La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/06/2022 | FRANCE | N°20/12192

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 02 juin 2022, 20/12192


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 02 JUIN 2022



(n° /2022, pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/12192

N° Portalis 35L7-V-B7E-CCIZU



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Mai 2018 -Tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 12/10531



APPELANT



Monsieur [M] [A]

[Adresse 6]

[Localité 11]

né le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 11] (France)

représenté et assisté par Me Nabil FADLI, avocat au barreau de PARIS, toque : C0904



INTIMES



Monsieur [J] [W]

[Adresse 3]

[Localit...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 02 JUIN 2022

(n° /2022, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/12192

N° Portalis 35L7-V-B7E-CCIZU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Mai 2018 -Tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 12/10531

APPELANT

Monsieur [M] [A]

[Adresse 6]

[Localité 11]

né le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 11] (France)

représenté et assisté par Me Nabil FADLI, avocat au barreau de PARIS, toque : C0904

INTIMES

Monsieur [J] [W]

[Adresse 3]

[Localité 8]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 10] (GUYANE)

représenté et assisté par Me Micheline SZWEC-GELLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0684

LA VILLE DE [Localité 11]

[Adresse 4]

[Localité 11]

représentée et assistée par Me Micheline SZWEC-GELLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0684

Compagnie d'assurance LA SAUVEGARDE

[Adresse 7]

[Localité 11]

représentée et assistée par Me Micheline SZWEC-GELLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0684

CAISSE AUTONOME DES CHIRURGIENS DENTISTES ET DES SAGES FEMMES

[Adresse 5]

[Localité 11]

représentée par Me Catherine GRANIER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0061

CPAM DE SEINE ET MARNE

[Adresse 12]

[Localité 9]

Intimée non assignée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre chargée du rapport, et devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre assesseur.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Sophie BARDIAU, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 13 décembre 2008, M. [M] [A], chirurgien-dentiste, a été victime d'un accident de la circulation. Alors qu'il conduisait son véhicule et qu'il était à l'arrêt à un feu rouge, il a été percuté à l'arrière par un camion grue de la Ville de [Localité 11], conduit par M. [J] [W], et assuré auprès de la société La Sauvegarde.

Par ordonnance du 19 juillet 2020, le juge des référés a désigné le Docteur [B] en qualité d'expert judiciaire et a alloué à M. [A] une indemnité provisionnelle de 3 000 euros.

L'expert s'est adjoint comme sapiteur le Docteur [H], médecin psychiatre, et a établi son rapport le 30 septembre 2011.

Par actes d'huissier de justice en date des 8, 15, 19, 22 et 29 juin et du 4 juillet 2012, M. [A] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris M. [W], la Ville de [Localité 11], la société La Sauvegarde ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne (la CPAM) et la caisse autonome des chirurgiens dentistes et des sages femmes (la CARCDSF) pour obtenir à titre principal la condamnation solidaire de M. [W], de la Ville de [Localité 11] et de la société La Sauvegarde au paiement de diverses sommes en réparation de son préjudice et à titre subsidiaire la mise en place d'une nouvelle expertise et l'allocation d'une provision de 100 000 euros.

Par jugement du 26 novembre 2013, cette juridiction, a :

- dit que M. [W], chauffeur du camion grue de la Ville de [Localité 11], est responsable de l'accident survenu le 13 décembre 2008,

- sursis à statuer sur l'ensemble des demandes de M. [A], sauf celles relatives à l'expertise et à la provision et aux demandes de la CARCDSF,

- ordonné une expertise médicale et commis pour y procéder les Docteurs [Z] et [R],

- condamné in solidum M. [W], la Ville de [Localité 11] et la société La Sauvegarde à verser à M. [A] la somme de 15 000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice corporel.

Les experts ont établi leur rapport le 28 septembre 2016 après s'être adjoints comme sapiteurs le Docteur [U], spécialisé en neurologie, et le Docteur [G], spécialisé en psychiatrie.

Par jugement du 22 mai 2018, le tribunal de grande instance de Paris, a :

- dit que la demande de mise hors de cause de M. [W] se heurte à l'autorité de chose jugée,

- dit que le droit à indemnisation de M. [A] des suites de l'accident de la circulation survenu le 13 décembre 2008 est entier,

- condamné in solidum la Ville de [Localité 11], M. [W] et la société La Sauvegarde à verser à M. [A] la somme totale de 124 483 euros à titre de réparation de son préjudice corporel, en derniers ou quittance, provisions non déduites, en indemnisation des préjudices suivants :

- déficit fonctionnel temporaire : 3 105 euros

- déficit fonctionnel permanent : 16 000 euros

- souffrances endurées : 10 500 euros

- préjudice sexuel : 5 000 euros

- perte de gains professionnels actuels : 49 878 euros

- incidence professionnelle : 40 000 euros,

- déclaré le jugement commun à la CPAM,

- condamné in solidum la Ville de [Localité 11], M. [W] et la société La Sauvegarde aux dépens et à payer à M. [A] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la CARCDSF de l'intégralité de ses demandes,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement à concurrence des deux tiers de l'indemnité allouée et en totalité en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 1er septembre 2020, M. [A] a interjeté appel de cette décision en critiquant les montants alloués au titre de la réparation des postes de préjudice du déficit fonctionnel permanent, des souffrances endurées, du préjudice sexuel, de la perte de gains professionnels actuels et de l'incidence professionnelle, et le rejet de ses demandes au titre du préjudice d'agrément, de la perte de gains professionnels futurs, de la perte financière sur la vente du cabinet et sur les dépenses de santé.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions de M. [A], notifiées le 25 février 2022, aux termes desquelles il demande à la cour, de :

