération de préemption et en cas de besoin, condamné l'Etablissement public foncier d'Ile-de-France au paiement ;

-Condamné l'Etablissement Public Foncier d'Ile-de-France aux dépens.

L'EPFIF a interjeté appel le 2 juillet 2021 sur le prix de l'aliénation et les frais de commission d'agence.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

- Adressées au greffe, par l'EPFIF, appelant, le 29 septembre 2021 notifiées le 05 octobre 2021 (AR du 7 octobre 2021), le 04 février 2022 notifiées le 7 février 2022 (AR du 8 février 2022) et le 18 mai 2022 notifiées le 19 mai 2022 (AR du 20 mai 2022) aux termes desquelles il demande à la cour :

A titre principal, dans ses conclusions du 18 mai 2022 de déclarer irrecevable le mémoire des intimés en application de l'article R311-22 du code de l'expropriation

-Confirmer le jugement en ce qu'il a fixé la date de référence au 10 juillet 2012 ;

-Infirmer le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés :

-Fixer le prix d'aliénation des lots n°1106 (appartement au 4ème étage, de 65,76 m²), 1128 (cave en sous-sol) et 2164 (parking extérieur) situés dans le bâtiment 5, escalier A de l'ensemble immobilier en copropriété situé [Adresse 2], édifié sur les parcelles cadastrées Section AS [Cadastre 11] à [Cadastre 12], [Cadastre 14], [Cadastre 15] à [Cadastre 16] et AT [Cadastre 18], [Cadastre 21] à [Cadastre 22], propriété des consorts [H], comme suit :

-Méthode d'évaluation retenue : méthode globale (cave/parking parties communes intégrées).

-Surface Carrez retenue : 65,76 m²

-Valeur retenue : 1.000 euros/m² (valeur libre) ;

-Soit : 55,75 m² × 1.000 = 55.750 euros

-Rejeter les prétentions des consorts [H] ;

-Condamner les consorts [H] à verser la somme de 3.000 euros à l'EPFIF sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

-Condamner les consorts [H] aux entiers dépens d'appel.

Dans un second jeu de conclusions';

A titre principal

-Déclarer irrecevables les consorts [H] pour défaut de notification de leurs mémoires et pièces dans le délai de l'article R. 311-26 du Code de l'expropriation ;

-Dire et juger que l'article R. 311-22 du Code de l'expropriation est applicable ;

En conséquence,

-Confirmer le jugement en ce qu'il a fixé la date de référence au 10 juillet 2012 ;

-Infirmer le jugement pour le surplus ;

-Fixer le prix d'aliénation des lots n°1106 (appartement au 4ème étage, de 65,76 m²), 1128 (cave en sous-sol) et 2164 (parking extérieur) situés dans le bâtiment 5, escalier A de l'ensemble immobilier en copropriété situé [Adresse 2], édifié sur les parcelles cadastrées Section AS [Cadastre 11] à [Cadastre 12], [Cadastre 14], [Cadastre 15] à [Cadastre 16] et AT [Cadastre 18], [Cadastre 21] à [Cadastre 22], propriété des consorts [H], comme suit :

-Méthode d'évaluation retenue : méthode globale (cave/parking parties communes intégrées).

Surface Carrez retenue : 65,76 m²

Valeur retenue : 1.000 euros/m (valeur libre) ;

-Soit 1 65,75 m × 1.000 euros = 55.750 euros

- adressées au greffe, par les consorts [H], intimés, par RPVA le 6 mai 2022 puis déposées avec les pièces au greffe le 11 mai 2022 notifiées le 11 mai 2022 (AR des 12 et 13 mai 2022) aux termes desquelles ils demandent à la cour de :

-Rejeter les prétentions de l'EPFIF';

-Condamner l'EPFIF à verser une somme de 3'000 euros à Monsieur et Madame [H] sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile';

-Condamner l'EPFIF aux entiers dépens de l'appel';

-Déposées au greffe, par le commissaire du gouvernement, intimé et appelant incident, le 29 décembre 2021 notifiées le 31 décembre 2021 (AR du 4 janvier 2022) aux termes desquelles il demande à la cour de fixer l'indemnité de dépossession totale à la somme de 75.624 euros.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

L'EPFIF fait valoir que':

