La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/06/2022 | FRANCE | N°18/04917

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 08 juin 2022, 18/04917


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 8 JUIN 2022

(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/04917 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5N6G



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Mars 2018 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FONTAINEBLEAU - RG n° F17/00070





APPELANT



Monsieur [F] [W]

[Adresse 2]

[Adresse 2]
<

br>

Représenté par Me Christine DUMET-BOISSIN, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : PN345







INTIMÉES



SELARL JSA anciennement dénommée GAUTHIER-SOHM ès qualité de mandatai...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 8 JUIN 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/04917 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5N6G

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Mars 2018 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FONTAINEBLEAU - RG n° F17/00070

APPELANT

Monsieur [F] [W]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Christine DUMET-BOISSIN, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : PN345

INTIMÉES

SELARL JSA anciennement dénommée GAUTHIER-SOHM ès qualité de mandataire liquidateur de la SARL SN ELEC

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Nathalie CHEVALIER, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC143

ASSOCIATION UNEDIC DELEGATION AGS CGEA [Localité 4]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Claude-Marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1953

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Fabrice MORILLO, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Philippe MICHEL, président de chambre

Mme Valérie BLANCHET, conseillère

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour.

- signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat de travail à durée déterminée à compter du 5 novembre 2015 puis contrat à durée indéterminée à compter du 4 février 2016, M. [W] a été engagé en qualité de chef de chantier par la société SN ELEC, ladite société employant habituellement moins de 11 salariés et appliquant la convention collective régionale des ouvriers du bâtiment de la région parisienne du 28 juin 1993.

Par jugement du 2 novembre 2016, le tribunal de commerce de Créteil a prononcé la liquidation judiciaire de la société SN ELEC et désigné la société Gauthier-Sohm, aux droits de laquelle vient désormais la société JSA, en qualité de liquidateur.

Après avoir été convoqué à un entretien préalable s'étant déroulé le 14 novembre 2016, M. [W] a été licencié pour motif économique suivant courrier recommandé du 16 novembre 2016.

Suivant courrier du 20 décembre 2016, le liquidateur a indiqué à M. [W] qu'une partie de sa créance salariale ne pouvait faire l'objet d'une prise en charge auprès du CGEA [Localité 4] (AGS), celle-ci contestant le bien fondé ou la légitimité des créances, le liquidateur l'invitant à saisir la juridiction prud'homale afin de faire reconnaître son statut de salarié ainsi que ses créances.

M. [W] a saisi la juridiction prud'homale le 21 avril 2017.

Par jugement du 28 mars 2018, le conseil de prud'hommes de Fontainebleau a :

- débouté M. [W] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné M. [W] aux dépens.

Par déclaration du 5 avril 2018, M. [W] a interjeté appel du jugement lui ayant été notifié le 30 mars 2018.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 4 juillet 2018, M. [W] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

et, statuant à nouveau

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société SN ELEC la somme de 8 392,74 euros nets au titre du rappel de salaires,

- dire la décision à intervenir opposable à l'AGS-CGEA,

à titre subsidiaire, si la cour devait considérer que son contrat de travail a fait l'objet d'un transfert de la société EDVELEC à la société SN ELEC, fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société SN ELEC la somme de 15 796,45 euros nets au titre de l'intégralité des rappels de salaires et indemnités de rupture lui étant dûs.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le

27 septembre 2018, la société JSA, ès qualités, demande à la cour de :

à titre liminaire

- dire la demande subsidiaire de M. [W] à hauteur de 15 796,45 euros nets irrecevable en application des articles 564 et 566 du code de procédure civile,

- débouter, en conséquence, M. [W] de sa demande à ce titre,

à titre principal

- débouter M. [W] de l'intégralité de ses demandes,

à titre subsidiaire

- fixer au passif de la liquidation de la société SN ELEC la somme de 8 392,74 euros au titre des rappels de salaires et solde de tout compte,

- débouter M. [W] de toute autre demande,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

La clôture de l'instruction est intervenue le 11 juin 2020, l'affaire ayant été mise en délibéré au 8 juillet 2020 suite à une procédure sans audience.

L'association UNEDIC Délégation AGS CGEA d'[Localité 4] a remis des conclusions au greffe le 11 juin 2020.

Par mention au dossier du 8 juillet 2020, la cour a ordonné la réouverture des débats avec renvoi en plaidoirie à l'audience du 3 janvier 2022 pour faire le point sur l'absence de dossier de plaidoirie de l'appelant et l'éventuelle irrecevabilité des conclusions de l'AGS.

A l'audience du 3 janvier 2022, la cour a ordonné le renvoi de l'affaire à l'audience du 21 mars 2022 pour permettre à toutes les parties de se présenter à l'audience et de faire valoir leurs observations sur les difficultés liées à l'absence de dossier de plaidoirie de l'appelant et l'éventuelle irrecevabilité des conclusions de l'AGS.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 4 janvier 2022, l'association UNEDIC Délégation AGS CGEA d'[Localité 4] demande à la cour de :

à titre principal

- confirmer le jugement,

- débouter M. [W] de ses demandes,

à titre subsidiaire

- fixer au passif de la liquidation les créances retenues,

- dire le jugement opposable à l'AGS dans les termes et conditions de l'article L. 3253-19 du code du travail,

- exclure de l'opposabilité à l'AGS la créance éventuellement fixée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeter la demande d'intérêts légaux en application de l'article L 621-48 du code de commerce,

- dire ce que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS.

A l'audience du 21 mars 2022, avant le déroulement des débats, à la demande de l'association UNEDIC Délégation AGS CGEA d'[Localité 4] et avec l'accord des autres parties, l'ordonnance de clôture rendue le 11 juin 2020 a été révoquée et la procédure a été à nouveau clôturée.

MOTIFS

Sur la fixation au passif de la liquidation judiciaire

L'appelant fait valoir que le détail des sommes réclamées émane du mandataire liquidateur et qu'elles ne peuvent en pareil cas être sérieusement contestées, l'AGS n'apportant aucun élément de nature à démontrer qu'elle lui aurait avancé la moindre somme. Il souligne l'absence de toute fraude à l'article L. 1224-1 du code du travail pouvant lui être imputée et précise que, s'il a été initialement embauché par la société [T] ELEC du 11 mai 2009 au 11 septembre 2013 jusqu'à sa liquidation judiciaire, puis par la société EDVELEC du 1er juillet 2014 au 2 novembre 2015 avant d'être finalement engagé par la société SN ELEC, sociétés dont les dirigeants étaient de la même famille, il ne peut en aucun cas être considéré comme responsable des choix opérés par la « famille [T] » qui a certes créé plusieurs sociétés sur un court délai et a fait le choix d'avoir recours à lui pour chacune d'elles. Il ajoute qu'il n'a existé aucune cession de fonds de commerce ou transfert de l'activité de la première société créée, les sociétés EDVELEC et SN ELEC, qui certes exerçaient dans le même secteur d'activité, étaient deux entités distinctes.

A titre subsidiaire, si la cour devait considérer que son contrat de travail a fait l'objet d'un transfert de la société EDVELEC à la société SN ELEC en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, il indique que la liquidation judiciaire de la société SN ELEC devra alors supporter l'intégralité des rappels de salaires et indemnités de rupture lui étant dues.

Le liquidateur réplique que l'AGS démontre parfaitement la gérance tournante de la famille [T] ainsi que la qualité de salarié de l'appelant dans toutes les sociétés de la famille, lesquelles ont toutes fait l'objet de procédures collectives, l'appelant ayant été pris en charge à chaque fois par l'AGS, le liquidateur indiquant s'associer aux explications de l'AGS sur ce point. S'agissant de la demande subsidiaire de l'appelant, il conclut à son irrecevabilité sur le fondement des articles 564 et 566 du code de procédure civile, en ce que l'intéressé sollicite désormais, et pour la première fois en cause d'appel, que la cour statue subsidiairement sur une fixation au passif de la somme de 15 796,45 euros nets, ladite demande n'ayant jamais été formulée devant le conseil de prud'hommes et n'étant en outre pas détaillée par l'appelant qui sollicite une somme globale, la situation des sociétés EDVELEC et SN ELEC n'étant pas nouvelle, l'AGS en ayant déjà fait état en première instance.

L'AGS conclut à l'existence d'une fraude aux dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, soulignant être « le principal bailleur de fonds » de l'appelant au titre de ses contrats passés avec la co-action active de la famille [T]. Elle relève que l'espérance de vie de chacune des sociétés de la famille est assez courte et que l'appelant y est toujours présent, qu'il perçoit à chaque fois des indemnités de rupture liées à la liquidation judiciaire de son employeur puis, qu'il est repris dans la foulée par un membre actif de la famille [T]. Elle souligne que l'appelant a été engagé par la société SN ELEC le 5 novembre 2015 après avoir été licencié le 3 novembre 2015 par la société EDVELEC, le système frauduleux consistant pour un employeur de la famille [T] à créer une entreprise dans la succession immédiate de la précédente liquidée, à faire payer les indemnités de rupture par l'AGS puis à réengager immédiatement le salarié dans une nouvelle structure, au bénéfice de ce qui apparaît comme la continuité de son ancien contrat, exercé pour les mêmes fonctions dans le même domaine.

En application de l'article L. 625-1 du code de commerce, après vérification, le mandataire judiciaire établit les relevés des créances résultant d'un contrat de travail, le débiteur entendu ou dûment appelé. Les relevés des créances sont soumis au représentant des salariés dans les conditions prévues à l'article L. 625-2. Ils sont visés par le juge-commissaire, déposés au greffe du tribunal et font l'objet d'une mesure de publicité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Le salarié dont la créance ne figure pas en tout ou en partie sur un relevé peut saisir à peine de forclusion le conseil de prud'hommes dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement de la mesure de publicité mentionnée à l'alinéa précédent. Il peut demander au représentant des salariés de l'assister ou de le représenter devant la juridiction prud'homale.

Le débiteur et l'administrateur lorsqu'il a une mission d'assistance sont mis en cause.

Par ailleurs, en application de l'article L. 625-4 du code de commerce, lorsque les institutions mentionnées à l'article L. 143-11-4 du code du travail refusent pour quelque cause que ce soit de régler une créance figurant sur un relevé des créances résultant d'un contrat de travail, elles font connaître leur refus au mandataire judiciaire qui en informe immédiatement le représentant des salariés et le salarié concerné. Ce dernier peut saisir du litige le conseil de prud'hommes. Le mandataire judiciaire, le débiteur et l'administrateur lorsqu'il a une mission d'assistance sont mis en cause. Le salarié peut demander au représentant des salariés de l'assister ou de le représenter devant la juridiction prud'homale.

Aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

En l'espèce, si l'AGS refuse de régler les créances figurant sur le relevé des créances résultant du contrat de travail de l'appelant en faisant état de l'existence d'une fraude aux dispositions précitées de l'article L. 1224-1 du code du travail, il sera tout d'abord constaté qu'elle ne justifie cependant aucunement, mises à part ses propres affirmations et au vu des seuls éléments produits, de ce que les conditions posées par lesdites dispositions étaient effectivement réunies relativement à la situation des sociétés EDVELEC et SN ELEC, et ce s'agissant de l'existence du transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise. La cour ne peut par ailleurs que relever que le fait que l'appelant ait déjà travaillé pour le compte de deux autres sociétés ([T] ELEC et EDVELEC), dont les gérants appartenaient effectivement à la même famille que la gérante de la société SN ELEC, et que lesdites sociétés aient également fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, est manifestement insuffisant pour caractériser l'existence d'une fraude aux dispositions précitées mise en place par cette famille et à laquelle l'appelant aurait directement et personnellement participé. Il en est de même s'agissant de la seule concomitance chronologique entre le précédent licenciement économique de l'appelant (3 novembre 2015) et son embauche par la société SN ELEC, et ce compte tenu de la date de création de celle-ci (1er août 2013), laquelle est donc largement antérieure à la date de la liquidation judiciaire de la société EDVELEC, ainsi que de la durée de la dernière relation contractuelle, l'appelant ayant régulièrement travaillé pour le compte de la société SN ELEC du 5 novembre 2015 au 5 décembre 2016 dans le cadre de différentes chantiers ainsi que cela résulte des pièces versées aux débats de ce chef.

Dès lors, en application des dispositions précitées et par infirmation du jugement, il convient de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société SN ELEC la somme de 8 392,74 euros correspondant aux salaires impayés et au solde de tout compte de l'appelant ainsi que cela résulte des attestations établies par le liquidateur les 14 novembre et 6 décembre 2016.

Sur les autres demandes

Les créances du salarié seront garanties par l'association UNEDIC Délégation AGS CGEA d'[Localité 4], à qui le présent arrêt est déclaré opposable, dans la limite des plafonds applicables, conformément aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail.

Enfin, il convient de dire que les dépens de première instance et d'appel seront inscrits au passif de la liquidation judiciaire.

F

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Fixe la créance de M. [W] au passif de la liquidation judiciaire de la société SN ELEC à la somme de 8 392,74 euros à titre de salaires impayés et de solde de tout compte ;

Dit que les créances de M. [W] seront garanties par l'association UNEDIC Délégation AGS CGEA d'[Localité 4], à qui le présent arrêt est déclaré opposable, dans la limite des plafonds applicables, conformément aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail ;

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront inscrits au passif de la liquidation judiciaire de la société SN ELEC.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 18/04917
Date de la décision : 08/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-08;18.04917 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award