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02/06/2022 | FRANCE | N°20/14344

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 02 juin 2022, 20/14344


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 02 JUIN 2022



(n° /2022, pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/14344

N° Portalis 35L7-V-B7E-CCOPN



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Septembre 2020 -TJ de BOBIGNY - RG n° 18/07803



APPELANTE



S.A. SNCF VOYAGEURS

[Adresse 7]

[Localité 9]

représentée et assi

stée par Me Patrice ITTAH de la SCP LETU ITTAH ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0120



INTIMES



Monsieur [K] [D]

[Adresse 4]

[Localité 14]

né le [Date naissance 3] 1994 à...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 02 JUIN 2022

(n° /2022, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/14344

N° Portalis 35L7-V-B7E-CCOPN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Septembre 2020 -TJ de BOBIGNY - RG n° 18/07803

APPELANTE

S.A. SNCF VOYAGEURS

[Adresse 7]

[Localité 9]

représentée et assistée par Me Patrice ITTAH de la SCP LETU ITTAH ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0120

INTIMES

Monsieur [K] [D]

[Adresse 4]

[Localité 14]

né le [Date naissance 3] 1994 à [Localité 19]

représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

ayant pour avocat plaidant le Cabinet J.C.V.B.R.L, avocats au barreau de PARIS

Monsieur [W] [D] agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de ses enfants [Z] et [S] [D]

[Adresse 4]

[Localité 14]

né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 15] (CONGO)

représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

ayant pour avocat plaidant le Cabinet J.C.V.B.R.L, avocats au barreau de PARIS

Madame [E] [D] agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants [Z] et [S] [D]

[Adresse 4]

[Localité 14]

née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 15] (CONGO)

représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

ayant pour avocat plaidant le Cabinet J.C.V.B.R.L, avocats au barreau de PARIS

S.A. BPCE ASSURANCES

[Adresse 6]

[Localité 5]

représentée et assistée par Me Laurent PETRESCHI de la SARL CABINET LAURENT PETRESCHI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0283

PARTIE INTERVENANTE

CPAM DU VAL DE MARNE venant aux droits de la MUTUELLE DES ETUDIANTS (LMDE)

[Adresse 8]

[Localité 10]

Représentée et assistée par Me Rachel LEFEBVRE de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre, chargée du rapport et devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre assesseur.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Sophie BARDIAU, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Le 7 février 2015, M. [K] [D] a été retrouvé grièvement blessé le long de la voie ferrée n° 1 de la gare de [Localité 12], près du domicile de ses parents, situé à 2 km de cette gare, à [Localité 14].

La société BPCE assurances (la société BPCE), assureur de M. [K] [D], au titre d'un contrat 'garanties des accidents de la vie' lui a versé une provision de 150 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel.

A la demande de la société BPCE le Professeur [X], médecin légiste expert près la cour d'appel de Colmar, a rédigé un rapport d'expertise en envisageant plusieurs hypothèses sur les circonstances de l'accident du 7 février 2015, au regard des blessures subies par la victime.

Par acte d'huissier de justice en date du 5 juillet 2017, la société BPCE a fait assigner l'EPIC SNCF mobilités devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de faire reconnaître sa responsabilité dans l'accident survenu le 7 février 2015 et d'obtenir sa condamnation à lui rembourser la provision versée.

Par ordonnance du 3 avril 2018, le juge de la mise en état a déclaré le tribunal de grande instance de Paris incompétent pour statuer au profit du tribunal de grande instance de Bobigny.

Par conclusions du 9 janvier 2019 et du 13 février 2019 la Mutuelle des étudiants (la LMDE), puis M. [K] [D], M. [W] [D] et Mme [E] [D] agissant tant en leur nom personnel qu'au nom de leurs enfants mineurs [Z] et [S] sont intervenus volontairement à l'instance.