A titre principal : le mémoire des intimés est irrecevable en application de l'article R311-22 du code de l'expropriation ; en effet, il a notifié son mémoire le 29 septembre 2021, soit dans le délai de trois mois prévu par l'article R 311-26 dudit code et ce mémoire a été notifié par le greffe aux intimés le 7 octobre 2021 (date de la réception) ; les consorts [H] ont déposé une demande juridictionnelle, qui a été accordé le 28 janvier 2022, avec désignation de Maître [N] [T] ; les consorts [H] disposaient donc d'un délai jusqu'au 28 avril 2022 pour déposer leur mémoire en appel, ainsi que les pièces qui sont annexées, ce qu'ils n'ont pas fait ; en outre, l'irrecevabilité du mémoire intimé doit être prononcée sur le fondement de ce texte pour une seconde raison, puisque lors de la notification du mémoire des intimés par RPVA, les «pièces à l'appui des présentes» n'étaient pas annexées, or, la Cour de cassation par arrêt du 27 avril 2017 n°16'11078, a prononcé l'irrecevabilité des écritures et pièces ; enfin, l' irrecevabilité du mémoire des intimés s'impose en application de l'article R 311-22 du code de l'expropriation, puisque par un arrêt rendu le 23 septembre 2020, la Cour de cassation a rappelé les conditions d'application combinée des articles R 311-22 et R311-26 du code de l'expropriation puisque les conclusions des consorts [H] sont irrecevables car non notifiées dans le délai prévu à ce dernier article, et les conclusions du commissaire du gouvernement proposent une indemnisation d'un montant supérieur aux écritures recevables. Le prix d'aliénation doit donc être fixé conformément au mémoire de l'EPFIF notifié le 29 septembre 2021.

-Concernant la localisation et l'environnement du bien préempté'; les immeubles sont aujourd'hui entrés dans une phase exponentielle de dégradation, particulièrement dans les copropriétés de « l'Etoile du Chêne Pointu '' et du « Chêne Pointu '' (objet des présentes), c'urs de cible de l'intervention de l'ORCODIN';

-Concernant la consistance du bien préempté'; la présence de fissures sur les pignons et retours de pignons fait l'objet d'une surveillance géomètre permanente par l'intermédiaire de cibles de contrôle, les parties communes sont très dégradées, de même que l'ensemble de la copropriété';

-Concernant la pertinence des références proposées par l'EPFIF'; 12 termes sont proposés qui font ressortir une valeur constante de 1.000 euros/m² libre, cave/parking et parties communes intégrées, pour des biens similaires, situés dans des bâtiments de 4 étages comme celui objet des présentes, en état correct à moyen, de surface identique et bénéficiant d'un état d'entretien moyen'; la cour peut ainsi constater que la valeur de base de 1.160 euros /m² sur laquelle le tribunal s'est fondé a, en réalité, été calculée uniquement à partir des seules références du commissaire du gouvernement, à l'exclusion des 4 références de l'EPFIF que le tribunal prétend avoir retenues, alors même qu'elles sont manifestement exclues du mode de calcul de la valeur unitaire retenue par ce dernier';

-Concernant les demandes des consorts [H]'; il critique du terme du 17 septembre 2012, au prix de 76.000 euros, comme le relevait le commissaire du gouvernement, et tel qu'il l'a été constaté lors du transport sur les lieux, « le logement est dans un état moyen », il « n'était pas bien entretenu et d'importants travaux devaient être entrepris sur les huisseries, les fenêtres et les systèmes d'aération. Cet état fut confirmé lors du transport sur place de la juridiction du 18 novembre 2020'»';

-Concernant les termes de comparaison du commissaire du gouvernement'; il avait expressément souligné que, dans ses dernières conclusions, le commissaire du gouvernement ne précisait pas l'état des appartements utilisés comme références (contrairement à ses premières conclusions), alors que cet état est un point déterminant dans la fixation de leur prix d'acquisition, et il précisait que la seule référence comparable au bien préempté était le terme de référence n°1 du 25 juillet 2019 portant sur un appartement en état moyen de 57,21 m² situé dans un bâtiment R + 4, au prix de 1.000 euros/m² libre d'occupation';

-Concernant la condamnation de l'EPFIF au paiement d'une commission d'agence'; la DIA notifiée par les consorts [H] mentionnait l'existence d'une commission d'agence d'un montant de 8.000 euros à la charge du vendeur : (cf pièce n°4), il est de jurisprudence constante que l'autorité qui exerce son droit de préemption n'est tenue de prendre en charge la rémunération des intermédiaires immobiliers que lorsque celle-ci incombe à l'acquéreur auquel il est substitué (Cass. 3è Civ.,14 décembre 2017, n°16-20150 et Cass. 3ème Civ., 26 septembre 2007, n°06-17337), et, la Cour de cassation a eu l'occasion de rappeler que le juge de l'expropriation n'a pas compétence pour prononcer une «condamnation'' au paiement d'une telle commission (Cass. 3ème civ., 9 juillet 2020, n ° 19-19.310).

Dans un second jeu de conclusions';

-Concernant l'application de l'article R.311-22 du Code de l'expropriation'; les consorts [H] n'ont pas déposé de mémoire d'intimé dans le délai prévu à l'article R. 311-26 du Code de l'expropriation'; par un arrêt rendu le 23 septembre 2020, la Cour de cassation a rappelé les conditions d'application combinée des articles R. 311-22 et R. 311-26 du code de l'expropriation en présence de conclusions irrecevables car non notifiées dans le délai prévu à ce dernier article, et de conclusions du commissaire du gouvernement proposant une indemnisation d'un montant supérieur aux écritures recevables (Cass. 3ème civ., 23 septembre 2020, n°19-20633 (cf pièce n°15)';

Les consorts [H] répondent que':

