La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/06/2022 | FRANCE | N°20/15834

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 09 juin 2022, 20/15834


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 09 JUIN 2022



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/15834 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCS3J



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Août 2020 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 19/02627



APPELANT



Monsieur [U] [O]

[Adresse 4]

[Localité 6]

né le [Da

te naissance 2] 1954 en TUNISIE

représenté et assisté par Me Didier MARUANI, avocat au barreau de PARIS, toque : C0493



INTIMEES



Société ISOLATION TOITURE ETANCHEITE COUVERTURE (ITEC)...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 09 JUIN 2022

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/15834 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCS3J

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Août 2020 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 19/02627

APPELANT

Monsieur [U] [O]

[Adresse 4]

[Localité 6]

né le [Date naissance 2] 1954 en TUNISIE

représenté et assisté par Me Didier MARUANI, avocat au barreau de PARIS, toque : C0493

INTIMEES

Société ISOLATION TOITURE ETANCHEITE COUVERTURE (ITEC)

[Adresse 1]

[Localité 9]

représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

ayant pour avocat plaidant Me Aymeric BEAUCHENE, avocat au barreau de PARIS

S.A. SMABTP assureur de la Société ITEC

[Adresse 8]

[Localité 6]

représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

ayant pour avocat plaidant Me Aymeric BEAUCHENE, avocat au barreau de PARIS

CPAM DE PARIS

[Adresse 3]

[Localité 6]

n'a pas constitué avocat

CARCDSF

[Adresse 5]

[Localité 7]

n'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre chargée du rapport ,et devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre assesseur.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Sophie BARDIAU, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRÊT :

- Réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 15 janvier 2015 M. [U] [O] a été blessé par une poutre alors qu'il marchait sur un trottoir. La poutre provenait d'un chantier confié à la société Isolation toiture étanchéité couverture (la société ITEC) assurée auprès de la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (la société SMABTP).

Par acte d'huissier de justice en date du 19 décembre 2017, M. [O] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris la société ITEC, la société SMABTP ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie de Paris (la CPAM) en reconnaissance de responsabilité et liquidation de son préjudice corporel.

Une expertise médicale amiable confiée aux Docteurs [K] et [X] et été mise en place et ces experts ont établi leur rapport le 21 novembre 2016.

Par jugement du 14 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré la société ITEC responsable de l'accident dont a été victime M. [O], a condamné in solidum la société ITEC et la société SMABTP à réparer l'entier préjudice subi par M. [O], a ordonné l'exécution provisoire de ce chef et a renvoyé les parties à une audience ultérieure pour la liquidation du préjudice.

Par acte d'huissier de justice en date du 6 août 2019, M. [O] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris la caisse autonome de retraite des chirurgiens dentistes et des sages femmes (la CARCDSF).

Les instances ont été jointes par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris.

Par jugement du 4 août 2020, le tribunal judiciaire de Paris, a :

- rejeté la demande de sursis à statuer formée par les sociétés ITEC et SMABTP sur l'évaluation du poste de préjudice de pertes de gains professionnels actuels,

- condamné in solidum les sociétés ITEC et SMABTP à payer à M. [O] les sommes suivantes, à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittance, provisions non déduites :

- dépenses de santé actuelles : 66,50 euros

- pertes de gains professionnels actuels : 28 936 euros

- frais divers : 1 620 euros

- incidence professionnelle : 20 000 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 774,50 euros

- souffrances endurées : 14 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 10 800 euros,

- ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

- débouté M. [O] de sa demande d'indemnisation au titre de pertes de gains professionnels futurs,

- condamné in solidum les sociétés ITEC et SMABTP à payer à la CPAM la somme de 1 223,21 euros au titre de son recours subrogatoire, avec intérêts au taux légal à compter du 14 mars 2019,

- dit que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du code civil,

- déclaré le jugement commun à la CARCDSF,

- condamné in solidum les sociétés ITEC et SMABTP à payer à M. [O] une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum les sociétés ITEC et SMABTP à payer à la CPAM une somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum les sociétés ITEC et SMABTP à payer à la CPAM une somme de 407,74 euros à titre d'indemnité forfaitaire de gestion,

- condamné in solidum les sociétés ITEC et SMABTP aux dépens et dit que Maître [E] [C] pourra les recouvrer directement pour ceux dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement à concurrence des deux tiers de l'indemnité allouée et en totalité en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 6 novembre 2020, M. [O] a interjeté appel de la décision en ce qu'elle l'a débouté de sa demande portant sur les pertes de gains professionnels futurs et sur le montant des indemnités allouées au titre du déficit fonctionnel temporaire et des pertes de gains professionnels actuels.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions de M. [O], notifiées le 8 juin 2021, aux termes dequelles il demande à la cour, de :

infirmer le jugement dont appel,

condamner la société SMABTP et la société ITEC in solidum à verser à M. [O] :