Par jugement du 8 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Bobigny a :

- déclaré recevable l'intervention volontaire de la société SNCF voyageurs aux lieu et place de la SNCF mobilités,

- déclaré recevables les interventions volontaires de M. [K] [D], de M. [W] [D] et de Mme [E] [D] agissant tant en leur nom personnel qu'au nom de leurs enfants mineurs [Z] et [S],

- déclaré la société SNCF voyageurs responsable de l'accident survenu le 7 février 2015 à la gare de [Localité 12] dont M. [K] [D] a été victime,

- dit que le droit à indemnisation de M. [K] [D] est intégral,

- avant dire droit, sur l'évaluation du préjudice de M. [K] [D], ordonné aux frais avancés de la société BPCE une expertise médicale et désigné pour y procéder le Docteur [G] [V] [avec mission habituelle en la matière],

- dit que la LMDE devra produire sa créance définitive au cours des opérations d'expertise,

- débouté M. [K] [D] de sa demande de provision,

- sursis à statuer sur l'ensemble des demandes formées par la société BPCE et par la LMDE,

- condamné la société SNCF voyageurs à verser la somme de 2 000 euros à la société BPCE, la somme globale de 2 500 euros à M. [K] [D], M. [W] [D] et à Mme [E] [D], la somme de 1 500 euros à la LMDE, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société SNCF voyageurs de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- réservé les dépens.

Par déclaration du 13 octobre 2020, la société SNCF voyageurs a interjeté appel de cette décision en critiquant toutes ses dispositions.

Par conclusions notifiées le 20 décembre 2021 la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne (la CPAM) venant aux droits de la LMDE est intervenue volontairement à l'instance d'appel.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions de la société SNCF voyageurs, notifiées le 25 février 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour, de :

Vu l'article 9 du code de procédure civile,

Vu les articles 1103 et 1242 du code civil,

Vu les articles L. 2122-2 et L. 2122-3 du code des transports,

Vu l'arrêté du 19 mars 2012,

- recevoir la société SNCF voyageurs en son appel et le dire bien fondé,

- recevoir la société SNCF voyageurs en ses conclusions d'appelante et les dire bien fondées,

y faisant droit,

- infirmer le jugement rendu le 8 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny en ce qu'il a retenu la responsabilité de société SNCF voyageurs et dit que le droit à indemnisation de M. [K] [D] est intégral,

- infirmer le jugement rendu le 8 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny en toutes ses autres dispositions,

statuant à nouveau,

- juger que le lien de causalité entre, un train sous la garde la société SNCF voyageurs, et un accident lié à l'effet Venturi, ne relève que d'une hypothèse, parmi d'autres,

- juger que la matérialité des faits n'est pas établie, alors que la charge de la preuve pèse à cet égard sur la victime,

- juger qu'il n'existe aucune obligation générale de sécurité de résultat pesant sur la société SNCF voyageurs concernant la sécurisation des 'abords' des voies de chemin de fer,

- juger que la société SNCF voyageurs ne peut se voir reprocher une prétendue anormalité ou dangerosité de la voie ferrée, alors qu'elle n'en a pas la garde,

- juger que la sécurisation des voies ne relève pas d'une obligation de résultat, et ne pèse de toute façon pas sur la société SNCF voyageurs,

- juger qu'il revient à M. [D] de s'adresser à l'entité dont il estime la responsabilité mise en cause, et non à la société SNCF voyageurs d'opérer un recours à l'encontre d'un tiers, alors que sa propre responsabilité n'est pas démontrée,

en conséquence,

- débouter M. [K] [D], M. [W] [D], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de ses enfants [Z] et [S], Mme [E] [D], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légale de ses enfants [Z] et [S], la société BPCE, et la LMDE, de toutes leurs demandes, fins et conclusions formulées à l'encontre de la société SNCF voyageurs,

à titre subsidiaire,

et si par extraordinaire la cour retenait le rôle causal du train, seul élément placé sous la garde de la société SNCF voyageurs,

- infirmer le jugement rendu le 8 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société SNCF voyageurs et dit que le droit à indemnisation de M. [K] [D] était intégral,

- infirmer le jugement rendu le 8 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny en toutes ses autres dispositions,

statuant à nouveau,

- juger que M. [K] [D] a été trouvé en bordure de voie ferrée, dans une zone où il n'existe aucune raison de voir déambuler un piéton et qui est bien évidemment interdite à ce type de circulation,

- juger que la faute de M. [K] [D] revêt les caractères de la force majeure, et ce, en raison d'une combinaison d'événements imprévisibles et irrésistibles extérieurs aux infrastructures de la société SNCF voyageurs,

en conséquence,

- débouter M. [K] [D], M. [W] [D], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de ses enfants [Z] et [S], Mme [E] [D], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants [Z] et [S], la société BPCE et la LMDE, de toutes leurs demandes, fins et conclusions formulées à l'encontre de la société SNCF voyageurs,

à titre infiniment subsidiaire,

et si par extraordinaire la cour considérait que les circonstances de l'accident ne présentaient pas les caractères de la force majeure,

- infirmer le jugement rendu le 8 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny en ce qu'il a considéré que le droit à indemnisation de M. [K] [D] était intégral,

- confirmer le jugement rendu le 8 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny en ce qu'il a considéré qu'il y avait lieu à sursoir à toutes demandes pécuniaires dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise,

statuant à nouveau,

- juger que la faute de M. [K] [D] a contribué à son dommage à hauteur de 80 %,

- juger que ce pourcentage doit de ce fait également s'appliquer aux demandes formulées et aux éventuelles condamnations prononcées au bénéfice de M. [K] [D], M. [W] [D], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de ses enfants [Z] et [S], Madame [E] [D], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants [Z] et [S], la société BPCE, et la LMDE,

en conséquence,

- limiter le droit à indemnisation de M. [K] [D] à 20 %,

- limiter les demandes formulées par M. [K] [D], M. [W] [D], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de ses enfants mineurs [Z] et [S], Madame [E] [D], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants [Z] et [S], la société BPCE, et la mutuelle LMDE, et les éventuelles condamnations, à 20%,

- débouter la société BPCE de sa demande d'indemnisation des sommes versées à M. [D] au titre de la mobilisation de sa garantie 'accident de la vie',

- juger que la société SNCF voyageurs formule les protestations et réserves d'usage concernant la mise en oeuvre de l'expertise judiciaire,

en tout état de cause,

- débouter M. [K] [D], M. [W] [D], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de ses enfants [Z] et [S], Madame [E] [D], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants [Z] et [S], la société BPCE et la LMDE, de toutes leurs demandes plus amples ou contraires, y compris les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [K] [D], M. [W] [D], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de ses enfants [Z] et [S], Madame [E] [D], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants [Z] et [S], la société BPCE, et la LMDE, à verser à la société SNCF voyageurs la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts au titre de l'article 700 du code de procédure,

- condamner M. [K] [D], M. [W] [D], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de ses enfants [Z] et [S], Madame [E] [D], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants [Z] et [S], la société BPCE et la LMDE, aux entiers dépens.

Vu les conclusions de la société BPCE, notifiées le 14 janvier 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour, de :

Vu les dispositions de l'article 1382 ancien et 1242 nouveau du code civil, et 1346 du code civil,

- confirmer le jugement en ce qu'il a

- jugé que la responsabilité de la société SNCF voyageurs est engagée dans l'accident intervenu le 7 février 2015 dont M. [K] [D] a été victime,

- jugé que le droit à indemnisation de M. [K] [D] est intégral,

- infirmer le jugement :

- en ce qu'il a jugé qu''il y a lieu de surseoir à statuer sur l'ensemble de leurs demandes dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise médicale de M. [D] qui permettra la liquidation définitive de son préjudice corporel et l'exercice des recours des tiers payeurs',

statuant à nouveau,

- condamner la société SNCF voyageurs à payer à la société BPCE la somme de 1 000 000 euros correspondant aux sommes versées au titre du contrat garantie 'accidents de la vie',

- condamner la société SNCF voyageurs à garantir à la société BPCE des sommes qu'elle sera amenée à verser à M. [K] [D] au titre de contrat garanties 'accidents de la vie', et ce, sur présentation de quittance ou procès-verbal de transaction, suite à l'accident survenu le 7 février 2015,

à titre subsidiaire,

- confirmer la nomination du Docteur [V] avec mission, après avoir examiné les pièces médicales de M. [K] [D], dire quelle hypothèse explique les séquelles de M. [K] [D], avec la possibilité de s'adjoindre tout sapiteur de son choix,

en tout état de cause,

- confirmer le jugement dans ses autres dispositions,

- débouter la société SNCF voyageurs de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société SNCF voyageurs à payer à la société BPCE la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et la condamner aux entiers dépens, conformément à l'article 699 du code de procédure civile, dont distraction au profit de Maître Laurent Petreschi, avocat.

Vu les conclusions des consorts [D], notifiées le 20 mai 2021, aux termes desquelles ils demandent à la cour, de :

Vu les dispositions de l'article 1382 ancien, et 1242 nouveau du code civil et 1346 du code civil,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement,

ce faisant,

- condamner la société SNCF voyageurs à payer à M. [K] [D] une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Grappotte Benetreau conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les conclusions de la CPAM, notifiées le 20 décembre 2021, aux termes desquelles elle demande à la cour, de :

Vu l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale,

- recevoir la CPAM venant aux droits et obligations de la LMDE en son intervention volontaire et l'y déclarer bien fondée,

- confirmer le jugement du 8 septembre 2020 en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société SNCF voyageurs dans l'accident survenu à M. [K] [D],

- condamner la société SNCF voyageurs à verser à la CPAM la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'instance qu'elle a été contrainte d'engager et par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société SNCF voyageurs en tous les dépens dont distraction au profit de la SELARL Kato et Lefbvre associés, avocats, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a déclaré recevables les interventions volontaires d'une part, de la société SNCF voyageurs aux lieu et lace de l'EPIC SNCF mobilités et d'autre part, de M. [K] [D], de M. [W] [D] et de Madame [E] [D], agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs [Z] et [S].

Il y a lieu de déclarer la CPAM recevable en son intervention volontaire en lieu et place de la LMDE.

Sur la responsabilité

Le tribunal, se fondant sur les conclusions de l'expert [X] a considéré que les lésions retrouvées sur le corps de M. [K] [D] permettaient d'exclure que celles-ci aient eu pour origine l'action d'un tiers ou la chute d'un train en circulation mais résultaient de ce que M. [K] [D] avait été happé par le souffle d'un train passant à vitesse élevée sur la voie ferrée alors qu'il se déplaçait le long du ballast.

Le tribunal a retenu que la responsabilité de la société SNCF voyageurs, tenue d'une obligation de sécurité de résultat à l'égard des personnes circulant dans les gares ou aux abords des voies de chemin de fer, était engagée en sa qualité de gardienne du train, et qu'elle ne rapportait pas la preuve d'une faute qui aurait été commise par M. [K] [D] en relation avec l'accident et qui aurait présenté pour elle les caractéristiques de la force majeure.

La société SNCF voyageurs fait valoir que le procès-verbal de gendarmerie ne permet pas de déterminer les circonstances de l'accident en l'absence de témoin et qu'il n'a pas été possible d'identifier un train à l'origine de l'accident ; elle relève sur ce point que l'examen de ses trains n'a fait apparaître aucune trace de choc et que le dommage a pu être causé par le train d'une autre entreprise circulant sur le réseau ferré français et ce dans la mesure où la ligne en provenance de [Localité 19] va jusqu'en Espagne et est utilisée par diverses compagnies ferroviaires notamment pour le fret par la société Deutshe Bahn.

Elle ajoute qu'il est erroné de considérer que la présence d'une victime en bord de voie révélerait une absence de sécurisation des voies, qui en toute hypothèse ne relèverait pas de sa responsabilité et que l'expertise du médecin légiste qui ne disposait pas de tous les éléments pour se prononcer, notamment la chronologie, est insuffisante à démontrer l'existence d'une collision avec un train.

