Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 13
ARRÊT DU 07 JUIN 2022
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07911 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7XBN
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 février 2019 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/17838
APPELANT
Monsieur [M] [O]
Né le [Date naissance 1]/1985 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté et assisté de Me Jean-Sébastien BODA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1690
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/010278 du 26/03/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMÉ
L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté et assisté de Me Cyril FERGON de la SELAS ARCO - LEGAL, avocat au barreau de PARIS, toque : J135
LE PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D'APPEL DE PARIS
Représenté par Mme Sylvie SCHLANGER, Avocat général, ayant émis un avis écrit en date du 28 janvier 2020
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Nicole COCHET, Première présidente de chambre, chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Nicole COCHET, Première présidente de chambre
Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre
Mme Estelle MOREAU, Conseillère
Greffière lors des débats : Mme Sarah-Lisa GILBERT
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre, pour Nicole COCHET, Première présidente de chambre empêchée, et par Séphora LOUIS-FERDINAND, Greffière présente à la mise à disposition.
* * * * *
S'étant vu délivrer son certificat d'aptitude à la profession d'avocat le 26 septembre 2014, M. [M] [O] a souhaité prêter serment devant la cour d'appel d'Angers.
Le bâtonnier, faisant état de la communication par le procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Angers d'un jugement correctionnel rendu à son encontre le 11 avril 2014, le condamnant à une peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis avec dispense d'inscription de cette condamnation au bulletin numéro 2 du casier judiciaire, lui a indiqué en réponse le 28 octobre 2014 qu'il envisageait de transmettre son dossier au conseil de l'ordre, appelé à statuer sur sa demande le 4 novembre suivant, avec un avis défavorable.
Par acte d'huissier signifié les 17 et 24 février 2017, M. [M] [O] a fait assigner l'agent judiciaire de l'État pour obtenir réparation de la faute lourde qu'il estime avoir été commise par le procureur de la République d'[Localité 4], à l'origine de sa non inscription au barreau.
Par un jugement rendu le 18 février 2019, le tribunal de grande instance de Paris, statuant sur renvoi d'incompétence du tribunal de grande instance de Marseille initialement saisi,
- a débouté M. [M] [O] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires,
- a débouté l'agent judiciaire de l'État de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- a condamné M. [M] [O] aux dépens,
- a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
M. [M] [O] a interjeté appel de cette décision le 13 avril 2019.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 19 juillet 2020, M. [M] [O] demande à la cour
- d'inviter, avant dire droit, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, à présenter ses observations sur ses conclusions,
- d'écarter des débats l'avis rendu par le ministère public le 28 janvier 2020 comme contraire aux principes d'impartialité du tribunal et d'égalité des armes protégés par l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l'homme,
- d'annuler le jugement le déboutant de ses entières demandes,
Statuant par effet dévolutif ou par évocation,
- de constater la faute lourde commise par le service du procureur de la République d'[Localité 4] du fait de la divulgation à une autorité purement administrative de données sensibles à caractère personnel,
- de réparer le préjudice moral en résultant en mettant à la charge de l'agent judiciaire de l'État la somme de 200 000 euros,
- de mettre à la charge de l'agent judiciaire de l'État le versement à Me Boda de la somme de 5 000 euros sur le fondement combiné des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 7 octobre 2019, l'État pris en la personne de l'agent judiciaire de l'État demande à la cour
- de confirmer le jugement entrepris,
- de dire que M. [O] ne démontre pas de faute commise par le service public de la justice dont il aurait été victime,
- de le débouter de l'ensemble de ses demandes,
- de le condamner à lui payer une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- de le condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de la Selas Arco-Legal.
Selon avis notifié le 28 janvier 2020, le ministère public demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [O] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires.