- déficit temporaire partiel à 50% : 212,50 euros,

- déficit fonctionnel partiel à 25% : 462,50 euros,

- déficit fonctionnel temporaire partiel à hauteur de 15% : 630 euros,

- déficit fonctionnel temporaire partiel à 10 % : 267,50 euros,

- perte de gains professionnels actuels : 59 960 euros,

- pertes de gains professionnels futurs antérieurs à fin 2019 : 185 724 euros,

- article 700 du code de procédure civile : 4 000 euros.

Vu les conclusions des sociétés ITEC et SMABTP, notifiées le 1er mars 2021, aux termes desquelles elles demandent à la cour, de :

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé comme suit le préjudice corporel de M. [O] :

- déficit fonctionnel temporaire : 774,50 euros,

- perte de gains professionnels actuels : 28 936 euros sauf mémoire,

confirmer en tant que de besoin le jugement en toutes ses dispositions,

en conséquence,

débouter M. [O] en toutes ses demandes en cause d'appel,

condamner M. [O] à payer à la société SMABTP et à la société ITEC la somme de 3 000 euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner M. [O] aux entiers dépens.

La CPAM et la CARCDSF, auxquelles la déclaration d'appel a été signifiée par actes séparés en date du 22 décembre 2020 délivrés à personne habilitée, n'ont pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Par l'effet des appels principal et incident la cour n'est saisie que de l'indemnisation des postes de perte de gains professionnels actuels, perte de gains professionnels futurs et déficit fonctionnel temporaire ; elle n'a donc pas à confirmer le jugement en ses dispositions non critiquées.

Sur les postes de préjudice en litige

Les experts, les Docteurs [K] et [X] ont indiqué dans leur rapport en date du 21 novembre 2016, après avis sapiteur du Docteur [P], médecin psychiatre, que M. [O] a présenté à la suite de l'accident du 15 janvier 2015 un traumatisme thoracique avec fractures de cotes de l'hémi grill costal droit et une fracture de la tête radiale droite non déplacée et qu'il conserve comme séquelles un frein dans les mouvements de flexion du coude droit, quelques douleurs résiduelles pariétales au niveau de l'hémi-thorax droit, un trouble psychotraumatique discret avec conduite d'évitement, une perturbation psychique durable avec perte de confiance, manque d'élan et d'enthousiasme dans la vie personnelle et professionnelle.

Ils ont conclu notamment ainsi qu'il suit :

- arrêt des activités professionnelles total du 15 janvier 2015 au 15 avril 2015 et partiel du 16 avril 2015 au 30 septembre 2015

- déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 50 % du 15 janvier 2015 au 31 janvier 2015, de 25 % du 1er février 2015 au 15 avril 2015, de 15 % du 16 avril 2015 au 30 septembre 2015 et de 10 % du 1er octobre 2015 au 16 janvier 2016

- consolidation au 16 janvier 2016

- déficit fonctionnel permanent de 9 %

- incidence professionnelle : 'Les psychiatres indiquent que les séquelles entraînent une pénibilité au travail en rapport avec, d'une part, des difficultés de concentration et d'attention, et, d'autre part, de ce manque d'enthousiasme dont M. [O] a fait part à plusieurs reprises dans ses relations aux autres en général et dans son activité professionnelle en particulier'.

Ce rapport constitue sous les précisions qui suivent une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi par M. [O] à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime née le [Date naissance 2] 1954, de son activité de chirurgien-dentiste, de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Par ailleurs, l'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue.

- Sur la perte de gains professionnels

Le tribunal a réparé la perte de gains professionnels actuels pour la période échue jusqu'au 15 avril 2015 sur la base d'un chiffre d'affaires mensuel moyen de 10 611 euros qu'il a déterminé à partir des résultats des années 2013 et 2014 tels qu'ils ressortaient des documents fiscaux présentés par M. [O] et en appliquant un taux de charge de 9,1 %.

Il a considéré, pour la période postérieure échue jusqu'à la consolidation que l'arrêt partiel d'activité retenu par les experts correspondait en réalité à la situation antérieure à l'accident, M. [O] travaillant 4 demi-journées par semaine outre parfois 2 matinées supplémentaires et qu'à compter du 1er octobre 2015 il était en mesure de reprendre une activité complète, de sorte qu'il ne justifiait plus d'une perte de gains en relation causale avec l'accident.

