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09/06/2022 | FRANCE | N°20/07412

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 09 juin 2022, 20/07412


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 09 JUIN 2022



(n° /2022, pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07412

N° Portalis 35L7-V-B7E-CB3Z2



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mai 2020 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG n° 18/01468



APPELANTS



Monsieur [T] [N]

[Adresse 2]

[Localité 12]

né le

[Date naissance 5] 1965 à SAIGON (VIETNAM)

représenté et assisté par Me Patrice GAUD de la SELARL GAUD MONTAGNE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0430



S.A. PACIFICA

[Adresse 14]

[...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 09 JUIN 2022

(n° /2022, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07412

N° Portalis 35L7-V-B7E-CB3Z2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mai 2020 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG n° 18/01468

APPELANTS

Monsieur [T] [N]

[Adresse 2]

[Localité 12]

né le [Date naissance 5] 1965 à SAIGON (VIETNAM)

représenté et assisté par Me Patrice GAUD de la SELARL GAUD MONTAGNE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0430

S.A. PACIFICA

[Adresse 14]

[Localité 10]

représentée et assistée par Me Patrice GAUD de la SELARL GAUD MONTAGNE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0430

INTIMES

Madame [V] [D]

[Adresse 3]

[Localité 11]

née le [Date naissance 4] 1981 à [Localité 15] (France)

représentée et assistée par Me Gaelle REYNAUD, avocat au barreau de MEAUX

Monsieur [I] [L]

[Adresse 3]

[Localité 11]

né le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 16] (France)

représenté et assistée par Me Gaelle REYNAUD, avocat au barreau de MEAUX

S.A. ACM - ASSURANCE DU CREDIT MUTUEL IARD

[Adresse 6]

[Localité 9]

représentée par Me François MEURIN, avocat au barreau de MEAUX

substitué par Me Nicolas MARINO, avocat au barreau de MEAUX

CPAM DE SEINE ET MARNE

[Adresse 19]

[Localité 13]

n'a pas constitué avocat

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU PUY DE DÔME

[Adresse 7]

[Localité 8]

représentée par Me Sylvain NIEL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2032

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Janvier 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre asssesseur chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Sophie BARDIAU, conseillère

Greffière lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRÊT :

- Réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 1er juin 2016, vers 22 heures 25, M. [I] [L] a été victime d'un accident de la circulation survenu, hors agglomération, sur la route D 405, au niveau de la commune de [Localité 18] (77) alors qu'il se trouvait, ainsi que sa compagne, Mme [V] [D] à pied sur la chaussée et tentait de faire redémarrer un véhicule Renault Clio tombé en panne plus tôt dans la soirée avec des câbles connectés à la batterie d'un second véhicule Peugeot 207, assuré auprès de la société ACM IARD (la société ACM).

Un troisième véhicule Opel Astra conduit par M. [T] [N], assuré auprès de la société Pacifica, qui circulait sur la route D 405 a percuté le véhicule Renault Clio qui a lui-même heurté le véhicule Peugeot 207.

M. [L] qui était positionné entre les deux véhicules en stationnement a été projeté dans un champs et blessé au niveau des membres inférieurs.

Par actes d'huissier des 22 et 23 mars 2018 et des 10 et 13 avril 2018, M. [L] et Mme [D] ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Meaux M. [N], la société Pacifica, la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne (la CPAM de Seine-et-Marne), le régime social des indépendants (le RSI) et la société ACM, aux fins d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices.

La caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants est intervenue volontairement à l'instance.

Par jugement du 5 mai 2020, le tribunal judiciaire de Meaux a :

- reçu l'intervention volontaire de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants,

- pris acte des protestations et réserves de la société ACM,

- ordonné une mesure d'expertise,

- désigné pour y procéder le Docteur [O] avec mission d'usage,

- condamné la société Pacifica à payer à M. [L], la somme de 30 000 euros à titre de provision, à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel, ladite somme augmentée des intérêts au double du taux de l'intérêt légal à compter du 1er février 2017 jusqu'au jour du jugement devenu définitif,

- condamné la société Pacifica à payer à Mme [D], la somme de 2 500 euros à titre de provision, à valoir sur l'indemnisation de son préjudice, ladite somme augmentée des intérêts au double du taux de l'intérêt légal à compter du 1er février 2017 jusqu'au jour du jugement devenu définitif,

- condamné la société ACM à garantir la société Pacifica à hauteur de 40 % des condamnations prononcées à son encontre,

- condamné in solidum la société Pacifica et la société ACM à payer à M. [L] et à Mme [D] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la société Pacifica et la société ACM, aux entiers dépens, que Maître [F] [J] pourra recouvrer pour ceux dont elle aurait fait l'avance sans recevoir provision suffisante,

- réservé les demandes présentées par caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants dans l'attente du dépôt du rapport,

- déclaré le jugement commun et opposable à la CPAM de Seine-et-Marne,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- ordonné le retrait du rôle de la première chambre civile de ce tribunal,

- dit qu'il appartiendra à la partie la plus diligente de faire procéder à sa réinscription après dépôt du rapport d'expertise, sous réserve du délai légal de péremption de l'instance.

Par déclaration du 15 juin 2020, la société Pacifica et M. [N] ont interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a condamné la société Pacifica à payer à Mme [D] la somme de 2 500 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice, la dite somme augmentée des intérêts au double du taux de l'intérêt légal à compter du 1er février 2017 jusqu'au jour du jugement devenu définitif, condamné la société ACM à garantir la société Pacifica à hauteur de 40% des condamnations prononcées à son encontre, condamné in solidum la société Pacifica et la société ACM à payer à M. [L] et à Mme [D] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La CPAM de Seine-et-Marne n'a pas été intimée par la société Pacifica et M. [N].