SUR CE,
Sur la nullité du jugement
M. [M] [O] fait valoir que le jugement doit être annulé
- pour violation de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui s'applique au ministère public lorsqu'il intervient hors du domaine pénal, le fait qu'il émette un avis bénéficiant objectivement à l'agent judiciaire de l'Etat dans une affaire où les agissements de l'un de ses membres est en cause étant contraire aux principe d'impartialité et d'égalité des armes, peu important à cet égard que ledit avis ait été ou non soumis à la contradiction,
- pour omission de statuer, en ce que le tribunal ne s'est pas prononcé sur le moyen tiré de la violation du droit au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel, la mise en oeuvre des dispositions de l'article 463 du code de procédure civile n'étant pas l'unique moyen de réparer une telle omission comme le soutiennent les intimés, la cour elle-même ayant aussi la possibilité de le faire dès lors que tous les points du litige lui sont déférés,
- enfin pour violation de l'article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce que, pour justifier le refus de se prononcer sur ce moyen, le tribunal a affirmé que le demandeur n'avait exercé aucun recours contre la décision du conseil de l'Ordre, le privant ainsi de son droit au seul recours effectif qui lui soit ouvert puisqu'un tel recours aurait été déclaré irrecevable, la cour d'appel saisie d'un recours contre une décision du conseil de l'Ordre n'ayant en aucun cas pouvoir de se prononcer sur une faute imputée au procureur de la République.
L'agent judiciaire de l'État répond
- sur l'avis du ministère public,
- que si celui ci n'est pas obligatoire en cas de dysfonctionnement du service public de la justice, pour autant le ministère public peut prendre communication des affaires dans lesquelles il estime devoir intervenir en vertu de l'article 426 du code de procédure civile,
- que M. [O] avait la possibilité d'y répondre soit à l'audience, soit par une note en délibéré,
- que les dispositions de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent pas être invoquées à l'encontre des magistrats du parquet, puisqu'ils ne sont pas des juges et n'appartiennent pas à la formation de jugement,
- sur le point relatif à l'omission de statuer, que celle-ci ne saurait constituer une cause de nullité du jugement, l'exercice des voies de droit existantes, en l'espèce un recours en omission de statuer de l'article 463 du code de procédure civile, étant susceptible d'y remédier.
Le ministère public ajoute
- qu' en vertu de l'article 431 du code de procédure civile, le ministère public a toujours la possibilité de faire connaître son avis par conclusions ou oralement à l'audience, ce dont le greffe informe aussitôt les parties,
- sur la nullité du jugement pour omission de statuer et la violation de l'article 13, que l'article 463 du code de procédure civile prévoit une voie de recours en cas d'omission de statuer, de sorte que ni la communication du dossier pour avis au parquet ni l'omission de statuer ne peuvent constituer une cause de nullité du jugement.
Sur la première cause de nullité invoquée,
L'article 427 du code de procédure civile prévoit que le juge peut d'office décider de la communication d'une affaire au ministère public qui, selon les dispositions de l' article 424 du même code, intervient alors dans l'affaire qui lui a été communiquée à seule fin de faire connaître son avis sur l'application de la loi.
Il n'est en l'espèce que partie jointe à la procédure, et son avis, qui ne lie pas le juge, indépendant de la position et de l'intérêt de l'une ou l'autre des parties, ne vise pas à faire pencher la balance en faveur de l'une ou l'autre d'entre elles, mais à analyser, dans l'intérêt de la société dont il est le représentant, si la loi a été respectée ou violée, soit, en l'occurrence, si la procédure critiquée a été ou non entachée d'une défaillance lourde du système judiciaire.
La circonstance qu'un membre du ministère public soit impliqué dans cette éventuelle défaillance est indifférente à la mise en oeuvre de ce mécanisme de demande d'avis, systématiquement actionné dans le cadre des procédures engageant la responsabilité de l'Etat.
Même s'il peut mécaniquement servir la position de l'une ou l'autre des parties -et pas nécessairement celle de l'agent judiciaire de l'Etat-, un tel avis n'a pas vocation à arbitrer entre leurs positions respectives, et il n'entache donc la procédure d'aucun manquement aux principes du procès équitable posé par l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'égalité des armes, en particulier, étant satisfaite dès lors que, comme en l'espèce, les parties ont été informées de l'intervention du ministère public, ont eu connaissance de l'avis émis, et ont été en mesure d'y répondre.
Ce premier moyen d'annulation ne peut donc prospérer.
Sur l'omission de statuer sur le moyen tiré de la violation, du fait de la communication litigieuse du parquet au bâtonnier, du droit de M. [O] à la protection de ses droits à la protection de sa vie privée et de ses données personnelles,
Il résulte des énonciations mêmes du jugement que M. [O] demandait à la fois la réparation du préjudice moral né du fait de la communication jugée intempestive du jugement le condamnant par le ministère public, à hauteur de 200 000 euros, et, à hauteur de 108 000 euros, celle du préjudice économique résultant de la ruine de ses espérances de carrière en tant qu'avocat fiscaliste du fait de l'opposition à sa prestation de serment formulée par le bâtonnier à réception de cette information.