-L'appel de l'EPFIF est motivé par le fait que le tribunal n'aurait pas retenu les quatre références citées par l'EPFIF mais le tribunal dit exactement le contraire comme l'indique l'appelant';

-Ils entendent faire état de nouvelles références trouvées sur la banque des données DVF ETALAB soit 7 termes de comparaison'qui fondent la valeur retenue en première instance ;

-L'autorité préemptrice se substitue aux conditions indiquées dans la Déclaration d'intention d'aliéner, lesquelles fixaient un prix de 84 000 euros en ce compris une commission de 8 000 euros';

Le commissaire du Gouvernement conclut que':

- il verse au débat des termes de comparaison comparables au bâtiment dans lequel se situe le bien objet du présent appel : bâtiment en R+4 au sein de la copropriété du Chêne Pointu. Les termes de comparaison s'entendent caves et parkings intégrés, en valeur libre. Il est à noter qu'à la date du jugement, le bâtiment R+4 dont le bien objet du présent appel fait partie, n'avait pas vocation à être démoli. Il s'agit d'un bâtiment destiné à être réhabilité, l'état du bâtiment n'étant pas aussi dégradé que le bâtiment 8 (R+10) par exemple'; la moyenne des termes en moyen état (1, 2, 3 et 6) est de 1149 euros /m².

SUR CE, LA COUR

- Sur la recevabilité des conclusions

Aux termes de l'article R311-26 du code de l'expropriation modifié par décret N°2017-891 du 6 mai 2017-article 41 en vigueur au 1 septembre 2017, l'appel étant du 2 juillet 2021,à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.

À peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.

L'intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.

Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.

Les conclusions et documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.

Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.

En l'espèce, les conclusions de l'EPFIF du 29 septembre 2021 et du commissaire du gouvernement du 29 décembre 2021 déposées ou adressées dans les délais légaux sont recevables.

Les conclusions hors délai de l'EPFIF du 4 février 2022 ne formulant pas de demandes nouvelles ou de moyens nouveaux sont recevables.

Les conclusions hors délai de l'EPFIF du 18 mai 2022 soulèvent à titre principal l'irrecevabilité du mémoire des consorts [H] adressé au greffe par RPVA le 6 mai 2022 et après dépôt au greffe le 11 mai 2022 avec les pièces le 11 mai 2022 notifiées le même jour et ne formulent pas de demandes nouvelles ou de moyens nouveaux sont donc recevables.

L'EPFIF indique en effet dans ce dernier mémoire :

A titre principal : le mémoire des intimés est irrecevable en application de l'article R311-22 du code de l'expropriation ; en effet, il a notifié son mémoire le 29 septembre 2021, soit dans le délai de trois mois prévu par l'article R 311-26 dudit code et ce mémoire été notifié par le greffe aux intimés le 7 octobre 2021 (date de la réception) ; les consorts [H] ont déposé une demande juridictionnelle, qui a été accordée le 28 janvier 2022, ce qui a conduit au report de l'audience du 24 mai 2022 ; or, en application de l'article 43 du décret n°2020'du 28 décembre 2005 portant application de la loi n°91'467 du 10 juillet 1911 relatif à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles, qui procèdent de l'ancien article 38 du décret n°91'1266 19 décembre 1991, et d'un arrêt de la Cour de cassation 3e, septembre 2012, n°11'22 947, qu'en cas d'interruption, du délai de 3 mois visé à l'article R311-26 du code de l'expropriation dont dispose l'intimé pour conclure en défense à compter de la date de la décision d'admission totale au bénéfice de l'aide juridictionnelle, avec Maître [N] [T] en l'espèce, désigné au sein de cette décision ; les consorts [H] disposaient donc d'un délai jusqu'au 28 avril 2022 pour déposer leur mémoire en appel, ainsi que les pièces qui sont annexées ; or, les notifications réalisées par ceux-ci sont les suivantes :

' par RPVA le 6 mai 2022 : notification du mémoire en réponse uniquement, sur les pièces, des expropriations et aux conseils de l'EPFIF ;

'par courrier, le 11 mai 2022 : notification de mémoire en réponse, sans les pièces, de l'exemplaire prévu par le commissaire de gouvernement ; selon l'arrêté du 20 mai 2005 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant la cour d'appel et de la procédure avec représentation obligatoire depuis le premier janvier 2020, la cour a par un arrêt du 20 mai 2021 jugé que la notification du mémoire et des pièces annexées par la voie du RPVA était valable pour les parties représentées par un avocat, mais que la notification par courrier demeurait applicable pour ce qui concernait le commissaire du gouvernement, et ce dans délai de l'article R 311-26 du code expropriation ; ainsi, quel que soit le mode des notifications applicables, celles-ci sont à, la date limite étant le 28 avril 2022, irrevevables ; en outre, il sera observé tandis que le greffe a notifié le mémoire récapitulatif de l'EPFIF aux consorts [H] par courrier recommandé du 7 février 2022, réceptionné le 8 février 2022, et ce n'est que le 11 mai 2022 que celui-ci déposera son mémoire à l'attention du commissaire du gouvernement, hors délai de l'article R 311-26 précité ; en outre, l'irrecevabilité du mémoire intimé doit être prononcée sur le fondement de ce texte, puisque lors de la notification du mémoire des intimés par RPVA, les «pièces à l'appui des présentes» n'étaient pas annexées, la Cour de cassation par arrêt du 27 avril 2017 n°16'11078, ayant prononcé l' irrecevabilité des écritures et pièces ; enfin, l' irrecevabilité du mémoire des intimés s'impose en application de l'article R 311-22 du code de l'expropriation, puisque par un arrêt rendu le 23 septembre 2020 n°19-20633, la Cour de cassation a rappelé les conditions d'application combinée des articles R 311-22 et R311-26 du code de l'expropriation en présence de conclusions irrecevables car non notifiées dans le délai prévu à ce dernier article, et les conclusions du commissaire du gouvernement proposant une indemnisation d'un montant supérieur aux écritures recevables. Le prix d'aliénation doit donc être fixé conformément au mémoire de l'EPFIF notifié le 29 septembre 2021.