Par déclaration du 3 juillet 2020, la société ACM a interjeté appel de la décision en critiquant chacune de ses dispositions.

Les procédures ont été jointes.

La caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme (la CPAM du Puy-de-Dôme), venant aux droits du RSI et de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, est intervenue volontairement à l'instance.

Bien que destinataire de la déclaration d'appel de la société ACM qui lui a été signifiée à personne habilitée par acte d'huissier en date du 28 septembre 2020, la CPAM de Seine-et-Marne n'a pas constitué avocat.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions de la société Pacifica et de M. [N], notifiées le 13 décembre 2021, aux termes desquelles ils demandent à la cour de :

Vu la loi du 5 juillet 1985,

Vu les articles 1240 et 1346 du code civil,

- juger la société ACM mal fondée en son appel,

En conséquence,

- débouter la société ACM de l'ensemble de ses demandes.

- juger la CPAM du Puy-de-Dôme venant aux droits et obligations du RSI et de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants mal fondée en son appel,

En conséquence,

- débouter la CPAM du Puy-de-Dôme de l'ensemble de ses demandes,

- réformer le jugement prononcé par le tribunal judiciaire de Meaux le 5 mai 2020 en ce qu'il :

- condamne la société Pacifica à payer à Mme [D] la somme de 2 500 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice, ladite somme augmentée au double du taux de l'intérêt légal à compter du 1er février 2017 jusqu'au jour du jugement devenu définitif

- condamne la société ACM à garantir la société Pacifica à hauteur de 40% des condamnations prononcées à son encontre

- condamne in solidum la société Pacifica et la société ACM à payer à M. [L] et Mme [D] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamne in solidum la société Pacifica et la société ACM aux entiers dépens que Maître [F] [J] pourra recouvrer pour ceux dont elle aurait fait l'avance sans recevoir provision suffisante,

Statuant à nouveau :

- débouter Mme [D] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société ACM à relever et garantir la société Pacifica et M. [N] de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre au profit de M. [L] et de la CPAM du Puy-de-Dôme et au profit de Mme [D] en tant que victime par ricochet,

- confirmer le jugement en ses autres dispositions,

- juger la société ACM, la CPAM du Puy-de-Dôme, Mme [D] et M. [L] mal fondés en leurs appels et les débouter de leurs demandes,

- condamner la société ACM à verser à la société Pacifica la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société ACM aux entiers dépens.

Vu les conclusions de la société ACM, notifiées le 9 décembre 2021, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles 1 à 6 de la loi du 5 juillet 1985,

- déclarer la société ACM recevable et bien fondée en son appel,

Y faisant droit,

- infirmer le jugement rendu en l'ensemble de ses dispositions concernant la société ACM en ce qu'il a :

- reçu l'intervention volontaire de la caisse locale délégué pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants

- pris acte des protestations et réserves de la société ACM

- ordonné une mesure d'expertise

- désigné pour y procéder le Docteur [O]

- fixé le montant de la provision à la somme de 1 200 euros, à valoir sur les frais d'expertise qui devra être consignée par M. [L] à la régie d'avance et de recettes du tribunal judiciaire de Meaux avant le 30 juillet 2020

- condamné la société Pacifica à payer à M. [L], la somme de 30 000 euros à titre de provision, à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel, ladite somme augmentée des intérêts au double du taux de l'intérêt légal à compter du 1er février 2017 jusqu'au jour du jugement devenu définitif

- condamné la société Pacifica à payer à Mme [D], la somme de 2 500 euros à titre de provision, à valoir sur l'indemnisation de son préjudice, ladite somme augmentée des intérêts au double du taux de l'intérêt légal à compter du 1er février 2017 jusqu'au jour du jugement devenu définit

- condamné la société ACM à garantir la société Pacifica à hauteur de 40 % des condamnations prononcées à son encontre

- condamné in solidum la société Pacifica et la société ACM à payer à M. [L] et à Mme [D] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné in solidum la société Pacifica et la société ACM aux entiers dépens

Et statuant de nouveau,

- dire et juger responsable M. [N] de l'accident survenu le 1er juin 2016,

- dire et juger que M. [L] en tant que victime, ne peut agir à l'encontre de son propre assureur, par application des dispositions de la loi du 6 juillet 1985 (sic),

Et en conséquence,

- dire et juger que seul le véhicule de M. [N] étant impliqué dans l'accident corporel subi par M. [L], son assureur Pacifica devra seul prendre en charge l'indemnisation du préjudice subi par M. [L],

- dire et juger que la société Pacifica sera tenue seule à garantir les conséquences dommageables de cet accident et notamment, à indemniser Mme [D] et M. [L] de leurs préjudices en résultant,

- dire et juger n'y avoir lieu à condamnation à l'égard de la société ACM au titre de frais d'article 700 du code de procédure civile,

- dire et juger n'y avoir lieu pour la société ACM, à prendre en charge tout ou partie du remboursement de la somme de 111 884,38 euros relative aux prestations prises en charge avant consolidation de M. [L], ainsi que de celles de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire «versée à M. [L]», réclamée par la CPAM du Puy-de-Dôme venant aux droits de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants,

- débouter la société Pacifica de sa demande tendant à ce que la société ACM soit condamnée à la relever et la garantir de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées au profit de M. [L], de Mme [D] et de la CPAM du Puy-de-Dôme venant aux droits du RSI et de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants,

-débouter la société Pacifica de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de la société ACM,