- confirmer le jugement du 22 mai 2018 du tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a :

- dit que la demande de mise hors de cause de M. [W] se heurte à l'autorité de chose jugée

- dit que le droit à indemnisation de M. [A] des suites de l'accident de la circulation survenu le 13 décembre 2008 est entier

- condamné in solidum la Ville de [Localité 11], M. [W] et la société La Sauvegarde à indemniser M. [A] du préjudice qu'il a subi à la suite de son accident de la route du 13 décembre 2008 et reconnu l'existence d'un déficit fonctionnel temporaire, d'un déficit fonctionnel permanent, de souffrances endurées, d'un préjudice sexuel, de pertes de gains professionnels actuels et d'une incidence professionnelle

- déclaré commune à la CPAM et à la CARCDSF la décision à intervenir,

- infirmer le jugement du 22 mais 2018 du tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a :

- débouté M. [A] de ses demandes aux titres de son préjudice d'agrément, de sa perte de gains professionnels futurs, de sa perte financière sur la vente du cabinet, du remboursement de ses dépenses de santé

- fait partiellement droit aux demandes de M. [A] en termes de montants alloués au titre de la réparation des postes de préjudice du déficit fonctionnel permanent, des souffrances endurées, du préjudice sexuel, des pertes de gains professionnels actuels et de l'incidence professionnelle,

et, statuant à nouveau sur ces points,

- juger que l'accident a eu des conséquences dommageables avec une incidence professionnelle ayant rendue impossible la poursuite de l'activité de chirurgien-dentiste, et à titre subsidiaire, juger que la survenance de l'accident du 13 décembre 2008 constitue pour M. [A] une perte de chance à hauteur de 90% de ne pas avoir à souffrir de symptômes l'empêchant d'exercer sa profession,

- condamner solidairement M. [W], la Ville de [Localité 11] et la société La Sauvegarde au paiement des sommes suivantes :

- déficit fonctionnel temporaire : 3 105 euros

- déficit fonctionnel permanent : 35 000 euros

- souffrances endurées : 35 000 euros

- préjudice d'agrément : 15 000 euros

- préjudice sexuel : 10 000 euros

- perte de gains professionnels actuels et futurs : 691 298,37 euros

- incidence professionnelle : 50 000 euros

- perte financière sur la vente du cabinet : 30 000 euros

- dépenses de santé non prises en charge : 3 059 euros,

en tout état de cause,

- condamner solidairement la Ville de [Localité 11] et la société La Sauvegarde au paiement de la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront les frais des différentes expertises et les dépens du référé.

Vu les conclusions de M. [W], de la Ville de [Localité 11] et de la société La Sauvegarde, notifiées le 2 mars 2022, aux termes desquelles ils demandent à la cour, de :

- déclarer M. [A] infondé en son appel,

- l'en débouter,

- confirmer le jugement entrepris quant aux indemnités allouées à M. [A] au titre du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, du préjudice sexuel, de la perte de gains professionnels actuels, de l'incidence professionnelle et de l'article 700 du code de procédure civile,

- donner acte à la Ville de [Localité 11], M. [W] et la société La Sauvegarde de ce qu'ils maintiennent leur offre concernant l'indemnité réparatrice du déficit fonctionnel permanent à 19 500 euros,

- déclarer cette offre satisfactoire,

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [A] au titre du préjudice d'agrément, des pertes de gains professionnels futurs, du préjudice financier lié à la vente du cabinet dentaire,

- débouter M. [A] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibbles exposés en cause d'appel,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la CARCDSF de l'intégralité de ses demandes.

Vu les conclusions de la CARCDSF, notifiées le 28 janvier 2021, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

et, statuant à nouveau,

- juger recevable et bien fondée la CARCDSF en toutes ses demandes et y faire droit,

- condamner in solidum M. [W] et la Ville de [Localité 11], responsables de l'accident dont M. [A] a été victime le 13 décembre 2008 et leur assureur, la société La Sauvegarde, à payer, à la CARCDSF, la somme de 162 291,35 euros, au titre de son recours subrogatoire, dans les limites, poste par poste, de la part d'indemnité destinée à réparer l'atteinte à l'intégrité physique de M. [A] telle qu'elle sera judiciairement fixée, à l'exclusion de sa part d'indemnité de caractère personnel correspondant aux souffrances physiques ou morales par lui endurées et à son préjudice esthétique et d'agrément, outre les intérêts au taux légal à compter de la date des présentes conclusions,

subsidiairement,

- condamner in solidum M. [W], la Ville de [Localité 11] et la société La Sauvegarde, 'à payer à la CARCDSF, réparation de la perte de chance subie' qui ne saurait être inférieure à 50%,

- condamner in solidum M. [W], la Ville de [Localité 11] et la société La Sauvegarde, à payer à la CARCDSF, la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum M. [W], la Ville de [Localité 11] et la société La Sauvegarde en tous les dépens de la procédure et dire que Maître [C] pourra en poursuivre le recouvrement à leur encontre sur le fondement des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 7 décembre 2020, à ce jour irrévocable, le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d'appel à l'égard de la CPAM sur le fondement de l'article 902 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte des appels principal et incident que la cour n'est pas saisie des dispositions du jugement ayant dit que la demande de mise hors de cause de M. [W] se heurte à l'autorité de chose jugée et que le droit à indemnisation de M. [A] des suites de l'accident de la circulation survenu le 13 décembre 2008 est entier, et ayant indemnisé le déficit fonctionnel temporaire à la somme de 3 105 euros.

