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08/06/2022 | FRANCE | N°18/10263

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 08 juin 2022, 18/10263


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 08 JUIN 2022



(n° 2022/ , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/10263 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6K4S



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Mai 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F16/07195





APPELANTE



SASU ELIOR SERVICES PROPRETÉ ET SANTÉ

[A

dresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Rodolphe LOCTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0283





INTIME



Madame [J] [U] en sa qualité d'ayant-droit de M. [K] [Z] [N]

[Adres...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 08 JUIN 2022

(n° 2022/ , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/10263 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6K4S

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Mai 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F16/07195

APPELANTE

SASU ELIOR SERVICES PROPRETÉ ET SANTÉ

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Rodolphe LOCTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0283

INTIME

Madame [J] [U] en sa qualité d'ayant-droit de M. [K] [Z] [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Yves PERRIGUEUR, avocat au barreau de PARIS, toque : E1549

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 avril 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Nadège BOSSARD, conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Anne BERARD, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Anne BERARD, Présidente de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M. [Z] [N] a été engagé par la société Elior Services Propreté et Santé (ESPS) selon avenant à son contrat de travail, signé le 1er janvier 2015, en application des dispositions de l'article 7 de la convention collective des entreprises de propreté, prévoyant le transfert du contrat de travail à la suite de l'attribution à ESPS du marché de nettoyage du site sur lequel il était affecté.

Son ancienneté a été reprise à compter du 19 octobre 1998.

M. [N] était affecté sur le site de la société Générale Haussmann situé au [Adresse 2].

Le 22 mars 2016, M. [N] a été informé de son affectation à compter du 1er avril 2016 sur le site d'EDF [Localité 7] situé au [Adresse 3].

M. [N] a effectué sa prestation de travail sur ce nouveau site.

Par lettre du 1er avril 2016, il a informé son employeur de ses difficultés à se déplacer et a demandé à être réaffecté sur le site de la Société générale.

M. [N] a été placé en arrêt de travail du 8 au 15 avril 2016.

Par courrier du 8 avril 2016, M. [N] a adressé son arrêt de travail à son employeur et a réitéré sa demande de retravailler sur le site de la Société générale en raison de la distance entre son domicile et le site de [Localité 5].

L'employeur l'a convoqué à un entretien fixé au 27 avril 2016 afin de 'faire un point sur sa situation professionnelle'.

Par avenant signé le 24 avril 2016, le lieu de travail de M. [N] a été fixé au centre commercial [Adresse 4] avec effet à compter du 28 avril suivant.

Le 12 mai 2016, la société ESPS a mis en demeure M. [N] de justifier de son absence sur son lieu de travail depuis le 28 avril 2016.

Une seconde mise en demeure lui a été adressée le 19 mai 2016.

Le 25 mai 2016, la société ESPS a convoqué M. [N] à un entretien préalable fixé au 1er juin 2016.

Le 7 juin 2016, la société ESPS a notifié son licenciement pour faute grave à M. [N] en raison de son absence sur site depuis le 28 avril 2016.

Le 22 juin 2016, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris en contestation de son licenciement.

Par jugement en date du 22 mai 2018, notifiée à ESPS le 24 juillet 2018, le conseil de prud'hommes a :

- condamné la société Elior Services Propreté et Santé à payer à M. [Z] [N] les sommes de :

- 2592 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 259,20 euros au titre de congés payés afférents,

- 3283,20 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 15 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [N] du surplus de ses demandes,

- débouté la SASU Elior Services Propreté et Santé de sa demande reconventionnelle et la condamnée aux dépens de l'instance.

La société a interjeté appel le 21 août 2018.

La société a conclu les 20 février 2018, 25 septembre 2018, 6 mars 2019 et 23 février 2021.

M. [N] a conclu les 19 décembre 2018 et 10 janvier 2019.

M. [N] est décédé le 8 avril 2020.

Le 9 novembre 2020, Mme [J] [U], conjointe survivante, a repris l'instance initiée par M. [N] à l'encontre de la société ESPS.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe, notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 23 février 2021, la société Elior Services Propreté et Santé demande de :

- Juger M. [N] mal fondé en ses demandes à l'encontre la société Elior Services Propreté et Santé et l'en débouter ;

- Infirmer le jugement rendu le 22 mai 2017 par le conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a :

o requalifié le licenciement pour faute grave de M. [N] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

o condamné ESPS au paiement de :

2 592 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

259,20 euros au titre des congés payés sur préavis ;

3 283 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

15 500 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En conséquence,

- Débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes ;

En tout état de cause,

- Condamner M. [N] à verser à la société Elior Services Propreté et Santé la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner M. [N] aux entiers frais et dépens.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe, notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 27 mai 2021, auxquelles la cour se réfère expressément, Mme [U], conjoint survivant de M. [N] demande de :

Confirmer le jugement rendu le 22 mai 2018 par le conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a :

- condamné la société Elior Services Propreté et Santé à verser à M. [N] les sommes suivantes:

Indemnité compensatrice de préavis (2 mois) : 2.592 euros

Indemnité compensatrice de conges payés sur préavis : 259,20 euros

Article 700 du CPC : 700 euros

Réformer le jugement quant aux sommes allouées en première instance et

condamner la société Elior Services Propreté et Santé à verser à Mme [J] [U], en sa qualité d'ayant-droit de M. [N], les sommes suivantes :

o Indemnité conventionnelle de licenciement : 5.184 euros

o Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 18.144 euros

Enfin, de :

- Condamner la société Elior Services Propreté et Santé à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- Condamner la société Elior Services Propreté et Santé aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 février 2022.