Il a rejeté la demande d'indemnisation d'une perte de gains professionnels futurs.

M. [O] expose que jusqu'à l'accident il bénéficiait d'une clientèle très stable et d'un chiffre d'affaires également très stable de l'ordre de 127 000 euros par an, générant chaque année un bénéfice de l'ordre de 68 772 euros, que l'accident ayant entraîné un arrêt total d'activité durant trois mois puis une réduction d'activité a eu des conséquences financières importantes dans la mesure où non seulement il n'a pas développé une nouvelle clientèle mais encore a perdu une partie de sa patientèle et a dû poursuivre le paiement des charges fixes du cabinet.

Il ajoute que l'asthénie consécutive à l'accident a entraîné non seulement une difficulté à exercer son activité professionnelle mais a conduit à une perte d'intérêt pour celle-ci et l'a amené à se salarier.

Il estime que l'accident lui a fait perdre des gains professionnels tant avant qu'après la consolidation et ce jusqu'en fin 2019 d'après ses demandes écrites mais jusqu'à fin 2020 d'après ses calculs.

Il sollicite des indemnités calculées par rapport à la moyenne de ses bénéfices de 2013 et 2014.

M. [O] précise qu'il n'a perçu aucune indemnité journalière.

La société ITEC et la société SMABTP font valoir que la méthode de calcul retenue par M. [O] ne tient pas compte de l'incidence des charges fixes et des charges variables sur le niveau des revenus de M. [O] et qu'il convient d'appliquer la méthode habituelle pour les non salariés qui consiste à déduire de la perte de recettes les charges variables d'exploitation.

Elles soutiennent en outre qu'il doit être tenu compte du fait qu'avant l'accident M. [O] ne travaillait que quatre après-midi par semaine avec parfois deux demi-journées supplémentaires, ce qui implique que M. [O] n'a pas été gêné dans la gestion de son emploi du temps et que l'arrêt partiel d'activité retenu par les experts n'a en réalité pas généré de perte de revenus ; elles ajoutent que l'expertise établit que M. [O] a pu reprendre son activité le 1er octobre 2015.

La société ITEC et la société SMABTP calculent la perte de gains professionnels actuels en lien avec l'accident sur la base de recettes mensuelles de 10 611 euros correspondant à la moyenne des recettes mensuelles de 2013 et 2014, moyenne qu'elles retiennent sur un arrêt d'activité de trois mois puis déduisent la moyenne des charges variables de 2013 et 2014, non engagées en 2015, correspondant à 9,1 % des recettes ; elles estiment que les indemnités journalières perçues par M. [O] doivent être imputées.

Pour la période postérieure à la consolidation la société ITEC et la société SMABTP s'opposent aux demandes de M. [O] en relevant que les experts n'ont retenu qu'une pénibilité accrue, que M. [O] proche de la retraite et las de son activité a fait le choix de diminuer son activité libérale, sans que ce choix soit imputable à l'accident ; elles se prévalent sur ce point d'une étude réalisée par le Cabinet Texa sur l'impact du numérique et des regroupements de cabinets dentaires sur le niveau d'activité des cabinets dentaires classiques et estiment que l'évolution de l'activité de M. [O] est le reflet d'une évolution structurelle de la profession sans lien avec l'accident.

Sur ce, les experts ont indiqué en page 9 de leur rapport que M. [O] a eu un arrêt de travail jusqu'au 15 avril 2015 puis qu'il 'a repris à mi-temps (comparativement au niveau d'activité antérieure) du 15 avril au 30 septembre 2015".

Par ailleurs il est mentionné dans l'expertise en page 4, que M. [O] travaillait seul dans son cabinet quatre après-midi par semaine et qu'en fonction d'éventuelles demandes il pouvait travailler deux demi-journées supplémentaires le matin.

Ce rythme de travail antérieur à l'accident n'est pas dénié dans le cadre de la présente instance.

Eu égard aux données précitées, il ne peut être considéré que durant la période d'arrêt partiel d'activité, imposée par l'accident et retenue par les experts, M. [O] pouvait aménager son emploi du temps et n'a pas subi de perte de revenus qui soit en lien avec l'accident, ainsi que le soutiennent la société ITEC et la société SMABTP.