Il ressort des pièces que :

- le mémoire de l'EPFIF du 29 septembre 2021 a été notifié aux consorts [H] le 5 octobre 2021 (AR du 7 octobre 2021);

- le 7 décembre 2021, les consorts [H] ont déposé une demande d'aide juridictionnelle;

- les conclusions du commissaire du gouvernement du 29 décembre 2021 ont été notifiées aux consorts [H] le 31 décembre 2021(AR non réclamé) ;

-l'aide juridictionnelle a été accordée aux consorts [H] le 28 janvier 2022 avec désignation de Me [N] [T] (pièce N°16);

- en conséquence, l'audience de plaidoirie a été renvoyée au 24 février ;

- Maitre [T] conseil des consorts [H] a adressé un mémoire d'appel en réponse par RPVA le 6 mai 2022, puis l'a déposé au greffe avec les pièces le 11 mai 2022.

L'article 43 du décret n°2020'1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi n°91'647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide de l'intervention d'avocats dans les procédures non juridictionnelles dispose que sans préjudice de l'application de l'article 9'4 de la loi du 10 juillet 1991 susvisé et du II de l'article 44 du présent décret, lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée ou déposée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter :

1° de la notification de la décision d'admission provisoire ;

2° de la notification de la décision constatant la caducité de la demande ;

3° de la date à laquelle le demandeur de l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou du rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 69 et de l'article 70 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à sur recours lui a été notifiée ;

4° ou, en cas d'admission, de la date, s'il est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné.

Lorsque la demande juridictionnelle est présentée au cours des délais impartis pour conclure ou formé appel ou recours incident, mentionnés aux articles 905'2, 909 et 910 du code de procédure civile et aux articles R411-30 et R411-32 du code de la propriété intellectuelle, ce délai court dans les conditions prévues au 2e à 4e du présent article.

En application de ces dispositions telles qu'interprétées par la Cour de cassation (3e civile, 7 novembre 1012, n°11'22 947), le délai de 3 mois visé à l'article R 311-26 du code expropriation dont dispose l' intimé pour conclure en défense court à compter de la date de la décision d'admission totale au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

En l'espèce, la décision d'admission totale au bénéfice de la juridictionnelle, avec désignation de l'auxiliaire de justice en la personne de Me [T] étant du 28 janvier 2022, ce dernier disposait d'un délai jusqu'au 28 avril 2002 pour déposer son mémoire en appel, ainsi que les pièces annexées.

En conséquence, le mémoire en réponse du conseil des consorts [H] ayant été adressé au greffe par RPVA le 6 mai 2022, puis par courrier avec les pièces, le 11 mai 2022, étant hors délai doit être déclaré irrecevable, ainsi que les pièces versées à l'appui.

- Sur l'application des articles R311-22 et R 311-26 du code de l'expropriation

L'EPFIF indique qu'en l'absence d'écriture recevables notifiées dans les délais par les intimés, et en présence de conclusions du commissaire du gouvernement proposant un prix supérieur aux seules conclusions recevables, celles de l'EPFIF, il demande à la cour d'appliquer les dispositions de l'article R 311-22 du code expropriation, et de fixer le prix d'aliénation de l'immeuble conformément à son mémoire d'appel notifié le 29 septembre 2021.

L'article R 311-22 du code de l'expropriation dispose que le juge statue dans la limite des prétentions des parties, tels qu'elles résultent de leur mémoire et des conclusions du commissaire du gouvernement si celui-ci propose une évaluation inférieure à celle de l'expropriant.

Si le défendeur n'a pas notifié son mémoire en réponse au demandeur dans le délai de 6 semaines prévues à l'article R 311-11, il est réputé s'en tenir à ses offres, s'il s'agit de l'expropriant, et à sa réponse aux offres, s'il s'agit de l'exproprié.

Si l'exproprié s'est abstenu de répondre aux offres de l'administration et de produire un mémoire en réponse, le juge fixe l'indemnité d'après les éléments dont il dispose.

