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08/06/2022 | FRANCE | N°18/07368

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 08 juin 2022, 18/07368


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 08 JUIN 2022

(n° 2022/ , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/07368 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B53B4



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Mai 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° 15/01024





APPELANT



Monsieur [H] [I]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Repré

senté par Me Eric MOUTET, avocat au barreau de PARIS, toque : E0895





INTIMÉE



SELARL [B] MJ prise en la personne de Me [B] [Z] ès qualité de mandataire liquidateur de la soci...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 08 JUIN 2022

(n° 2022/ , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/07368 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B53B4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Mai 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° 15/01024

APPELANT

Monsieur [H] [I]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me Eric MOUTET, avocat au barreau de PARIS, toque : E0895

INTIMÉE

SELARL [B] MJ prise en la personne de Me [B] [Z] ès qualité de mandataire liquidateur de la société XL AIRWAYS FRANCE

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Virginie DEVOS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0438

SELAFA MJA prise en la personne de Me [W] [L] ès qualité de mandataire liquidateur de la société XL AIRWAYS FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Virginie DEVOS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0438

PARTIE INTERVENANTE :

Association CGEA AGS IDF EST

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Hélène NEGRO-DUVAL de la SAS DUVAL LEGAL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0197

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 avril 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées,en double rapporteur, devant Madame Anne BERARD, Présidente de chambre, chargée du rapport et Monsieur Stéphane THERME, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en leur rapport, composée de :

Madame Anne BERARD, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Anne BERARD, Présidente de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DU LITIGE

M. [H] [I] a été embauché le 28 octobre 1998 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en qualité de technicien supérieur d'exploitation par la société XL Airways, avec reprise d'ancienneté au 3 novembre 1997.

Au dernier temps de la relation professionnelle il relevait de la catégorie des superviseurs.

La convention collective applicable est celle du personnel au sol des entreprises de transport aérien.

La société XL Airways comptait plus de 11 salariés.

Un projet de réorganisation et de compression des effectifs et un projet de licenciement collectif pour motif économique de moins de 10 salariés a été présenté aux représentants du personnel de la Société lors de leur réunion du 10 septembre 2014.

Par lettre en date du 30 octobre 2014, M. [I] a été convoqué à un entretien préalable.

Par lettre en date du 27 novembre 2014, la société XL Airways a informé M. [I] des motifs économiques qui l'ont conduit à envisager son licenciement et lui a proposé d'adhérer au contrat de sécurisation professionnelle.

M. [I] a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 1er décembre 2014.

Par lettre du 5 janvier 2015, M. [I] a demandé communication des critères d'ordre des licenciements et indiqué souhaiter bénéficier de la priorité de réembauche.

La société XL Airways lui a communiqué les critères d'ordre des licenciements par lettre du 9 janvier 2015.

M. [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 17 mars 2015 de demandes dirigées contre la société XL Airways.

Par jugement de départage du 4 mai 2018, le conseil de prud'hommes de Bobigny:

- a dit que le licenciement pour motif économique de M. [I] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- a dit que la société XL Airways a méconnu les règles relatives aux critères d'ordre de licenciement,

- a condamné en conséquence la société XL Airways à payer à M. [I] la somme de 17.510,70€, à titre de dommages et intérêts pour violation des critères d'ordre de licenciement,

- a débouté M. [I] de sa demande de dommages et intérêts pour non respect de la priorité de réembauche,

- a débouté les parties de toute autre demande, fin ou prétention plus ample ou contraire,

- a condamné la société XL Airways à payer à M. [I] la somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- a condamné la société XL Airways aux dépens.

M. [I] a interjeté appel du jugement par déclaration du 8 juin 2018.

Par jugement du tribunal de commerce de Bobigny en date du 23 septembre 2019, la société XL Airways a été placée en redressement judiciaire. La conversion en liquidation judiciaire a été prononcée par jugement du 4 octobre 2019,la SELARL [B] MJ, prise en la personne de Me [B] et la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [W] ayant été désignés comme liquidateurs .

Par acte d'huissier en date du 18 juin 2020 M. [I] a assigné en intervention forcée la SELARL [B] MJ, prise en la personne de Me [B] et la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [W] en leurs qualités de liquidateurs de la société XL Airways, ainsi que l'AGS CGEA d'Ile de France Est .

