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02/06/2022 | FRANCE | N°20/18463

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 02 juin 2022, 20/18463


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 02 JUIN 2022



(n° /2022, pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/18463

N° Portalis 35L7-V-B7E-CC2HE



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Novembre 2020 -TJ de PARIS - RG n° 19/06787



APPELANTE



Compagnie d'assurance MUTUELLE ASSURANCE DES TRAVAILLEURS MUTUALISTES (MATMUT)

[Adre

sse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

assistée par Me Mathilde CHAUVIN DE LA ROCHE, avo...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 02 JUIN 2022

(n° /2022, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/18463

N° Portalis 35L7-V-B7E-CC2HE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Novembre 2020 -TJ de PARIS - RG n° 19/06787

APPELANTE

Compagnie d'assurance MUTUELLE ASSURANCE DES TRAVAILLEURS MUTUALISTES (MATMUT)

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

assistée par Me Mathilde CHAUVIN DE LA ROCHE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

Compagnie d'assurance AREAS DOMMAGES

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée et assistée par Me Patricia FABBRO de l'AARPI JASPER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0302

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre chargée du rapport, et devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre assesseur.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Sophie BARDIAU, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 2 février 2013, à 4h20 un accident de la circulation s'est produit impliquant le véhicule Opel Corsa immatriculé [Immatriculation 6] conduit par M. [R] [J], assuré auprès de la société Mutuelle des assurances des travailleurs mutualistes (la société MATMUT) et le véhicule Renault Twingo conduit par M. [K] [L] et assuré auprès de la société Areas Dommages (la société Areas).

Le véhicule conduit par M. [J] transportait trois passagers. Dans les suites de cet accident, [F] [Y], passager arrière droit, est décédé. M. [C] [O], passager avant droit et M. [G] [E], passager arrière gauche, ont été blessés.

M. [J] a été condamné le 2 septembre 2015 par le tribunal correctionnel d'Avignon pour avoir par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, en l'espèce en circulant à une vitesse excessive sur chaussée mouillée et en procédant à des manoeuvres dangereuses à l'approche d'un virage, involontairement causé la mort de [F] [Y] avec cette circonstance qu'il se trouvait sous l'empire d'un état alcoolique (taux de 0,83 mg/l d'air expiré) et qu'il avait fait usage de cannabis.

Par jugement sur intérêts civils du 24 novembre 2016, ce tribunal correctionnel a condamné solidairement M. [J] et la société MATMUT à verser aux parties civiles des indemnités en réparation de leurs préjudices d'affection et matériels, ainsi qu'au titre des préjudices personnellement subis par [F] [Y].

Par actes d'huissier de justice en date du 14 mai 2019, la société MATMUT a fait assigner la société Areas devant le tribunal de grande instance de Paris afin d'obtenir sa condamnation à la garantir à hauteur de la moitié des conséquences dommageables de l'accident survenu le 3 février 2013.

Par jugement du 24 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris, a :

- dit que les fautes commises par M. [L], dont le véhicule est assuré par la société Areas, n'ont pas eu de rôle causal dans l'accident du 2 février 2013,

- débouté en conséquence la société MATMUT de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société MATMUT aux dépens et à payer à la société Areas la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme avec intérêt légal à compter de ce jour,

- dit que la SELARL Fabre Savary Fabbro, représentée par Maître Hélène Fabre, pourra recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 22 décembre 2020, la société MATMUT a interjeté appel de cette décision, en critiquant toutes les mentions de son dispositif.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions de la société MATMUT, notifiées le 9 février 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour, de :

Vu la loi n° 86-677 du 5 juillet 1985,

Vu les articles 1382 et 1251 du code civil, devenus les articles 1240 et 1346 du code civil,

Vu les articles R. 413-14-1, R. 413-14, R. 413-17 et R. 412-6 et R. 413-17 du code de la route,

Vu l'article L.124-3 du code des assurances,

- juger la société MATMUT recevable et bien fondée en son appel,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a

- dit que les fautes commises par M. [L] dont le véhicule est assuré par la société Areas n'ont pas eu de rôle causal dans l'accident du 2 février 2013

- débouté la société MATMUT de l'ensemble de ses demandes tendant à voir condamner la société Areas :

