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02/06/2022 | FRANCE | N°21/18889

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 02 juin 2022, 21/18889


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 02 JUIN 2022



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/18889 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CESQO



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 11 Octobre 2021 -Président du TJ de Paris - RG n° 21/55953





APPELANTE



E.P.I.C. La [Adresse 12] ([Adresse 11]), prise en la personne de ses repr

ésentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



[Adresse 6]

[Localité 9]



Représenté et assisté par Me Marie PIVOT, avocat au barreau de PARIS, toque : E0693...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 02 JUIN 2022

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/18889 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CESQO

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 11 Octobre 2021 -Président du TJ de Paris - RG n° 21/55953

APPELANTE

E.P.I.C. La [Adresse 12] ([Adresse 11]), prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 9]

Représenté et assisté par Me Marie PIVOT, avocat au barreau de PARIS, toque : E0693

INTIMEES

Mme [V] [N]

[Adresse 4]

[Localité 8]

Défaillante, signifiée le 17.11.2021 à étude

Caisse CPAM DU RHONE

[Adresse 5]

[Localité 7]

Défaillante, signifiée le 19.11.2021 à personne morale

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 avril 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- RENDU PAR DEFAUT

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Thomas RONDEAU, conseiller pour la Présidente empêchée et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Le 31 mars 2020, Mme [V] [N] s'est blessée en chutant dans un bus de la [Adresse 11] dont elle était passagère.

Par actes des 19 et 20 mai 2021, elle a fait assigner la [Adresse 11] et la CPAM de [Localité 7] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir ordonner une expertise médicale et obtenir paiement d'une provision de 1000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice.

Par ordonnance réputée contradictoire du 11 octobre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :

- renvoyé les parties à se pourvoir sur le fond du litige et, par provision, tous moyens étant réservés ;

- donné actes des protestations et réserves formulées en défense ;

- ordonné une expertise médicale pour déterminer les causes et l'ampleur du préjudice corporel subi par Mme [N] suite à l'accident dont elle a été victime ;

- désigné pour procéder à cette mesure d'instruction :

M. [S] [L], [Adresse 3]), téléphone : [XXXXXXXX01] et [XXXXXXXX02], courriel : [Courriel 10]

lequel pourra s'adjoindre comme sapiteur, si nécessaire, tout spécialiste d'un domaine de compétence distinct du sien, notamment en psychiatrie avec la mission suivante ;

- préalablement à la réunion d'expertise, recueillir dans la mesure du possible, les convenances des parties et de leurs représentants avant de fixer une date pour le déroulement des opérations d'expertise. Leur rappeler qu'elles peuvent se faire assister par un médecin conseil et toute personne de leur choix ;

- convoquer la victime et son conseil en l'informant de la faculté de se faire assister par un médecin conseil et toute personne de son choix, notamment de sa famille, étant précisé que la victime peut en outre dès lors qu'elle donne son accord pour la levée du secret médical, autoriser la présence des conseils des parties y compris lors de l'examen clinique ;

- recueillir les renseignements nécessaires sur l'identité de la victime et sa situation, les conditions de son activité professionnelle, sa situation scolaire s'il s'agit d'un enfant ou d'un étudiant, son statut ou sa formation s'il s'agit d'un demandeur d'emploi, son mode de vie antérieur à l'accident et sa situation actuelle ;

- déterminer l'état de la victime avant l'accident (anomalies, séquelles d'accidents antérieurs) et décrire au besoin un état antérieur, mais uniquement s'il est susceptible d'avoir une incidence directe sur les lésions ou leurs séquelles ;

- à partir des déclarations de la victime et aux besoins de ses proches ou de tout sachant et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales constatées à la suite de l'accident, les modalités de traitement, en précisant le cas échéant les durées exactes d'hospitalisation et pour chaque période d'hospitalisation le nom d'établissement, les services concernés et la nature des soins, y compris la rééducation ;

- recueillir les doléances de la victime et au besoin de ses proches, et les transcrire fidèlement, l'interroger sur les conditions d'apparition des lésions, l'importance, la répétition et la durée des douleurs, la gêne fonctionnelle subie et leurs conséquences ;

- annexer le cas échéant, les doléances écrites de la victime au rapport ;

- procéder en présence des médecins mandatés par les parties, éventuellement des avocats si la victime y consent, avec l'assentiment de la victime, à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime ;