Par conclusions remises au greffe et transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 25 juin 2020, auxquelles il est expressement fait référence, M. [I] demande à la cour :

* A titre principal:

- de réformer le jugement entrepris ;

- dire et juger que le licenciement économique est sans cause réelle et sérieuse

- en conséquence, condamner la société XL Airways au paiement de la somme de 100.000€ à titre d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* A titre subsidiaire

- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny en ce qu'il a condamné la société XL Airways France au paiement de la somme de 17.510,70€ à titre de dommages et intérêts pour violation des critères d'ordre de licenciement, y ajoutant en cause d'appel la somme de 82.489,30€ portant le montant total à 100.000€.

* En tout état de cause

- de réformer le jugement entrepris et condamner la société XL Airways au paiement des sommes suivantes :

- indemnité pour violation de la priorité de réembauchage : 17.677,80€

- article 700 du code de procédure civile : 3000 euros en cause d'appel

- dépens.

Par conclusions remises au greffe et transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 29 juin 2020, auxquelles il est expressément fait référence, la SELARL [B] MJ, prise en la personne de Me [B] et la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [W] en leur qualité de liquidateurs de la société XL Airways France, demandent à la cour de :

* A titre principal :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny en ce qu'il a ;

- dit que le licenciement pour motif économique de M. [I] est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

- débouté M. [I] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- débouté M. [I] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche ;

- réformer le jugement en ce qu'il a :

- dit que la société XL Airways a méconnu les règles relatives aux critères d'ordre des licenciements ;

- condamné en conséquence la société XL Airways à payer à M. [I] la somme de 17.510,70€ à titre de dommages et intérêts pour violation des critères d'ordre des licenciements, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

- condamné la société XL Airways au paiement à M. [I] de la somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société XL Airways aux dépens ;

* Statuant à nouveau

- dire et juger que la société a fait une juste application des critères d'ordre des licenciements pour décider du licenciement de M. [I] ;

- débouter M. [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

* A titre subsidiaire

- confirmer dans toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny ;

* En tout état de cause

- condamner M. [I] au paiement d'une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [I] aux entiers dépens ;

Par conclusions remises au greffe et transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 17 septembre 2020, auxquelles il est expressément fait référence, l'Unedic délégation AGS CGEA Ile de France Est, demande à la cour de :

- donner acte des conditions et limites de l'intervention et de la garantie de l'AGS ;

- dire que sa décision ne sera opposable à l'AGS que dans les conditions, limites et plafonds de sa garantie ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a alloué des dommages et intérêts pour non-respect des critères d'ordre des licenciements ;

- confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;

- débouter M. [I] de ses demandes, fins et conclusions ;

- rejeter les demandes de fixation de créances qui ne sont ni fondées dans leur principe ni dans leur montant ;

* en tout état de cause

- réduire aux seuls montants dûment justifiés les montants des créances susceptibles d'être fixées, à titre d'indemnités ou dommages et intérêts ;

La clôture a été prononcée par ordonnance en date du 8 février 2022.

MOTIFS

Sur le motif économique du licenciement

L'article L.1233-3 du code du travail, dans sa version en vigueur du 27 juin 2008 au 01 décembre 2016, dispose que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

La cause économique d'un licenciement s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient. Le périmètre du groupe à prendre en considération à cet effet est l'ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l'influence d'une entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 2331-1 du code du travail, sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux entreprises situées sur le territoire national.

La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.

Dans sa lettre du 27 novembre 2014, la société XL Airways a informé M. [I] des motifs économiques la conduisant à envisager son licenciement dans les termes suivants :

« ['] Ainsi que cela a été exposé aux Représentants du personnel de la société, lesquels ont rendu un avis sur le projet de réorganisation et de licenciement collectif pour motif économique en résultant, lors de leur réunion respective du 22 septembre 2014 pour le Comité d'Hygiène de Sécurité et des Conditions de Travail et du 29 septembre 2014 pour le Comité d'entreprise, la Compagnie est confrontée à d'importantes difficultés économiques qui la contraignent à se réorganiser.

Depuis l'exercice 2012/2013, la société rencontre des difficultés économiques qui l'ont amenée à envisager une réorganisation de ses services et une réduction de ses charges.