Selon cet article et l'article R 311-22 du code de l'expropriation applicable en appel (3° civile, 15 février 1989, commune de [Localité 36]/Cts Vincent), tels qu'interprété par la Cour de cassation (3e civile, 23 septembre 2020, n°19'20 633), le juge statue dans la limite des prétentions des parties, telles qu'elles résultent de leur mémoire et des conclusions du commissaire du gouvernement si celui-ci propose une évaluation inférieure à celle de l'expropriant.

En l'absence de conclusions recevables des expropriés, la cour ne peut fixer le montant de l'indemnité à un chiffre supérieur aux offres de l'expropriant ou aux conclusions du commissaire du gouvernement si celui-ci propose un montant supérieur, soit en l'espèce la somme de 75 624 euros.

- Sur le fond

Aux termes de l'article 1° du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée ayant force de loi en France, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.

Aux termes de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité.

L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Aux termes de l'article L 211-5 du code de l'urbanisme, tout propriétaire d'un bien soumis au droit de préemption peut proposer au titulaire de ce droit l'acquisition de ce bien, en indiquant le prix qu'il en demande. Le titulaire doit se prononcer dans un délai de 2 mois à compter de ladite proposition dont copie doit être transmise par le maire au directeur départemental des finances publiques.

À défaut d'accord amiable, le prix est fixé par la juridiction compétente en matière d'expropriation selon les règles mentionnées à l'article L 213'4.

En cas d'acquisition, l'article 213'14 est applicable.

Aux termes de l'article L 213'4 du code de l'urbanisme, à défaut d'accord amiable le prix d'acquisition est fixé par la juridiction compétente en matière d'expropriation ; ce prix est exclusif de toute indemnité accessoire, et notamment l'indemnité de remploi.

Conformément aux dispositions de l'article L 322-2, du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L 322-3 à L 322-6 dudit code - leur usage effectif à la date définie par ce texte.

L'appel de l'EPFIF porte sur le montant du prix d'aliénation et sur la commission d'agence ; l'appel incident du commissaire du gouvernement concerne le montant du prix d'aliénation.

S'agissant de la date de référence, qui ne fait pas l'objet d'appel, les parties s'accordent pour retenir comme le premier juge en application de l'article L213-6 du code de l'urbanisme, le PLU approuvé le 10 juillet 2012, modifié le 8 avril 2016 et mis en conformité par délibération du Conseil du territoire du 26 septembre 2016.

S'agissant des données d'urbanisme, à cette date la parcelle est située en zone UR1, correspondant au renouvellement urbain du centre ville.

Pour ce qui est de la nature du bien, de son usage effectif et de sa consistance :

1° sur les copropriétés du Chêne Pointu et de l'Etoile du Chêne Pointu

La commune de [Localité 34] est constituée de plusieurs quartiers de grands ensembles présentant de nombreux handicaps dus à l' urbanisme développé dans les années 1960, le plan de composition reposant en effet sur la réalisation de l'autoroute A 87 qui n'a jamais vu le jour. Le quartier souffre donc de l'absence de voies expresses et de transports structurants, les seuls transports en commun étant des bus et la gare RER la plus proche « [Localité 25] » étant située à 5,5 km.

La réalisation de la prolongation de la ligne du tramway T4 par le STIF est en cours de réalisation et la création d'une gare de la future ligne 16, métro express, par Grand [Localité 35] Aménagement est à l'état de projet.

La copropriété de l'Étoile du Chêne Pointu a été édifiée en 1966 sur un terrain de 34'214 m², plat, situé près de la mairie de [Localité 34].

L'EPFIF et le commissaire de gouvernement exposent les conclusions d'une étude concernant les copropriétés contiguës du Chêne Pointu et de l'Étoile du Chêne Pointu réalisée par la commune de [Localité 34] en 2014 mettant en évidence que :

'près de 60 % des ménages ont un niveau inférieur au seuil de pauvreté,

'85 % des ménages présentent des revenus inférieurs au plafond PLAI,

'un taux de chômage de 29 %, encore plus marqué chez les jeunes,

'un quart des familles sont monoparentales,

'près de 20 % des logements sont occupés par plus d'un ménage,

'l'occupation moyenne est de plus de 4 personnes par logement,

'une rotation importante des propriétaires comme chez les locataires.

Le commissaire du gouvernement précise qu'il résulte de cette situation une progression continue des impayés des charges de copropriété et en conséquence un déficit d'entretien du bâti, produisant une dégradation importante du bâtiment et le développement des situations d'insalubrité et de péril ; ces difficultés ont entraîné la mise sous administration judiciaire de la copropriété ; les pouvoirs publics sont également intervenus dans le cadre d'un plan de sauvegarde signée entre l'État, le département et la commune de [Localité 34] le 19 janvier 2010 qui a fixé différents objectifs afin de parvenir à la requalification de la copropriété :

'résorption des impayés,

'réalisation des travaux urgents et mise aux normes,

'lutte contre les marchands de sommeil,

'individualisation des réseaux de fluides des bâtiments afin de réaliser leur scission,

'réalisation des travaux de rénovation énergétique.