- à la garantir à hauteur de la moitié des indemnités d'ores et déjà versées et des indemnités

- à verser au titre de l'indemnisation des conséquences dommageables de l'accident de la circulation survenu le 2 février 2013 à [Localité 5], au préjudice des trois victimes passagères du véhicule Opel Corsa immatriculé [Immatriculation 6] que sont M. [Y], M. [E] et M. [O], ainsi qu'au préjudice des victimes par ricochet et des tiers payeurs

- à lui verser la somme de 42 395,00 euros en remboursement de la moitié des indemnités versées au titre des conséquences du décès de M. [Y], la somme de 1 135,83 euros en remboursement de la moitié des indemnités versées à M. [E] et à la CPAM de l'Hérault, la somme de 168 912,86 euros en remboursement de la moitié des indemnités provisionnelles versées par la société au titre des dommages causés par l'accident à l'égard de M. [O]

- à lui verser les intérêts au taux légal sur ces sommes à compter du 19 juillet 2018

- à lui à payer la moitié des sommes qu'elle serait amenée à régler à l'organisme de sécurité sociale de M. [Y] en remboursement des prestations versées par cet organisme au titre de l'accident survenu le 2 février 2013, et au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, ainsi que les intérêts au taux légal sur ces sommes à compter de la réception par la société Areas de la lettre recommandée avec AR de la société contenant les réclamations de la CPAM dûment justifiée

- à la garantir à hauteur de la moitié des sommes que cette dernière sera amenée à verser postérieurement à la décision définitive qui sera rendue dans le cadre de la présente instance au titre de l'indemnisation des conséquences dommageables initiales de l'accident du 2 février 2013 à l'égard de M. [O], de ses proches et des tiers payeurs

- à la garantir à hauteur de la moitié des indemnités complémentaires qu'elle serait amenée à verser aux victimes directes et indirectes, et aux tiers payeurs au titre d'une aggravation des conséquences dommageables de l'accident du 2 février 2013

- à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ainsi que 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- et aux dépens,

- condamné au contraire la société MATMUT aux dépens et à payer à la société Areas la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

statuant à nouveau,

- débouter la société Areas de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société Areas à garantir à la société MATMUT à hauteur de la moitié des indemnités d'ores et déjà versées et des indemnités à verser au titre de l'indemnisation des conséquences dommageables de l'accident de la circulation survenu le 2 février 2013 à [Localité 5], au préjudice des trois victimes passagères du véhicule Opel Corsa immatriculé [Immatriculation 6] que sont [F] [Y], M. [E] et M. [O], ainsi qu'au préjudice des victimes par ricochet et des tiers payeurs,

- condamner la société Areas à verser à la société MATMUT :

- la somme de 42 395,00 euros en remboursement de la moitié des indemnités versées au titre des conséquences du décès de [F] [Y]

- la somme de 1 135,83 euros en remboursement de la moitié des indemnités versées à M. [E] et à la CPAM de l'Hérault

- la somme de 168 915,86 euros en remboursement de la moitié des indemnités provisionnelles versées par la au titre des dommages causés par l'accident à l'égard de M. [O]

- condamner la société Areas à verser à la société MATMUT les intérêts au taux légal sur ces sommes à compter du 19 juillet 2018,

- condamner la société Areas à payer à la société MATMUT la moitié des sommes qu'elle serait amenée à régler à l'organisme de sécurité sociale de [F] [Y] en remboursement des prestations versées par cet organisme au titre de l'accident survenu le 2 février 2013, et au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, ainsi que les intérêts au taux légal sur ces sommes à compter de la réception par la société Areas de la lettre recommandée avec AR de la société MATMUT contenant la réclamation de la CPAM dûment justifiée,

- condamner la société Areas à garantir à la société MATMUT à hauteur de la moitié des sommes que cette dernière sera amenée à verser postérieurement à la décision définitive qui sera rendue dans le cadre de la présente instance au titre de l'indemnisation des conséquences dommageables initiales de l'accident du 2 février 2013 à l'égard de M. [O], de ses proches et des tiers payeurs,

- condamner la société Areas à garantir à la société MATMUT à hauteur de la moitié des indemnités complémentaires qu'elle serait amenée à verser aux victimes directes et indirectes, et aux tiers payeurs au titre d'une aggravation des conséquences dommageables de l'accident du 2 février 2013,

- condamner la société Areas à verser à la société MATMUT la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamner la société Areas à verser à la société MATMUT la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Areas aux entiers dépens de première instance, dont distraction au profit de la SELARL Chauvin de la Roche-Houfani, avocat, par application de l'article 699 du code de procédure civile,

y ajoutant,

- condamner la société Areas à verser à la société MATMUT la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civil en cause d'appel,

- condamner la société Areas aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Jeanne Baechlin, avocat, par application des dispositions de 699 du code de procédure civile.

Vu les conclusions de la société Areas, notifiées le 10 janvier 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour, de :

Vu les articles 1240 et 1346 nouveau du code civil,

- juger mal fondée la société MATMUT en son appel,

- confirmer le jugement entrepris,

- juger que l'accident de M. [J] ne trouve pas son origine causale dans une quelconque faute qui aurait été commise par M. [L],

- juger que les fautes commises par M. [J] sont les causes exclusives de l'accident,

par conséquent,

- juger la société MATMUT mal fondée en ses demandes et l'en débouter,

- condamner la société MATMUT aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Fabre Savary Fabbro, représentée par Maître Hélène Fabre,

- condamner la société MATMUT à verser à la société Areas une indemnité de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la contribution à la dette de réparation

Le tribunal a considéré qu'il était constant que le véhicule conduit par M. [L] état impliqué dans l'accident mais qu'il n'était pas démontré que M. [L] avait participé à une course poursuite avec M. [J], ce qui ne ressortait ni de l'exploitation de la vidéosurveillance ni des déclarations de M. [J] et de celles du passager de M. [L] au cours de la procédure d'instruction, ni de l'aveu de M. [J] devant le tribunal correctionnel, qui n'engageait que celui-ci.

Le tribunal a estimé que s'il était établi que M. [L] circulait à tort sur la voie de gauche et à une vitesse excessive ces fautes n'étaient pas en lien de causalité avec l'accident.

La société MATMUT explique que M. [L] a contrevenu à l'article R. 413-17 du code de la route dans la mesure où il roulait à une vitesse excessive sur un revêtement mouillé ; qu'en effet il ressort du procès-verbal de police qu'à l'endroit de l'accident la route était mouillée et la vitesse était limitée à 50 km/h, que M. [L] a déclaré qu'il roulait à environ 70 km/h et ses passagers qu'il roulait à environ 80 km/h ou 100 km/h, et que l'étude du Cabinet Erget qu'elle a missionné fait état d'une vitesse de circulation de M. [L] avant freinage de 95 à 100 km/h.

Elle soutient que M. [L] participait à une course poursuite avec M. [J] ; elle relève ainsi que les deux conducteurs étaient des amis et effectuaient ensemble le même trajet, que les images de vidéosurveillance révèlent qu'ils roulaient tous deux à une vitesse très élevée et côte à côte, puis que le véhicule de M. [J] circulant avec les warnings allumés a effectué un dépassement par la droite avant de changer de voie en coupant la route et que M. [J] a admis qu'il faisait la course avec M. [L] ; elle en déduit que M. [L] a circulé de façon dangereuse en infraction avec l'article R. 412-6 alinéa 1 du code de la route.

La société MATMUT ajoute que la faute commune de M. [J] et M. [L] a créé la situation à l'origine de l'accident qui ne se serait pas produit si M. [L] avait roulé sur la voie de droite dans les limites de la vitesse autorisée ; elle estime ainsi que le véhicule conduit par M. [L] a été impliqué dans l'accident, sa présence ayant été nécessaire, et que les fautes commises par M. [L] justifient que son assureur, la société Areas la garantisse de la moitié des indemnités dues au titre de l'accident, tant aux passagers de M. [J] qu'aux victimes par ricochet et aux tiers payeurs.

La société Areas rappelle que le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation ne peut exercer un recours contre un autre conducteur d'un véhicule impliqué que sur le fondement des articles 1382 et 1251 anciens du code civil devenus articles 1240 et 1346 du code civil et que la contribution à la dette de réparation a lieu en proportion de la gravité des fautes respectives des conducteurs, l'appréciation des fautes se fondant sur la notion de rôle causal prépondérant.

Elle avance que l'information judiciaire a permis d'établir qu'il n'y avait pas eu de course poursuite entre M. [L] et M. [J], ce dernier l'ayant démenti à deux reprises ainsi qu'un témoin, et que M. [L] n'a commis aucune faute puisque l'enquête a démontré qu'il est resté dans sa voie de circulation, sans gêner M. [J] en roulant à une vitesse inférieure à la sienne.

La société Areas ajoute que les clichés photographiques et les images de vidéosurveillance révèlent que bien avant l'entrée du virage M. [J] a dépassé par la voie de droite M. [L] avec les warnings enclenchés, puis qu'il les a désactivés et était en amont du véhicule de M. [L] lorsqu'il a perdu le contrôle de son propre véhicule.

Elle précise que l'accident est en relation de causalité directe avec les fautes commises par M. [J] qui sont la cause exclusive de la perte de contrôle de son véhicule et de l'accident.

***

Sur ce, le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation et son assureur qui a indemnisé les dommages causés à un tiers ne peuvent exercer un recours contre un autre conducteur d'un véhicule impliqué dans l'accident que sur le fondement des articles 1382 et 1251 anciens du code civil devenus articles 1240 et 1346 du code civil.

La contribution à la dette a lieu en proportion des fautes respectives et, en l'absence de faute prouvée à la charge des conducteurs impliqués, la contribution se fait entre eux par parts égales.

Par ailleurs, il résulte de ces textes qu'un conducteur fautif et son assureur n'ont aucun recours contre un conducteur non fautif.

A l'inverse, un conducteur non fautif et son assureur dispose d'un recours en contribution intégral contre un conducteur fautif.

En l'espèce, il ressort de la procédure pénale qui a été communiquée que dans la nuit du 1er au 2 février 2013 M. [L] et M. [J] qui étaient amis se sont retrouvés, avec d'autres amis, au [Adresse 8] où ils ont consommé du whisky et de la vodka, puis ont décidé de rejoindre le centre ville d'[Localité 5] pour acheter de l'alcool dans une épicerie, M. [L] et M. [J] conduisant chacun une voiture, et qu'après avoir bu de nouveau de l'alcool, et au cours du trajet de retour, l'accident s'est produit sur le [Adresse 7] sur lequel la vitesse est limitée à 50 km/h.

M. [H] et M. [W] [Y], passagers du véhicule de M. [L] ont déclaré qu'il roulait, l'un à 80 km/h, l'autre à 100 km/h.

Les images de vidéosurveillance montrent que M. [L] roulait sur le [Adresse 7] sur la voie de gauche, que M. [J] l'a doublé par la droite, warnings en fonctionnement, puis s'est rabattu devant lui et a désactivé les warnings avant de perdre le contrôle de son véhicule.

Au cours de l'audience devant le tribunal correctionnel d'Avignon M. [J] a déclaré'on faisait la course ; j'ai doublé sur la droite ; je voulais passer devant pour arriver le premier'.

Cette déclaration, la vitesse très rapide et excessive des deux véhicules, la circulation sur la voie de gauche pour M. [L], la mise en fonction des warnings avant le dépassement par la droite puis l'arrêt des warnings après celui-ci pour M. [J], et les déclarations de ce dernier lors de l'audience correctionnelle démontrent que M. [L] et M. [J] ont engagé une course poursuite au cours de laquelle M. [J] a perdu le contrôle de son véhicule puis a heurté des platanes se situant sur le bord de la voie.

Le véhicule que conduisait M. [L] est ainsi impliqué dans l'accident qui a entraîné le décès de [F] [Y] et les blessures de M. [C] [O] et de M. [G] [E], passagers de M. [J].

Les fautes commises par M. [L], soit une conduite dangereuse à l'approche d'un virage et sur route glissante, circulation à gauche, qui ont contribué à la perte du contrôle de son véhicule par ont concouru à la réalisation de l'accident.

Eu égard à la nature et la gravité des fautes respectives de M. [L] et de M. [J] (alcool, conduite dangereuse à l'approche d'un virage, dépassement par la droite) il convient d'opérer un partage par moitié de la contribution à la dette de réparation des dommages consécutifs à l'accident.

Il y a lieu en conséquence de condamner la société Areas en sa qualité d'assureur de M. [L] à verser à la société MATMUT les sommes suivantes avec les intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 14 mai 2019 en application de l'article 1231-6 du code civil, étant précisé que la lettre de mise en demeure du 16 juillet 2018 qui ne mentionne pas le montant demandé est inopérante :

- la somme de 42 395 euros représentant la moitié des indemnités versées aux proches de [F] [Y],

- la somme de 1 135,83 euros représentant la moitié des indemnités versées à M. [G] [E] en exécution du procès-verbal de transaction signé le 16 décembre 2013 et des sommes versées à l'organisme social de celui-ci,

- la somme de 71 000 euros représentant la moitié des provisions versées à M. [C] [O] et à ses parents, Mme [S] [O] et M. [O], au titre des conséquences dommageables de l'accident du 2 février 2013,

- la somme de 97 915,89 euros représentant la moitié de ce qu'elle a versé à l'organisme social de M. [C] [O] en remboursement des prestations versées au titre de l'accident du 2 février 2013,

La société Areas doit en outre être condamnée à verser à la société MATMUT, avec les intérêts légaux à compter de la demande, en application de l'article 1231-6 du code civil la moitié des indemnités qu'elle serait amenée à verser, au titre de l'accident du 2 février 2013, à :

- l'organisme social de [F] [Y] en remboursement des prestations versées avant son décès, dont la moitié de l'éventuelle indemnité forfaitaire de gestion,

- à M. [C] [O], ses proches et les tiers payeurs,

- aux victimes directes, indirectes et aux tiers payeurs en cas d'aggravation des conséquences dommageables de l'accident.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

Il n'est pas justifié que la société MATMUT ait causé par sa mauvaise foi à la société Areas un préjudice distinct du retard apporté dans le paiement, lequel est indemnisé par les intérêts moratoires.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être infirmées.

La société Areas dommages qui succombe supportera la charge des dépens de première instance et d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer à la société MATMUT une indemnité globale de 4 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel et de rejeter la demande de la société Areas formulée au même titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

- Infirme le jugement,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Dit que M. [K] [L] assuré auprès de la société Areas dommages a commis des fautes ayant contribué à l'accident du 2 février 2013,

- Condamne la société Areas dommages à payer à la société Mutuelle des assurances des travailleurs mutualistes les sommes suivantes avec les intérêts au taux légal à compter l'assignation du 14 mai 2019 :

- 42 395 euros représentant la moitié des indemnités versées aux proches de [F] [Y],

- 1 135,83 euros représentant la moitié des indemnités versées à M. [G] [E] en exécution du procès-verbal de transaction signé le 16 décembre 2013 et des sommes versées à l'organisme social de celui-ci,

- 71 000 euros représentant la moitié des provisions versées à M. [C] [O] et à ses parents, Mme [S] [O] et M. [O], au titre des conséquences dommageables de l'accident du 2 février 2013,

- 97 915,89 euros représentant la moitié de ce qu'elle a versé à l'organisme social de M. [C] [O] en remboursement des prestations versées au titre de l'accident du 2 février 2013,

- Condamne la société Areas dommages à payer à la société Mutuelle des assurances des travailleurs mutualistes avec les intérêts légaux à compter de la demande, la moitié des indemnités qu'elle serait amenée à verser, au titre de l'accident du 2 février 2013, à :

- l'organisme social de [F] [Y] en remboursement des prestations versées avant son décès, dont la moitié de l'éventuelle indemnité forfaitaire de gestion,

- à M. [C] [O], ses proches et les tiers payeurs,

- aux victimes directes, indirectes et au tiers payeurs en cas d'aggravation des conséquences dommageables de l'accident,

- Déboute la société Mutuelle des assurances des travailleurs mutualistes de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- Condamne la société Areas dommages à payer à la société Mutuelle des assurances des travailleurs mutualistes la somme de 4 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel,

- Déboute la société Areas dommages de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société Areas dommages aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 20/18463
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;20.18463 ?
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