- à l'issue de cet examen, analyser dans un exposé précis et synthétique : la réalité des lésions initiales, la réalité de l'état séquellaire, l'imputabilité certaine des séquelles aux lésions initiales en précisant au besoin l'incidence d'un état antérieur ;

- apprécier les différents postes de préjudice corporel ainsi qu'il suit :

' consolidation : fixer la date de consolidation et en l'absence de consolidation dire à quelle date il conviendra de revoir la victime ; préciser dans ce cas les dommages prévisibles pour l'évaluation d'une éventuelle provision,

' déficit fonctionnel temporaire : indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles ; en cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée ; dire s'il a existé une atteinte temporaire aux activités d'agrément, de loisirs, aux activités sexuelles ou à toute autre activité spécifique personnelle (associative, politique, religieuse, conduite ou autres),

' assistance par tierce personne avant et après consolidation : indiquer le cas échéant si l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne (étrangère ou non à la famille) est ou a été nécessaire pour accomplir les actes, notamment élaborés, de la vie quotidienne, pour sécuriser la victime et assurer sa dignité et sa citoyenneté ; dans l'affirmative, dire pour quels actes, et pendant quelle durée, l'aide d'une tierce personne a été ou est nécessaire ; évaluer le besoin d'assistance par une tierce personne, avant et après consolidation, en précisant en ce cas le nombre d'heures nécessaires, leur répartition sur 24h et pour quels actes cette assistance est nécessaire,

' perte de gains professionnels actuels : indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, avant consolidation, dans l'incapacité d'exercer totalement ou partiellement son activité professionnelle ; en cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée ; préciser la durée des arrêts de travail retenus par l'organisme social au vu des justificatifs produits et dire si ces arrêts de travail sont liés à l'accident,

' souffrances endurées : décrire les souffrances physiques ou psychiques endurées pendant la maladie traumatique (avant consolidation), du fait des atteintes subies,

' préjudice esthétique avant consolidation : décrire les altérations esthétiques de toute nature, leur localisation, leur étendue, leur intensité et leur durée sur une échelle d'intensité de 1 à 7 degrés,

' préjudice esthétique avant consolidation : décrire les altérations esthétiques de toute nature, leur localisation, leur étendue, leur intensité et leur durée sur une échelle d'intensité de 1 à 7 degrés,

' dépenses de santé : décrire les soins et les aides techniques nécessaires à la victime (prothèse, appareillage spécifique, transport, etc.) avant et après consolidation ; préciser pour la période postérieure à la consolidation, leur durée, la fréquence de leur renouvellement,

' déficit fonctionnel permanent : indiquer si, après la consolidation, la victime subit un déficit fonctionnel permanent ; dans l'affirmative, évaluer les trois composantes : l'altération permanente d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles mentales ou psychiques en chiffrant son taux, les douleurs subies après la consolidation en précisant leur fréquence et leur intensité en utilisant l'échelle d'intensité de 7 degrés, l'atteinte à la qualité de vie de la victime en précisant son degré de gravité,

' préjudice esthétique permanent : décrire les altérations esthétiques de toute nature, leur localisation, leur étendue et leur intensité après consolidation ; évaluer ce préjudice sur une échelle d'intensité de 1 à 7,

' préjudice d'agrément : décrire toute impossibilité ou gêne, fonctionnelle ou psychologique, dans l'exercice d'activités de sport ou de loisirs que la victime indique pratiquer ; donner un avis médical sur cette impossibilité ou cette gêne, sans prendre position sur l'existence ou non d'un préjudice afférent à cette allégation ; donner un avis sur la perte de chance de pouvoir pratiquer de nouvelles activités de sport ou de loisir,

' préjudice sexuel : décrire et donner un avis sur l'existence d'un préjudice sexuel en précisant s'il recouvre l'un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altéré séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la libido, l'acte sexuel proprement dit (impuissance, frigidité, gêne positionnelle, etc.) et la fertilité (fonction de reproduction),

' préjudice d'établissement : dire si la victime subit une perte d'espoir ou de chance de normalement réaliser ou poursuivre un projet de vie familiale,

' frais de logement adapté : dire si l'état de la victime, avant ou après consolidation, emporte un besoin temporaire ou définitif de logement adapté : le cas échéant, le décrire ; sur demande d'une des parties, l'avis du médecin pourra être complété par une expertise architecturale ou ergothérapique,

' frais de véhicule adapté : dire si l'état de la victime, avant ou après consolidation, emporte un besoin temporaire ou définitif de véhicule adapté et/ou de transport particulier ; le cas échéant, le décrire,

' préjudice scolaire, universitaire ou de formation : si la victime est scolarisée ou en cours d'études, dire si, en raison des lésions consécutives au fait traumatique, elle a subi une perte d'une ou plusieurs années scolaires universitaires ou de formation, et/ou si elle est obligée, le cas échéant, de se réorienter ou de renoncer à certaines formations ; préciser si la victime n'a jamais pu être scolarisée ou si elle l'a été en milieu adapté ou de façon partielle ; préciser si la victime a subi une gêne, des absences, des aménagements, un surcroît de travail, ayant perturbé le cours normal de sa scolarité (accompagnement par auxiliaire de vie scolaire (AVS), tiers temps, baisse de ses résultats, pénibilité etc.),

' préjudices permanents exceptionnels : dire si la victime subit des atteintes permanentes atypiques qui ne sont prises en compte par aucun autre dommage précédemment décrit,

' perte de gains professionnels futurs : indiquer si le fait générateur ou les atteintes séquellaires entraînent l'obligation pour la victime de cesser totalement ou partiellement son activité professionnelle ou de changer d'activité professionnelle,

' incidence professionnelle : indiquer si le fait générateur ou les atteintes séquellaires entraînent d'autres répercussions sur l'activité professionnelle actuelle ou future de la victime (obligation de formation pour un reclassement professionnel, pénibilité accrue dans son activité professionnelle, dévalorisation sur le marché du travail) ; dire notamment si l'état séquellaire est susceptible de générer des arrêts de travail réguliers et répétés et/ou limiter la capacité de travail,

' établir un état récapitulatif de l'ensemble des postes énumérés dans la mission,

Par déclaration du 28 octobre 2021, la [Adresse 11] a relevé appel de cette décision, et par conclusions remises et notifiées le 09 décembre 2021, elle demande à la cour, de :

- infirmer l'ordonnance du 11 octobre 2021 s'agissant de la mission d'expertise ordonnée ;

Et statuant à nouveau,

- juger qu'au titre de l'examen médical, la mission de l'expert judiciaire sera ainsi libellée :

se faire communiquer par Mme [N] ou son représentant légal, ou par un tiers avec l'accord de l'intéressé ou de ses ayants-droits, tous documents utiles à sa mission ;

fournir le maximum de renseignements sur l'identité de la partie demanderesse, ses conditions d'activités professionnelles et de vie, son niveau scolaire, son statut exact, sa formation ;

entendre contradictoirement les parties, leurs conseils convoqués ou entendus (ceci dans le respect des règles de déontologie médicale ou relatives au secret professionnel) ;

recueillir toutes informations orales ou écrites des parties : se faire communiquer puis examiner tous documents utiles (dont le dossier médical et plus généralement tous documents médicaux relatifs au fait dommageable dont la partie demanderesse a été victime) ;

- à partir des déclarations de la partie demanderesse imputables au fait dommageable et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités du traitement, en précisant autant que possible les durées exactes d'hospitalisation et, pour chaque période d'hospitalisation, la nature et nom de l'établissement, le ou les services concernés et la nature des soins ;

- indiquer la nature de tous les soins et traitements prescrits imputables au fait dommageable et, si possible, la date de la fin de ceux-ci ;

- décrire, en cas de difficultés particulières éprouvées par la partie demanderesse, les conditions de reprise de l'autonomie et, lorsque la nécessité d'une aide temporaire est alléguée, la consigner et émettre un avis motivé sur sa nécessité et son imputabilité ;

- recueillir les doléances de la partie demanderesse en l'interrogeant sur les conditions d'apparition, l'importance des douleurs et de la gêne fonctionnelle et leurs conséquences ;

- décrire un éventuel état antérieur en interrogeant la partie demanderesse et en citant les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles. Dans cette hypothèse : au cas où il aurait entraîné un déficit fonctionnel antérieur, fixer la part imputable à l'état antérieur et la part imputable au fait dommageable. Au cas où il n'y aurait pas de déficit fonctionnel antérieur, dire si le traumatisme a été la cause déclenchante du déficit fonctionnel actuel ou si celui-ci se serait de toute façon manifesté spontanément dans l'avenir ;

- procéder à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la partie demanderesse ;

- analyser dans une discussion précise et synthétique l'imputabilité entre les faits dommageables, les lésions initiales et les séquelles invoquées en se prononçant sur : la réalité des lésions initiales, la réalité de l'état séquellaire, l'imputabilité directe et certaine des séquelles aux lésions initiales et en précisant l'incidence éventuelle d'un état antérieur;

- déterminer la durée du déficit fonctionnel temporaire, période pendant laquelle, pour des raisons médicales en relation certaine, directe et exclusive avec le fait dommageable, a partie demanderesse a dû interrompre totalement ses activités professionnelles ou habituelles ;

Si l'incapacité fonctionnelle n'a été que partielle, en préciser le taux,

- fixe la date de consolidation, qui est le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent tel qu'un traitement n'est plus nécessaire, si ce n'est pour éviter une aggravation ;

- chiffrer, par référence au « Barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires en droit commun » le taux éventuel de déficit fonctionnel permanent (incapacité permanente) imputable au fait dommageable, résultant de l'atteinte permanente d'une ou plusieurs fonctions persistant au moment de la consolidation, dans l'hypothèse d'un état antérieur, préciser en quoi l'accident a eu une incidence sur celui-ci et décrire les conséquences de cette situation ;

- lorsque la partie demanderesse allègue une répercussion dans l'exercice de ses activités professionnelles, recueillir les doléances, les analyser, les confronter avec les séquelles retenues, en précisant les activités professionnelles rendues plus difficiles ou impossibles, dire si un changement de poste ou d'emploi apparaît lié aux séquelles ;

- décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales endurées pendant la maladie traumatique (avant consolidation) du fait des blessures subies. Les évaluer selon l'échelle habituelle de sept degrés ;

- donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique, en précisant s'il est temporaire ou définitif. L'évaluer selon l'échelle habituelle de sept degrés, indépendamment de l'éventuelle atteinte fonctionnelle prise en compte au titre du déficit ;

- lorsque la partie demanderesse allègue l'impossibilité de se livrer à des activités spécifiques de sport et de loisir, donner un avis médical sur cette impossibilité et son caractère définitif, sans prendre position sur l'existence ou non d'un préjudice afférent à cette allégation ;

- dire s'il existe un préjudice sexuel ;

- indiquer, le cas échéant :

' si l'assistance d'une tierce personne constante ou occasionnelle, spécialisée ou non est, ou a été nécessaire, en décrivant les besoins,

' si la date de consolidation ne peut pas être fixée, l'expert établira un pré-rapport décrivant l'état provisoire de la partie demanderesse et indiquera dans quel délai celle-ci devra être réexaminée,

- fait injonction aux parties de communiquer aux autres parties les documents de toute nature qu'elles adresseront à l'expert pour établir le bien fondé de leurs prétentions ;

- dit que l'expert pourra se faire communiquer tant par les médecins que par les caisses de sécurité sociale et par les établissements hospitaliers concernés, tous les documents médicaux qu'il jugerait utiles aux opérations d'expertise ;

- dit que l'expert ne communiquera directement aux parties les documents médicaux ainsi obtenus directement de tiers concernant la partie demanderesse qu'avec son accord ; qu'à défaut d'accord de celui-ci, ces éléments seront portés à la connaissance des parties par l'intermédiaire du médecin qu'elles auront désigné à cet effet.

Pour l'exposé des prétentions et moyens de l'appelante, il est renvoyé à ses conclusions susvisées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La [Adresse 11] a fait signifier sa déclaration et ses conclusions par acte d'huissier de justice à Mme [N] le 17 novembre 2021 et à la CPAM de [Localité 7] le 18 novembre 2021.

Mme [N] et la CPAM de [Localité 7] n'ont pas constitué avocat.

SUR CE, LA COUR

L'appel ne porte que sur le contenu de la mission de l'expert ; les autres chefs de l'ordonnance entreprise ne sont pas critiqués.

En substance, la [Adresse 11] soutient que la juridiction de première instance n'a pas ordonné la mission qui était sollicitée par la demanderesse alors que la [Adresse 11] n'était pas opposée à cette demande, que la mission ordonnée ne correspond pas à la mission habituelle mais à celle proposée par l'association nationale de documentation sur le dommage corporel (ANADOC), laquelle tend à une réécriture de la nomenclature Dintilhac, que cette mission redéfinit les postes de préjudices indemnisables en remettant ainsi en cause les méthodes d'indemnisation établies par la jurisprudence, ce qui ne relève pas des pouvoirs du juge des référés, que la mission ordonnée procède d'une confusion entre les sphères juridiques et médicales, en violation de l'article 238, alinéa 3 du code de procédure civile et méconnaît l'interdiction de la double indemnisation des préjudices.

En premier lieu, il doit être rappelé que le juge des référés est libre de choisir la mission donnée à l'expert et n'est pas tenu par les propositions des parties. De même, la nomenclature dite "Dintilhac" n'a pas de valeur normative et les juges ne sont donc pas tenus de s'y référer, pas plus qu'ils ne sont tenus d'utiliser les "trames" ou missions "types" qu'ils ont pu établir par le passé, s'agissant de simples outils d'aide à la décision et à la rédaction.

En outre, il résulte de l'article 246 du code de procédure civile que le juge n'est pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien, de sorte que le juge du fond éventuellement saisi ne sera pas lié par les conclusions de l'expert, quels que soient les termes de la mission.

Enfin, en application des articles 232 et 238 du même code, le technicien intervient pour éclairer le juge sur une question de fait qui requiert ses lumières et le technicien ne doit jamais porter d'appréciations d'ordre juridique.

A la lumière de ces éléments, il appartient à la cour d'apprécier en droit et en fait l'opportunité et l'utilité des chefs de mission proposés, les critiques portant sur les postes suivants :

- l'assistance de l'avocat pendant l'examen médical,

- la consolidation,

- le déficit fonctionnel temporaire,

- la tierce personne,

- le déficit fonctionnel permanent,

- le préjudice d'agrément,

- le préjudice d'établissement,

- l'incidence professionnelle.

Sur l'assistance de l'avocat pendant l'examen médical

Ce chef de mission est ainsi formulé par l'ordonnance critiquée: "la victime peut dès lors qu'elle donne son accord pour la levée du secret médical, autoriser la présence des conseils des parties y compris lors de l'examen clinique (...) Procéder en présence des médecins mandatés par les parties, éventuellement des avocats si la victime y consent, avec l'assentiment de la victime, à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime."

Ayant pour mission de rendre compte de ses constatations médicales à l'autorité judiciaire, l'expert n'est pas tenu au secret médical à l'égard du juge qui l'a commis et doit répondre à ses questions.

À l'égard des parties, il est tenu de respecter le principe de la contradiction qui impose que les parties aient connaissance en temps utile des moyens de fait sur lesquels sont fondées leurs prétentions respectives, des éléments de preuve produits et des moyens de droit invoqués, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.

L'ensemble des parties doit donc avoir connaissance des documents remis à l'expert, des constatations effectuées par lui, de l'avis du spécialiste éventuellement consulté et de l'avis formulé dans le rapport.

Si l'examen médical proprement dit doit se faire dans le respect de l'intimité du corps humain, ce qui implique qu'il puisse avoir lieu en présence du seul médecin expert, ce dernier doit en tous cas communiquer aux parties présentes à la réunion d'expertise le résultat de ses constatations et investigations.

S'il était fait droit par l'expert à l'assistance de la victime par son avocat lors de l'examen clinique, une telle assistance rendrait nécessaire dans un souci de parité que l'avocat de la partie adverse soit aussi présent.

Or, l'examen clinique, destiné à donner lieu à des constatations d'ordre strictement médical, dont l'expert rend compte ensuite de manière contradictoire, ne peut être le lieu, par l'assistance de l'ensemble des conseils des parties, d'une discussion ayant trait en réalité à la responsabilité ou encore à des questions de nature juridique, nonobstant le consentement que la victime a pu donner.

L'ordonnance sera ainsi infirmée sur ce point, étant précisé que l'expert procédera à l'examen clinique en assurant la protection de l'intimité de la vie privée de la personne examinée et le secret médical pour des constatations étrangères à l'expertise.

Sur la consolidation

Il est critiqué la circonstance qu'il soit demandé à l'expert de préciser en l'absence de consolidation "les dommages prévisibles pour l'évaluation d'une éventuelle provision".

L'objet de ce poste de mission ne concerne que l'allocation d'une éventuelle provision, la circonstance qu'une fourchette soit donnée par l'expert éventuellement remise en cause ensuite important peu, les parties étant à même par la suite de discuter de l'évaluation du dommage en ouverture de rapport.

Il n'est pas ici confié au technicien mission de se prononcer sur une appréciation d'ordre juridique mais d'évaluer des dommages prévisibles, constatation d'ordre médical.

La mission sera confirmée sur cette question.

Sur le déficit fonctionnel temporaire

Est critiquée la mission confiée à l'expert en ce qu'elle demande d'examiner, au titre du déficit fonctionnel temporaire, les périodes pendant lesquelles la victime a été dans l'incapacité totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles et, en cas d'incapacité partielle, de préciser le taux et la durée, de dire s'il a existé une atteinte temporaire aux activités d'agrément, de loisirs, aux activités sexuelles ou à toute autre activité spécifique personnelle (associative, politique, religieuse, conduite ou autres).

Est évoqué le risque d'un éclatement du déficit fonctionnel temporaire en plusieurs composantes, ce qui n'est pas prévu par la nomenclature Dintilhac.

La mission arrêtée par le premier juge est cependant suffisamment claire et précise pour cantonner l'expertise aux chefs envisagés. Elle correspond en outre à une évaluation à caractère médical, in concreto, des besoins de la victime.

Elle ne peut non plus être considérée comme étant de nature à entraîner un risque d'éclatement du déficit fonctionnel temporaire, alors qu'en en précisant les diverses composantes, la mission ne conduit pas à une indemnisation multiple de ce préjudice, étant observé que ces diverses composantes sont bien toutes explicitement rattachées au déficit fonctionnel temporaire.

Elle ne méconnaît ainsi pas le principe de réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime, de sorte que la mesure est légalement admissible, peu important l'application ou non de la nomenclature Dintilhac.

Il n'y a pas lieu à infirmation de ce chef.

Sur l'assistance par tierce personne avant et après consolidation

La mission est ainsi formulée dans l'ordonnance entreprise :

"Indiquer, le cas échéant, si l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne

(étrangère ou non à la famille) est ou a été nécessaire pour accomplir les actes, notamment élaborés, de la vie quotidienne, pour sécuriser la victime et assurer sa dignité et sa citoyenneté ;

Dans l'affirmative, dire pour quels actes, et pendant quelle durée, l'aide d'une tierce personne a été ou est nécessaire ;

Evaluer le besoin d'assistance par une tierce personne, avant et après consolidation, en précisant en ce cas le nombre d'heures nécessaires, leur répartition sur 24 h et pour quels actes cette assistance est nécessaire".

Outre la non-conformité à la nomenclature "Dintilhac", qui ne saurait être retenue comme un moyen d'infirmation du contenu de la mission, il est indiqué que la mission déconnecterait l'évaluation de la perte d'autonomie de l'environnement de la victime.

Cependant, il est demandé à l'expert d'examiner l'assistance d'un tiers étranger ou non à la famille, pour accomplir les actes de la vie quotidienne, et d'évaluer de le besoin d'assistance par une tierce personne, avant ou après consolidation.

Ainsi, la mission confiée à l'expert, à l'évidence relative à la victime supposée des faits, tient compte de la situation d'espèce de la personne faisant l'objet de la mesure, ce sans déconnexion par rapport à son environnement, de sorte qu'il n'y a pas lieu à infirmation de ce chef.

Sur le déficit fonctionnel permanent

L'ordonnance prévoit sur ce point que l'expert devra :

"Indiquer si, après la consolidation, la victime subit un déficit fonctionnel permanent ;

Dans l'affirmative, évaluer les trois composantes :

- l'altération permanente d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles mentales ou psychiques en chiffrant son taux ;

- les douleurs subies après la consolidation en précisant leur fréquence et leur intensité en utilisant l'échelle d'intensité de 7 degrés ;

- l'atteinte à la qualité de vie de la victime en précisant son degré de gravité".

Seraient méconnus la jurisprudence et le principe de réparation intégrale sans pertes ni profits.

Il est certes exact que le déficit fonctionnel permanent inclut la perte de qualité de vie ainsi que les souffrances endurées.

Cependant, en précisant les trois composantes toutes explicitement rattachées au déficit fonctionnel permanent, la mission ne conduit pas à une double indemnisation de ce préjudice, soumis par la suite à la discussion contradictoire des parties.

Elle ne méconnaît donc pas le principe de réparation intégrale, se limitant à décomposer, sous un même chef de rubrique, ledit poste, la nomenclature "Dintilhac" ne pouvant être opposée comme normative.

Il n'y a pas lieu à infirmation pour ce poste.

Sur le préjudice d'agrément

La mission demande notamment à l'expert "un avis du médecin sur la perte de chance de pouvoir pratiquer de nouvelles activités de sport ou de loisir".

L'appelante soutient pour l'essentiel que la mission est contraire à la jurisprudence qui exige la pratique d'une activité antérieure spécifique.

Le préjudice d'agrément est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs qu'elle pratiquait antérieurement. La victime doit ainsi justifier de la pratique d'une telle activité antérieurement à l'accident ou à la maladie.

Il en résulte que la mission confiée à l'expert ne peut comporter de référence à la perte d'une chance de pratiquer de nouvelles activités de sport ou de loisirs et qu'en conséquence, la critique des parties est fondée sur ce point.

La mission sera dès lors modifiée et libellée dans les termes du dispositif ci-après.

Sur le préjudice d'établissement

La mission prévoit notamment de dire si la victime subit une perte d'espoir ou de chance de normalement réaliser ou poursuivre un projet de vie familiale, chef critiqué en appel en ce que cette demande échapperait à l'avis du médecin expert.

Ce chef n'aboutit cependant pas à une délégation du pouvoir juridictionnel : la mission confiée à l'expert de donner un avis, par nature uniquement médical, sur une perte d'espoir ou de chance est une mesure légalement admissible et n'empêche pas la discussion juridique ultérieure, dans le cadre du débat contradictoire entre les parties, sur le fond de l'indemnisation.

Ainsi, il n'y a pas lieu à infirmation sur ce point.

Sur l'incidence professionnelle

L'appelante critique sur ce point qu'il soit confié à l'expert le soin d'apprécier notamment la "dévalorisation sur le marché du travail" et de dire si l'état séquellaire est "susceptible de générer des arrêts de travail réguliers et répétés et/ou de limiter la capacité de travail".

Elle expose qu'il s'agirait en réalité d'appréciations juridiques, d'ordre socio-économique, et non médicales et particulièrement incertaines.

Sur ce point, la mission confiée sera confirmée par la cour, étant observé qu'il ne peut être considéré qu'il s'agirait d'une appréciation relevant du pouvoir juridictionnel.

L'examen de la dévalorisation sur le marché du travail n'est en effet pas exclusif de toute lumière que pourrait apporter un technicien médical, l'appréciation de l'indemnisation du préjudice étant ensuite soumise à la discussion des parties, étant aussi observé qu'un avis médical peut être apporté sur la question de savoir si la situation est susceptible de générer des arrêts de travail réguliers et répétés, peu important la possibilité pour la victime de formuler une demande en aggravation s'agissant de la détermination de la mission.

Il n'y a donc pas lieu à infirmation sur ce point.

Ainsi, au regard de l'ensemble de ces éléments, la mission d'expertise ordonnée ne sera infirmée que sur deux points : l'assistance de l'avocat lors de l'examen médical et le préjudice d'agrément.

Ce qui est jugé en cause d'appel commande de laisser à la charge de l'appelante les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise, sauf en ses chefs de dispositif relatifs au préjudice d'agrément et à l'assistance de l'avocat lors de l'examen médical,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Dit que la mission de l'expert sera ainsi définie :

au point 7-j (préjudice d'agrément) :

"Décrire toute impossibilité ou gêne, fonctionnelle ou psychologique, dans l'exercice d'activités de sport ou de loisirs que la victime indique pratiquer ;

Donner un avis médical sur cette impossibilité ou cette gêne, sans prendre position sur l'existence ou non d'un préjudice afférent à cette allégation" ;

aux points 1 et 5 (assistance de l'avocat lors de l'examen clinique) :

"Convoquer la victime et son conseil en l'informant de la faculté de se faire assister par un médecin conseil ou toute personne de son choix, étant précisé que l'expert procédera seul, en présence des médecins conseils, avec assentiment de la victime, à l'examen clinique, en assurant la protection de l'intimité de la vie privée de la personne examinée et le secret médical pour des constatations étrangères à l'expertise".

"Procéder en présence des médecins mandatés avec l'assentiment de la victime, à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et doléances exprimées par la victime."

Rejette le surplus des demandes de l'appelante ;

Y ajoutant,

Condamne la [Adresse 11] aux dépens de l'instance d'appel.

LE GREFFIER POUR LA PRESIDENTE EMPÊCHÉE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 21/18889
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;21.18889 ?
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