Elle affirme que dans l'hypothèse d'un effet Venturi M. [K] [D] aurait percuté le train et perdu ses affaires puis l'inertie de son corps l'aurait projeté à l'arrière de ses affaires et non devant celles-ci, comme cela s'est produit ; elle avance en outre que M. [K] [D] ayant été retrouvé à 2,20 m du bord des rails, il n'était pas dans une zone dangereuse et n'avait donc pas pu être heurté, même indirectement, par un train.

La société SNCF voyageurs précise que trois hypothèses sont crédibles, à savoir soit que M. [K] [D] qui voulait se rendre à [Localité 12] aurait forcé une porte du train pour sauter, train dans lequel il est certain qu'il se trouvait à 7h46, mais qui ne s'arrêtait pas en gare de [Localité 12], soit que M. [K] [D] se serait accroché à l'extérieur d'un train pour faire le trajet gare de [Localité 13]-gare de [Localité 12] aux fins de sauter à l'arrivée, soit que M. [K] [D] aurait effectué le trajet entre la gare de [Localité 13] et la gare de [Localité 12], en marchant le long des voies.

Les consorts [D] s'appuyant sur le procès-verbal de gendarmerie et sur le rapport du Professeur [X], affirment que la responsabilité de la société SNCF voyageurs est engagée sur le fondement de l'article 1242 du code civil dans la mesure où le train dont elle avait la garde, est intervenu dans la production du dommage puisqu'il n'est pas douteux que l'accident est lié à une percussion avec un train, qui s'est produite de façon indirecte par l'effet Venturi ; ils relèvent que dans la tranche horaire de l'accident aucune autre société ferroviaire que la société SNCF voyageurs n'a fait circuler de train et qu'en toute hypothèse il appartient à celle-ci de prouver qu'un autre train pourrait être à l'origine de l'accident, ce qu'elle ne fait pas.

Ils relèvent en outre que la société SNCF voyageurs est tenue d'une obligation de sécurité de résultat à l'égard des personnes présentes en gare, sur les abords des voies de chemin de fer ou dans les trains et qu'il ressort des pièces qu'ils versent aux débats que la voie n'avait fait l'objet d'aucun aménagement ce qui avait été dénoncé par une association dès l'année 2006.

La société BPCE fait valoir que les diligences effectuées ont montré que M. [K] [D] n'avait pas d'intention suicidaire et qu'aucune trace d'alcool ou de drogue n'a été retrouvée, que les conclusions du Professeur [X] sont en conformité avec les constatations médicales effectuées à l'hôpital de [Localité 19] selon lesquelles les lésions sont compatibles avec un traumatisme de forte cinétique et un mécanisme de percussion mais non avec un mécanisme de production par un tiers.

Elle avance qu'une note technique du Cabinet Erget qu'elle a missionné écarte l'hypothèse de la chute d'un train, qui compte tenu de la vitesse d'un train en circulation relèverait d'un comportement suicidaire ne correspondant pas à la personnalité de la victime et aurait probablement conduit à la mort de M. [K] [D], mais retient comme hypothèse la plus probable celle d'un effet Venturi ; elle précise sur ce point que le sac à dos de la victime a été retrouvé sur elle, seuls ayant été retrouvés en amont son bonnet, son téléphone portable et un morceau de son pantalon.

Elle indique que la circonstance que la société SNCF voyageurs ne gère que le service des transports et ainsi des trains n'a aucune incidence et qu'il lui appartiendra si elle l'estime nécessaire de se retourner contre la SNCF réseau.

La CPAM conclut à la confirmation du jugement qui a retenu à juste titre selon elle l'existence d'éléments précis et concordants, dont le rapport du Professeur [X], permettant de conclure à la responsabilité de la société SNCF voyageurs dans l'accident.