De façon synthétique, les difficultés de l'entreprise sont liées aux facteurs suivants :

- Très forte dégradation de l'activité moyen-courrier en France, toutes compagnies confondues, avec la concurrence de compagnies étrangères très « low cost » essentiellement européennes, dont les coûts sont très inférieurs à ceux des compagnies françaises : afin de tenter de réduire les lourdes pertes de son secteur moyen-courrier, XL a réduit en 2 ans sa flotte moyen-courrier de 4 à 2 aéronefs. En 2012/2013, la perte de ce secteur a été de 6,2 M€ contre 7,9 M€ pour l'exercice précédent ;

- perte du client TUI France (tout opérateur), qui a résilié ses contrats en date du 1er août 2012, amenant la perte près de 95 M€ de chiffre d'affaires (près du tiers des ventes de la Compagnie) et forçant XL à lancer en catastrophe les lignes régulières Antilles et Réunion afin de limiter la perte et tenter de retrouver un équilibre financier.

- Insuccès commercial et financier des nouvelles lignes vers les Antilles, du fait de prix de vente extrêmement dégradé et d'une réponse féroce des concurrents ;

- Productivité très insuffisante du personnel navigant, du fait d'accords sociaux qui ne sont plus en phase avec la réalité économique du marché français ;

- Situation économique française difficile : notre c'ur de cible, la classe moyenne, est particulièrement touchée, entre autres par l'augmentation des impôts,

- En conséquence :

- chute du chiffre d'affaires depuis 3 exercices de 322.4 millions d'euros en 2011/2012 à une estimation de 298 millions d'euros en 2013/2014,

- très forte dégradation du résultat avec une perte de 9 millions d'euros en 2012/2013 et probablement supérieure à ce chiffre en 2013/2014.

C'est dans ce contexte économique particulièrement difficile qu'XL AIRWAYS France a été contrainte d'envisager une réorganisation et une compression de ses effectifs.

Dans ce cadre, nous sommes contraints de supprimer 5 postes relevant de la catégorie «Superviseurs » (au sens des catégories professionnelles) à laquelle vous appartenez ; ce qui nous conduit, compte tenu de l'application des critères d'ordre des licenciements, à envisager votre licenciement pour motif économique ».

Le document d'information remis aux membres du comité d'entreprise le 12 septembre 2014, reprend la plupart des éléments mentionnés dans la lettre de licenciement et justifie la suppression de cinq postes de techniciens supérieurs d'exploitation superviseurs par une réorganisation de la supervision, uniquement présente sur l'escale Charles de Gaulle, avec l'arrêt de la supervision sur les vols moyen-courrier et le fait que les vols long-courrier ne seront plus systématiquement couverts en superviseurs.

C'est par des évocations partielles et tronquées des procès-verbaux des réunions du comité d'entreprise des 5 mars 2014, 8 octobre 2014 et 5 novembre 2014 que M. [I] soutient que la société avait des chiffres d'activité en hausse, alors que le PDG, lors du comité d'octobre, évoque 'un marasme', indique être contraint de procéder à des licenciements 'pour sauver la compagnie' et invite les représentants du personnel à 'prendre conscience de la gravité de la situation actuelle.'

Lors de la séance du 5 novembre 2014, l'employeur a rappelé l'arrêt des vols vers les Antilles dès septembre dès lors que les recettes ne couvraient pas les coûts.

Par ailleurs, contrairement à ce qu'affirme M. [I] dans ses écritures, les liquidateurs judiciaires de la société XL Airways versent aux débats des documents comptables attestant des difficultés économiques de la société établissant :

- la résiliation du contrat cadre d'affrètement et de co-affrètement du client TUI à effet du 1er avril 2013,

- un compte de résultat de la société pour l'année 2012/2013 mentionnant un chiffre d'affaires net de 312 760 970 € et un résultat net de (-)11 216 375 €,

- des comptes consolidés du groupe pour la même période faisant apparaître un résultat net de l'ensemble consolidé de (-)10 401 931 €,

- un compte de résultat de la société pour l'année 2013/2014 mentionnant un chiffre d'affaires net de 299 849 033 €, un résultat net de (-) 10 074 617 € et au bilan des capitaux propres de (-) 9 109 052 €.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la réalité des difficultés économiques à l'origine de la réorganisation et de la suppression du poste de M. [I] est établie et que son licenciement a une cause réelle et sérieuse ainsi que l'a justement apprécié le jugement de départage.

Sur l'obligation de reclassement

Selon l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa version en vigueur du 20 mai 2010 au 08 août 2015 applicable au litige, 'le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises'.

Il revient à l'employeur d'établir qu'un reclassement était impossible et qu'il a respecté loyalement son obligation de reclassement laquelle est de moyen.

La SELARL [B] MJ et la SELAFA MJA en qualité de liquidateurs de la société XL Airways France justifient que la société a informé le comité d'entreprise dès le 10 septembre 2014 des offres de reclassement internes au sein de la société, qu'elle a interrogé la commission paritaire de l'emploi de la fédération nationale de l'aviation marchande (FNAM) pour chercher des opportunités de reclassement pour les salariés dont le licenciement était envisagé et a relancé à la fin du mois d'octobre et au début du mois de novembre 2014 plus d'une vingtaine d'entreprises du secteur dont elle avait obtenu les coordonnées auprès de la FNAM et qu'elle a interrogé au début du mois de novembre 2014 ses différentes directions et ses filiales par des courriels circonstanciés contenant toutes indications sur les fonctions exercées par M. [I], son niveau de rémunération et son curriculum vitae, afin de déterminer toute opportunité de reclassement.

La société justifie avoir fait plusieurs propositions de postes de reclassement à la suite de ses recherches :

- deux au sein de la société : un poste d'agent de la gestion financière des escales extérieures pour une durée indéterminée, un poste d'agent de saisie planning pour une durée déterminée,

- un poste de chef d'escale en contrat de travail à durée indéterminée au sein de la Société SNC Lavalin Aéroport, pour l'aéroport de [Localité 6] :

- un poste d'agent de salon et un poste d'agent de services aéroport au sien de la société Emirates en contrat de travail à durée indéterminée.

M. [I] affirme que la société n'a pas déployé tous les efforts nécessaires à son reclassement et verse aux débats des fiches de poste à pourvoir, dont plusieurs non datées, une datée du 1er septembre 2015 et deux autres du 17 septembre 2015, dont les liquidateurs justifient qu'elles étaient toutes postérieures au licenciement, ce que confirme le registre des entrées et sorties XL Airways.

Il en va de même des démarches engagées courant mars 2015 en vue du recrutement d'un chargé de clientèle en contrat de travail à durée déterminée à partir du mois d'avril 2015 jusqu'au retour d'une salariée en congé parental.

C'est donc par une juste appréciation que le conseil de prud'hommes a retenu que la société avait respecté son obligation de reclassement et le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement avait une cause réelle et sérieuse.

Sur les critères d'ordre

L'article L.1233-5 du code du travail, dans sa version en vigueur du 17 juin 2013 au 8 août 2015 applicable en l'espèce, dispose que 'lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.

Ces critères prennent notamment en compte :

1° Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;

2° L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ;

3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;

4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie.

L'employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères prévus au présent article'.

Si la convention collective applicable comporte en son article 18 des dispositions relatives à l'ordre des licenciements, M. [I] ne s'y réfère pas pour critiquer les critères retenus par la société XL Airways France qui sont :

- compétence professionnelle : de 0 à 30 points,

- ancienneté : de 1 à 4 points,

- charges de famille : de 0 à 1 point,

- caractéristiques sociales : 0 ou 5 points.

Le critère de compétence professionnelle comprenait quatre niveaux :

- peu autonome dans son travail : 0 points,

- autonome dans son travail : 10 points,

- maîtrise de son travail : 20 points,

- performe dans son travail : 30 points.

Ce critère a fait l'objet d'une fiche d'évaluation de chaque salarié identifiant cinq séries de tâches inhérentes à la fonction de superviseur, chacune d'entre elle étant appréciée selon les quatre niveaux ( de peu autonome à performant) avant d'aboutir à une appréciation globale du niveau d'autonomie.

Au titre du classement des neufs superviseurs concernés, M. [I] a obtenu 10 points :

- compétence professionnelle : 0 point,

- ancienneté : 4 points,

- charges de famille : 6 point,

- caractéristiques sociales : 0 point.

L'employeur verse aux débats la fiche d'évaluation établie le 10 octobre 2014 par le supérieur hiérarchique de M. [I] portant sur sa compétence professionnelle consistant en un tableau comprenant en lignes cinq séries de tâches et une dernière ligne 'appréciation globale' et en colonnes quatre niveaux d'autonomie ( de peu autonome à 'performe'). La case 'peu autonome' est cochée pour quatre séries de tâches et la case 'autonome' pour la cinquième série. La case 'peu autonome' est cochée au titre de l' 'appréciation globale'.

La case 'observation' est quant à elle vierge. L'appréciation n'est ainsi pas explicitée. Elle n'est objectivée par aucune autre pièce.

Or, M. [I] justifie par son ancienneté d'une expérience sur son poste.

Il produit en outre un courrier de remerciement en date du 5 mai 2014 adressé par un client de la société XL Airways au directeur de la société décrivant de façon circonstanciée comment il était parvenu à trouver une solution d'embarquement à cinq couples de retraités ayant acquis un billet par une agence mais ne figurant pas sur la liste des passagers, la lettre se terminant par 'monsieur le directeur, soyez fier de compter dans vos rangs des gens d'une telle qualité et d'une telle conscience professionnelle'.

Or, dans la série de tâches 'capacité d'écoute, discernement, autonomie décisionnelle, être responsable pendant mes phases d'enregistrement et embarquements, savoir prendre en compte les demandes et/ou difficultés de nos passagers afin de trouver des réponses et/ou résoudre les problèmes', la fiche d'évaluation utilisée pour les critères d'ordre l'évalue 'peu autonome'.

En l'absence de toute pièce produite pour objectiver une telle affirmation démentie par les seuls faits étayés quant à sa capacité à prendre en compte les difficultés des passagers et à résoudre les problèmes, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a jugé que l'appréciation portée par l'employeur sur le degré d'autonomie de M. [I] relevait de l'erreur manifeste d'appréciation.

En considération des autres scores de ses collègues, M. [I] justifie de ce que cette mauvaise appréciation lui a causé un préjudice, mais moindre que celui qui aurait été celui résultant de la perte de son emploi.

En considération d'une ancienneté de 11 années et d'un salaire de référence de 2.818,45€, le conseil de prud'hommes a justement évalué le préjudice de M. [I], qui ne verse aucune pièce aux débats au soutien de sa demande d'infirmation au quantum.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef sauf à fixer les dommages et intérêts accordés au passif de la liquidation judiciaire.

Sur la violation de la priorité de réembauche

Aux termes de l'article L.1233-45 du code du travail, 'Le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai.

Dans ce cas, l'employeur informe le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification. En outre, l'employeur informe les représentants du personnel des postes disponibles.

Le salarié ayant acquis une nouvelle qualification bénéficie également de la priorité de réembauche au titre de celle-ci, s'il en informe l'employeur'.

Cette priorité de réembauche est également prévue à l'article 18 de la convention collective.

L'employeur justifie avoir proposé le 20 mars 2015 un poste d'assistant paie.

Si le conseil de prud'hommes a estimé que cette activité n'était pas incompatible avec les compétences de M. [I], celui-ci n'avait cependant aucune compétence en comptabilité.

S'agissant du poste d'employé administratif service relations clientèles, les liquidateurs de la société XLAirways ne contestent pas qu'il s'agissait d'un contrat de travail à durée déterminée.

Ainsi qu'il l'a été évoqué dans le développement relatif à l'obligation de reclassement, M. [I] verse par ailleurs aux débats des fiches de définition de postes qui ne lui ont pas été proposées alors qu'elles ont été diffusées dans l'année du licenciement.

Si l'employeur justifie que les deux postes à pourvoir 'ASAP', donc sans délai, diffusés le 17 septembre 2015, de technicien supérieur d'exploitation au centre de contrôle opérationnel dans le cadre de contrats de travail à durée indéterminée, ont été proposés à M. [T] [E] et à M. [O] [P] dans le cadre d'une recherche de reclassement les concernant, il ne donne pas d'indication sur l'acceptation des salariés.

Outre que la production d'un registre d'entrées et de sorties du personnel s'arrêtant à la date du 24 juin 2015 ne permet pas de s'assurer que la société n'a pas procédé à des recrutements dans l'année du licenciement compatibles avec la qualification de M. [I], il apparaît que l'employeur a procédé à des recrutements d'agents de maîtrise en contrat de travail à durée indéterminée dont un chargé de recrutement et de formation le 18 février 2015, puis un technicien supérieur le 2 mars 2015, puis un autre le 29 mai 2015.

Il n'explique pas pourquoi il n'a pas proposé ces postes à M. [I].

Dès lors, la violation de la priorité de réembauche est caractérisée.

Aux termes de l'article L.1235-13 du code du travail en sa version applicable aux licenciements prononcés antérieurement au 22 septembre 2017, 'en cas de non respect de la priorité de réembauche prévue à l'article L.1233-45, le juge accorde au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à deux mois de salaire'.

M. [I] ne développe aucun argumentaire particulier ni ne verse aucune pièce aux débats pour justifier du montant de sa demande de dommages et intérêts.

Une somme de 5.700€ sera fixée au passif de la société XLAirways en réparation de son préjudice.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur le cours des intérêts

En application de l'article 1231-7 du code civil, les dommages et intérêts alloués par le conseil de prud'hommes au titre du non respect des critères d'ordre produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement.

En application de l'article L622-28 du code de commerce le jugement du tribunal de commerce qui a prononcé l'ouverture de la procédure collective à l'encontre de la société XL Airways a arrêté le cours des intérêts légaux.

Dès lors, les dommages et intérêts alloués au titre du non respect des critères d'ordre produisent intérêts du 4 mai 2018 au 23 septembre 2019 et les dommages et intérêts alloués au titre de la violation de la priorité de réembauche n'en produisent pas.

Sur la fixation des créances et la garantie de l'UNEDIC Délégation AGS

La présente procédure ne peut tendre qu'à la fixation du montant des créances de M. [I] qui, en raison de leur origine antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective de XL Airways, sont soumises au régime de la procédure collective.

Il y a lieu de déclarer le présent arrêt opposable à l'AGS CGEA IDF Est qui sera tenue à garantie dans les termes et conditions des articles L3253-6 et suivants du code du travail, et les plafonds prévus aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du Code du travail.

Le Centre de Gestion et d'Etude AGS (CGEA) d'Ile de France Est ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties, et à l'exception de l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, que sur présentation d'un relevé du mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La SELARL [B] MJ, prise en la personne de Me [B] et la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [W] en leur qualité de liquidateurs de la société XL Airways seront condamnées aux dépens de l'instance et conserveront la charge de leurs frais irrépétibles.

La SELARL [B] MJ, prise en la personne de Me [B] et la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [W] en leurs qualités de liquidateurs de la société XL Airways seront condamnées à verser à M. [I] une somme de 1.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRME le jugement en ce qu'il a débouté M. [I] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la priorité de réembauche ;

LE CONFIRME pour le surplus, sauf à préciser que les dommages et intérêts alloués au titre du non respect des critères d'ordre seront fixés au passif de la liquidation judiciaire de la société XL Airways avec intérêts au taux légal du 4 mai 2018 au 23 septembre 2019 ;

Et statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,

FIXE la créance de M. [I] au passif de la liquidation judiciaire de la société XL Airways, représentée par la SELARL [B] MJ, prise en la personne de Me [B] et la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [W] en leurs qualités de liquidateurs de la société XL Airways , à la somme de 5.700€ à titre de dommages et intérêts pour violation de la priorité de réembauche;

DIT que l'UNEDIC Délégation AGS Ile de France Est à qui le présent arrêt est opposable doit sa garantie dans les limites légales;

Y ajoutant

CONDAMNE la SELARL [B] MJ, prise en la personne de Me [B] et la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [W] en leurs qualités de liquidateurs de la société XL Airways aux dépens ;

CONDAMNE la SELARL [B] MJ, prise en la personne de Me [B] et la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [W] en leurs qualités de liquidateurs de la société XL Airways à payer à M. [I] la somme de 1.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la SELARL [B] MJ, prise en la personne de Me [B] et la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [W] en leurs qualités de liquidateurs de la société XL Airways de leur demande présentée au titre des frais irrépétibles.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 18/07368
Date de la décision : 08/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-08;18.07368 ?
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