- débouter purement et simplement M. [L] et Mme [D] de leur demande d'expertise judiciaire au contradictoire de la société ACM,

- débouter M. [L] et Mme [D] de leur demande d'indemnité provisionnelle et d'expertise judiciaire de Mme [D] au contradictoire de la société ACM,

- débouter M. [L] et Mme [D] de leur demande de condamnation solidaire de la société ACM sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la CPAM du Puy-de-Dôme de sa demande de condamnation solidaire de la société ACM au titre de ses débours provisoires et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour considérerait que la société ACM doit, aux côtés de la société Pacifica, prendre en charge l'indemnisation du préjudice corporel de M. [L],

- juger que la société ACM ne sera tenue à garantie qu'à hauteur de 20 % de l'indemnisation allouée à M. [L], sans prise en charge des intérêts au double du taux de l'intérêt légal, cette dernière sanction devant être appliquée uniquement à l'assureur qui se devait de présenter une offre d'indemnisation, soit la société Pacifica,

- prendre acte des protestations et réserves de la société ACM sur la demande d'expertise judiciaire formulée par M. [L],

- débouter Mme [D] en sa demande d'expertise judiciaire ainsi qu'en sa demande de provision comme n'étant pas fondée,

- juger que la société Pacifica doit seule supporter l'indemnisation de Mme [D] que ce soit en qualité de victime directe et de victime par ricochet,

En toutes hypothèses,

- condamner la société Pacifica à verser à la société ACM la somme de 4 000 euros au titre des frais d'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Vu les dernières conclusions de Mme [D] et M. [L], notifiées le 25 novembre 2020, aux termes desquelles ils demandent à la cour, au visa notamment de la loi du 5 juillet 1985, de :

- confirmer l'intégralité des dispositions du jugement du tribunal judiciaire de Meaux du 5 mai 2020 à l'exception de celle ayant déboutée Mme [D] de sa demande d'indemnisation en qualité de victime directe,

Et statuant à nouveau,

- lui allouer une indemnité provisionnelle de 2 500 euros et ordonner une expertise médicale de ses préjudices,

A titre subsidiaire,

- lui allouer la somme de 2 500 euros en réparation des souffrances qu'elle a endurées,

- condamner solidairement les sociétés Pacifica et ACM à régler à M. [L] et Mme [D] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens; lesquels pourront être directement recouvrés par Maître [F] [J].

Vu les conclusions de la CPAM du Puy-de-Dôme, notifiées le 21 septembre 2021, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

Vu la loi n°2017-1836 de financement de la sécurité sociale pour 2018.

Vu les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale,

Vu les dispositions de l'article R. 613-70 du code de la sécurité sociale ,

Vu l'article 1343-2 du code civil,

Vu l'article L 124-3 du code des assurances,

Vu l'arrêté 4 décembre 2020 relatif au montant de l'indemnité forfaitaire,

Vu les articles 515, 699 et 700 du code de procédure civile,

Vu la décision du 1er janvier 2020 du directeur général de la CNAM,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit entier le droit à indemnisation des victimes de l'accident survenu le 1er juin 2016 et condamné les sociétés Pacifica et ACM à les indemniser,

- infirmer le jugement pour le surplus,

- recevoir la CPAM du Puy-de-Dôme en son intervention volontaire,

- condamner in solidum M. [N], la société Pacifica et la société ACM à payer à la CPAM du Puy-de-Dôme les sommes provisoires de:

- 111 884,38 euros en remboursement des prestations en nature prises en charge avant consolidation, avec intérêts de droit à compter de sa première demande en justice le 20 juillet 2018, date des présentes

- 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de l'article L. 376-1 in fine du code de la sécurité sociale,

- dire que les intérêts échus pour une année entière à compter de la décision produiront eux-mêmes intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil tel qu'issu de l'ordonnance du 10 février 2016,

- dire et juger que la CPAM du Puy-de-Dôme exerce son recours :

- en ce qui concerne les prestations en nature prises en charge, sur le poste dépenses de santé actuelles (DSA) fixé provisoirement à la somme de 111 884, 38 euros,

- condamner in solidum M. [N], la société Pacifica et la société ACM à payer à la CPAM du Puy-de-Dôme une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum M. [N], la société Pacifica et la société ACM aux entiers dépens en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le droit à indemnisation de M. [L] et de Mme [D]

Il convient d'observer à titre liminaire que le tribunal a omis de statuer dans le dispositif de sa décision sur la demande de M. [L] et de Mme [D] tendant à voir condamner la société Pacifica à les indemniser intégralement de leurs préjudices.

Il résulte de l'enquête pénale que M. [L] qui circulait au volant d'un véhicule Renault Clio dont il admet dans ses conclusions d'appel qu'il n'était pas assuré au moment des faits est tombé en panne le 1er juin 2016 dans la soirée sur la route D 405, en raison d'un problème de batterie.

Il a exposé devant les services de gendarmerie avoir stationné son véhicule sur le bas côté de la chaussée dans le sens [Localité 18] - [Localité 17] et avoir regagné son domicile à pied afin d'y retrouver sa compagne, Mme [D], pour qu'elle le conduise jusqu'au véhicule en panne avec leur deuxième voiture, une Peugeot 207.

Les gendarmes ont toutefois relevé qu'à l'endroit de l'accident, la route D 405 était dépourvue de bas-côtés et indiqué dans leur procès-verbal de synthèse que les deux véhicules étaient stationnés sur le bord droit de la chaussée.