Sur le préjudice corporel

Le tribunal a considéré qu'il ressortait des conclusions des experts, non remises en cause par le rapport d'expertise officieux établi par les Docteurs [D] et [L], que si un arrêt de travail de 6 mois était imputable aux conséquences de l'accident, l'existence d'un état cervical arthrosique antérieur, même asymptomatique, ne permettait pas de dire qu'il existait un lien direct et certain entre l'accident du 13 décembre 2008 et l'ensemble des troubles physiques et psychologiques ressenties par M. [A] qui l'avaient amené à cesser son activité de chirurgien dentiste et à vendre son cabinet.

M. [A] expose qu'immédiatement après l'accident il a ressenti des douleurs au niveau du rachis irradiant au niveau lombaire et du membre supérieur gauche, que le Docteur [K] a indiqué le 15 décembre 2008 que les douleurs étaient cervicales et scapulaires des deux côtés, entraînant une paresthésie et une hypoesthésie des trois premiers doigts de la main gauche ; il ajoute que ces douleurs apparues immédiatement après l'accident ont été objectivées par des examens médicaux pratiqués dans les jours qui ont suivi l'accident.

Il soutient que la découverte rétrospective d'une arthrose cervicale antérieure totalement asymptomatique ne peut conduire à écarter le lien de causalité entre l'accident et ses pathologies, que celles-ci ne lui permettaient plus d'accomplir ses gestes professionnels et qu'il a ainsi été contraint de prendre un remplaçant le 27 avril 2009 puis, après deux mois sans amélioration de son état, de vendre son cabinet.

Il précise que toutes les expertises judiciaires conduisent à retenir un déficit fonctionnel permanent imputable à l'accident, que ce déficit fonctionnel permanent est bien constitué par les affections invalidantes dont il se plaint et que ce sont ces mêmes affections qui sont considérées comme justifiant l'arrêt de l'exercice de la chirurgie dentaire de l'avis même de l'expert chirurgien dentiste spécialement missionné pour répondre à cette question.

Il avance que son impossibilité de reprendre l'exercice de sa profession a été confirmée par le Docteur [D] et le Docteur [L], chirurgien dentiste, et par le Docteur [X], neurologue, et par la Commission d'inaptitude de la CARCDSF qui a émis un avis d'inaptitude ayant conduit à son admission à la retraite anticipée pour inaptitude et affirme que sans l'accident il aurait poursuivi son activité professionnelle au-delà de l'âge de 65 ans, âge de départ à la retraite à taux plein.

M. [W], la Ville de [Localité 11] et la société La Sauvegarde relèvent que le Docteur [Z], expert judiciaire, a précisé dans son rapport que l'inaptitude professionnelle qui avait cessé bien avant la consolidation n'existe pas après celle-ci et retient un syndrome post-commotionnel d'intensité modérée (en relation avec la nature légère du traumatisme cervico-encéphalique initial) entraînant des troubles cognitifs, à savoir des céphalées, des sensations vertigineuses, des difficultés d'attention, de concentration et de mémoire, justifiant un déficit fonctionnel permanent de 4 % mais aucune incapacité totale et définitive à exercer la profession de dentiste.

Ils indiquent d'une part, que le Docteur [U], sapiteur neurologue, n'a constaté aucune lésion crânio-cérébrale et n'a retenu aucune atteinte vestibulaire traumatique permettant d'imputer des troubles ORL à l'accident, d'autre part que le Docteur [G], sapiteur psychiatre, a retenu un retentissement post-traumatique caractérisé par une déplétion narcissique mais qui n'entraîne pas d'incapacité totale et définitive à exercer le métier de dentiste.

M. [W], la Ville de [Localité 11] et la société La Sauvegarde font valoir en outre que les conclusions du Docteur [R], sapiteur dentiste, ont été invalidées par le Docteur [Z] qui a noté qu'il avait déposé son avis avant la réunion de traumatologie générale, ce qui n'était pas logique et que les rapports d'expertise officieux, outre qu'ils ne sont pas opposables à la société La Sauvegarde, n'ont pas conduit le Docteur [Z] à modifier sa position.

La CARCDSF relève que jusqu'à l'accident M. [A] exerçait son métier sans difficulté, qu'il est avéré qu'il souffre d'une hypoesthésie, actée par le service de neurologie de l'hôpital du Val-de-Grâce le 20 janvier 2009, qui rend impossible l'exercice du métier de chirurgien dentiste, que l'accident a été le révélateur d'une pathologie qui sans lui ne serait peut-être jamais apparue.

Elle estime que les répercussions professionnelles se sont prolongées après la consolidation.

Elle conclut à titre subsidiaire à une perte de chance subie par M. [A] de pouvoir poursuivre son activité professionnelle, qu'elle fixe à 50 %.

***

Sur ce, le droit de la victime à obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d'une prédisposition pathologique lorsque l'affection qui en est issue n'a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable, sauf si cette pathologie aurait produit inéluctablement ses effets néfastes dans un délai prévisible.