Par ailleurs il ressort des avis d'imposition des années 2012 à 2019, et des déclarations fiscales 2035 des années 2013 à 2019 communiquées par M. [O] que ses bénéfices non commerciaux imposables ont été de 66 228 euros en 2012, de 70 233 euros en 2013, de 69 217 euros en 2014 puis de 9 412 euros en 2015, de 33 788 euros en 2016, de 45 985 en 2017, de 23 540 euros en 2018 et de 11 857 euros en 2019.

Les avis d'imposition démontrent qu'à compter de l'année 2018 M. [O] a exercé également et nouvellement en tant que salarié.

Il résulte de ces éléments des présomptions, graves précises et concordantes que l'accident, par l'arrêt de travail total puis à mi-temps qu'il a entraîné et par les séquelles physiques et psychiques conduisant à des difficultés de concentration et d'attention et à un manque de motivation a contraint M. [O] à réduire son activité professionnelle libérale puis à exercer pour partie un emploi salarié ; cette baisse réelle d'activité ne peut être considérée comme résultant d'un choix personnel au vu des seuls paramètres de l'âge de M. [O], soit 66 ans en 2020 et d'une étude générale sur l'évolution des cabinets dentaires, étant précisé qu'aucun élément n'est produit aux débats pour établir que M. [O] se serait inscrit avant l'accident dans une démarche de réduction progressive d'activité.

Les parties s'opposent sur la méthode de calcul de la perte de gains professionnels actuels.

Elles donnent des pourcentages opposés de charges d'exploitation ; en effet M. [O] fixe à 9,1 % le pourcentage de charges fixes alors que la société ITEC et la société SMABTP fixent à 9,1 % le montant des charges proportionnelles.

Il est rappelé que la perte de gains professionnels doit être déterminée hors incidence fiscale.

La perte de gains professionnels actuels sera ainsi calculée en fonction du bénéfice moyen hors impôts et taxes que M. [O] réalisait avant l'accident, déterminé par rapport aux bénéfices moyen hors impôts et taxes des années 2013 et 2014, tels qu'ils apparaissent dans les comptes de résultats fiscaux communiqués ; en effet ce revenu de référence intègre la totalité des recettes et la totalité des charges d'exploitation hors les impôts et taxes, étant précisé qu'en 2015 des charges fixes été exposées pendant la période durant laquelle M. [O] a poursuivi son activité même à niveau réduit et qu'il doit en être tenu compte.

Les bénéfices avant déduction des impôts et taxes réalisés en 2013 et 2014 se sont respectivement élevés selon les déclarations 2035 à :

- année 2013

70 233 euros + 364 euros (contribution économique territoriale) + 276 euros ('autres impôts') + 4 586 (contribution sociale généralisée déductible) = 75 459 euros

- année 2014

69 217 euros + 383 euros (contribution économique territoriale) + 281 euros ('autres impôts') + 4 412 euros (contribution sociale généralisée déductible) = 74 293 euros

- moyenne : (75 459 euros + 74 293 euros) / 2 = 74 921 euros par an.

M. [O] aurait dû percevoir durant la période du 15 janvier 2015 au 16 janvier 2016, étant précisé qu'il demande au titre de la perte de gains professionnels futurs l'indemnisation d'une perte sur l'année 2016 entière sans tenir compte de la date de la consolidation :

- du 15 janvier 2015 au 30 décembre 2015 :

74 921 euros x 11,5 mois/ 12 mois = 71 799,29 euros

- du 1er janvier 2016 au 16 janvier 2016

74 921 euros x 16 jours / 366 jours = 3 275,23 euros.

Il y a lieu de déduire les bénéfices, avant déduction des impôts et taxes réalisés du 15 janvier 2015 au 16 janvier 2016.

Le bénéfice 2015, avant déduction des impôts et taxes, s'est élevé à 14 886 euros [9 412 euros + 394 euros (contribution économique territoriale) + 284 euros ('autres impôts') + 4 796 euros (contribution sociale généralisée déductible)] ce qui représente pour la période du 15 janvier 2015 au 30 décembre 2015, 14 265,75 euros (14 886 euros x 11,5 mois / 12 mois).

Le bénéfice 2016 s'est élevé hors impôts et taxes à 39 006 euros [33 788 euros + 396 euros (contribution économique territoriale) + 288 euros ('autres impôts') + 4 534 euros (contribution sociale généralisée déductible)] ce qui représente du 1er janvier 2016 au 16 janvier 2016, 1 705,18 euros (39 006 euros x 16 jours / 366 jours).