La conclusion du plan de sauvegarde achevé fin 2014 a relaté les limites ou impasses concernant les objectifs, notamment le redressement de la gestion, l'assainissement des finances, ou encore la réhabilitation du bâti.

En conséquence, l'ampleur des dégradations ont justifié la définition d'un périmètre pour une Opération de Requalification des Copropriétés dégradées d'intérêt National (ORCODIN).

Par décret numéro 2015'99 du 28 janvier 2015 a été déclarée d'intérêt national, l'opération de requalification des copropriétés dégradées du quartier dit du « bas [Localité 33] » et la mise en 'uvre a été confiée à l'EPFIF.

2° sur le bâtiment 5 de la copropriété de l'Etoile du Chêne Pointu

Il s'agit d'un petit immeuble composé de 4 étages, soit un rez-de-chaussée et trois étages à usage d'habitation, ainsi qu'un sous-sol comprenant des caves.

Le bâtiment fera l'objet d'une réhabilitation.

Les parties communes du bâtiment 5 ne sont pas dégradées.

3° sur le bien préempté

Il s'agit :

'du lot n°1106 : un appartement de type F4, situé au 4e étage de l'escalier A du bâtiment 5 (petit immeuble), d'une superficie de 65,76 m² ;

Il est composé d'une entrée (avec placards) et d'un couloir qui dessert une cuisine, WC et une salle de bains ainsi qu'une pièce de vie et trois chambres, l'une d'entre elle étant accessible à partir de la pièce de vie ; un balcon est accessible à partir de la pièce de vie et de l'une des chambres.

Il ressort du procès-verbal de transport que l'appartement est d'une décoration ancienne (parquet au sol et les peintures usagées au mur et au plafond), que les fenêtres sont en simples vitrages avec des huisseries d'ancienne facture en bois.

Le premier juge a donc retenu un état d'usage, dans un état d'entretien moyen pour l'évaluation du logement.

-du lot n°828 : une cave ; elle n'a pas été visitée en raison de l'encombrement des accès ;

-du lot n°2164 : un emplacement de stationnement extérieur, à l'état d'usage et sans aménagement ; les places, n'étant pas numérotées au sol, l'emplacement de stationnement appartenant aux consorts [H] n'a pas pu être identifié lors du transport judiciaire sur les lieux.

Pour une description plus précise, il convient de se reporter au procès-verbal de transport,

S'agissant de la date à laquelle le bien exproprié doit être estimé, il s'agit de celle du jugement de première instance, soit le 1er juin 2021.

- Sur la détermination du prix

1° sur la situation locative

La fixation du prix en valeur libre n'est pas contestée par les appelants.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

2° sur la méthode d'évaluation

Comme en première instance, les appelants s'accordent pour retenir la méthode utilisée par le premier juge de l'évaluation globale, parties communes générales, cave et parking intégré.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

3° sur les termes de comparaison

Le premier juge après examen des termes de référence des parties a retenu une valeur de 1280 euros/m² arrondis en indiquant qu'il convient d'ajouter 10 % à la valeur retenue issue des termes de comparaison pour tenir compte de ce que la copropriété du Chêne Pointu est désormais desservie par le tramway T4, mis en service 2019, les termes de comparaison retenus correspondants à des cessions antérieurs à cette date.

L'EPFIF critique cette majoration de 10 % en indiquant qu'aucune des parties n'a invoqué cette majoration de 10 % pour cause de travaux publics liée à l'arrivée proche du tramway T4 et qu'en outre l'article L 322-2 du code de l'expropriation dispose in fine que quelle que soit la nature des biens, il ne peut être tenu compte, même lorsqu'ils sont constatés par des actes de vente, des changements de valeur subie depuis cette date de référence, s'ils ont été provoqués par l'annonce des travaux ou opérations dont la déclaration d'utilité publique est demandée, par la perspective de modifications des règles d'utilisation des sols ou par la réalisation dans les 3 années précédant l'enquête publique de travaux publics dans l'agglomération où est situé l'immeuble ; or, cette extension de la ligne du tramway T4 a été déclarée d'utilité publique au terme d'un arrêté de déclaration d'utilité publique du 16 septembre 2013.

Il sera relevé qu'en l'espèce, il s'agit non de fixer une indemnité de dépossession en matière d'expropriation, mais de fixer le prix du bien dans le cadre d'une préemption.

Il convient en conséquence d'examiner les termes de références proposés par les appelants :

a) Les références de l'EPFIF

Il propose des références parmi des biens du même type situés dans la même copropriété du Chêne Pointu, comprise dans le périmètre de l'ORCOD ' Bas-[Localité 33]' avec les références de publication en état moyen:

- au sein du même bâtiment et de la même copropriété :

N°du terme

Date de vente

Adresse

Surface Carrez

Prix en euros

Prix en euros/m²

Observations

T1

25 mars 2019

[Adresse 9]

[Adresse 30]

56,35

47'897,5

850

occupé

T2

25 juillet 2019

[Adresse 19]

[Adresse 19]

52,71

57'210

1000

libre

T3

25 mars 2019

[Adresse 5]

[Adresse 31]

54 70

46'495

850

occupé

T4

3 décembre 2020

[Adresse 4]

55,43

1000

libre

T5

24 décembre 2019

[Adresse 3]

55,94

850

occupé

T6

14 janvier 2021

[Adresse 10]

55,82

850

occupé

T7

21 juillet 2020

[Adresse 17]

65,69

850

occupé

- au sein de la copropriété de l'étoile du Chêne Pointu :

N°du terme

Date de vente

Adresse

Surface Carrez

Prix en euros

Prix en euros/m²

Observations

T1

30 mars 2017

[Adresse 1]

[Adresse 26]

65,4

65'400

1000

libre

T2

23 février 2017

[Adresse 27]

[Adresse 27]

56,47

47'999,5

850

libre

T3

6 octobre 2016

[Adresse 28]

[Adresse 28]

55,50

47'175

850

libre

T4

31 mai 2016

[Adresse 29]

[Adresse 29]

6 6,59

56'602

850

libre

Ces termes sont comparables en consistance et en localisation et seront donc retenus faisant ressortir selon l'EPFIF une valeur de 1000 euros/m² libre, cave, parkings parties communes intégrées.

b) Les références du commissaire du gouvernement

Le commissaire du gouvernement propose des termes de comparaison comparables au bâtiment dans lequel se situe le bien préempté : bâtiment en R+4 au sein de la copropriété du Chêne Pointu, cave et parking intégré, en valeur libre.

Le commissaire du gouvernement précise qu'à la date du jugement, ce bâtiment R+4 dont le bien préempté fait partie, n'avait pas vocation à être démoli. Il s'agit d'un bâtiment destiné à être réhabilité, l'état du bâtiment n'étant pas aussi dégradé que le bâtiment 8 (R+10) par exemple.

Il propose 8 termes de référence correspondant à des logements de type F3'F4 dans des bâtiments de type R+4 de la copropriété du Chêne Pointu, libre, de 2017 à 2020, avec les références de publication :

N°du terme

Date de vente

Adresse

Superficie

logement

Prix en euros

Prix en euros/m²

CG1

25 juillet 2019

[Adresse 19]

[Adresse 19]

57

57'210

1004

CG2

6 décembre 2018

[Adresse 32]

56

67'320

1202

CG3

16 août 2018

[Adresse 31]

[Adresse 7]

65

77'760

1196

CG4

30 janvier 2018

[Adresse 30]

[Adresse 2]

56

66'840

1194

CG5

27 septembre 2017

[Adresse 31]

[Adresse 4]

56

78'260

1398

CG6

19 mars 2019

[Adresse 26]

[Adresse 8]

65

77'832

1197

CG7

13 mars 2018

[Adresse 26]

[Adresse 1]

66

91'840

1392

CG8

21 juin 2018

[Adresse 26]

[Adresse 1]

56

33'864

605

Le commissaire du gouvernement retient une valeur de 1150 euros/m² pour un appartement en moyen état dans un bâtiment R+ 4 n'ayant, à la date du jugement, pas vocation à être démoli.

L'EPFIF indique que tous ces termes correspondant à des acquisitions qu'elle a effectué (pièces N°7 à 14) et que la valeur unitaire retenue est logiquement différente en fonction de l'état d'entretien du bien vendu, qui est un point déterminant dans la fixation de leur prix d'acquisition.

Il indique qu'il ressort de ces références situées dans des bâtiments R+4 que :

'des appartements en très bon état sont vendus au prix de 1400 euros/m² libre

'des appartements en bon état sont vendus au prix de 1200 euros/m² libre

'des appartements en état moyen sont vendus au prix de 1000 euros/m² libre

'les appartements en mauvais état sont vendus au prix de 600 euros/m² libre.

Il conclut que la seule référence comparable est celle CG 1 en état moyen.

Il ressort des photographies produites par l'EPFIF :

- CG1 : le bien est en état moyen comme le bien préempté ; ce terme sera donc retenu.

- CG2 : les photographies font apparaître des peintures écaillées avec de grandes traces d'humidité, des sols en mauvais état, lavabo cassé ; ce bien peut donc être qualifié de moyen et non en bon état.

-CG3 : les photographies font apparaître des murs et des sols abîmés et en mauvais état. Ce terme est donc en état moyen et non en bon état.

-CG4 : les photographies font apparaître un bien en bon état ; ce terme non comparable sera donc écarté.

-CG5 : les photographies font apparaître un bien en très bon état ce terme sera donc écarté.

-CG6 : les photographies font apparaître des peintures en mauvais état, notamment au niveau du plafond, et des sols en état moyen ; ce terme comparable sera donc retenu.

-CG7 : les photographies font apparaître des murs dont la peinture est très écaillée, des revêtements et des sols abîmés ; ce bien en état moyen sera retenu comme terme de référence.

-CG8 : les photographies font apparaître un bien en très mauvais état, avec des peintures écaillées, des sols abîmés, de très importantes races d' humidité, ce qui explique une valeur très inférieure de 605 euros/m² par rapport aux autres références. Ce terme non comparable sera donc écarté.