En l'espèce, l'expertise a été menée par les Docteurs [R], dentiste, et [Z] après avis sapiteurs du Docteur [U], neurologue et du Docteur [G], psychiatre.

Le Docteur [U], neurologue, a précisé dans son avis 's'il doit être retenu des éléments neurologiques séquellaires, ce ne pourrait être que des éléments d'un syndrome post-commotionnel modéré prenant en compte le fait qu'une bonne part de la symptomatologie cognitive actuelle est liée à la problématique psychique'.

Il a ajouté 'sur le plan professionnel si on prend en compte que les seuls troubles cognitifs en relation avec le syndrome post-commotionnel modéré en relation avec la nature légère du traumatisme cervico-céphalique initial, sont également modérées et ne sauraient entraîner une incapacité totale et définitive à exercer le métier. La gêne à exercer la profession a été surtout en relation avec les cervicalgies et la névralgie cervico-brachiale. Il semble également que la problématique anxio-dépressive était également importante dans les choix qui ont été faits concernant l'activité professionnelle. Ainsi du seul point de vue neurologique l'expert retient des gênes dans l'exercice de l'activité mais aucune incapacité à exercer l'activité antérieure. L'incapacité à poursuivre l'activité professionnelle semble avoir été plus en relation d'une part avec les gênes physiques, d'autre part avec la problématique psychique et également avec une problématique circonstancielle (opportunité de vente du cabinet, possibilité de toucher des indemnités journalières pendant 32 mois) qui a été ensuite suivie d'une mise à la retraite qui de facto empêchait toute reprise professionnelle'.

Le sapiteur psychiatre, le Docteur [G], a mentionné dans son avis 'le retentissement symptomatique post-traumatique a été centré sur les troubles du sommeil, d'abord essentiellement liés aux douleurs ; des cauchemars ; des crises de larmes ; des réactions de sursaut, mais surtout par des momifications du caractère et l'installation d'un tableau de déplétion narcissique avec isolement relationnel et retentissement du champ existentiel. Au jour d'aujourd'hui le tableau clinique n'est pas caractérisé par la dépression, avec tristesse de l'humeur, ralentissement idéo-moteur, etc, mais par la déplétion narcissique chez un homme qui décrit une véritable cassure dans son existence et une atteinte à son image, à la mesure de ses idéaux antérieurs et de son perfectionnisme professionnel'.

Ce spécialiste a ajouté 'sur le plan professionnel, une part de la gêne dans l'exercice de l'activité pourrait être liée au perfectionnisme de M. [A] l'ayant conduit à penser qu'il ne pourrait plus exercer conformément à ses idéaux et exigences et qu'il ne pouvait s'adapter à sa situation nouvelle'.

Le Docteur [Z] a relevé sur que sur le plan rachidien, intéressant la région cervicale et le membre supérieur gauche, l'accident avait entraîné un traumatisme du rachis cervical avec des cervicalgies qu'il avait été indiqué très rapidement des irradiations du membre supérieur gauche au niveau du bras, de l'avant-bras et des 3 premiers doigts de la main gauche, avec une diminution du réflexe tricipital.

Sur le plan de l'imputabilité de la problématique rachidienne cervicale et de la névralgie cervico-brachiale, laissée par le sapiteur neurologue à l'appréciation du docteur [Z], celui-ci a indiqué que 'il y a bien une symptomatologie clinique qui est de type électrique périphérique dans des délais rapprochés de l'accident. Il y a bien des éléments concernant un traumatisme du rachis cervical avec indication d'un 'mouvement de va et vient' sans éjection. Il y a bien des phénomènes arthrosiques. Les éléments du dossier permettent de considérer qu'il y a une modification d'une affection associée, qui ne comporte pas seulement une dolorisation, mais une modification de l'affection associée'.

Il a ajouté que l'examen avait bien montré une affection associée avec un tremblement des 2 membres supérieurs prédominant à gauche qui n'était pas indiquée précédemment et qu'il avait bien été mis en évidence des séquelles de capsulite de l'épaule, qui d'ailleurs, est bilatérale.

En réponse aux dires des parties sur ce point il a indiqué 'une capsulite rétractile de l'épaule peut être d'un mécanisme complexe. Mais les critères d'imputabilité post-traumatique ne sont pas fournis, ni sur le plan physiopathologique, ni sur le plan médico-légal'.

Le Docteur [Z] a conclu que dans les suites du traumatisme du rachis cervical et cervico-brachial il persistait un état séquellaire 'qui a été précisé ci-dessus' sur cervicarthrose avec une irradiation au membre supérieur sur des affections associées avec capsulite de l'épaule bilatérale et tremblement avec affection associée encéphalique.

Il a retenu un déficit fonctionnel permanent de 15 % et sur le plan professionnel a indiqué 'retentissement précisé par le Docteur [G]'.

Le Docteur [R], sapiteur dentiste a conclu ainsi qu'il suit :

- une cervicalgie persistante réduit d'environ 20 % les capacités de gain,

- une hypo-esthésie persistante des 3 doigts travaillant qui serait constatée justifierait à elle seule l'arrêt de l'exercice de la chirurgie dentaire, si une dangerosité doit en découler,

- la dépression qui serait elle aussi constatée ajouterait une difficulté complémentaire, à l'exercice de sa profession,

- si les troubles de l'épaule sont avérés ils justifient d'un taux à prendre dans le barème professionnel de la MACSF ou autre barème professionnel adapté aux chirurgiens dentistes

- notons que la caisse de retraite a prononcé une inaptitude totale à l'exercice de la profession en date du 3 avril 2012.