La perte de gains professionnels actuels est la suivante :

- du 15 janvier 2015 au 30 décembre 2015 : 71 799,29 euros - 14 265,75 euros = 57533,54 euros

- du 1er janvier 2016 au 16 janvier 2016 : 3 275,23 euros - 1 705,18 euros = 1570,05 euros

- total : 59 103,59 euros.

Il résulte de l'attestation délivrée par la CARCDSF le 7 mai 2019 que M. [O] n'a pas perçu d'indemnités journalières.

La somme de 59 103,59 euros revient en conséquence à M. [O].

La perte de gains professionnels futurs jusqu'au 30 décembre 2020 est la suivante :

du 17 janvier 2016 au 31 décembre 2016

71 645,77 euros (74 921 euros - 3 275,23 euros) - 37 300,82 euros (39 006 euros - 1 705,18 euros) = 34 344,95 euros

année 2017

- gains : 45 985 euros + 274 euros (contribution économique territoriale) + 125 euros ('autres impôts') + 1 590 euros (contribution sociale généralisée déductible) = 47 974 euros

- perte : 74 921 euros - 47 974 euros =26 947 euros

année 2018

- gains :

° revenus professionnels non commerciaux : 23 540 euros + 286 euros (contribution économique territoriale) + 298 euros ('autres impôts') + 4 590 euros (contribution sociale généralisée déductible) = 28 714 euros

° salaires : 1 204 euros

° total : 29 918 euros

- perte : 74 921 euros - 29 918 euros = 45 003 euros

année 2019

° revenus professionnels non commerciaux : 11 857 euros + 291 euros (contribution économique territoriale) + 239 euros ('autres impôts') + 2 816 euros (contribution sociale généralisée déductible) = 15 203 euros

° salaires : 11 438 euros

° total : 26 641 euros

- perte : 74 921 euros - 26 641 euros = 48 280 euros

année 2020

° revenus professionnels non commerciaux : 13 092 euros + 299 euros (contribution économique territoriale) + 175 euros ('autres impôts') + 1 465 euros (contribution sociale généralisée déductible) = 15 031 euros

° salaires : 7 174 euros

° total : 22 205 euros

- perte : 74 921 euros - 22 205 euros = 52 716 euros.

La perte totale de gains professionnels futurs est ainsi de 207 290,95 euros (34 344,95 euros + 26 947 euros + 45 003 euros + 48 280 euros + 52 716 euros) ramenée à 185 724 euros pour rester dans les limites de la demande.

Aucune prestation n'est à imputer de sorte que la somme de 185 724 euros revient à M. [O].

- Sur le déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice a pour objet d'indemniser l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident jusqu'à la consolidation. Cette incapacité fonctionnelle totale ou partielle correspond aux périodes d'hospitalisation de la victime et inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence et le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.

Si M. [O] a demandé en première instance une somme de 774,50 euros il est constant que sa demande était fondée sur une indemnité de 25 euros par jour pour un déficit total et qu'il a commis une erreur dev calcul ; cette erreur matérielle justifie sa demande en appel sans que puisse lui être opposée une fin de non recevoir.

Le déficit fonctionnel temporaire doit ainsi être réparé sur la base de 25 euros par jour pour un déficit total, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie et proportionnellement pendant la période d'incapacité partielle, ce qui représente :

- 212,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % de 17 jours

- 462,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % de 74 jours

- 630 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à 15 % de 168 jours

- 270 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à 10 % de 108 jours

- total : 1 575 euros ramenés à 1 572,50 euros pour rester dans les limites de la demande.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

La société ITEC et la société SMABTP qui succombent partiellement dans leurs prétentions et qui sont tenues à indemnisation supporteront la charge des dépens d'appel.

L'équité commande d'allouer à M. [O] une indemnité de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour et de rejeter la demande de la société ITEC et la société SMABTP formulée au même titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Et dans les limites de l'appel

- Infirme le jugement hormis sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Condamne in solidum la société Isolation toiture étanchéité couverture et la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics à verser à M. [U] [O] les indemnités suivantes, provisions et sommes versées en vertu de l'exécution provisoire du jugement non déduites avec les intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus,

- 59 103,59 euros au titre des perte de gains professionnels actuels

- 185 724 euros au titre des perte de gains professionnels futurs

- 1 572,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

- Condamne in solidum la société Isolation toiture étanchéité couverture et la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics à verser à M. [U] [O] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- Déboute la société Isolation toiture étanchéité couverture et la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics de leur demande au titre de leurs propres frais irrépétibles d'appel exposés,

- Condamne in solidum la société Isolation toiture étanchéité couverture et la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 20/15834
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;20.15834 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award