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09/06/2022 | FRANCE | N°18/27150

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 09 juin 2022, 18/27150


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 9



ARRET DU 09 JUIN 2022



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/27150 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B62J3



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Novembre 2018 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 18/09657





APPELANTE



S.A ELECTRICITE ET EAUX DE MADAGASCAR (E.E.M)

anciennement dénommée S.A VIKTORIA INVEST


[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056, avocat postulant

Représentée par Me Phili...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRET DU 09 JUIN 2022

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/27150 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B62J3

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Novembre 2018 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 18/09657

APPELANTE

S.A ELECTRICITE ET EAUX DE MADAGASCAR (E.E.M)

anciennement dénommée S.A VIKTORIA INVEST

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056, avocat postulant

Représentée par Me Philippe SAIGNE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0223 et par par Me Jérôme BARBIER, avocat au barreau de PARIS, toque : E0129, avocats plaidants

INTIME

Monsieur [U] [X]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 9]

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représenté par Me Vincent RIBAUT de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010, avocat postulant

Représenté par Me Edouard RIGAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : A0075, avocat plaidant

PARTIES INTERVENANTES VOLONTAIRES

Maître [P] [T], pour la SCP [T] DAUDE

en qualité de mandataire judiciaire de la SA ELECTRICITE ET EAUX DE MADAGASCAR

[Adresse 3]

[Localité 6]

Maître [Z] [F], pour la SCP [F] PARTNERS

en qualité d'administrateur judiciaire de la SA ELECTRICITE ET EAUX DE MADAGASCAR

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentés par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056, avocat postulant

Représentés par Me Philippe SAIGNE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0223 et par par Me Jérôme BARBIER, avocat au barreau de PARIS, toque : E0129, avocats plaidants

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Sophie MOLLAT, Présidente

Madame Isabelle ROHART, Conseillère

Madame Déborah CORICON, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Sophie MOLLAT, Présidente et par Madame FOULON, Greffière .

**********

Exposé des faits et de la procédure

Monsieur [X] était associé de la société VIKTORIA INVEST devenue depuis ELECTRICITE ET EAUX DE MADAGASCAR et a été du 12 juillet 2000 au 24 juin 2015 PDG de la société puis du 24.06.2015 jusqu'au 15.02.2017, date de sa démission, président du conseil d'administration.

Le 3.04.2017 il démissionnait également de ses fonctions d'administrateur de la société.

La société VIKTORIA INVEST détenait 75% des parts de la société de droit cambodgien VICTORIA ANGKOR COMPANY LTD qui exploiteun hôtel à SIAM REAP au CAMBODGE, les 25% restant étant détenus à hauteur de 23% par Monsieur [S] [V] et de 2% par Monsieur [A] [C].

Monsieur [X] était président du conseil d'administration de la société VICTORIA ANGKOR COMPANY LTD jusqu'à sa démission le 18.06.2015. Il a démissionné de ses fonctions d'administrateur de la société le 3.04.2017.

Un protocole d'accord a été signé entre d'une part Monsieur [X] et la société VERNEUIL PARTICIPATIONS dont il est le gérant et d'autre part la société VIKTORIA INVEST le 3.04.2017.

La société ELECTRICITE ET EAUX DE MADAGASCAR anciennement VIKTORIA INVEST a assigné Monsieur [X] devant le tribunal de grande instance de Paris pour voir constater l'engagement souscrit par celui ci, aux termes du protocole d'accord du 3.04.017, d'apporter à la société toute l'assistance pour rendre effective la décision de démission de ses fonctions de président du conseil d'administration de VICTORIA ANGKOR tout comme sa démission de ses fonctions d'administrateur de cette société et pour qu'il soit donc enjoint à Monsieur [X] de confirmer personnellement et directement au ministère du commerce cambodgien (MCC) et au CDC (investissements étrangers au Cambodge) et à toutes les autorités publiques en charge des formalités relatives au droit des sociétés qu'il n'est plus le représentant légal de la société de droit cambodgien VICTORIA ANGKOR et ce éventuellement en se déplaçant sur place et sous astreinte.