La moyenne des termes retenus est donc de :

1004 + 1202 + 1196 + 1197 + 1392 = 5991 / 5 = 1198, 20 euros/m².

Cependant, en application des articles R311-22 et R 311-26 du code de l'expropriation, la cour ne peut retenir en l'absence de conclusions recevables des consorts [H], la proposition du commissaire du gouvernement de 1150 euros x 65, 76 m² = 75 624 euros, qui est supérieure à l'offre de l'expropriant qui est de 1000 euros x 65, 76 m² = 65 760 euros,

Le prix d'aliénation sera donc fixé au montant de l'offre de l'EPFIF, soit la somme de 65 760 euros.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

- Sur les frais d'agence

Le premier juge indique que la déclaration d'intention d'aliéner du 16 avril 2019 indique une commission d'agence d'un montant de 8000 euros, à la charge du vendeur.

Il remarque que :

'd'une part, le contrat par lequel les propriétaire ont recouru aux services d'une agence immobilière pour vendre leurs biens lie les propriétaires'vendeur et l'agence immobilière, les obligations définies par les parties obligent les signataires, et non le futur acquéreur, tiers au contrat ; l'agence immobilière dispose d'une action judiciaire à l'encontre des propriétaires qui ne se seraient pas acquittés des honoraires, qui n'auraient pas accompli leur obligation de paiement ;

'd'autre part, les propriétaires'vendeurs déterminent concrètement le prix de leur bien en additionnant le prix qu'ils souhaitent recevoir en contrepartie de la cession de leur bien et le coût de la prestation de l'agence immobilière, le cas échéant.

'Le titulaire du droit de préemption se substituant à l'acquéreur, est tenu de payer le prix du bien dans sa double composante : valeur d'échange et montant de la commission d'agence, le cas échéant. Ainsi, il doit prendre en charge les honoraires de négociation qui représentent un élément constitutif du prix.

Le premier juge a en conséquence fixé la commission d'agence due par l'EPFIF à la somme de 8000 euros.

En principe, l'exercice du droit de préemption ne fait pas perdre à l'intermédiaire le droit à rémunération qu'il tient des articles 6 de la loi n°70'9 du 2 janvier 1970 et 73 du décret n°72'678 du 20 juillet 1972, dès lors que la préemption, qui opère seulement substitution du préempteur dans les droits et obligations de l'acquéreur évincé, ne remet pas en cause la vente qui reste effectivement conclue.

S'agissant du droit de préemption urbain, pour rendre opposable au préempteur la stipulation mettant à la charge de l'acquéreur la rémunération de l'agent immobilier, il est nécessaire que la commission et la personne qui en était redevable soient mentionnées dans la DIA.

Or en l'espèce, la DIA notifiée par les consorts [H] mentionne l'existence d'une commission d'agence d'un montant de 8000 euros à la charge du vendeur (pièce n°4).

Lorsqu'il exerce son droit, le titulaire du droit de préemption, au profit duquel la vente a été effectivement conclue, est tenu de prendre en charge la rémunération de l'intermédiaire incombant à l'acquéreur pressenti, auquel il s'est substitué, dès lors que le montant de la commission et la partie qui en est tenue sont mentionnés dans l'engagement des parties et dans la déclaration d'intention d'aliéner ; en l'espèce, le DIA mentionne que la commission d'agence est à la charge du vendeur et non à la charge de l'acquéreur.

En conséquence, l'EPFIF s'est substitué à l'acquéreur et le droit à la commission d'agence d'un montant de 8000 euros, est à la charge du vendeur.

Le jugement sera donc infirmé en ce sens.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande de débouter l'EPFIF de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

- Sur les dépens

Il convient de confirmer le jugement pour les dépens de première instance, qui sont à la charge de l'expropriant conformément à l'article L312-1 du code de l'expropriation.

Les consorts [H] perdant le procès seront condamnés aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevables les conclusions de l'EPFIF des 29 septembre 2021, du 4 février 2022 et du 18 mai 2022 et les conclusions du commissaire du gouvernement du 29 décembre 2021 ;

Déclare irrecevable le mémoire des consorts [H] adressé au greffe par RPVA le 6 mai 2022 puis déposées au greffe avec les pièces le 11 mai 2022 ;

Infirme partiellement le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau :

Fixe à la somme de 65 760 euros, en valeur libre, le prix d'acquisition des lots n°1106 (appartement), 1128 (cave) et 2164 (emplacement de stationnement extérieur) situé dans le bâtiment 5 de la copropriété du Chêne Pointu, [Adresse 24] et appartenant à Monsieur [J] [H] et à Madame [G] [B] épouse [H] ;

Dit que les frais de commission d'agence dans l'hypothèse d'une réalisation de l'opération de préemption sont à la charge du vendeur et non de l'EPFIF celui-ci se substituant à l'acquéreur ;

Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Déboute l'EPFIF de sa demande au titre article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [J] [H] et à Madame [G] [B] épouse [H] aux dépens.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 21/12242
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;21.12242 ?
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