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02/06/2022 | FRANCE | N°21/20190

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 02 juin 2022, 21/20190


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 02 JUIN 2022



(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/20190 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEWHX



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 04 Octobre 2021 -Président du TJ de PARIS - RG n° 18/57562





APPELANTS



M. [L] [Y] [W]



[Adresse 6]

[Localité 1] (ES

PAGNE)



Mme [P] [B] [A] épouse [Y] [W]



[Adresse 6]

[Localité 1] (ESPAGNE)



Représentés et assistés par Me Grégoire PENOT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1147





INTIMES



M. [I] [J...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 02 JUIN 2022

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/20190 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEWHX

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 04 Octobre 2021 -Président du TJ de PARIS - RG n° 18/57562

APPELANTS

M. [L] [Y] [W]

[Adresse 6]

[Localité 1] (ESPAGNE)

Mme [P] [B] [A] épouse [Y] [W]

[Adresse 6]

[Localité 1] (ESPAGNE)

Représentés et assistés par Me Grégoire PENOT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1147

INTIMES

M. [I] [J]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Défaillant, PV 659 en date du 10.12.2021

LA VILLE DE PARIS Représentée par Madame la Maire de [Localité 4], Madame [S] [T]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentée par Me Fabienne DELECROIX de l'ASSOCIATION DELECROIX GUBLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R229

Assistée de Me Jennyfer BRONSARD, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 avril 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- PAR DÉFAUT

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Thomas RONDEAU, Conseiller pour la Présidente empêchée et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

M. [L] [Y] [W] et son épouse Mme [P] [B] [A] sont propriétaires d'un appartement situé [Adresse 3].

Par acte en date des 27 et 28 juin 2018, la ville de Paris les a fait assigner ainsi que leur locataire M. [I] [J] devant le tribunal judiciaire de Paris en paiement d'une amende civile sur le fondement des dispositions de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation.

Par ordonnance du 8 janvier 2019, le président du tribunal a sursis à statuer sur les demandes de la ville de Paris dans l'attente de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne appelée, sur renvoi préjudiciel de la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 15 nov.2018, n° 17-26.156), à apprécier la compatibilité de la réglementation nationale, telle que celle prévue par l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.

Par arrêt du 22 septembre 2020, la Cour de justice de l'Union européenne a considéré la réglementation nationale conforme aux dispositions de la directive 2006/123/CE (CJUE, 22 sept. 2020, Cali Apartments, affaires jointes C-724/18 et C-727/18).

Par cinq arrêts du 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne. Elle a notamment jugé que la réglementation locale de la Ville de Paris sur le changement d'usage est conforme à la réglementation européenne.

L'affaire a été rétablie à l'audience du 30 août 2021.

La ville de Paris a sollicité que soit constatée l'infraction commise par M. et Mme [Y] [W] et M. [J] et de les voir condamner in solidum à lui payer une amende civile de 50.000 euros, outre une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ordonnance en la forme des référés rendue le 4 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

- déclaré irrecevable la demande de provision de M. et Mme [Y] [W] formée à l'égard de M. [J] ;

- débouté la ville de Paris de ses demandes à l'égard de M. [J] ;

- condamné in solidum M. et Mme [Y] [W] à payer une amende civile de 25.000 euros dont le produit sera versé à la ville de [Localité 4] ;

- débouté M. et Mme [Y] [W] de leur demande en condamnation de M. [J] de la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum M. et Mme [Y] [W] à payer à la ville de Paris la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum M. et Mme [Y] [W] aux dépens ;

- rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.

Par déclaration du 19 novembre 2021, M. et Mme [Y] [W] ont relevé appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 21 mars 2022, ils demandent à la cour, de :

- infirmer l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau,

- débouter la ville de Paris de ses demandes à leur encontre compte tenu de leur bonne foi ;

- à titre subsidiaire, fixer le montant de l'amende civile due par eux sur le fondement de l'article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation à la somme de 1 euro ;

- juger seul responsable M. [J] de l'infraction prévue à l'article L.631-7 du code de la construction de l'habitation ;

- condamner à titre reconventionnel M. [J] à leur verser à titre de provision la somme de 4.000 euros au titre des fruits civils indûment perçus par lui en raison des sous-locations irrégulières ;

- condamner M. [J] à leur payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner solidairement M. [J] et la ville de Paris aux dépens de première instance et d'appel, dont le recouvrement sera directement poursuivi par Me Penot, avocat au Barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 09 mars 2022, la ville de Paris demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

- débouter M. et Mme [Y] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

- les condamner à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

M. [I] [J] n'a pas constitué avocat.

SUR CE, LA COUR

Au soutien de leur appel, M. et Mme [Y] ne contestent pas que l'infraction est bien caractérisée mais demandent, à titre principal, que leur responsabilité soit écartée et que la ville de [Localité 4] soit déboutée de sa demande en paiement d'une amende à leur encontre, M. [J] devant supporter seul la responsabilité, et à titre subsidiaire, que l'amende prononcée à leur encontre soit limitée à l'euro symbolique.

Ils arguent de leur bonne foi en exposant, en substance, qu'ils vivent à Alicante en Espagne et qu'ils ont loué l'appartement en cause à M. [I] [J] à titre gratuit en contrepartie de l'exécution de travaux ; qu'ils ignoraient que leur locataire se livrait à de la sous-location de courte durée et n'ont tiré aucun bénéfice de cette activité ; que le bail qu'ils ont conclu avec M. [J] n'a été formalisé par un écrit que postérieurement au contrôle effectué par la ville de [Localité 4] et à l'initiative de M. [J] qui leur a fait signer un bail antidaté contenant, ce dont ils ne se sont pas rendu compte car ils maîtrisent pas la langue française, une clause autorisant la sous-location de courte durée ; que le bail conclu avec M. [J] a été résilié le 1er octobre 2018 et le retour à l'habitation a eu lieu dès le 24 novembre 2021 par la conclusion d'un bail meublé d'une année ; que les articles 546 et 547 du code civil réservant au seul propriétaire le droit de tirer profit des utilités de son bien et d'en récolter les fruits civils, M. [J] devra être condamné à leur verser la somme de 4.000 euros, correspondant au profit réalisé, au titre des fruits civils indûment perçus.

En sollicitant la confirmation de l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, la ville de [Localité 4] ne discute pas cette ordonnance en ce qu'elle a écarté sa demande dirigée contre M [J] et condamné seuls M. et Mme [Y] au paiement d'une amende de 25.000 euros.

Il n'y a donc pas lieu pour la cour d'examiner la responsabilité de M. [J], la ville de [Localité 4] ne la poursuivant plus en appel, mais d'apprécier seulement la responsabilité de M. et Mme [Y] en tant que propriétaires du bien objet de la location irrégulière.

En substance, la ville de Paris soutient que l'infraction est caractérisée, le local étant à usage d'habitation au 1er janvier 1970 et sans changement d'affectation postérieur ; qu'il n'est pas la résidence principale du propriétaire ni de l'occupant M. [J] ; qu'il a fait l'objet de locations de courtes durées à une clientèle de passage comme l'établissent les pièces produites, a minima de novembre 2017 à octobre 2018, cela en toute connaissance de cause par les propriétaires qui ont signé un bail autorisant expressément la sous-location ; que c'est le locataire qui a résilié le bail le 1er octobre 2018 et non M. et Mme [Y], soit postérieurement à la délivrance de l'assignation les 27 et 8 juin 2018 ; que sur la demande des époux [Y] sur le fondement des articles 546 et 547 du code civil, le tribunal a justement jugé que le juge des référés ne peut statuer en la forme des référés sur une telle demande.

Il convient de rappeler qu'en application de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50.000 euros par local irrégulièrement transformé.

M. et Mme [Y], propriétaires de l'appartement en cause, ne sauraient voir leur responsabilité écartée alors qu'il est constant qu'ils ont signé avec M. [I] [J] un contrat de bail à titre gratuit en date du 28 septembre 2016, lequel contient une clause qui stipule :

"Le bailleur autorise la sous-location du présent bien loué par son locataire.

Ainsi, il est convenu que le locataire pourra proposer son bien à la sous-location de courte durée, ou saisonnière."