MOTIFS :

Sur la faute grave :

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Sur le fondement des articles L 1232-1 et L 1235-3 du code du travail dans leur rédaction applicable à l'espèce, la cour, à qui il appartient de qualifier les faits invoqués et qui constate l'absence de faute grave, doit vérifier s'ils ne sont pas tout au moins constitutifs d'une faute de nature à conférer une cause réelle et sérieuse au licenciement.

M. [N] conteste son licenciement en faisant valoir, d'une part, que la modification de son contrat de travail devait répondre à un motif économique au sens de l'article L1233-3 1°) du code du travail et que l'employeur n'en rapporte pas la preuve, d'autre part, que la procédure de modification du contrat de travail pour motif économique n'a pas été respectée, par ailleurs, que le changement d'horaires dans le cadre d'un contrat à temps partiel constitue une modification du contrat de travail et ne doit pas être mise en oeuvre de manière abusive, enfin que les modifications opérées nécessitaient son approbation de manière expresse et éclairée, que tel n'a pas été le cas et que l'avenant signé est entaché de nullité par vice du consentement.

En l'absence de clause de mobilité géographique dans un contrat de travail, le refus par un salarié, de son affectation dans un secteur géographique différent de celui où il travaillait, ne saurait caractériser une faute et son licenciement ne peut alors reposer que sur le bien-fondé du motif personnel ou économique à l'origine de la mutation.

Lorsque, au contraire, le contrat stipule une clause de mobilité géographique, le refus du salarié caractérise l'inexécution d'une obligation contractuelle laquelle peut justifier la rupture du contrat sauf à démontrer une mise en oeuvre abusive de cette clause.

Le contrat de travail de M. [N] stipulait une clause de mobilité en son article 4 en ces termes:

« Le titulaire du présent contrat reconnaît que la profession du nettoyage, s'exerçant chez le client et dans différents lieux, la mobilité est nécessaire et normale.

En conséquence, le titulaire du présent contrat s'engage à travailler sur les différents sites actuels et futurs de la société situés dans la zone géographique : Ile de France.

Le titulaire du présent contrat reconnaît que le lieu du travail ne constitue pas un élément essentiel de son contrat de travail ».

Il en résulte que l'affectation de M. [N] sur un site ou un autre et la modification de ses horaires relevait du pouvoir de direction de l'employeur.

C'est donc vainement que M. [N] fait plaider que les modifications de son contrat de travail intervenues le 22 mars 2016 puis le 10 avril 2016 auraient dues être soumises au régime de la modification du contrat de travail pour motif économique.

S'agissant de la première modification de son affectation, notifiée par lettre, elle a été mise en oeuvre par M. [N] qui s'est rendu sur son nouveau site à [Localité 5] (91) et y a effectué sa prestation de travail jusqu'à ce qu'une nouvelle affectation lui soit attribuée. Si elle est discutée par M. [N] dans ses conclusions, cette première modification n'est pas visée par la lettre de licenciement de sorte que les moyens développés par le salarié pour considérer

qu'elle aurait été opérée en violation de ses droits n'est pas de nature à rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. [N] a par ailleurs signé l'avenant à son contrat de travail l'affectant à Chauconin. S'il soutient que son consentement a été vicié, il ne démontre pas avoir été victime de contrainte, dol ou de violence, le simple fait que l'avenant ait été signé au cours du rendez-vous fixé par son employeur étant insuffisant à caractériser un tel vice. Il résulte dès lors de sa signature qu'il a consenti à cette modification de son lieu de travail.

Si M. [N] n'a pas signé l'annexe à cet avenant qui comprenait les horaires de travail, ceux-ci, fixés sur le site de [Localité 6] de 6H à 9h en semaine 1 et de 17H30 à 20H30 en semaine 2, étaient prévus de 10H à 16H à Chauconin, ce qui correspondait aux horaires appliqués par M. [N] à [Localité 5].

Le salarié fait valoir que ces horaires de travail ne lui permettaient pas de mener une vie familiale normale, M.[N] invoquant la nécessité de s'occuper de son épouse en journée et son incapacité à marcher pendant plusieurs kilomètres.

S'il justifie de ses problèmes de santé, M.[N] ne produit aucune pièce de nature à établir qu'il avait la qualité d'aidant auprès de son épouse et que les horaires de travail qui lui étaient imposés rendaient impossible de mener une vie familiale normale.

M. [N] n'apporte dès lors aucune justification à son absence durable à son poste de travail laquelle ne se limite pas à un refus de modification du contrat de travail ou des conditions de travail mais caractérise un abandon de poste constitutif d'une faute grave en ce que cette absence prolongée rendait impossible la poursuite du contrat de travail.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité commande de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens et de rejeter les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

JUGE que le licenciement pour faute grave de M. [K] [Z] [N] est justifié,

REJETTE les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

LAISSE à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 18/10263
Date de la décision : 08/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-08;18.10263 ?
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