Pour lui répondre, les premiers juges, constatant qu'il n'avait pas exercé contre la décision prêtée au bâtonnier les recours qui auraient permis au système judiciaire de réparer l'incidence de la faute lourde alléguée quant au refus d'inscription, ont pertinemment et suffisamment motivé le rejet de sa demande relative au préjudice économique censé résulter de l'absence d'inscription.
Ayant, pour ce motif, débouté M.[O] de toutes ses demandes, ils n'ont commis aucune omission de statuer, mais ils ont en revanche insuffisamment motivé leur rejet de sa demande au titre du préjudice moral, fondée sur la faute alléguée elle même indépendamment de son incidence sur l'inscription, et dont l'examen requérait par conséquent l'appréciation du caractère fautif ou non de la divulgation intempestive reprochée au procureur de la République.
Cette insuffisance de motif n'est pas un motif d'annulation du jugement, alors que la cour, ainsi que l'appelant le souligne lui-même, a pleine vocation à la réparer dans le cadre du présent appel. Le deuxième moyen de nullité invoqué doit donc être écarté.
Enfin, sur la nullité tirée de la violation de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
M.[O] se méprend manifestement sur le sens de la décision du tribunal : En lui faisant grief de ne pas avoir exercé les recours qui étaient à sa disposition - en l'espèce celui qui lui était ouvert par l'article 102 du décret 91-1197 du 27 novembre 1991 - , le tribunal ne lui a pas reproché de ne pas avoir saisi le bâtonnier de la faute qu'il imputait au procureur de la République - la cour ne pouvant qu'acquiescer à son affirmation selon laquelle le bâtonnier ne disposait d'aucun pouvoir de statuer sur ce point -, mais de n'avoir pas réagi vis à vis des instances de l'ordre, dont dépendaient sa prestation de serment et son inscription au tableau, au courrier par lequel le bâtonnier lui indiquait son intention d'accompagner la saisine de l'ordre à ces fins avec un avis défavorable compte tenu de la communication reçue du procureur de la République.
Le tribunal ne l'a donc en rien privé de l'action qu'il considère pouvoir exercer contre l'Etat en raison de la faute lourde dont il s'estime victime - à preuve le fait que celle-ci fait l'objet du présent recours -, il a seulement fait application, sur le point examiné, de la jurisprudence établie selon laquelle un recours en responsabilité contre l'Etat pour dysfonctionnement du système judiciaire peut être engagé, mais ne peut en aucun cas prospérer, si le justiciable concerné - l'appelant en l'occurrence - en ne mettant pas en oeuvre les voies de recours pertinentes à sa disposition, n'a pas mis le service public de la justice en mesure de réparer par leur exercice normal l'éventuelle faute lourde qu'il vient reprocher audit système.
La cour écarte donc pareillement le dernier moyen de nullité ainsi invoqué.
Sur la responsabilité de l'État
Les premiers juges ont considéré que M. [O] n'était pas fondé à engager la responsabilité de l'État, alors qu'il se contentait de produire le courrier du bâtonnier du 28 octobre 2014, sans justifier que la procédure se soit poursuivie, ni qu'une décision de refus d'inscription soit effectivement intervenue ni que le cas échéant, il ait formé un recours à l'encontre de cette décision, et qu'ainsi il ne démontre pas avoir mis le service public de la justice en mesure de réparer, par l'exercice normal des voies de recours, l'éventuelle faute lourde initialement commise par le procureur.