Par décision du 5.11.2018 le TGI de Paris a débouté la société demanderesse de l'intégralité de ses demandes.

Par arrêt du 4.04.2019 la cour d'appel infirmait le jugement et statuant à nouveau enjoignait à Monsieur [X] d'accomplir toutes formalités aux fins de publication de sa démission de ses fonctions de président du conseil d'administration de la société cambodgienne VICTORIA ANGKOR et notamment de confirmer personnellement et directement au ministère du commerce cambodgien (MDC) et au CDC (investissements étrangers au Cambodge) et toutes les autorités publiques en charge des formalités relatives au droit des sociétés qu'il n'est plus le représentant légal de la société de droit cambodgien VICTORIA ANGKOR COMPANY LTD, y compris en se rendant sur place si cette démarche s'avère nécessaire ou utile au regard des vérifications d'usage pour l'accomplissement de cette formalité administrative dans ce pays et de justifier de ces démarches à la société VIKTORIA INVEST en sa qualité d'actionnaire majoritaire de la société cambodgienne VICTORIA ANGKOR COMPANY LTD.

La cour a dit que ces formalités devront être accomplies dans un délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt, sous astreinte, passé ce délai de 10.000 euros par jour de retard et s'est réservée la liquidation éventuelle de l'astreinte.

Enfin la cour a condamné Monsieur [X] au paiement de la somme de 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à l'égard de la société VICKTORIA INVEST.

La cour retenait que le protocole d'accord du 3.04.2017 ne pouvait être qualifié de transaction, et qu'il contenait deux séries autonomes d'engagements: d'une part un engagement d'échange d'actions et d'autre part un engagement de Monsieur [X] d'assistance aux formalités au Cambodge relatives à l'enregistrement de sa démission de président du conseil d'administration de la société Victoria Angkor et un engagement de démissionner de l'ensemble de ses mandats sociaux, sans que l'engagement d'assistance soit la contrepartie de l'échange d'actions projeté.

La cour a en conséquence enjoint Monsieur [X] à exécuter son obligation de faire concernant l'engagement d'assistance.

Par arrêt du 6.02.2020 la cour, saisi par EEM en liquidation d'astreinte faute d'exécution de l'obligation de faire par Monsieur [X], a:

- condamné Monsieur [U] [X] à payer à la société ELECTRICITE ET EAUX DE MADAGASCAR (EEM) la somme de 1.400.000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte

- condamné Monsieur [U] [X] à payer à la société EEM la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné Monsieur [U] [X] aux dépens.

La cour, pour faire droit à la demande de liquidation d'astreinte, après avoir pris connaissance des documents produits aux débats par Monsieur [X] au soutien de la mise en oeuvre de l'obligation de faire ordonnée par la cour, a retenu qu'il en ressortait que les démarches accomplies par Monsieur [X] ne l'avaient pas été de bonne foi et dès lors a constaté que celui ci ne rapportait pas la preuve des diligences qu'il avait effectuées pour exécuter l'arrêt de la cour d'appel de PARIS.

Par requête signifiée par voie électronique le 7.01.2021, la société EMM a de nouveau saisi la cour en liquidation d'astreinte pour la somme de 4.130.000 euros.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 12.04.2021 Monsieur [X] a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité.

Par citation en date du 13.04.2021 Monsieur [X] a introduit devant la cour une instance en révision.

Par ordonnance en date du 7.02.2020 Me [R] a été désigné en qualité d'administrateur provisoire d'EEM, mission prorogée par ordonnances en date du 20.08.2020 et 19.02.2021 jusqu'au 7.08.2021.

L'assemblée générale de la société EEM a désigné le 23.07.2021 un nouveau conseil d'administration et Mme [E] par la suite a été désignée en qualité de président du conseil d'administration et directeur général.

Par jugement en date du 15.04.2020 le tribunal de commerce de PARIS a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société EEM et a désigné la SCP [F] PARTNERS, prise en la personne de Maître [Z] [F] en qualité d'Administrateur Judiciaire avec mission d'assistance et la SCP [T]-DAUDÉ, prise en la personne de Maître [P] [T] en qualité de Mandataire Judiciaire. La période d'observation a été prorogée à plusieurs reprises et pour une ultime durée de 6 mois expirant le 15.01.2022.

Par arrêt en date du 6.01.2022 la cour a débouté Monsieur [X] de sa demande de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité concernant les articles L 131-3 et R 131-2 du code des procédures civiles d'exécution et a laissé les dépens à sa charge.

Par arrêt en date du 20.01.2022 statuant sur la demande de révision, la cour a:

- débouté Monsieur [X] de sa demande de révision

- condamné Monsieur [X] à payer à la société ELECTRICITE ET EAUX DE MADAGASCAR la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné Monsieur [X] à une amende civile de 10.000 euros

- condamné Monsieur [X] aux dépens.

Aux termes de leurs conclusions signifiées par voie électronique le 23.02.2022 dans le cadre de la nouvelle demande de liquidation d'astreinte introduite, la société ELECTRICITE ET EAUX DE MADAGASCAR- E.E.M., anciennement dénommée 'VIKTORIA INVEST' assistée de la SCP [F] PARTNERS, prise en la personne de Maître [Z] [F], en qualité d'Administrateur Judiciaire et de la SCP [T]-DAUDÉ, prise en la personne de Maître [P] [T], en qualité de Mandataire Judiciaire, intervenantes volontaires, demandent à la cour de:

-REJETER la demande de sursis à statuer faite par Monsieur [U] [X],

-REJETER la demande de sommation de communiquer sous astreinte de la procédure

initiée au Cambodge le 8 février 2021 ;

-JUGER que Monsieur [U] [X] ne s'est pas exécuté de l'obligation de faire qui

lui incombait,

-JUGER tout au contraire que Monsieur [U] [X], à rebours de cette obligation

et des décisions susvisées, s'active localement pour rendre pleinement effective une

modification statutaire lui permettant d'être enregistré auprès du MOC (Ministry of

Commerce) et du CDC (The Council for development of Cambodia) comme le seul et

unique représentant légal de la société VICTORIA ANGKOR LTD et qu'il continue à se

comporter au vu et au su des tiers comme le dirigeant de la société,

En Conséquence,

-CONDAMNER Monsieur [U] [X], sauf à parfaire, à payer à la société

ELECTRICITE ET EAUX DE MADAGASCAR la somme de 710 X 10.000 euros soit 7.100.000 euros à titre de liquidation de I'astreinte pour la période du 6 décembre 2019 au 22 février 2022,

-JUGER que la société ELECTRICITE ET EAUX DE MADAGASCAR pourra, s'agissant d'une astreinte qui n'est pas limitée dans le temps, revenir autant de fois que nécessaire afin

de liquidation pour une période ultérieure dès lors que l'obligation continuerait à ne pas

être exécutée,

-REHAUSSER le montant de I'astreinte journalière initialement fixée, à la somme de

20.000 Euros parjour à compter de la signification de la décision à intervenir.

-CONDAMNER Monsieur [U] [X] à payer à la société ELECTRICITE ET EAUX DE MADAGASCAR la somme de 50.000 Euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile

-CONDAMNER Monsieur [U] [X] aux entiers dépens dont distraction, pour

ceux la concernant, au profit de Me Patricia HARDOUIN - SELARL 2H AVOCATS et ce, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 1.10.2021 Monsieur [U] [X] demande à la cour de:

IN LIMINE LITIS

- SURSOIR A STATUER en attendant la fin de la procédure de révision et en attendant que la juridiction pénale ait rendu une décision définitive concernant la procédure d'escroquerie au jugement

à TITRE PRINCIPAL

- DEBOUTER la société EEM-VIKTORIA INVEST de l'ensemble de ses demandes

- JUGER que la société EEM ne prend pas en compte la périodejuridiquement protégée

- JUGER que Monsieur [U] [X] a rempli toutes les obligations mises à sa charge par I'arrêt de la Cour d'Appel de PARIS du 4 avril 2019,

A DEFAUT

- JUGER que Monsieur [U] [X] rencontre des difficultés pour faire modifier les statuts eu égard aux blocages mis en place par la société EEM-VIKTORIA INVEST auprès des autorités administratives cambodgiennes

- JUGER que la société EEM-VIKOTRIA INVEST n'engage pas les actions légales au CAMBODGE préalablement aux demandes faites à Monsieur [U] [X]

En conséquence

- JUGER qu'il n'y a pas lieu àla demande de liquidation d'astreinte

- JUGER que Monsieur [X] a rempli ses obligations depuis le 18 juin 2015

- METTRE fin à I'astreinte prononcée par l'arrêt du 4 avril 2019

A TITRE SUBSIDAIRE

- DESIGNER tel magistrat qu'il plaira à la Cour pour se transporter au CAMBODGE pour évaluer et apprécier personnellement les difficultés rencontrées par Monsieur [U] [X]

A TITRE INFINIMENT SUBSIDAIRE

Si la Cour de céans venait à refuser un transport au CAMBODGE Monsieur [U] [X] demande à ce que ladite Cour désigne tout expert qui lui plaira avec pour mission de :

- Se déplacer au CAMBODGE

- Rencontrer les autorités administratives et judiciaires du CAMBODGE selon la liste qui sera communiquée par Monsieur [U] [X] pour constater les démarches effectuées par lui et enregistrer les réponses qui lui seront apportées quant aux démarches et les modifications des statuts de la société

- Dire que l'expert sera accompagné par une personne que la majorité simple des actionnaires aura désignée.

- Dire que l'expert devra faire rapport de ses constations à la Cour de céans dans un délai de quinze jours à compter de sa désignation et ce afin de permettre à la juridiction de se prononcer.

- Fixer la provision à valoir sur les frais de l'expert à qui il appartiendra

EN TOUT ÉTAT DE CAUSE

- CONDAMNER la société EEM/VIKTORIA INVEST à la somme de 60.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- CONDAMNER la société EEM/VIKTORIA INVEST aux entiers dépens dont distraction pour ceux le concernant au profit de Maître Vincent RIBAUT, et ce conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les courriers et les pièces adressées à la cour par Monsieur [X] après l'ordonnance de clôture

Monsieur [X] après l'ordonnance de clôture mais avant l'audience de plaidoirie, a adressé à la cour un courrier en date du 22.03.2022 accompagné de diverses pièces.

Il convient de déclarer irrecevable les dites pièces communiquées postérieurement à la date de l'ordonnance de clôture. Le fait qu'elles soient datées du mois de mars 2022 et n'aient pas pu être communiquées en conséquence avant l'ordonnance de clôture démontre en outre qu'elles sont sans effet pour rapporter la preuve de l'exécution de l'obligation mise à la charge de Monsieur [X] par l'arrêt du 4.04.2019, à la date du 22.02.2022, date limite à laquelle la demanderesse a fait courir sa demande d'astreinte, étant précisé que lesdites pièces ne rapportent pas la preuve de la transcription de la démission de Monsieur [X] de la direction de la société [D] auprès des autorités cambodgiennes.

Les pièces produites après l'audience de plaidoirie et pendant le cours du délibéré par Monsieur [X] sont également déclarées irrecevables faute pour la cour d'avoir autorisé Monsieur [X] à procéder aux dites communications de pièces.

Sur la demande de sursis à statuer

La société EEM expose que la cour a rejeté la demande en révision de Monsieur [X] de sorte que le sursis à statuer fondé sur ce recours est désormais sans objet.

Elle expose que s'agissant de la citation directe pour escroquerie au jugement l'article 4 du code de procédure pénale dispose en son troisième alinéa que la mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil, et que dès lors, il n'existe aucune raison valable pour que la Cour sursoit à statuer dans la présente instance du fait de la citation directe introduite par Monsieur [X] contre EEM pour une prétendue escroquerie au jugement.

Monsieur [X] demande le prononcé d'un sursis à statuer au regard de la procédure de révision introduite devant la cour et de la procédure pénale en cours faisant valoir qu'il a fait citer la société EEM pour escroquerie au jugement devant le tribunal correctionnel de PARIS.

Les conclusions de Monsieur [X] n'ont pas été réactualisées après qu'ait été rendu l'arrêt concernant la révision et après qu'il se soit désisté de la procédure correctionnelle en conséquence de l'arrêt rendu sur la révision ainsi qu'il l'a déclaré à l'audience.

Les causes qui justifiaient pour Monsieur [X] le prononcé d'un sursis à statuer ayant disparu il ne convient pas de le prononcer.

Sur la sommation de communiquer sous astreinte la procédure initiée au Cambodge le 8 février 2021

EEM demande le rejet de la demande de communication sous astreinte de la procédure initiée au Cambodge le 8.02.2021.

Monsieur [X] ne conclut pas sur cette demande.

La Cour constate que Monsieur [X] ne demande pas dans ses conclusions la communication de la procédure initiée au Cambodge d'une part et d'autre part n'a pas saisi le conseiller de la mise en état d'un incident de communication de pièces et enfin que la procédure initiée au Cambodge a abouti à une décision le 27.05.2021, de telle sorte que cette demande est sans objet.

Sur la demande de liquidation d'astreinte

La société EEM expose que la Cour de Cassation a posé le principe, en présence d'une obligation de faire, que la preuve de l'inexécution ou du retard d'exécution n'incombe pas au créancier mais qu'il appartient au débiteur d'apporter la preuve qu'il a déféré à l'injonction du juge s'iI entend éviter la liquidation de I'astreinte, que si le juge de la liquidation n'a pas le pouvoir de modifier le dispositif de la décision qui a prononcé l'astreinte il lui est en revanche reconnu, pour apprécier l'exécution alléguée ou contestée du débiteur, la possibilité d'interpréter la décision pour vérifier que l'esprit en est respecté.

Elle indique que Monsieur [X] depuis 2015 date à laquelle il a démissionné de ses fonctions de président du conseil d'administration de la société de droit cambodgien VICTORIA ANGKOR COMPANY LTD, continue à se comporter comme le dirigeant de la société et à ce titre transfère des fonds à son profit et contracte des emprunts à des taux d'intérêt prohibitifs de 3% par mois et fait échec à toute tentative de régularisation de la situation auprès des autorités cambodgiennes.

Elle souligne qu'encore très récemment à l'occasion d'une audience le 28.01.2022 devant le tribunal de première instance de la province de Siem Reap l'avocat de Monsieur [X] a fondé en partie son argumentatin sur le droit dont disposerait Monsieur [X] de gérer [D], ce qui démontre un absence de volonté d'exécuter l'arrêt du 4.04.2019.

Elle expose que cette absence de volonté découle d'une part de l'arrêt du 2.03.2021 rendu par la Cour d'Appel de PHNOM PENH dont la procédure aurait du permettre à Monsieur [X] de faire acter son retrait et surtout de l'ordonnance rendue par le tribunal de SIEM REAP le 27 mai 2021 qui démontre elle aussi le caractère parfaitement inexact des propos de Monsieur [X] puique EEM a initié ce contentieux devant les juridictions cambogiennes afin que celles ci reconnaissent qu'elle était actionnaire unique de [D] et que la gestion de la société et de l'hôtel soit confiée à une personne choisie par elle et non à Monsieur [X] et ce dernier, par l'intermédiaire de son avocat s'est opposé aux demandes d'EEM.

Elle indique également que Monsieur [X] a formé opposition le 10.06.2021 à une ordonnance du tribunal de SIEM REAP en date du 3.05.2021 qui a octroyé une saisie conservatoire de l'actif foncier de la société VIKTORIA ANGKOR ESTATE en faveur de la société EEM.

Elle rappelle que contrairement à ce que soutient Monsieur [X] et comme il a été jugé par la cour dans son arrêt ordonnant l'astreinte, sa démission n'est pas la contrepartie d'un échange d'actions.

Elle conclut qu'il existe une volonté manifeste de Monsieur [X] de braver les arrêts de la cour et de poursuivre coute que coute ses projets sur le territoire cambodgien pour spolier la société EEM de son principal actif, qu'en conséquence de ce comportement il conviendra de relever le montant de l'astreinte journalière.

Monsieur [X] fait valoir que l'ordonnance du 24.03.2020 a modifié le calcul des délais portant sur les astreintes et les clauses pénales, résolutoires et de déchéance et a suspendu pendant la période juridiquement protégé jusqu'au 24 juin 2020 les astreintes ayant déjà pris effet, que la société EEM tente d'obtenir une liquidation d'astreinte sur une période impossible et qu'il conviendra de ne pas prendre en compte 99 jours.

Il indique que par ailleurs le CAMBODGE a fixé des règles draconiennes pour les voyageurs étrangers du fait du COVID 19.

Il expose qu'il démontre qu'il a respecté ses obligations mais qu'il ne peut obtenir des autorités cambodgiennes le changement demandé puisqu'il existe une situation de blocage au CAMBODGE ne lui permettant pas de faire enregistrer sa démission malgré tous ses efforts.

Il indique ainsi en reprenant l'ensemble des démarches depuis sa démission en 2015:

- qu'il a démissionné au profit de [A] [O] en 2015 et qu'il appartenait donc à celui ci de procéder aux modifications puisqu'il détenait seul le pouvoir de le faire

- qu'il réitérait sa démission par courrier du 3.04.2017

- que la Cour Suprême du CAMBODGE a confirmé dans son arrêt un arrêt de la cour d'appel de PHONM PENH du 27.11.2017 qui avait à l'époque confié la direction de la société à Monsieur [X] sans que Monsieur [O] et la société EEM-VI ne réagissent en effectuant les démarches nécessaires auprès des autorités administratives et judiciaires cambodgiennes

- que Mme [E] a pu constater à l'époque que les autorités cambodgiennes avaient refusé tout changement des statuts de [D]

- qu'il s'est rendu sur place pour confirmer sa décision et opérer les modifications nécessaires en compagnie de Monsieur [Y] et de Madame [E] sans succès

- que Monsieur [J] qui a succédé à Monsieur [O] dans la direction de [D] n'a pas effectué les démarches nécessaires et au contraire est l'auteur de la situation de blocage actuelle par le simple non-respect des procédures cambodgiennes

- qu'il ne pourra cependant pas obtenir de modification des statuts sans une intervention préalable de la société EEM-VK conformément au droit cambodgien et aux instructions des autorités locales mais que la société EEM agit de mauvaise foi,

- qu'il ressort des différents documents qu'il produit que les autorités judiciaires cambodgiennes reconnaissent elles-mêmes que la démission de Monsieur [U] [X] ne pourra être effective qu'une fois que les procédures judiciaires locales

concernant la société [D] et VAE seront terminées

- qu'en effet pour rajouter une complication la société EEM prise en la personne de son administrateur provisoire a introduit le 8 février 2021 devant le tribunal de SIEM REAP une action tendant à obtenir des mesures conservatoires tendant à interdire à Monsieur [X] de procéder à toutes actions concernant la société [D].

Il conclut qu'il ne peut pas remplir l'obligation mise à sa charge par I'arrêt du 4 avril 2019 eu égard aux blocages engendrés par les actions anarchiques tant des associés que de la société EEM-VIKTORIA INVEST auprès des autorités cambodgiennes, outre le fait que Monsieur [A] [O] est le seul habilité à ce jour à remplir cette obligation et qu'à l'évidence la société EEM-VIKTORIA INVEST n'entend pas agir conformément au droit local pour obtenir la modification des statuts de la société [D] et permettre à Monsieur [U] [X] de faire acter sa démission auprès du MOC et du CdC.

Comme le rappelait la Cour dans son arrêt du 6.02.2020 la charge de la preuve de l'exécution d'une obligation de faire assortie d'une astreinte pèse sur le débiteur de l'obligation.

Il appartient en conséquence à Monsieur [X] d'apporter la preuve de l'accomplissement des formalités nécessaires au regard du droit cambodgien pour rendre sa démission effective.

Or force est de constater que Monsieur [X] ne produit aucune pièce rapportant la preuve des diligences qu'il aurait effectué suite à l'arrêt du 6.02.2020 pour rendre sa démission effective.

La situation sanitaire mondiale en raison de la pandémie due à la COVID 19 ne peut justifier le fait que deux ans après l'arrêt du 6.02.2020, au 22.02.2022 date de l'ordonnance de clôture les formalités n'étaient toujours pas effectives étant précisé que Monsieur [X] ne verse aux débats aucun document rapportant la preuve de la durée du confinement au Cambodge, ou de la durée de fermeture des services administratifs sinon un article de presse dont il tire de fausses conséquences dans ses conclusions en soutenant que les personnes véhiculant le virus peuvent être condanmées à une peine d'emprisonnement de 5 ans à 20 ans alors que ladite peine est susceptible en réalité de s'appliquer aux personnes qui ne respectent pas les consignes sanitaires.

La pandémie et le confinement instauré dans la plupart des pays ne peuvent donc constituer une excuse légitime à l'absence de formalités pour faire transcrire sa démission pendant deux ans, et seule une durée de 99 jours devra être écartée si la liquidation d'astreinte est ordonnée.

Monsieur [X] fait valoir des éléments antérieurs au 6.02.2020 qui ont déjà été analysés par la Cour s'agissant en particulier du déplacement de Monsieur [X], Me [L] et Mme [E] administrateur de EEM, au Cambodge en 2019, et qui ont été écartés comme ne rapportant pas la preuve de l'exécution de l'obligation de faire mise à la charge de Monsieur [X].

Cependant il convient de rappeler les constatations qu'avait alors fait la Cour après avoir pris connaissance de l'attestation de Me [L] relatant les échanges entre Monsieur [X] et plusieurs interlocuteurs du ministère du commerce et du ministère de la justice, et de l'attestation de Mme [E], à savoir:

- qu'il appartenait entre autres à la société EEM d'effectuer les démarches judiciaires nécessaires

-et que la société EEM avait proposé à Monsieur [X], par l'intermédiaire de leurs conseils respectifs, d'effectuer une démarche commune auprès des autorités cambodgiennes, démarche que Monsieur [X] avait subordonné au retrait des plaintes déposées par EEM à son encontre et que comme le fait observer la société EEM il aurait été préférable que les démarches administratives soient effectuées conjointement au Cambodge.

Fort des précisions apportées par les autorités cambodgiennes sur la nécessité d'introduire une procédure judiciaire pour faire modifier les statuts de la société VICTORIA ANGKOR s'agissant du nom du dirigeant, et de la motivation de l'arrêt de la cour d'appel en date du 6.02.2020 on aurait pu penser que Monsieur [X] aurait engagé une procédure judiciaire au Cambodge pour faire acter sa démission, seule solution au regard du fait que sa désignation procédait d'un arrêt de la Cour Suprême du Cambodge en date du 27.11.2017, ou aurait proposé à EEM l'engagement conjoint d'une telle procédure.

Or Monsieur [X] n'a engagé aucune procédure judiciaire ni seul,ni de façon commune avec EEM, alors qu'il est parfaitement informé que c'est l'unique voie qui s'offre à lui pour exécuter son obligation de faire.

Monsieur [X] rejette la responsabilité de l'absence d'engagement de procédure judiciaire sur EEM en produisant deux attestations établies par un cabinet d'avocat cambodgien, le cabinet LSMD ainsi qu'une attestation établie par sa propre avocate Me [I] le 26.03.2021. S'agissant de cette attestation elle doit être prise avec réserve au regard des liens professionnels existant entre Me [I] et Monsieur [X], mais en outre ne présente pas d'intérêt puisque Me [I] soutient que c'est l'action préventive introduite par Monsieur [A] [C] qui est la cause de ce blocage alors que l'affaire a été définitivement jugée par la cour suprême du Cambodge en 2017 s'agissant de la propriété des parts sociales de [D].

Dans l'attestation en date du 9.09.2020 Me [K] [H], du cabinet d'avocat LSMD réitère l'existence des blocages administratifs.

Dans l'attestation établie le 30.03.2021, le cabinet d'avocat LSMD LAW OFFICE indique à Monsieur [X] qu'il appartient à EEM d'engager une action devant la justice cambodgienne pour faire acter sa démission et faire désigner un nouveau dirigeant.

Cependant ces attestations qui établissent l'existence d'un blocage et la nécessité d'engager une procédure judiciaire, ce qui est connu des parties depuis 2019 tant s'agissant du blocage que de la nécessité de passer par la voie judiciaire, ne peuvent légitimer l'absence de toute démarche de la part de Monsieur [X] pour exécuter l'obligation de faire mise à sa charge par l'arrêt du 4.04.2019. En effet si on retient la position que Monsieur [X] adopte, à savoir que l'engagement de la procédure devait être effectué par EEM, il n'en demeure pas moins que dans la mesure où il lui a été enjoint par cette Cour d'accomplir toute formalités aux fins de publication de sa démission de ses fonctions de président de la société [D], il lui appartenait de proposer à EEM de saisir conjointement l'autorité judiciaire cambodgienne d'une telle demande. Or, comme il a été rappelé supra, Monsieur [X] ne rapporte pas cette preuve.

Mais pire: lorsque EEM représentée par les administrateurs: provisoire, Monsieur [R], et judiciaire, Me [F], a engagé une telle action judiciaire au Cambodge pour se voir désignée comme dirigeante de l'hôtel en lieu et place de Monsieur [X], celui ci s'est opposé à la demande effectuée par EEM ainsi qu'en rapporte la preuve l'ordonnance rendue par le tribunal de première instance de SIEM REAP le 27.05.2021 qui constitue la pièce 27 de Monsieur [X].

La preuve est établie par la lecture de cette décision que Monsieur [X], qui n'excipe d'aucune démarche pour exécuter son obligation de faire, s'est en outre opposé aux mesures engagées par EEM dans le même sens et donc à l'exécution de l'arrêt du 4.04.2019 démontrant sa parfaite mauvaise foi et sa volonté de rester dirigeant de la société VIKTORIA ANGKOR LIMITED.

Il convient en conséquence de liquider l'astreinte aux montants réclamés par EEM, qui prennent en compte une déduction de 99 jours au titre du report des astreintes autorisé par les ordonnances COVID 19.

Monsieur [X] est donc condamné à payer une astreinte de 7.100.000 euros à EEM.

La liquidation de l'astreinte pour la période courant du 6.12.2019 au 22.02.2022 n'interdit pas à EEM de saisir de nouveau la cour pour une période ultérieure dès lors que l'obligation mise à la charge de Monsieur [X] continuerait à ne pas être exécutée.

Il ne convient pas cependant de réhausser l'astreinte journalière initialement fixée au regard du montant s'appliquant d'ores et déjà.

Sur la désignation d'un membre de la cour pour évaluer les difficultés rencontrées par Monsieur [X] par un transport sur place ou la désignation de tout expert ou huissier à cette fin

La désignation d'un membre de la cour ou d'un huissier ou expert pour se rendre sur place pour évaluer les difficultés est inutile et est donc rejetée dans la mesure où la prise en compte de la démission de Monsieur [X] par les autorités cambodgiennes peut parfaitement se réaliser par une coopération judiciaire entre Monsieur [X] et EEM s'agissant pour Monsieur [X] d'acquiescer devant les autorités judiciaires, aux demandes de EEM de se voir reconnaitre comme dirigeant de l'hotel.

Sur les autres demandes

Il est inéquitable de laisser EEM supporter les frais irrépétibles engagés pour assurer sa défense et il lui est alloué la somme de 10.000 euros.

Les dépens sont mis à la charge de Monsieur [X].

PAR CES MOTIFS

Rejette la demande de prononcé d'un sursis à statuer,

Condamne Monsieur [U] [X] à payer à la société ELECTRICITE ET EAUX DE MADAGASCAR la somme de 7.100.000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par arrêt du 4.04.2019, pour la période courant du 6.12.2019 au 22.02.2022

Dit n'y avoir lieu d'augmenter le montant de l'astreinte journalière prononcée,

Déboute Monsieur [X] de sa demande de désignation d'un magistrat, d'un expert ou d'un huissier pour effectuer un transport sur les lieux,

Condamne Monsieur [X] à payer à la société ELECTRICITE ET EAUX DE MADAGASCAR la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne Monsieur [X] aux dépens.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 18/27150
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;18.27150 ?
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