Le Docteur [R], même s'il a émis ses conclusions avant la réunion de synthèse intégrant les données générales et globales avec application du barème spécifique professionnel et n'intéressant pas que les lésions post-traumatiques imputables en droit commun, ainsi que reproché par le Docteur [Z], a néanmoins donné un avis sur les conséquences des pathologies qui seraient considérées comme avérées sur le plan de l'exercice de la profession de chirurgien dentiste et de ce point de vue cet avis est pertinent et ne doit pas être écarté.

Il résulte de l'ensemble des données qui précèdent qu'à partir de la survenance de l'accident M.[A], qui jusque là ne présentait pas de symptômes de pathologies invalidantes notamment sur le plan professionnel, a souffert de cervicalgies, d'irradiations du membre supérieur gauche au niveau du bras, de l'avant-bras et des 3 premiers doigts de la main gauche, avec une diminution du réflexe tricipital, d'une capsulite de l'épaule bilatérale avec tremblement des 2 membres supérieurs prédominant à gauche et d'un syndrome psycho-traumatique caractérisé par une déplétion narcissique.

Ces troubles, même s'ils sont rattachables à des pathologies préexistantes de cervicarthrose et de capsulite bilatérale, ont été révélés par l'accident.

Aucun élément, tiré notamment de l'expertise, ne permet de retenir que ces pathologies auraient produit inéluctablement leurs effets néfastes dans un délai prévisible.

Par ailleurs, alors qu'il est mentionné dans l'expertise que M. [A] est gaucher, il s'avère que les troubles précités, dont certains sont marqués au niveau du membre supérieur gauche, ont eu pour effet d'empêcher M. [A] d'accomplir les gestes techniques de sa profession, qui doivent être précis et faits dans des conditions de sécurité optimales pour les patients, et l'ont contraint, après une période d'arrêt d'activité puis de reprise partielle, à prendre un remplaçant le 27 avril 2009 puis à vendre son cabinet le 29 juin 2009.

M. [A] justifie ainsi d'une perte intégrale de gains imputable à l'accident, tant avant qu'après la consolidation fixée par les experts au 13 décembre 2010, sans que cette date soit contestée par aucune des parties.

- Sur la perte de gains professionnels actuels

Ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus.

Le tribunal a liquidé ce poste de dommage sur la base des conclusions du Docteur [Z] ayant retenu un arrêt des activités professionnelles total du 13 décembre 2008 au 5 janvier 2009, puis à temps partiel à 50 % pendant 6 mois du 6 janvier 2009 au 6 juillet 2009 et en comparant les bénéfices réalisés par M. [A] en 2008 et en 2009 tels qu'il ressortaient de ses déclarations fiscales.

Les parties s'accordent pour évaluer la perte de revenus subie par M. [A] en 2008 et en 2009 par référence aux bénéfices qu'il a réalisés en 2008 tels que mentionnés sur ses documents fiscaux.

Il ressort de la déclaration de revenus de l'année 2008 communiquée par M. [A] qu'il a réalisé un bénéfice annuel de 121 303 euros sur 11,4 mois ; le revenu de référence de l'année 2008 entière est ainsi de 127 687,37 euros (121 303 euros x 12 mois / 11,4 mois), ce qui représente un revenu mensuel de 10 640,61 euros.

A partir du 27 avril 2009 date de la prise d'un remplaçant et de la cessation définitive de son activité, M. [A] sollicite une indemnisation sur la base d'un revenu mensuel moyen de référence de 10 000 euros.

La perte de revenus est la suivante :

- du 13 décembre 2008 au 31 décembre 2008

127 687,37 euros - 121 303 euros = 6 384,37 euros

- du 1er janvier 2009 au 26 avril 2009

10 640,61 euros x 3,78 mois = 40 221,51 euros

- du 27 avril 2009 au 13 décembre 2010

10 000 euros x 19,55 mois = 195 500 euros

' total : 242 105,88 euros

De cette perte doivent être déduits les bénéfices perçus par M. [A] en 2009 soit selon l'avis d'imposition 2010 sur les revenus de 2009 la somme de 18 861 euros ; après déduction la perte est de 223 244,88 euros.

Des prestations ont été versées sur cette même période par la CARCDSF pour un montant de 39 539,70 euros au titre d'indemnités journalières et de 4 479 euros au titre de 'cotisations compensées et/ou exonérées' dont la CARCDSF demande le remboursement sans que cela soit remis en cause par les autres parties.

Après imputation des prestations versées par la CARCDSF en application de l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985, la somme revenant personnellement à la victime s'établit à 179 226,18 euros [223 244,88 euros - (39 539,70 euros + 4 479 euros)] et celle de 44 018,7 euros doit être allouée à la CARCDSF.

Le jugement est infirmé.

- Sur les dépenses de santé actuelles et futures

Le poste de dépense de santé vise à indemniser l'ensemble des dépenses de santé, incluant les frais d'hospitalisation, médicaux et pharmaceutiques, exposés en raison d le'accident.

Le tribunal a rejeté cette demande aux motifs que M. [A] ne rapportait pas la preuve du lien entre les dépenses de santé alléguées et l'accident, la plupart des séances étant postérieures à l'accident et ce poste de dommage n'ayant pas été retenu par l'expert.

M. [A] sollicite l'indemnisation des séances d'ostéopathie restées à sa charge de décembre 2008 à décembre 2016.

M. [W], la Ville de [Localité 11] et la société La Sauvegarde s'opposent à cette demande en adoptant les motifs du tribunal.

Sur ce, les parties s'accordent pour examiner les dépenses de santé tant actuelles que futures de façon globale.

Ce poste est constitué d'une part, des frais médicaux et pharmaceutiques pris en charge par la CPAM soit 457,92 euros selon l'état des débours définitifs de cet organisme produit aux débats par M. [W], la Ville de [Localité 11] et la société La Sauvegarde et d'autre part, par des frais d'ostéopathie restés à la charge de M. [A] du mois de décembre 2008 au mois de décembre 2016, frais non pris en charge par la CPAM pour ne pas être inscrits sur la liste LPPR (liste des prestations et produits remboursables) et dont le lien avec l'accident résulte des cervicalgies provoquées par celui-ci, pour un total de 3 059 euros.

Le jugement est infirmé.

- Sur la perte de gains professionnels futurs

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

Le tribunal a débouté M. [A] de sa demande formée au titre de ce poste de préjudice.

M. [A] soutient que sans l'accident il aurait travaillé après 65 ans, âge de sa retraite à taux plein, ainsi que le font de nombreux dentistes comme le démontrent les statistiques de sa profession.

Il demande à la cour de calculer sa perte de gains professionnels futurs jusqu'à l'âge de 65 ans, soit jusqu'en juin 2014, sur la base d'une perte totale et du différentiel entre son revenu de référence de 10 000 euros par mois et le montant de sa retraite anticipée de 2 529 euros par mois perçue à compter d'août 2012 ; à compter du mois de juillet 2014 il demande à la cour de l'indemniser sur la base d'une perte de chance de gains qu'il évalue à 150 000 euros.

M. [A] sollicite en outre l'indemnisation d'une perte sur sa retraite à compter de ses 65 ans sur la base de simulations qu'il produit aux débats démontrant une perte annuelle de 2 529,09 euros par an qu'il capitalise par une euro de rente viagère pour une personne âgée de 65 ans en 2014 soit 12,834.

M. [W], la Ville de [Localité 11] et la société La Sauvegarde concluent au rejet des prétentions de M. [A] en soutenant que les expertises tant aimables que judiciaires ont démontré que la cessation d'activité de M. [A] n'était pas en rapport avec l'accident.

De même il font valoir que les demandes de la CARCDSF ne peuvent être prises en compte dès lors qu'elles correspondent à un poste de préjudice non médicalement justifié.

La CARCDSF demande à la cour le remboursement des indemnités journalières versées jusqu'en septembre 2012, des cotisations compensées et des prestations versées à compter du 1er octobre 2012 jusqu'au 30 juin 2014 au titre de la retraite anticipée pour inaptitude.

Sur ce, il a été retenu ci-avant que l'accident, par les troubles qu'il a entraîné, a contraint M. [A] de cesser son activité professionnelle ; la perte de gains professionnels futurs subie par M. [A] doit être indemnisée sur la base d'un revenu antérieur de 10 000 euros mensuel net, ainsi que précisé pour la perte de gains professionnels actuels pour des motifs qui sont ici repris.

Il convient de considérer que sans l'accident M. [A] aurait travaillé a minima jusqu'à l'âge de 65 ans, âge auquel il aurait pu prétendre à la retraite à taux plein, et qu'il aurait pu, ainsi qu'il le soutient, poursuivre son activité jusqu'à l'âge de 70 ans, éventualité favorable que l'accident lui a fait perdre.

La perte de gains de la date de la consolidation au 30 juin 2014 est la suivante :

- 10 000 euros x 47,54 mois = 475 400 euros

- à compter du 1er juillet 2014 jusqu'au 19 juin 2019, date des 70 ans de M. [A], né le [Date naissance 2] 1949, sur la base d'une perte de chance de 50 %,

10 000 euros x 12 mois x 4,97 ans x 50 % = 298 200 euros ramené à 150 000 euros pour rester dans les limites de la demande.

' total : 625 400 euros.

Par ailleurs le préjudice de retraite sera examiné au titre de la perte de gains professionnels futurs, ainsi que le fait M. [A] ; il résulte des simulations de retraite effectuées par la CARCDSF pour un départ à la retraite au 1er octobre 2012 et pour un départ à la retraite au 1er juillet 2014 que M. [A] va subir une perte annuelle sur sa retraite de 2 477,76 euros [(2 735,57 euros - 2 529,09 euros) x 12 mois] par rapport à la retraite qu'il aurait perçue en travaillant jusqu'à l'âge de 65 ans.

Néanmoins, M. [A] étant indemnisé de la perte de chance de travailler jusqu'à l'âge de 70 ans, la perte de retraite annuelle à retenir est moindre que celle qu'il indique et doit être fixée, eu égard à l'ensemble des données qui précèdent à 2 000 euros par an.

M. [A] sollicite une capitalisation selon un euro de rente de 12,834 à l'âge de 65 ans, sans préciser le barème sur lequel il s'appuie.

La capitalisation sera donc faite par un euro de rente viagère pour un homme âgé de 70 selon le barème publié par la Gazette du Palais le 15 septembre 2020, taux d'intérêts 0 %, qui s'appuie sur des données démographiques et économiques pertinentes et qui est le plus approprié pour assurer la réparation intégrale du préjudice corporel subi par M. [A], qui est de 15,090, ce qui porte l'indemnité à 30 180 euros (2 000 euros x 15,090).

La perte totale s'élève ainsi à la somme de 655 580 euros (625 400 euros + 30 180 euros).

Sur cette perte s'imputent, en application de l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985, les indemnités journalières versées après la consolidation, les cotisations compensées par la CARCDSF dont aucune autre partie n'invoque qu'elle ne pourrait donner lieu à imputation et les prestations de retraite anticipée, pour un montant total de 118 272,65 euros, étant rappelé que la CARCDSF gère un régime obligatoire de sécurité sociale.

La CARCDSF sera désintéressée à hauteur de la somme de 118 272,65 euros et celle de 537 307,35 euros (655 580 euros - 118 272,65 euros) revient à M. [A].

Le jugement est infirmé.

- Sur l'incidence professionnelle

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap ; il inclut les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste, la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap et la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail.

Le tribunal a alloué à M. [A] une indemnité de 40 000 euros pour indemniser la pénibilité accrue.

M. [A] demande à la cour de confirmer le jugement en son principe mais d'augmenter l'indemnité à la somme de 50 000 euros afin de tenir compte de sa privation totale d'activité et de sa dévalorisation sur le marché du travail.

M. [W], la Ville de [Localité 11] et la société La Sauvegarde concluent à la confirmation du jugement.

Sur ce, M. [A] a subi une pénibilité accrue durant la période de tentative de reprise de son activité en 2009 qui doit être évaluée à 5 000 euros ; ne pouvant plus travailler et étant indemnisé intégralement de sa perte de gains jusqu'à l'âge de 65 ans, il ne peut prétendre à une indemnisation au titre d'une dévalorisation sur le marché du travail ; en revanche ayant été privé de toute activité professionnelle il doit être indemnisé de la dévalorisation sociale qu'il en a ressentie et qui doit être évaluée à la somme de 8 000 euros.

Eu égard à l'offre de M. [W], la Ville de [Localité 11] et la société La Sauvegarde la somme de 40 000 euros lui sera allouée au titre de l'incidence professionnelle.

Le jugement est confirmé.

- Sur la perte de valeur du cabinet

Le tribunal a débouté M. [A] de sa demande de réparation formée à ce titre au motif que les circonstances de la vente de son cabinet, qu'il invoquait, étaient sans lien avec l'accident.

M. [A] demande à la cour de lui allouer une indemnité de 30 000 euros destinée à compenser la perte de valeur du droit de présentation de sa patientèle résultant de la vente en urgence de son cabinet dentaire décidée en raison de la baisse de son chiffre d'affaire et de son impossibilité à poursuivre son activité professionnelle sans danger pour ses patients.

M. [W], la Ville de [Localité 11] et la société La Sauvegarde s'opposent à cette demande pour les mêmes motifs que ceux énoncés par le premier juge.

Sur ce, M. [A] qui n'a communiqué pour fonder sa demande que le contrat de vente du bien immobilier comprenant toutes les installations et instrumentations professionnelles, au sein duquel il exploitait son cabinet dentaire, ne justifie, notamment par éléments de comparaison, attestations, ou autres ni qu'il a vendu ce bien ni qu'il a cédé son droit de présentation de sa patientèle à des prix inférieurs à leur valeur ; sa demande doit être rejetée.

Le jugement est confirmé.

- Souffrances endurées

Ce poste comprend l'indemnisation de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi

que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à dire du jour de l'accident jusqu'à celui de la consolidation

En l'espèce, il convient de prendre en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison du traumatisme initial, des nombreux examens et soins notamment de radiographies, IRM, de psychothérapie ; ce chef de préjudice a été coté 3,5/7 par l'expert mais sans tenir compte des douleurs physiques et morales en lien avec les pathologies antérieures révélées par l'accident ; tenant compte de l'ensemble des conséquences de l'accident les souffrances endurées seront évaluées à 25 000 euros.

- Sur le déficit fonctionnel permanent

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anathème-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiale et sociales).

L'expert a retenu un déficit fonctionnel permanent de 15 % mais sans tenir compte des troubles consécutifs aux pathologies préexistantes d'arthrose et de capsulite bilatérale des épaules révélées par l'accident ; eu égard à l'ensemble des troubles consécutifs à l'accident y compris notamment les cervicalgies, irradiations, tremblements, paresthésies et hypo-esthésie persistante des 3 doigts de la main gauche et aux souffrances morales et troubles induits dans les conditions d'existence, l'indemnité de 35 000 euros sollicitée doit être allouée à M. [A] pour un homme âgé de 61 ans à la consolidation.

Le jugement est infirmé.

- Préjudice d'agrément

Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.

M. [A] soutient qu'avant l'accident il pratiquait divers sports dont le ski, la course à pied, le cyclisme la randonnée et divers loisirs tel le pilotage d'avion, ce qu'il ne peut plus faire en raison des douleurs et état anxio-dépressif dus à l'accident.

M. [W], la Ville de [Localité 11] et la société La Sauvegarde s'opposent à cette demande aux motifs que M. [A] ne justifie pas d'une pratique régulière antérieure à l'accident des activités qu'il énumère et que l'expert n'a pas retenu de préjudice d'agrément.

Sur ce, M. [A] en raison des cervicalgies, irradiations, tremblements et syndrome psycho-traumatique justifie ne plus pouvoir pratiquer dans les conditions antérieures certaines activités sportives et de loisir auxquelles il s'adonnait régulièrement avant l'accident, à savoir le ski, le tennis et la randonnée en montagne, suivant photographies versées aux débats ; en revanche il ne démontre pas avoir poursuivi de façon régulière avant l'accident la pratique du pilotage d'avion, le dernier justificatif datant de 1986 ; eu égard aux données qui précèdent ce poste de dommage qui est établi doit être indemnisé à hauteur de 6 000 euros.

Le jugement est infirmé.

- Préjudice sexuel

Ce poste concerne la réparation des préjudices touchant à la sphère sexuelle, soit le préjudice morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires résultant du dommage subi, le préjudice lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel (perte de l'envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l'acte, perte de la capacité à accéder au plaisir) et le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer (ce préjudice pouvant notamment chez la femme se traduire sous diverses formes comme le préjudice obstétrical, etc.).

M. [A] sollicite une indemnité de 10 000 euros en invoquant une diminution de la libido.

M. [W], la Ville de [Localité 11] et la société La Sauvegarde admettent l'existence d'un préjudice sexuel bien que celui-ci n'ait pas été retenu par l'expert.

Sur ce, les experts ont retenu comme séquelle de l'accident un syndrome psycho-traumatique et le Docteur [G], sapiteur psychiatre, a indiqué qu'à la suite de l'accident M. [A] conserve un isolement relationnel et un retentissement du champ existentiel, ce qui conforte l'existence d'un préjudice sexuel dont s'est plaint M. [A], en relation avec une diminution de la libido, d'ailleurs non contesté en son principe par les intimés ; ce poste de dommage doit être réparé à hauteur de la somme de 5 000 euros sollicitée par M. [A].

Le jugement est infirmé.

***

Récapitulatif des sommes revenant à M. [A] :

- dépenses de santé actuelles et dépenses de santé futures : 3 059 euros

- perte de gains professionnels actuels : 179 226,18 euros après imputation de la créance de la CARCDSF

- perte de gains professionnels futurs intégrant le préjudice de retraite : 537 307,35 euros après imputation de la créance de la CARCDSF

- incidence professionnelle : 40 000 euros (confirmation du jugement)

- perte de valeur du cabinet : 0 euros (confirmation du jugement)

- souffrances endurées : 25 000 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 3 105 euros (jugement définitif)

- déficit fonctionnel permanent : 35 000 euros

- préjudice d'agrément : 6 000 euros

- préjudice sexuel : 5 000 euros

Une somme totale de 162 291,35 euros (44 018,7 euros + 118 272,65 euros) revient à la CARCDSF, qui produira intérêts au taux légal à compter de ses conclusions du 28 janvier 2021, conformément à sa demande et en application de l'article 1231-6 du code civil.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux dépens doivent être confirmées.

Le jugement doit être infirmé sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [W], la Ville de [Localité 11] et la société La Sauvegarde qui succombent partiellement dans leurs prétentions et qui sont tenus à indemnisation supporteront la charge des dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer à M. [A] une indemnité globale de 6 000 euros et à la CARCDSF une indemnité globale de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Et dans les limites de l'appel

- Infirme le jugement sur les postes du préjudice corporel de M. [M] [A] relatifs aux dépenses de santé actuelles et futures, perte de gains professionnels actuels, perte de gains professionnels futurs, souffrances endurées, préjudice d'agrément et préjudice sexuel, sur le montant de l'indemnisation de M. [M] [A] et les sommes lui revenant et en ce qu'il a débouté la Caisse autonome des chirurgiens dentistes et des sages femmes de ses demandes,

- Le confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Condamne in solidum M. [J] [W], la Ville de [Localité 11] et la société La Sauvegarde à verser à M. [M] [A] les sommes suivantes, provisions et sommes versées en vertu de l'exécution provisoire du jugement non déduites avec les intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus, en indemnisation des postes ci-après de son préjudice corporel :

- dépenses de santé actuelles et dépenses de santé futures : 3 059 euros

- perte de gains professionnels actuels : 179 226,18 euros

- perte de gains professionnels futurs intégrant le préjudice de retraite : 537 307,35 euros

- souffrances endurées : 25 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 35 000 euros

- préjudice d'agrément : 6 000 euros

- préjudice sexuel : 5 000 euros,

- Condamne in solidum M. [J] [W], de la Ville de [Localité 11] et la société La Sauvegarde à verser à Caisse autonome des chirurgiens dentistes et des sages femmes, la somme de 162 291,35 euros au titre de ses débours avec les intérêts légaux à compter du 28 janvier 2021,

- Condamne in solidum M. [J] [W], de la Ville de [Localité 11] et la société La Sauvegarde à verser au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel, les sommes suivantes :

- 6 000 euros à M. [A]

- 3 000 euros à la Caisse autonome des chirurgiens dentistes et des sages femmes,

- Condamne in solidum M. [J] [W], de la Ville de [Localité 11] et la société La Sauvegarde aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 20/12192
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;20.12192 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award