L'appelant fait valoir
- qu'en divulguant au bâtonnier une condamnation exclue du bulletin n° 2 du casier judiciaire, le procureur a commis une ingérence non prévue par la loi, ce qui constitue une violation de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, combiné avec la Convention 108 modernisée,
- qu'il a également commis un détournement de pouvoir en utilisant ses prérogatives d'autorité judiciaire aux fins d'obtenir une information judiciaire alors qu'il agissait, en l'espèce, en qualité d'autorité administrative, et a violé le principe de loyauté de l'article 5.4.a de la Convention 108 ainsi que le principe de séparation des pouvoirs,
- qu'en communiquant en son entier au bâtonnier un jugement pénal qui renfermait des informations sur sa vie privée, manifestement inadéquates et non pertinentes, pour une finalité non prévue par la loi, il a aussi méconnu aussi bien le principe de limitation des finalités de l'article 5.4.b de la Convention 108 que celui de la pertinence des données traitées de l'article 5.4.c de la Convention 108,
- qu'en agissant ainsi d'une manière impropre et abusive, le procureur a privé de tout effet les garanties apportées par la loi, notamment aux articles 774, 776 et R.80 du code de procédure pénale qui réglementent précisément la communication d'informations relatives aux condamnations,
- que la violation d'un droit fondamental constitue nécessairement une faute lourde au sens des dispositions de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, juger le contraire revenant à admettre une restriction de la responsabilité du service de la justice qui serait manifestement disproportionnée au regard de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, combiné avec la Convention 108 modernisée,
- que contrairement à ce qu'indique l'intimé , il a parfaitement caractérisé l'existence d'une faute lourde en citant un arrêt de la Cour de cassation qui a confirmé un arrêt d'appel engageant la responsabilité de l'État pour faute lourde à raison de la notification par le procureur d'une interdiction d'exercer une activité réglementée à une personne dont la condamnation n'était pas fichée au bulletin n° 2,
- que par ailleurs, il ne disposait pas d'autres voies de recours, la cour d'appel statuant sur un recours, dirigé contre une décision du conseil de l'Ordre ne pouvant se prononcer sur une faute imputée au procureur de la République.
L'agent judiciaire de l'État demande la confirmation du jugement, soutenant
- qu'en cas de non exercice des voies de recours prescrits par la législation en vigueur, le justiciable ne peut se prévaloir d'aucune faute à l'encontre de l'État,
- que s'il résulte de la décision de condamnation que l'appelant a bénéficié d'une dispense d'inscription au bulletin n°2 du casier judiciaire, cette mesure ne fait pas obstacle au rappel des faits et de la condamnation par la communication du jugement qui est public, rendu aux termes d'une audience publique,
- que si le parquet avait eu tort de procéder à cette transmission d'information, le bâtonnier aurait dû n'y apporter aucune suite et ne pas transmettre un avis négatif en saisissant le conseil de l'Ordre en sorte que la faute à l'origine du préjudice allégué serait la décision du conseil de l'Ordre, ce qui suffit à rejeter son action dirigée contre l'État,
- que le procureur, loin de commettre une faute a satisfait à ses obligations de gardien de l'ordre public, l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 sur la profession d'avocat interdisant l'accès à la profession en cas de condamnation pénale pour agissements contraires à l'honneur, à la probité et aux bonnes m'urs,
- qu'en ce qui concerne la faute que constitueraient les violations du droit à la protection de la vie privée et données à caractère personnel, les griefs ne relèvent pas de la responsabilité du service public de la justice mais des services compétents de sorte que la responsabilité de l'État ne peut être engagée sur ce point.
Le ministère public ajoute
- que l'appelant a renoncé à la prestation de serment collective et s'est réservé la formulation d'une demande ultérieure d'inscription au Barreau par courrier du 29 octobre 2014,
- qu'en tout état de cause, le ministère public a agi en garant de l'ordre public en portant à la connaissance du bâtonnier la circonstance qu'un candidat ne remplissait pas les conditions posées par l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971,
- que sur la faute en raison du non-respect de la vie privée et de la protection des données à caractère personnel, aucune atteinte ne peut être retenue, le jugement communiqué prétendument communiqué à tort ayant été prononcé en audience publique.
La cour observe à titre liminaire que M. [O] n'apporte pas d'élément de réponse sur le déroulement de sa procédure d'inscription, tandis que le courrier, émanant de Mme la procureure générale près la cour d'appel d'Angers, daté du 3 décembre 2014, figurant aux pièces de l'agent judiciaire de l'Etat, établit qu'il a en fait renoncé de lui-même à prêter serment, en sorte que le conseil de l'Ordre n'a pris aucune décision de refus d'inscription: il n'est donc rien objecté à la décision des premiers juges motivant pertinemment le rejet de la demande, du moins en ce qui concerne le préjudice économique censé découler de la non inscription de l'appelant.