M. et Mme [Y] prétendent que leur consentement à cette clause a été surpris par M. [J] qui leur aurait fait signer ce contrat de location a posteriori, afin de se dégager de sa responsabilité vis à vis de la mairie de [Localité 4].

Ils produisent pour l'établir une attestation émanant de l'ancienne compagne de M. [J], Mme [O] [F], qui atteste que "le bail d'habitation a été réalisé et signé concomitamment au rendez-vous fixé par la mairie de [Localité 4] au sujet de la location meublée courte durée du 26 février 2018 (date de mémoire)", et que "M. [J] a fait de la location saisonnière sans l'autorisation de M. [Y], c'est lui qui a rédigé le bail d'habitation mais je ne saurai pas expliquer la raison pour laquelle la date "septembre 2016" a été indiquée pour la date de conclusion. "

Cependant, compte tenu des liens affectifs qui ont uni le témoin à M. [J], l'objectivité de ce témoignage est sujette à caution, et en outre il est peu crédible que M. et Mme [Y] aient accepté de signer un bail a posteriori sans se méfier et sans prendre la précaution de le relire ou de le faire relire par un tiers maîtrisant la langue française, alors que ce bail aurait été signé à un moment où ils venaient d'apprendre par les services de la ville de [Localité 4] que leur locataire avait effectué de la location de courte durée à leur insu.

Il n'est donc pas établi que le consentement de M. et Mme [Y] aurait été surpris par M. [J] quant à la signature de ce contrat de bail, dont il résulte sans contestation possible qu'ils ont autorisé leur locataire à faire de la sous-location de courte durée.

Il s'ensuit que leur responsabilité est engagée et qu'ils doivent supporter le paiement de l'amende, alors par ailleurs qu'il n'est pas discuté et résulte des éléments du dossier, tels qu'exactement analysés par le premier juge, que l'infraction génératrice de l'amende prononcée au profit de la ville de [Localité 4] est bien caractérisée en l'espèce.

Toutefois, compte tenu de la durée limitée de la location irrégulière établie (de novembre 2017 à octobre 2018), du profit relatif qu'en a tiré M. [J] (4.000 euros) et de l'absence de profit réalisé par les époux [Y], il y a lieu de limiter le montant de l'amende à 6.000 euros.

C'est à raison que le premier juge a dit irrecevable comme n'entrant pas dans les pouvoirs du juge statuant en la forme des rérérés la demande de provision formée par M. et Mme [Y] contre M. [J] sur le fondement des articles 546 et 547 du code civil.

L'ancien article 492-1 du code de procédure civile énonce en effet que "lorsqu'il est prévu que le juge statue comme en matière de référé ou en la forme des référés, la demande est formée, instruite et jugée dans les conditions suivantes : (...)." Ces dispositions sont reprises par l'actuel article 481-1 relatif à la procédure accélérée au fond, venue remplacer la procédure en la forme des référés, qui lui prévoit : "lorsqu'il est prévu par la loi ou le règlement qu'il est statué selon la procédure accélérée au fond, la demande est formée, instruite et jugée dans les conditions suivantes : (...)".

Or, il n'est pas prévu par les articles 546 et 547 du code civil qu'il soit statué en la forme des référés ou selon la prcédure accélérée au fond sur les demandes fondées sur ces textes.

L'ordonnance sera ainsi confirmée en ce qu'elle a jugé irrecevable la demande de provision de M. et Mme [Y].

Parties perdantes, M. et Mme [Y] seront condamnés aux entiers dépens de première instance et d'appel, l'ordonnance étant confirmée de ce chef de même que sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile dont il a été fait une juste appréciation.

L'équité et le succès partiel du recours de M. et Mme [Y] justifient d'écarter en appel l'application de l'artcle 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise, sauf sur le montant de l'amende prononcée à l'encontre de M. [L] [Y] [W] et Mme [P] [B] [A],

Statuant à nouveau de ce seul chef,

Condamne in solidum M. [L] [Y] [W] et Mme [P] [B] Vilel Martinez à payer à la ville de Paris une amende civile de 6.000 euros,

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [L] [Y] [W] et Mme [P] [B] Vilel Martinez aux dépens d'appel,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER POUR LA PRESIDENTE EMPÊCHÉE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 21/20190
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;21.20190 ?
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