M. [L] a expliqué que le véhicule Peugeot 207 avait été positionné face au véhicule Renault Clio afin d'utiliser les câbles de redémarrage et a admis, de même que Mme [D], qu'ils n'avaient pas placé de triangle de pré-signalisation en amont et en aval des véhicules et qu'ils n'étaient pas porteurs d'un gilet fluorescent.

Il ressort des éléments de l'enquête pénale que Mme [D] et M. [L] étaient sortis du véhicule Peugeot 207, assuré auprès de la société ACM, lorsque le véhicule Opel Astra conduit par M. [N] et assuré auprès de la société Pacifica, a percuté le véhicule Renault Clio, qui a lui-même heurté le véhicule Peugeot 207, M. [L] qui se trouvait entre les deux véhicules en stationnement ayant été projeté dans un champs et blessé au niveau des membres inférieurs.

Les gendarmes ont constaté dans leur procès-verbal de renseignement que les points de choc initiaux se situaient à l'avant du véhicule Opel Astra, à l'arrière du véhicule Renault Clio et sur le côté droit du véhicule Peugeot 207.

Il résulte de ce qui précède, d'une part qu'étaient impliqués dans l'accident le véhicule Renault Clio en stationnement, non assuré au moment des faits, le véhicule Peugeot 207 en stationnement, assuré auprès de la société ACM et le véhicule Opel Astra conduit par M. [N] et assuré auprès de la société Pacifica, d'autre part, que Mme [D] et M. [L] qui étaient sortis du véhicule Peugeot 207 avaient la qualité de non conducteur au moment de la première collision et ont conservé cette qualité pendant chacune des phases de cet accident complexe.

L'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 dispose que les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subies, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable lorsqu'elle est la cause exclusive de l'accident.

Ce même article précise que la victime n'est pas indemnisée par l'auteur de l'accident des dommages résultant des atteintes à sa personne lorsqu'elle a volontairement recherché le dommage qu'elle a subi.

La société Pacifica, assureur de responsabilité de M. [N] conducteur d'un des véhicules impliqués dans l'accident, ne peut ainsi contester le droit à indemnisation intégrale de Mme [D] au motif qu'elle était la gardienne du véhicule Peugeot 207 et que le gardien fautif d'un véhicule terrestre à moteur peut se voir opposer sa propre faute pour exclure ou limiter son droit à indemnisation en tant que victime directe ou par ricochet alors que les dispositions de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985 auxquelles elle se réfère ne concernent que les victimes conductrices.

Mme [D] et M. [L] ayant la qualité de piétons au moment de la collision, leur droit à indemnisation ne peut être écarté que s'il est établi qu'ils ont commis une faute inexcusable cause exclusive de l'accident ou qu'ils ont volontairement recherché le dommage qu'ils ont subi, ce qui n'est ni allégué ni justifié par la société Pacifica à l'égard de laquelle ils dirigent leurs demandes, l'imprudence consistant à ne pas avoir placé de triangle de pré-signalisation et de ne pas avoir porté de gilet de haute visibilité au cours du dépannage d'un véhicule tombé en panne ne pouvant s'analyser comme une faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience.

La société Pacifica qui ne conteste pas devoir indemniser intégralement M. [L] de son préjudice corporel est également tenue de réparer intégralement les préjudices subis directement et par ricochet par Mme [D].

Le jugement sera complété en ce sens.

Sur la contribution à la dette

La société ACM, assureur du véhicule Peugeot 206 en stationnement sur le bord de la chaussée au moment de l'accident conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré la société Pacifica bien fondée à exercer un recours en contribution à son encontre.

Elle fait valoir que les victimes d'un accident de la circulation ne peuvent se prévaloir des dispositions de l'article 3 de la loi du juillet 1985 qu'à l'encontre des conducteurs ou gardiens de véhicules impliqués dans l'accident et que dans le cas de l'espèce, M. [L], qui était le gardien du véhicule Peugeot 207, ne peut agir en indemnisation contre son propre assureur, faute de tiers conducteur débiteur d'indemnisation.

Elle avance que M. [L] dont le nom figure seul sur la carte grise est, en tant que propriétaire du véhicule Peugeot 207, présumé en être le gardien, que ce dernier ne justifie d'aucun transfert de garde au profit de Mme [D], même s'il résulte des actes d'investigations que cette dernière l'a transporté avec ce véhicule jusqu'au lieu où se trouvait arrêté son véhicule Renault Clio en panne, que Mme [D] n'est pas mentionnée dans les conditions particulières du contrat d'assurance couvrant le véhicule Peugeot 207, de sorte qu'elle ne peut être présumée en être la conductrice oui la gardienne occasionnelle, qu'ayant la qualité de piéton au moment de la collision ; elle n'avait ni l'usage, ni la direction, ni le contrôle du véhicule assuré contrairement à M. [L] qui procédait à une tentative de redémarrage de son véhicule en panne à l'aide du véhicule Peugeot 207.

Elle affirme que seule la société Pacifia est tenue de prendre en charge l'indemnisation du préjudice corporel de M. [L] et conclut à sa mise hors de cause.

Elle ajoute que l'accident procède de la seule faute de conduite de M. [N] qui, conformément à l'article R. 412-6 du code de la route, devait en toutes circonstances demeurer maître de son véhicule, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce.

Elle soutient qu'au regard des conditions de visibilité au moment de l'accident, si M. [N] avait adapté la vitesse de son véhicule comme il a pu le prétendre lors de la procédure pénale, il aurait pu anticiper la présence d'un obstacle sur le bas-côté et poursuivre sa route sans la moindre difficulté.

Elle considère que M. [N] a manqué de vigilance et de prudence, d'autres conducteurs étant parvenus à éviter les deux véhicules en stationnement, ce qui ressort des déclarations concordantes de M. [L] et de Mme [D] lors de l'enquête pénale.

Elle en déduit que quand bien même Mme [D] aurait été condamnée pour des infractions au code de la route, ces fautes ne sont pas la cause de l'accident, laquelle réside uniquement dans le comportement routier de M. [N].

Elle conclut à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où il serait retenu que Mme [D] avait la garde du véhicule Peugeot 207, à une répartition de la dette d'indemnisation de M. [L] dans la proportion de 80 % à la charge de la société Pacifica et de 20 % à sa charge.

Elle fait valoir s'agissant de la dette d'indemnisation de Mme [D] que l'action en contribution à l'encontre de l'assureur du véhicule de la victime, demeurée gardienne de celui-ci n'est pas admise et se réfère à un arrêt rendu le 7 juin 2011 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (Civ. 2ème; 7 juin 2001, pourvoi n° 99-18.220).

La société Pacifica et M. [N] objectent qu'il résulte des déclarations de M. [L] aux termes desquelles ce dernier désigne le véhicule Peugeot 207 comme étant leur deuxième véhicule et celui de sa compagne, que Mme [D] avait l'usage, la direction et le contrôle de celui-ci alors que M. [L] était le gardien du véhicule Renault Clio qu'il tentait de faire redémarrer.

Ils ajoutent que le fait que M. [L] soit ou non souscripteur du contrat d'assurance est sans incidence sur la solution du litige.

Ils en déduisent que Mme [D], en sa qualité de gardienne du véhicule Peugeot 207 impliqué dans l'accident, est tenue d'indemniser les préjudices subis par M. [L] sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985.

Rappelant que la contribution à la dette entre les différents codébiteurs d'indemnisation, gardiens ou conducteurs de véhicules impliqués dans l'accident, est fondée sur les dispositions des articles 1240 et 1346 du code civil et s'effectue en proportion de leurs fautes respectives, ils soutiennent que M. [N], qui a été totalement surpris par la présence non signalée de véhicules arrêtés sur la chaussée de nuit et sans éclairage n'a commis aucune faute alors que Mme [D] a été poursuivie pour les contraventions d'«arrêt ou stationnement de véhicule de nuit ou par visibilité insuffisante, sans éclairage ni signalisation, sur une chaussée éclairée hors agglomération» et de «descente d'un véhicule immobilisé sur la chaussée ou ses abords par conducteur non revêtu d'un gilet de haute visibilité», ces constatations d'infractions s'imposant au juge civil.

La société Pacifica et M. [N] ajoutent que ces fautes sont en lien de causalité avec la survenance de l'accident et qu'il est évident que si Mme [D] n'avait pas stationné son véhicule de nuit sans éclairage, sans signalisation et sans s'être revêtue d'un gilet de haute visibilité, l'accident ne se serait pas produit.

La société Pacifica et M. [N] demandent ainsi que la société ACM soit condamnée à les relever et garantir intégralement de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre au profit de M. [L], de la CPAM du Puy-de-Dôme et de Mme [D] en tant que victime par ricochet.

Sur ce, si le propriétaire d'un véhicule est présumé en être le gardien, il n'est pas établi dans le cas de l'espèce que M. [L] était le propriétaire du véhicule Peugeot 207 assuré auprès de la société ACM, ce qui ne peut se déduire ni de ce que son seul nom figure sur le certificat d'immatriculation, lequel est une simple pièce administrative permettant la mise en circulation du véhicule mais ne constitue pas un titre de propriété, ni de ce que la police d'assurance a été souscrite par M. [L] qui a déclaré être le conducteur principal de ce véhicule, un simple détendeur disposant d'un intérêt d'assurance.

M. [L] et Mme [D] ayant devant les services de gendarmerie et dans leurs conclusions successivement désigné le véhicule Peugeot 207 comme étant leur second véhicule, le véhicule de Mme [D] ou encore celui de M. [L], il n'est pas démontré que le véhicule litigieux était la propriété de M. [L], de sorte que la présomption de garde ne peut trouver à s'appliquer.

Il est en revanche établi qu'après que M. [L] a regagné son domicile, Mme [D] a conduit le véhicule Peugeot 207 pour emmener son compagnon sur les lieux où le véhicule Renault Clio était tombé en panne afin de le faire redémarrer au moyen de câbles de batterie, ce que M. [L] a admis devant les services de gendarmerie.

Mme [D] qui avait l'usage, le contrôle et la direction de ce véhicule en a conservé la garde pendant le court laps de temps nécessaire aux opérations de dépannage du véhicule Renault Clio à l'issue desquelles les deux concubins devaient repartir au volant de leur véhicule respectif, M. [L], en réponse à une question des enquêteurs, ayant indiqué qu'il comptait mettre les câbles et s'en aller.

Le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, impliqué dans un accident de la circulation et son assureur condamné à réparer les dommages causés à un tiers, ne peut exercer un recours contre un autre conducteur ou gardien impliqué que sur le fondement des articles 1382 et 1251 du code civil ; dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige ; la contribution à la dette a lieu en proportion des fautes respectives ; en l'absence de faute prouvée à la charge des conducteurs impliqués, la contribution se fait entre eux par parts égales.

Il convient ainsi pour statuer sur la contribution à la dette d'indemnisation des préjudices subis par M. [L] de rechercher si Mme [D], gardienne du véhicule Peugeot 207 impliqué dans l'accident et M. [N], conducteur du véhicule Opel Astra également impliqué ont commis des fautes en lien avec l'accident.

Il y a lieu d'observer à titre liminaire que si les services de gendarmerie mentionnent avoir reçu instruction de relever les infractions visées dans leur procès-verbal à l'égard des piétons par timbre amende, l'autorité sur le civil de la chose jugée au pénal ne peut être invoquée, alors qu'il n'est justifié ni du règlement de l'amende forfaitaire ni de l'absence de contestation de celle-ci auprès du procureur de la République.

Les services de gendarmerie ont relevé dans leur synthèse des faits que l'accident s'était produit de nuit, sous une pluie légère, sur une chaussée droite, dépourvue d'éclairage public et de bas côtés.

Comme mentionné plus haut, Mme [D] a admis lors de son audition devant les services de gendarmerie que ni elle ni son compagnon n'avaient mis en place de triangles de pré-signalisation en aval et en amont du lieu de la panne et qu'ils n'étaient pas porteurs de leurs gilets réfléchissants.

Or il résulte des dispositions de l'article R. 416-19 du code de la route que lorsqu'un véhicule immobilisé sur la chaussée constitue un danger pour la circulation, notamment en cas de visibilité insuffisante, ce qui était le cas en l'espèce, le conducteur doit assurer la présignalisation de l'obstacle en faisant usage de ses feux de détresse et d'un triangle de présignalisation et revêtir un gilet de haute visibilité conforme à la réglementation lorsqu'il est amené à quitter le véhicule.

Le défaut de mise en place d'un triangle de présignalisation permettant d'avertir les automobilistes circulant sur cette voie de la présence de l'obstacle formé par les deux véhicules en stationnement sur le bord droit de la chaussée dépourvue de bas-côtés et le fait que Mme [D], sortie du véhicule Peugeot 207 dont elle était précédemment la conductrice n'ait pas porté de gilet de haute visibilité permettant de signaler la présence de piétons sur la chaussée constituent des fautes ayant contribué à la réalisation de l'accident et du dommage qui en est résulté pour M. [L], étant observé que si Mme [D] a actionné ses feux de détresse, M. [L] a précisé que ceux-ci n'étaient pas visibles par l'automobiliste qui les avaient percutés en raison de la présence du véhicule Renault Clio qui les masquaient.

S'agissant des fautes imputées à M. [N], ce dernier a déclaré devant les gendarmes que le jour de l'accident, il pleuvait, qu'il faisait nuit, et que la route n'était pas éclairée, que n'ayant pas regardé son compteur, il ne pouvait indiquer la vitesse exacte à laquelle il circulait mais qu'en raison des conditions climatiques, il roulait à allure modérée et de manière extrêmement prudente.

Il a exposé que peu après la sortie du village de [Localité 18], il avait aperçu au dernier moment une masse sombre surgir devant lui, qu'il avait pilé et tenté de l'éviter en tournant son volant vers la gauche mais que le choc s'était produit.

Mme [Y], passagère avant du véhicule conduit par M. [N] a déclaré qu'ils circulaient sur une ligne droite, qu'il pleuvait beaucoup et qu'il n'y avait pas d'éclairage public, que la visibilité était très limitée et que soudain, ils avaient vu en face d'eux deux véhicules arrêtés sur la chaussée, que son frère, M. [N], avait essayé de freiner mais en vain, que leur véhicule avait glissé et percuté le premier véhicule à l'arrêt au niveau de l'arrière droit.

Nonobstant les déclarations de Mme [D] selon lesquelles le véhicule Opel Astra de M. [N] arrivait «assez vite vers eux» qu'aucun élément de preuve ne vient corroborer, les constatations objectives de l'enquête pénale ne permettent pas d'établir que ce dernier circulait à une vitesse excessive ou inadaptée aux conditions météorologiques, aux conditions de la circulation et aux obstacles prévisibles.

De même l'affirmation suivant laquelle d'autres conducteurs seraient parvenus à éviter les véhicules en stationnement résultent des seules déclarations de M. [L] et de Mme [D] qui ne sont étayées par aucun élément objectif de l'enquête.

Dans ces conditions, il ne peut être reproché à M. [N] d'avoir omis de demeurer maître de sa vitesse ou d'avoir manqué de prudence en ne parvenant à éviter l'obstacle que constituait la présence inopinée sur sa voie de circulation de deux véhicules à l'arrêt, alors qu'aucun triangle de présignalisation n'avait été positionné en amont pour avertir les automobilistes de cet obstacle, qu'il faisait nuit, que la route était dépourvue d'éclairage public et que de l'aveu même de M. [L] les feux de détresse du véhicule Renault Clio ne fonctionnaient pas et que compte tenu de son positionnement ce véhicule masquait les feux de détresse du véhicule Peugeot 207.

Il n'est davantage établi au vu des éléments qui précèdent que M. [N] ait contrevenu aux dispositions de l'article R. 412-6 du code de la route, invoquées par la société ACM, qui imposent au conducteur d'adopter à tout moment un comportement prudent et respectueux envers les autres usagers des voies ouvertes à la circulation et de se tenir constamment en état et en positions d'exécuter commodément et sans délai toutes les manoeuvres qui lui incombent.

Seule Mme [D], gardienne du véhicule Peugeot 207 ayant commis une faute, la société ACM, assureur de ce véhicule est, dans ses rapports avec la société Pacifica, assureur du véhicule Opel Astra conduit par M. [N], tenue de supporter intégralement la charge finale de l'indemnisation du préjudice corporel de M. [L].

La société ACM doit ainsi être condamnée à garantir la société Pacifica et M. [N] de l'ensemble des condamnations prononcées à leur encontre au profit de M. [L] et des tiers payeurs subrogés dans ses droits.

En revanche, s'agissant de la contribution à la dette d'indemnisation de Mme [D], il convient de rappeler que le coauteur d'un accident condamné à indemniser une victime de cet accident restée gardienne de son véhicule impliqué ne peut recourir contre elle et son assureur en remboursement des sommes qu'il a dû lui verser.

Mme [D] étant restée gardienne du véhicule Peugeot 207 impliqué dans l'accident, il en résulte que la société Pacifica et M. [N], ne disposent d'aucun recours contre la société ACM, assureur de ce véhicule, pour obtenir le remboursement des sommes versées à cette dernière en réparation de ses préjudices directs ou par ricochet.

La société Pacifica et M. [N] seront dès lors déboutés de leur demande tendant à voir condamner la société ACM à les garantir des condamnations prononcées à leur encontre au profit de Mme [D].

Le jugement sera infirmé.

Sur les demandes d'expertise et de provision de M. [L]

Il résulte des pièces médicales versées aux débats, notamment des comptes rendus opératoires et de l'expertise amiable réalisée 24 mars 2017, que M. [L] a présenté à la suite de l'accident du 1er juin 2016 un polytraumatisme des membres inférieurs avec fractures multiples complexes des deux os des jambes droite et gauche avec un important délabrement cutané à gauche ayant nécessité de multiples interventions chirurgicales.

Compte tenu de ces éléments, il convient de confirmer le jugement qui a ordonné une mesure d'expertise médicale de M. [L] au contradictoire de toutes les parties, y compris la société ACM, avec mission d'usage et condamné la société Pacifica à verser à M. [L] une indemnité provisionnelle d'un montant de 30 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice corporel.

Sur la demande de provision de Mme [D] en sa qualité de victime par ricochet

Mme [D] qui invoque notamment les angoisses ressenties à la vue des souffrances de son compagnon, les incertitudes et inquiétudes liées à la gravité de ses lésions, à l'évolution de son état de santé et à la perspective d'une amputation de ses jambes pendant de nombreuses semaines conclut à la confirmation du jugement qui a condamné la société Pacifica à lui verser une provision de 2 500 euros à valoir sur son préjudice personnel.

La cour s'est déjà prononcée par les motifs qui précèdent et auxquels il convient de se reporter sur le droit à indemnisation intégrale de Mme [D], contesté par la société Pacifica.

Celle-ci avance en outre pour s'opposer à la demande, d'une part que l'appréciation du préjudice de la victime indirecte ne peut être faite qu'après la consolidation de la victime directe, d'autre part que la preuve de ce que les conditions d'existence de Mme [D] ont été troublées au point de caractériser un préjudice moral ne serait pas rapportée.

Sur ce, contrairement à ce que soutient la société Pacifica l'absence de consolidation des lésions de M. [L] ne fait pas obstacle à ce qu'une provision soit allouée à Mme [D] au titre du préjudice d'affection ressenti à la vue des souffrances ressenties par son concubin, gravement blessé au niveau des membres inférieurs.

Cette provision a été justement évaluée par les premiers juges à la somme de 2 500 euros.

Sur les demandes de Mme [D] en sa qualité de victime directe

Mme [D] conclut à titre principal à l'infirmation du jugement qui a rejeté sa demande d'expertise médicale et d'allocation d'une provision à valoir sur la réparation de son préjudice corporel.

Elle fait valoir qu'elle était présente lors de l'accident du 1er juin 2016 et qu'elle a elle-même été percutée par le véhicule Opel Astra conduit par M. [N] et projetée sur le sol.

Elle précise qu'elle n'a été que légèrement blessée et n'a pas souhaité immédiatement après l'accident être hospitalisée en raison de la situation médicale critique de son compagnon, M. [L], héliporté vers le service de réanimation du centre hospitalier Henri Mondor.

Elle ajoute que seules des radiographies ont été réalisées le 13 juin 2016, lesquelles n'ont révélé aucune lésion.

A titre subsidiaire, elle demande que lui soit allouée la somme de 2 500 euros en réparation des souffrances endurées.

La société Pacifica objecte que Mme [D] ne produit aucune pièce établissant qu'elle a été blessée à la suite de l'accident du 1er juin 2016, fût-ce légèrement, et conclut à la confirmation du jugement qui l'a déboutée de ses demandes.

Sur ce, les services de gendarmerie ont relevé dans leur rapport de synthèse qu'à la suite de l'accident, deux piétons avaient été projetés au sol, dont l'un se trouvant entre les deux véhicules arrêtés, faisant référence ainsi à Mme [D] et M. [L].

Mme [D] a exposé devant les services de gendarmerie qu'elle avait vu un véhicule arriver vers elle, et qu'après c'était le «trou noir» jusqu'à ce qu'elle se relève.

Lors de son audition, M. [L] a précisé qu'il n'avait pas perdu connaissance à la suite de la collision, que sa compagne avait été poussée par les voitures entrechoquées et avait eu les coudes et les genoux éraflés.

Si Mme [D] ne verse aux débats aucun certificat médical contemporain de l'accident mais seulement le compte rendu des résultats d'une radiographie du rachis cervical réalisée le 13 juin 2016 qui n'a mis en évidence aucune lésion osseuse post traumatique d'allure récente, les éléments de l'enquête pénale précités permettent d'établir qu'elle a été projetée au sol lors de l'accident, les déclarations de M. [L] relatives aux lésions cutanées mineures générées par cette chute étant corroborées par les constatations des gendarmes relatives aux circonstances de l'accident.

La cour est en mesure d'évaluer les conséquences dommageables de l'accident subi par Mme [D] sans qu'il ait lieu d'ordonner une mesure d'expertise médicale et de fixer la date de consolidation de son état de santé au 13 juin 2016, date de réalisation de la radiographie du rachis ayant permis de constater l'absence de lésion cervicale.

Compte tenu du caractère limité des lésions initiales caractérisées par de simples éraflures, mais également du choc émotionnel lié à l'accident, il convient d'évaluer le poste de préjudice des souffrances endurées dont seule l'indemnisation est réclamée à la somme de 2 500 euros.

Le jugement sera infirmé.

Sur le doublement du taux de l'intérêt légal

Les premiers juges, après avoir relevé que la société Pacifica n'avait présenté aucune offre d'indemnisation provisionnelle à M. [L] dans le délai de huit mois à compter de l'accident, ont jugé que les provisions allouées à ce dernier et à Mme [D], en sa qualité de victime par ricochet, porteraient intérêts de plein droit au double du taux légal jusqu'au jour du jugement devenu définitif.

M. [L] et Mme [D] concluent à la confirmation de ces dispositions, étant observé que Mme [D] ne formule dans le dispositif de ses conclusions d'appel qui seul saisit la cour aucune prétention relative au doublement du taux de l'intérêt légal concernant la réparation de son préjudice corporel.

L'application par les premiers juges de la pénalité prévue à l'article L. 211-13 du code des assurances concernant l'indemnisation du préjudice corporel de M. [L] et celle du préjudice par ricochet de Mme [D] est prématurée dans la mesure où, à la supposer encourue, son assiette et son terme ne pourront être déterminés qu'après la liquidation des préjudices.

Le jugement sera en conséquence infirmé sur ce point et la demande d'application de cette pénalité sera réservée dans l'attente de la liquidation des préjudices par les premiers juges.

Sur le recours de la CPAM du Puy-de Dôme

Il convient de recevoir l'intervention volontaire de la CPAM du Puy-de-Dôme qui justifie avoir été désignée par décision du directeur général de la caisse nationale maladie en date du 1er janvier 2020 pour prendre en charge l'activité recours contre tiers relative aux assurés travailleurs indépendants aux lieux et place de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants à laquelle M. [L] était affiliée à la suite de la réforme issue de la loi n° 2017-18336 de financement de la sécurité sociale pour l'année 2018 qui a progressivement intégré ces assurés sociaux au régime général.

La CPAM du Puy-de-Dôme sollicite la condamnation in solidum M. [N], de la société Pacifica et de la société ACM à payer à lui payer les sommes provisoires de 111 884,38 euros en remboursement des prestations en nature servies à M. [L] avant consolidation, avec intérêts de droit à compter de sa première demande en justice le 20 juillet 2018 et capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil et de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

En application des dispositions des articles 29 à 31 de la loi du 5 juillet 1985, il est nécessaire pour statuer sur le recours subrogatoire de la CPAM du Puy-de-Dôme d'évaluer préalablement, poste par poste, les préjudices de la victime sur lesquels les prestations servies doivent s'imputer et de déterminer en particulier au vu des conclusions à venir de l'expertise médicale ordonnée par les premiers juges les dépenses de santé en lien de causalité direct et certain avec l'accident dont a été victime M. [L] le 1er juin 2016.

Les demandes de la CPAM du Puy-de-Dôme, venant aux droits de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, sont ainsi prématurées et le jugement qui les a réservées dans l'attente du dépôt de ce rapport sera confirmé.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

Les sociétés Pacifica et ACM qui succombent partiellement dans leurs prétentions supporteront la charge des dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer à M. [L] et Mme [D] une indemnité globale de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour et de rejeter les demandes de la société Pacifica, de la société ACM et de la CPAM du Puy-de-Dôme formulées au même titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,

- Confirme le jugement, hormis en ce qu'il a débouté Mme [V] [D] de ses demandes en qualité de victime directe, condamné la société ACM IARD à garantir la société Pacifica à hauteur de 40 % des condamnations prononcées à son encontre ainsi qu'en ses dispositions relatives à l'application de la sanction prévue à l'article L. 211-13 du code des assurances,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Reçoit la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme en son intervention volontaire,

- Condamne la société Pacifica à indemniser intégralement M. [I] [L] et Mme [V] [D] des préjudices consécutifs à l'accident de la circulation du 1er juin 2016,

- Condamne la société Pacifica à payer à Mme [V] [D] la somme de 2 500 euros au titre des souffrances endurées,

- Réserve les demandes de M. [I] [L] et Mme [V] [D] relatives à l'application de la pénalité prévue à l'article L. 211-13 du code des assurances dans l'attente de la liquidation de leurs préjudices par le tribunal,

- Dit que dans ses rapports avec la société Pacifica, la société ACM IARD est tenue de supporter intégralement la charge finale de l'indemnisation du préjudice corporel de M. [I] [L].

- Condamne, en conséquence, la société ACM IARD à garantir la société Pacifica et M. [N] de l'ensemble des condamnations prononcées à leur encontre au profit de M. [I] [L] et des tiers payeurs subrogés dans ses droits,

- Déboute la société Pacifica et M. [N] de leur demande tendant à voir condamner la société ACM à les garantir des condamnations prononcées à leur encontre au profit de Mme [D],

- Condamne in solidum en application de l'article 700 du code de procédure civile la société Pacifica et la société ACM IARD à payer à M. [I] [L] et Mme [V] [D] la somme globale de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour,

- Rejette les demandes de la société Pacifica, de la société ACM IARD et de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne in solidum les sociétés Pacifica et ACM aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 20/07412
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;20.07412 ?
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