***

Sur ce, la mise en jeu de la responsabilité de la société SNCF voyageurs, que ce soit sur le fondement des articles 1103 et 1147 anciens du code civil devenus articles 1106 et 1231-1 du code civil, ou de celui des articles 1382 et 1384 alinéa 1 anciens du code civil devenus articles 1240 et 1242 du code civil, suppose que soient préalablement établies les circonstances de l'accident.

Sur ce point, il ressort du procès-verbal établi par les gendarmes que le 7 février à 13h15 M. [K] [D], habitant à [Localité 14], a été retrouvé inconscient et gravement blessé à 4m30 de la voie ferrée n° 1 (sens [Localité 19]-[Localité 11]) à proximité de la gare de [Localité 12] ; les prélèvements sanguins effectués ont montré l'absence d'ingestion d'alcool et d'usage de produits stupéfiants.

Les auditions de ses amis ont révélé que M. [K] [D] après avoir quitté la discothèque où ils avaient passé la soirée s'était rendu le 7 février 2015 à 6h30 en gare de [Localité 13] pour prendre le train s'arrêtant à [Localité 12] à 7h20 mais qu'il s'était trompé et était monté dans un train se dirigeant vers [Localité 19], qu'il s'en était rendu compte après le départ et avait indiqué à ses amis par téléphone qu'il descendrait en gare de [Localité 17] pour prendre un train circulant dans l'autre sens.

La géolocalisation de l'activité du téléphone de M. [K] [D] a confirmé qu'il a fait un aller-retour entre la gare de [Localité 13] et [Localité 19] le 7 février 2015 au matin et que la dernière activité a été enregistrée à 7h47 sur le relais de la commune de [Localité 16].

Les constatations matérielles effectuées par les gendarmes sur le dernier train passé en gare de [Localité 12] n'ont révélé aucun élément particulier, notamment l'absence de signalement 'incident porte d'accès'.

Selon le procès-verbal de gendarmerie le train qu'aurait pris M. [K] [D] après s'être trompé ne s'arrêtait pas en gare de [Localité 12] où il est passé à environ 140 km/h ; l'audition de son conducteur n'a apporté aucune précision supplémentaire et aucun incident n'a été déploré dans ce train.

M. [H], cadre d'astreinte de la société SNCF voyageurs pour le secteur Sud, a indiqué aux gendarmes que d'après les informations fournies par le PC opérationnel gestion circulation de [Localité 19] 'concernant le trafic des trains au niveau de la gare de [Localité 12] dans le créneau horaire qui nous intéresse il y a eu le trafic suivant: voie n° 1 train n° 14143 (10h45 [Localité 13]- 10h59 [Localité 11]) sans arrêt à [Localité 12] ; le second train est le n° 60621(12h24 [Localité 13]-12h45 [Localité 11]) il s'agit pour le second d'un transport de fret (graviers)'.

M. [I] agent de la société SNCF voyageurs, entendu par les gendarmes, a déclaré qu'en principe un individu se trouvant dans un train en circulation ne peut ouvrir une porte d'un wagon, sauf à détenir une clef de berne, et que le matin du 7 février 2015 deux trains pouvaient être concernés, un train TER circulant dans le sens [Localité 19]-[Localité 18] passant en gare de [Localité 12] à 10h45-10h55 mais ne s'y arrêtant pas et un train de fret circulant dans le même sens, passant en gare de [Localité 12] à 12h45 sans s'y arrêter.

D'après le procès-verbal de gendarmerie le personnel de la société SNCF voyageurs a indiqué que le train de fret était géré par l'entreprise Mallet.

Plusieurs des amis de M. [K] [D] ont affirmé qu'il ne présentait pas d'idées suicidaires.

Le Docteur [C], médecin légiste chargée d'examiner M. [K] [D] dans le cadre de l'enquête pénale a conclu que les lésions étaient regroupées sur la partie supérieure de l'hémicorps droit de M. [K] [D] et étaient compatibles avec un traumatisme de forte cinétique et un mécanisme de percussion et qu'elles étaient peu compatibles avec un mécanisme de production par un tiers.

Le Professeur [X], médecin légiste, chargé d'une expertise officieuse sur pièces par la société BPCE, ayant pour objet 'd'échafauder des hypothèses précises sur ce qui aurait pu se passer le 7 février 2015" a estimé que deux mécanismes étaient vraisemblables, à savoir l'hypothèse d'un individu s'extrayant d'un train en circulation et celle d'une percussion soit directe soit indirecte par un train.

Selon cet expert dont le rapport est corroboré par le certificat du Docteur [C] et l' audition de M. [I], dans la première hypothèse l'individu se serait réceptionné à vitesse élevée sur ses membres inférieurs et aurait selon toute vraisemblance présenté d'importantes lésions au niveau des quatre membres, aurait été retrouvé à distance importante de la voie ferrée, compte tenu de la vitesse du train, et aurait dû déverrouiller la porte du train, ce qui était peu vraisemblable et ne serait pas passé inaperçu ou se serait accroché à un train, ce qui était peu vraisemblable.

Le Professeur [X] a estimé que dans la seconde hypothèse en retenant un mécanisme de percussion direct les lésions auraient été majeures et en retenant une percussion indirecte, soit celle d'un individu happé par le souffle du train passant à proximité (effet Venturi) les lésions auraient été importantes mais moindres.

Cet expert a conclu d'une part, que le tableau clinique que présentait M. [K] [D] privilégiait l'hypothèse qu'il avait été happé par un train circulant à vitesse élevée sur la voie ferrée alors qu'il marchait sur le ballast, d'autre part, qu'aucun élément ne permettait d'attribuer les lésions à l'action d'un tiers, le traumatisme rachidien thoracique notamment ne pouvant s'expliquer par l'action d'un tiers.

Il résulte de l'ensemble des éléments qui précèdent qui sont graves, précis et concordants que M. [K] [D] est descendu du train reliant [Localité 19] -[Localité 13] en gare de [Localité 13] puis a marché le long du ballast et a été happé près de la gare de [Localité 12] par le souffle de l'un des trains passant dans cette gare sans s'y arrêter.

Si seuls deux trains passant en gare de [Localité 12] sur la voie n° 1 ont circulé au moment des faits, l'un d'entre eux était exploité par l'entreprise Mallet de sorte que la société SNCF voyageurs n'en avait pas la garde et il ne peut être déterminé lequel de ces deux trains a été l'origine de l'accident subi par M. [K] [D].

Par ailleurs il résulte des extraits Kbis produits aux débats que la société SNCF voyageurs n'a pas pour objet de gérer la maintenance du réseau ferré national, qui relève de celui de la SNCF réseau ; les éventuels manquements à la sécurisation des voies ne peuvent en conséquence être imputés à la société SNCF voyageurs.

Il résulte de l'ensemble des motifs qui précèdent que la société BPCE, les consorts [D] et la CPAM sur lesquels repose la charge de la preuve, doivent être déboutés de leurs demandes.

Le jugement est infirmé.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être infirmées.

La société BPCE, les consorts [D] et la CPAM qui succombent supporteront la charge des dépens de première instance et d'appel.

L'équité ne commande pas d'allouer à l'une ou l'autre des parties une indemnité au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

- Déclare la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne recevable en son intervention volontaire en lieu et place de la Mutuelle des étudiants,

- Infirme le jugement,

sauf en qu'il a déclaré recevables les interventions volontaires d'une part, de la société SNCF voyageurs en lieu et place de l'EPIC SNCF mobilités et d'autre part, de M. [K] [D], de M. [W] [D] et de Madame [E] [D], agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leurs enfants [Z] et [S],

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Déboute la société BPCE assurances, M. [K] [D], M. [W] [D] et Madame [E] [D], agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leurs enfants [Z] et [S] et la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne de leurs demandes,

- Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société BPCE assurances, M. [K] [D], M. [W] [D] et de Madame [E] [D], agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leurs enfants [Z] et [S] et la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 20/14344
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;20.14344 ?
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