Aussi bien, il ne demande plus que la réparation du préjudice moral résultant de la divulgation intempestive de sa situation pénale par le procureur de la République, en sorte qu'il revient à la cour, complétant sur ce point l'examen des premiers juges, d'apprécier si cette divulgation est ou non constitutive d'une faute lourde ainsi qu'il le soutient, par violation de son droit fondamental à la protection de sa vie privée protégé par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des dispositions de la convention 108 du conseil de l'Europe relative à la protection des données personnelles, et du code de procédure pénale pris en ses articles 774,776 et R 80.
Si la maîtrise des inscriptions au tableau de l'Ordre d'un barreau -et, préalablement, des autorisations de prêter serment -, revient exclusivement à son conseil de l'Ordre, le parquet général de son ressort dispose en ce domaine, selon les dispositions de l'article 102 du décret 91-1197, d'un recours à l'encontre des décisions d'inscription ou de non inscription qu'il prend.
En informant l'Ordre d'éléments susceptibles de faire obstacle à l'inscription d'un candidat, le procureur de la république, qui lui permet ainsi de prendre en toute connaissance de cause sa décision et d'éviter, le cas échéant , la mise en oeuvre de ce recours du ministère public, ne fait qu'exercer sa mission générale de veille au respect de l'ordre public et de la bonne application de la loi.
L'article 11 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971 fait figurer parmi les conditions d'accès à la profession d'avocat, en son point 4°, l'obligation de n'avoir pas été l'auteur de faits ayant donné lieu à une condamnation pénale contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs, que cette condamnation figure, ou non, sur le bulletin n°2 du casier judiciaire de l'intéressé.
La transmission au bâtonnier, par le procureur de la république d'[Localité 4], de l'information selon laquelle M.[O] avait fait l'objet en avril 2014 d'une condamnation correctionnelle - non mentionnée par ses soins dans sa demande d'inscription - à deux mois d'emprisonnement avec sursis pour menace de mort matérialisée par écrit ou image, et atteinte à l'intimité de la vie privée par fixation ou transmission de l'image d'une personne, ne peut ainsi constituer par elle même une faute, et encore moins une faute lourde.
Quant aux conditions dans lesquelles cette transmission s'est effectuée, il apparaît .
- que le procureur de la République n'a à aucun moment communiqué au bâtonnier le bulletin n° 1 du casier judiciaire de M. [O], en sorte qu'aucune atteinte aux dispositions des articles 774 et 776 du code de procédure pénale n'est constituée,
- que le grief de traitement illicite de données à caractère personnel n'apparaît pas davantage fondé, et cela sans que la consultation préalable de la Cnil que M.[O] s'avise tardivement de demander à la cour soit nécessaire pour le déterminer : en effet, le procureur de la République n'a ni extrait, ni communiqué, ni mis à disposition d'autres données personnelles concernant M.[O] que celles contenues dans le jugement de condamnation du 11 avril 2014, lequel, ayant été rendu au cours d'une audience publique, lui était accessible sans qu'il ait à mettre en oeuvre des 'moyens détournés'et donc illicites, ainsi que l'allègue l'appelant, pour obtenir l'information transmise,
- que la transmission de ce jugement, ayant eu les services de l'ordre pour unique destinataire, aux seules fins de l'instruction du dossier individuel de demande de prestation de serment de l'appelant, et pour le compléter par une information que l'intéressé aurait dû lui même fournir spontanément, ne caractérise aucune atteinte fautive portée à l'intimité de sa vie privée.
A défaut d'une quelconque faute, et a fortiori d'une faute lourde, imputable au service public de la justice, les motifs du présent arrêt s'ajouteront à ceux retenus par les premiers juges pour confirmer le rejet des demandes de M.[O] par le jugement dont appel.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
M.[O], partie succombante, étant bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, les dépens seront recouvrés conformément à la législation applicable en la matière.
L' équité n'appelle pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Dit n'y avoir lieu à annulation du jugement dont appel,
Rejette la demande de consultation préalable de la CNIL formée par M.[O],
Confirme par adjonction de motifs le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Dit que les dépens seront recouvrés conformément à la législation applicable en matière d'aide juridictionnelle,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE