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02/06/2022 | FRANCE | N°20/10789

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 02 juin 2022, 20/10789


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 02 JUIN 2022



(n° /2022, pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/10789

N° Portalis 35L7-V-B7E-CCEQT



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Juin 2020 -TJ de CRETEIL - RG n° 18/09247



APPELANTE



Madame [V] [W]

[Adresse 3]

[Localité 11]

née le [Date naissance 5] 1959

à SOUSSE (TUNISIE)

représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

assistée par Me Bitsam BARI, avocat au barreau de PARIS



INTI...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 02 JUIN 2022

(n° /2022, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/10789

N° Portalis 35L7-V-B7E-CCEQT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Juin 2020 -TJ de CRETEIL - RG n° 18/09247

APPELANTE

Madame [V] [W]

[Adresse 3]

[Localité 11]

née le [Date naissance 5] 1959 à SOUSSE (TUNISIE)

représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

assistée par Me Bitsam BARI, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

SOCIÉTÉ ANONYME IMMOBILIÈRE D'ECONOMIE MIXTE DE LA RÉGION PARISIENNE SECTEUR SUD EST (SEMISE)

[Adresse 2]

[Localité 8]

représentée par Me Roxane BOURG, avocat au barreau de PARIS, toque : D0502

substituée à l'audience par Me Hendrick MOUYECKET, avocat au barreau de PARIS

Société SMACL ASSURANCES

[Adresse 4]

[Localité 9]

représentée par Me Thomas PIERSON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0968

assistée par Me Pascaline DUPUY, avocat au barreau de PARIS

CPAM DU VAL DE MARNE

[Adresse 1]

[Localité 10]

n'a pas constitué avocat

MUTUELLE NATIONALE DES HOSPITALIERS ET DES PROFESSIONNELS DE LA SANTE ET DU SOCIAL

[Adresse 6]

[Localité 7]

n'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre, et devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre assesseur chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Sophie BARDIAU, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRÊT :

- Réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 10 novembre 2013, Mme [V] [W], locataire d'un appartement pris à bail auprès de la société immobilière d'économie mixte de la région parisienne secteur Sud Est (la société SEMISE), a chuté dans l'ascenseur de sa résidence située, [Adresse 3], à [Localité 11] (94) et s'est blessée.

Par actes d'huissier en date des 2 et 5 septembre 2014, Mme [W] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Créteil la société SEMISE et l'assureur de cette dernière, la société SMACL assurances (la société SMACL) en indemnisation de ses préjudices, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne (la CPAM) et de la Mutuelle nationale des hospitaliers et des professionnels de la santé et du social (la mutuelle MNH).

Par jugement du 6 mars 2018, le tribunal de grande instance de Créteil a :

- dit que la société SEMISE et la société SMACL devaient indemniser le préjudice subi par Mme [W],

- avant dire droit sur l'évaluation des préjudices, ordonné une expertise médicale confiée au Docteur [X] avec mission d'usage,

- condamné in solidum la société SEMISE et la société SMACL à payer à Mme [W] une provision de 4 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice,

- sursis à statuer sur l'indemnisation définitive des préjudices subis par Mme [W],

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et réservé les dépens.

Le Docteur [X] a établi son rapport définitif le 4 décembre 2018.

Par jugement en date du 25 juin 2020, le tribunal judiciaire de Créteil a :

- condamné in solidum la société SEMISE et la société SMACL à payer à Mme [W] les sommes suivantes, en réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour :

- dépenses de santé actuelles restées à charge : 111,50 euros

- perte de gains professionnels actuels : 3 358 euros

- tierce personne avant consolidation : 1 710 euros

- incidence professionnelle : 6 000 euros

- aménagement du logement : 1 214,40 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 1 260,75 euros

- souffrance : 3 500 euros

- préjudice esthétique temporaire : 600 euros

- déficit fonctionnel permanent : 18 480 euros

- préjudice esthétique permanent : 600 euros

- préjudice d'agrément : 2 450 euros

- préjudice sexuel : 1 200 euros,

- débouté Mme [W] du surplus de ses demandes indemnitaires en réparation de son préjudice corporel,

-condamné la société SEMISE et la société SMACL aux dépens avec possibilité de recouvrement en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- condamné la société SEMISE et la société SMACL in solidum à payer à Mme [W] une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- rejeté toutes prétentions plus amples ou contraires des parties.

Par déclaration du 17 juillet 2020, Mme [W] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes au titre des dépenses de santé futures, des frais de véhicule adapté et de la tierce personne après consolidation ainsi qu'en ses dispositions relatives aux indemnités allouées au titre de l'incidence professionnelle, des souffrances endurées, du préjudice sexuel et de la perte des gains de professionnels actuels.

Saisi d'une requête en omission de statuer, le tribunal judiciaire de Créteil, a par jugement du 14 octobre 2020 complété son précédent jugement en ajoutant au dispositif la condamnation de la société SMACL à relever et garantir la société SEMISE de toute condamnation prononcée à son encontre.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions de Mme [W], notifiées le 8 avril 2021, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

Vu l'ancien article 1384 alinéa 1er du code civil,

Vu les articles 1315 du code civil et 9 du code de procédure civile,

- réformer partiellement le jugement entrepris et statuant de nouveau, fixer les indemnités revenant à Mme [W] comme suit :

- perte de gains professionnels actuels demeurée à la charge de la victime : 4 709,15 euros

- dépenses de santé futures demeurées à la charge de la victime : 4 493,56 euros

- frais de véhicule adapté : 16 947,63 euros

- incidence professionnelle : 25 000 euros

- tierce-personne : 90 608,54 euros

- souffrances endurées : 5 000 euros

- préjudice sexuel : 5 000 euros,

- confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

Y ajoutant,

- condamner in solidum la société SEMISE et la société SMACL à verser à Mme [W] une indemnité d'un montant de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum la société SEMISE et la société SMACL aux entiers dépens d'instance au visa de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions de la société SEMISE, notifiées le 14 janvier 2021, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

Vu les dispositions de l'article 1241 du code civil,

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les articles 1103, 1104, 1193, 1240, 1792 et suivants du code civil,

Vu l'article L. 124-3 du code des assurances,

- juger la société SEMISE recevable et bien fondée en ses demandes,

En tout état de cause,

A titre principal,

- confirmer en tous points le jugement dont appel rendu le 25 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Créteil,

Et donc confirmer la condamnation de la société SMACL à relever et garantir la société SEMISE de toute condamnation prononcée à son encontre suivant jugement rectificatif du 14 octobre 2020,

- débouter Mme [W] de l'ensemble de ses demandes.

Vu les dernières conclusions de la société SMACL, notifiées le 11 janvier 2021, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

- juger la société SMACL recevable et bien fondée en ses demandes,

- confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a débouté Mme [W] des demandes formées au titre :

- des frais futurs

- des frais de véhicule adapté

A défaut, réduire l'indemnité à une somme ne pouvant excéder 8 850,28 euros

- de l'assistance permanente par une tierce personne,

- confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a fixé l'indemnisation de Mme [W] au titre des souffrances endurées à la somme de 3 500 euros,

- infirmer la décision dont appel en ce qu'elle a octroyé à Mme [W] la somme de 6 000 euros au titre de l'incidence professionnelle,

- infirmer la décision dont appel en ce qu'elle a octroyé à Mme [W] la somme de 1 200 euros au titre du préjudice sexuel,

Et statuant à nouveau,

- réduire à de plus justes proportions la demande formée au titre d'incidence professionnelle, laquelle ne pourra pas excéder 2 000 euros,

- débouter Mme [W] de sa demande formée au titre du préjudice sexuel,

En tout état de cause,

- juger que la société SMACL s'est déjà acquittée d'une provision de 4 000 euros en exécution du jugement rendu le 6 mars 2018,

- débouter Mme [W] de toute autre prétention.

La CPAM et la mutuelle MNH, auxquelles la déclaration d'appel a été signifiée par actes d'huissier de justice en date des 22 et 23 octobre 2020, délivrés à personne habilitée, n'ont pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le droit à indemnisation intégrale de Mme [W] a été définitivement reconnu par le jugement rendu le 6 mars 2018 par le tribunal de grande instance de Créteil.

Seuls sont discutés devant la cour l'indemnisation des postes de préjudice liés à la perte de gains professionnels actuels, aux dépenses de santé futures, aux frais de véhicule adapté, à l'incidence professionnelle, à la tierce personne après consolidation, aux souffrances endurées et au préjudice sexuel.

La cour n'étant pas saisie par l'effet des appel principal et incident des dispositions du jugement du 25 juin 2020 relatives à l'indemnisation des autres postes de préjudice et aucun appel n'ayant été formé à l'encontre du jugement rectificatif du 20 octobre 2020, la cour ne peut statuer sur ces points.

Sur les postes de préjudice discutés en cause d'appel

L'expert, le Docteur [X], indique dans son rapport en date du 4 décembre 2018 que Mme [W] a présenté à la suite de l'accident du 10 novembre 2013 une fracture-tassement du plateau supérieur de L1 et L2 et une fracture enfoncement du plateau tibial externe du genou gauche et qu'elle conserve comme séquelles une raideur du genou, une limitation de la mobilité entre 0 et 95°, une douleur du rachis avec raideur active et gêne douloureuse dans tous les mouvements en toute position nécessitant une thérapeutique régulière.

Il conclut dans son rapport à :

- un arrêt des activités professionnelles du 10 novembre 2013 au 6 juin 2014

- pas de déficit fonctionnel temporaire total en l'absence d'hospitalisation imputable

- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de :

* 50 % du 10 novembre 2013 au 15 décembre 2013

* 33 % du 26 décembre 2013 au 16 janvier 2014

* 15 % du 17 janvier 2014 au 6 juin 2014

- une consolidation au 6 juin 2014

- des souffrances endurées de 2,5/7

- un préjudice esthétique temporaire de1 /7

- un déficit fonctionnel permanent de 12 %

- un préjudice esthétique permanent de 0,5/7

- une répercussion des séquelles sur l'activité professionnelle,

- un préjudice d'agrément,

- des frais de logement adapté (remplacement de la baignoire par douche avec siège de douche)

- des frais de véhicule adapté (boîte automatique)

- un préjudice sexuel (gêne mécanique positionnelle)

- un besoin d'assistance de tierce personne pendant :

* 2 heures par jour du 10 novembre 2013 au 25 décembre 2013

* 1 heure par jour du 26 décembre 2013 au 16 janvier 2014

- des frais futurs (poursuite de la rééducation à raison de 2 à 3 séances par semaine pendant 2 ans ; une paire de semelles orthopédiques par an).

Son rapport constitue, sous les réserves ci-après exposées, une base valable d'évaluation des postes de préjudice discutés en cause d'appel à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime née le [Date naissance 5] 1959, de son activité d'agent de service hospitalier qualifié titulaire exerçant dans un EHPAD, de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Par ailleurs, l'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue ; et le barème de capitalisation utilisé sera celui publié par la Gazette du Palais du 15 septembre 2020, avec un taux de 0 % qui est le plus approprié comme reposant sur les données démographiques, économiques et monétaires les plus pertinentes.

Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

- Perte de gains professionnels actuels

Ce poste vise à indemniser la perte ou la diminution de revenus causée par l'accident pendant la période antérieure à la consolidation.

Mme [W] critique le jugement qui pour évaluer sa perte de gains professionnels actuels s'est exclusivement fondé sur la comparaison des avis d'imposition des années 2013 et 2014 alors que l'examen des bulletins de salaires permet, selon elle, de déterminer le montant exact de sa perte de revenus.

Elle expose que pendant sa période d'arrêt de travail, elle a bénéficié du maintien de son plein traitement pendant trois mois puis d'un demi-traitement à compter du quatrième mois.

Elle ajoute qu'en raison de son arrêt de travail, elle a été privée de la prime de service versée deux fois par an en mars et novembre et des indemnités forfaitaires pour les dimanches et jours fériés.

Elle estime au vu des bulletins de paie versés aux débats que sa perte de gains professionnels actuels, incluant sa perte de traitement et de primes, s'élève à la somme de 4 709,15 euros.

Les sociétés SEMISE et SMACL concluent à la confirmation du jugement qui a évalué ce poste de préjudice à la somme de 3 358 euros correspondant à la différence entre le montant des revenus nets imposables déclarés au titre des années 2013 et 2014.

Sur ce, il résulte des pièces versées aux débats, notamment des bulletins de paie, que Mme [W] travaillait au moment de l'accident comme agent de service hospitalier qualifié titulaire dans un EHPAD.

Le Docteur [X] dont les conclusions ne font l'objet d'aucune critique sur ce point a retenu que l'arrêt de travail dont a bénéficié Mme [W] entre le 10 novembre 2013 et le 6 juin 2014 était imputable à l'accident domestique dont elle a été victime le 10 novembre 2013.

Par décision du 5 juin 2014, Mme [W] a été placée en position de congé maladie ordinaire rémunéré à plein traitement pour la période du 10 novembre 2013 au 9 février 2014 et à demi-traitement pour la période du 10 février 2014 au 1er juin 2014 (pièce n° 50).

Elle a repris son activité professionnelle après avoir été examinée le 6 juin 2014 par le médecin du travail qui l'a déclarée apte avec certaines restrictions.

Le préjudice de Mme [W] au titre de la perte de gains professionnels actuels correspond à sa perte de traitements et primes nets, hors incidence fiscale, et non à la différence entre les revenus imposables déclarés en 2014 et 2013.

Il résulte des bulletins de paie versés aux débats que Mme [W] bénéficiait d'une prime de service payées deux fois par an aux mois de mars et novembre de chaque année.

Le montant de la prime de service s'est élevé au vu des bulletins de paie à la somme de 587,91 euros en 2012 (100 euros en mars 2012 et 487,91 euros en novembre 2012), à la somme de 1 048,95 euros en 2013 (569,09 euros en mars 2013 et 479,86 euros en novembre 2013)et à celle de 272,14 euros en 2014 (272,14 euros en mars 2014 et 0 euro en novembre 2014).

L'article 3 de l'arrêté du 24 mars 1967 relatif aux conditions d'attribution de primes de service aux personnels de certains établissements énumérés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986, invoqué par Mme [W], dispose, dans sa rédaction applicable au litige, que «la prime de service ne peut être attribuée au titre d'une année qu'aux agents ayant obtenu pour l'année considérée une note au mois égale à 12,5. L'autorité investie du pouvoir de nomination fixe les conditions dans lesquelles le montant de la prime varie proportionnellement aux notes obtenues sans qu'il puisse excéder 17 p. 100 du traitement brut de l'agent au 31 décembre de l'année au titre de laquelle la prime est attribuée. Pour tenir compte des sujétions journalières réelles, toute journée d'absence entraîne un abattement d'un cent quarantième du montant de la prime individuelle. Toutefois, n'entraînent pas d'abattement les absences résultant : du congé annuel de détente ; d'un déplacement dans l'intérêt du service ; d'un congé consécutif à un accident du travail ou à une maladie professionnelle ; d'un congé de maternité (...)».

Il en résulte que le congé pour maladie ordinaire de Mme [W] consécutif à l'accident du 10 novembre 2013 a eu un impact sur le montant de sa prime de service au titre de l'année 2014 en raison de l'application de l'abattement d'un cent quarantième par journée d'absence.

Compte tenu du caractère variable de cette prime qui est proportionnelle à la notation de l'agent, il convient d'évaluer la perte de prime de Mme [W] à la somme de 546,29 euros correspondant à la différence entre la moyenne des primes perçues en 2012 et 2013, soit la somme de 818,43 euros [(587,91 euros + 1 048,95 euros) / 2] et la prime de l'année 2014 d'un montant de 272,14 euros.

L'examen des bulletins de paie produit permet de constater que Mme [W] percevait également avant l'accident des indemnités forfaitaires pour les dimanches et jours fériés conformément aux disposition, qu'elle invoque, du décret n° 92-7 du 2 janvier 1992, cette indemnité étant attribuée, selon l'article 1 de ce décret, aux fonctionnaires et agents des établissements mentionnés à l'article 2 du titre IV, lorsqu'ils exercent leurs fonctions.

La cessation par Mme [W] de son activité professionnelle entre le 10 novembre 2013 et le 6 juin 2014 l'a ainsi privée de ces indemnités forfaitaires subordonnées à un travail effectif un dimanche ou un jour férié.

Elle a également subi à compter du 10 février 2014 une perte de revenus, dans la mesure où elle n'a bénéficié à compter de cette date que d'un demi-traitement.

L'examen comparatif de ses bulletins de paie avant et après l'accident permet d'évaluer la perte de traitements nets, y compris la perte de primes pour dimanches et jours fériés, à la somme de 3 932,34 euros.

Le poste de préjudice lié aux pertes de gains professionnels actuels s'élève ainsi à la somme de 4 478,63 euros (3 932,34 euros + 546,29 euros), étant observé qu'hormis les salaires maintenus par l'employeur qui ont été déduits, aucune prestation supplémentaire n'est à imputer sur ce poste de préjudice, le décompte de la CPAM ne faisant état que de dépenses de santé.

Le jugement sera infirmé.

Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

- Dépenses de santé futures

Ce poste vise les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation et incluent les frais liés soit à l'installation de prothèses soit à la pose d'appareillages spécifiques nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique.

Mme [W] réclame, en infirmation du jugement, une indemnité d'un montant capitalisé de 4 493,566 euros au titre des frais d'orthèse plantaire demeurant à sa charge.

Elle avance que la souscription d'une mutuelle étant purement facultative, il n'est pas acquis qu'elle bénéficiera pour l'avenir des prestations d'un organisme mutualiste et demande que seuls les remboursement opérés par son organisme de sécurité social soient pris en compte, soit la somme de 17,32 euros sur un coût annuel de 160 euros pour une paire de semelles orthopédiques.

Les sociétés SEMISE et SMACL concluent à la confirmation du jugement qui a rejeté cette demande.

Sur ce, l'expert, le Docteur [X], a retenu dans son rapport d'expertise la nécessité d'engager des dépenses de santé futures portant sur des séances de rééducation à raison de 2 à 3 fois par semaine pendant 2 ans et l'achat d'une paire de semelles orthopédiques par an.

L'état définitif de créance de la CPAM en date du 19 février 2019 fait état de frais futurs d'un montant de 5 546,78 euros.

Au vu de l'ordonnance du 25 janvier 2018 prescrivant une paire de semelles orthopédiques et de la facture d'achat relative à cette prescription établie par M. [Z], pédicure-podologue, versée aux débats, le coût unitaire de ce dispositif médical s'élève à la somme de 160 euros.

Il résulte du relevé de prestations versé aux débats (pièce n° 119) que ces frais sont pris en charge à hauteur de la somme de 17,32 euros par le régime obligatoire de sécurité sociale auquel Mme [W] est affiliée et à hauteur de la somme de 142,68 euros par la mutuelle MNH , de sorte qu'aucune somme ne reste à sa charge au titre de cette orthèse.

Il convient de relever que les prestations de la mutuelle MNH versées pour la période échue jusqu'à la date de la liquidation doivent s'imputer sur le poste des dépenses de santé futures qu'elles indemnisent.

Par ailleurs, le bulletin de paie le plus récent versé aux débats par Mme [W], à savoir le bulletin du mois de novembre 2019, faisant état de retenues au titre de la mutuelle MNH, l'interruption du service de prestations au titre d'une assurance complémentaire santé est purement hypothétique, nonobstant le caractère actuellement facultatif d'une telle adhésion pour les fonctionnaires.

Le jugement sera, en conséquence, confirmé.

- Frais de véhicule adapté

Ce poste comprend les dépenses nécessaires pour procéder à l'adaptation d'un ou de plusieurs véhicules aux besoins de la victime atteinte d'un handicap permanent, incluant le ou les surcoût(s) lié(s) au renouvellement du véhicule et à son entretien ou les surcoûts en frais de transport rendus nécessaires à la victime en raison de ses difficultés d'accessibilité aux transports en commun survenues depuis le dommage.

Le tribunal a rejeté la demande de Mme [W] au titre de ce poste de préjudice aux motifs qu'alors que plus de six ans s'étaient écoulés depuis la survenance de l'accident, elle ne justifiait pas être en possession d'un véhicule équipé d'une boîte automatique et se bornait à produire deux propositions commerciales établies en février 2019 portant sur l'achat de deux véhicules de marque Citroën présentant une motorisation différente et tous les deux équipés d'une boîte de vitesse manuelle.

Mme [W] qui fait observer qu'elle n'a aucunement l'obligation de prouver l'acquisition d'un véhicule doté d'une boîte de vitesse automatique compte tenu du principe de libre utilisation des fonds alloués, réclame en infirmation du jugement une indemnité d'un montant de 16 947,63 euros calculée sur la base d'un surcoût de 2 646 euros lié à l'acquisition d'un véhicule avec boîte de vitesse automatique et d'un renouvellement tous les 5 ans.

Elle verse aux débats deux nouvelles propositions commerciales, la première concernant l'achat d'un véhicule «C4 Cactus Blue HDi 100 S&S BVM6 Feel» et la seconde portant sur l'acquisition d'un véhicule «C4 Cactus Blue Hdi 120 S&S EAT6 Feel», précisant que le sigle BVM signifie boîte de vitesse manuelle» et le sigle EAT correspond à «efficient automatic transmission», c'est-à-dire une transmission automatique.

Elle ajoute que la différence de prix entre ces deux devis s'explique par la différence de boîte de vitesse et précise que si les deux véhicules ont une motorisation différente, à savoir 5 chevaux pour le véhicule avec transmission manuelle et 6 chevaux pour celui avec transmission automatique, cela s'explique par le fait que le véhicule Cactus avec boîte de vitesse automatique existe exclusivement avec un moteur de 6 chevaux.

Les sociétés SEMISE et SMACL concluent à la confirmation du jugement.

La société SEMISE soutient que l'expert n'a pas retenu que l'usage d'un véhicule équipé d'une boîte de vitesse automatique était nécessaire compte tenu de l'état de santé de Mme [W] et qu'il a conseillé cet équipement sur la base des seules affirmations de l'intéressée sur ce point ; elle ajoute que les devis sur lesquels la victime se fonde en cause d'appel ne portent pas sur le même modèle, la motorisation des véhicules C4 Cactus Blue HDi 100 et C4 Cactus Blue Hdi 120 étant différente.

La société SMACL fait observer que l'expert n'a pas mentionné dans son pré-rapport la nécessité pour Mme [W] de disposer d'un véhicule adapté avec boîte de vitesse automatique et estime que la demande d'indemnisation présentée par cette dernière n'est pas médicalement justifiée.

Elle propose à titre subsidiaire de limiter l'indemnisation de ce poste de préjudice à la somme de 8 850,28 euros calculée sur la base d'un surcoût de 2 347 euros et non de 2 646 euros et d'un renouvellement tous les 7 ans.

Sur ce, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, l'indemnisation des frais de véhicule adapté qui doit s'apprécier en fonction des besoins ne peut être subordonnée à la production des justificatifs des dépenses engagées, le principe de la réparation intégrale n'impliquant pas de contrôle sur l'utilisation des fonds alloués à la victime qui conserve leur libre utilisation.

Si dans son pré-rapport l'expert ne s'est pas prononcé sur la nécessité pour Mme [W] de disposer d'un véhicule équipé d'une boîte automatique, il a en réponse à un dire du conseil de cette dernière précisé : «Il peut exister en effet une gêne à la conduite qui peut être améliorée par l'utilisation d'une boîte automatique qui permettrait de mettre au repos le genou gauche. Au regard de la limitation du genou gauche, la boîte automatique est indiquée».

Il a en outre conclut son rapport en retenant au titre des frais d'aménagement du véhicule, l'installation d'une boîte automatique.

Le besoin de Mme [W] de bénéficier, à compter de la consolidation, d'un véhicule disposant d'une boîte de vitesse automatique, résulte ainsi clairement des conclusions de l'expert et est justifié par la nature des séquelles de l'accident incluant une raideur et une limitation de la mobilité du genou gauche.

Les devis produits concernant des véhicules disposant de motorisations différentes, à savoir un véhicule avec boîte de vitesse manuelle avec moteur Hdi d'une puissance de 100 chevaux et un véhicule automatique avec moteur Hdi d'une puissance supérieure de 120 chevaux, le surcoût lié au seul achat d'un véhicule équipé d'une boîte de vitesse automatique sera évalué à la somme de 2 000 euros.

Il convient pour chiffrer l'indemnité revenant à Mme [W] au titre des frais de véhicule adapté de retenir un renouvellement tous les 5 ans

L'indemnité s'établit de la manière suivante :

- coût annuel : 2 000 euros / 5 ans = 400 euros

- arrérages échus de la consolidation à ce jour = 400 euros x 7,99 ans = 3 196 euros

- coût à échoir : par capitalisation par un euro de rente viagère pour une femme âgée de 63 ans à la liquidation, soit 24,394

400 euros x 24,394 = 9 757,60 euros

Soit une somme totale de 12 953,60 euros (3 196 euros + 9 757,60 euros).

Le jugement sera infirmé.

- Incidence professionnelle

Ce poste de préjudice a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap.

Mme [W] réclame à ce titre une indemnité d'un montant de 25 000 euros au titre de la pénibilité accrue et de la dévalorisation sur le marché du travail.

La société SEMISE objecte que l'accroissement de la pénibilité de l'emploi de Mme [W] est surtout imputable à un second accident survenu le 13 mars 2015 au cours duquel elle s'est fracturée le poignet et propose d'évaluer l'incidence professionnelle liée au fait dommageable du 10 novembre 2013 à la somme de 2 000 euros en tenant compte de ce qu'à la date de consolidation, la victime, âgée de 55 ans, était proche de la retraite.

La société SMACL conclut à la confirmation du jugement qui a évalué ce poste de préjudice à la somme de 6 000 euros en relevant que le second accident du 13 mars 2015, sans lien avec le premier, est à l'origine de traitements lourds et réguliers, qu'en réalité depuis le 13 mars 2015, Mme [W] subit des préjudices en majorité imputables à sa fracture du poignet et qu'il convient de s'interroger sur les incidences de l'état antérieur de la victime qui souffrait avant la chute du 10 novembre 2013 de pathologies des genoux et du dos.

Sur ce, le Docteur [X] a admis dans son rapport d'expertise l'existence d'une incidence professionnelle imputable à l'accident du 10 novembre 2013 en raison de la nécessité d'aménager le poste de travail de Mme [W] et de lui permettre de travailler en binôme.

De fait, le médecin du travail, lors de la visite de reprise du 6 juin 2014, a conclu que Mme [W], agent de service hospitalier qualifié, était «apte avec restrictions : limiter au maximum le poste de charges lourdes (travail impératif en binôme pour les toilettes complètes au lit) Nécessité de pauses assises régulières ( 1 matin + 1 après-midi)».

Mme [W] verse aux débats plusieurs attestations émanant de collègues de travail qui témoignent du suivi des préconisations du médecin du travail tant en ce qui concerne l'organisation de pauses régulières que le travail en binôme pour la réalisation des tâches les plus lourdes.

Ces restrictions à l'emploi qui induisent une dévalorisation de Mme [W] sur le marché du travail et une pénibilité accrue dans l'exercice de sa profession sont en lien avec l'accident dont elle a été victime le 10 novembre 2013 et les séquelles qu'elle conserve au niveau du rachis et du genou gauche.

Elles ne peuvent être rattachées à l'accident du travail survenu le 13 mars 2015 auquel l'expert fait référence dans son rapport d'expertise et qui a entraîné des lésions distinctes consistant en une fracture du poignet gauche.

Par ailleurs si le Docteur [X] a relevé que Mme [W] présentait un état antérieur non symptomatique avec une chondropathie fémoro-patellaire bilatérale et un pincement du compartiment fémorotibial, cet état antérieur n'entraînait aucune conséquence dommageable sur le plan professionnel pour la victime qui exerçait avant l'accident son activité d'agent de service hospitalier qualifié à temps complet sans restriction ni limitation.

Cet état antérieur révélé par l'accident ne peut, dans ces conditions, justifier une limitation de l'indemnisation du poste de préjudice corporel lié à l'incidence professionnelle.

Au vu de ces éléments, il convient, en tenant compte de ce que Mme [W] était âgée de 55 ans à la date de consolidation, d'évaluer ce poste de préjudice à la somme de 20 000 euros.

Le jugement sera infirmé.

- Assistance permanente par une tierce personne

Ce poste de préjudice patrimonial indemnise pour la période postérieure à la consolidation la perte d'autonomie de la victime atteinte d'un déficit fonctionnel permanent la mettant dans l'obligation de recourir à un tiers pour l'assister dans tout ou partie des actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité ou contribuer à restaurer sa dignité.

Les premiers juges, en se fondant sur l'avis de l'expert, ont débouté Mme [W] de sa demande d'indemnisation au titre de ce poste de préjudice.

Mme [W] qui conclut à l'infirmation du jugement sur ce point réclame une indemnité d'un montant de 90 608,54 euros au titre de son besoin d'assistance permanente par une tierce personne qu'elle évalue à trois heures par semaine pour les courses lourdes et le gros ménage.

Les sociétés SEMISE et SMACL concluent à la confirmation du jugement.

Sur ce, l'expert n'a reconnu aucun besoin d'assistance par une tierce personne après consolidation en relevant d'une part dans la description d'une journée type de la victime que celle-ci avait recouvré une «autonomie quasi-complète» à la reprise du travail le 6 juin 2014 et en indiquant en réponse à un dire de son conseil que «l'état actuel de Mme [W] comme cela a été précisé pendant l'accedit dont le travail consiste à assister des personnes âgées dépendantes en binôme ne justifie pas sur le plan médical qu'elle soit elle-même assistée après la date de consolidation et de la reprise du travail».

Le Docteur [X] a toutefois constaté que Mme [W] conservait comme séquelles de l'accident du 10 novembre 2013 une raideur du genou, une limitation de la mobilité entre 0 et 95°, une douleur du rachis avec raideur active et une gêne douloureuse dans tous les mouvements en toute position justifiant un taux de déficit fonctionnel permanent de 12 %.

Il a noté lors de l'examen médical de la victime que cette dernière marchait avec une légère boiterie d'esquive d'origine antalgique au niveau du membre inférieur gauche, que le genou était légèrement en extension, qu'il n'y avait une absence de déroulement du pas à gauche, que la marche sur les talons et pointes était impossible à gauche, que l'accroupissement était très incomplet, ébauché seulement avec une distance sol-fesses de 48 centimètres.

Le médecin du travail a noté dans son avis du 6 juin 2014 qu'il fallait limiter au maximum le port de charges lourdes.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments, que contrairement aux conclusions de l'expert, Mme [W] qui ne peut s'accroupir complètement, marche avec une légère boiterie et doit éviter au maximum le port de charges lourdes a besoin d'être assistée de manière permanente par une tierce personne pour effectuer les courses lourdes et le gros ménage.

Il convient de fixer ce besoin à deux heures par semaine en retenant, conformément à la demande de Mme [W], un taux horaire de 18 euros qui sera appliqué sur une année de 52 semaines.

Le poste de préjudice lié à l'assistance par une tierce personne après consolidation s'établit ainsi comme suit :

- période échue de la consolidation à ce jour :

2 heures x 414,14 semaines x 18 euros = 14 909,04 euros

- période à échoir :

par capitalisation par l'euro de rente viagère prévu par le barème de capitalisation sus-visé retenu par la cour pour une femme âgée de 63 ans à la liquidation soit

2 heures x 52 semaines x 18 euros x 24,394 = 45 665,57 euros

Soit une somme totale de 60 574,61 euros (14 909,04 euros + 45 665,57 euros).

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

- Souffrances endurées

Ce poste de préjudice indemnise les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés que la victime endure pendant la maladie traumatique.

Mme [W] réclame, en infirmation du jugement, une indemnité d'un montant de 5 000 euros en réparation de ce préjudice.

Les sociétés SEMISE et SMACL concluent à la confirmation du jugement qui a évalué ce poste de dommage à la somme de 3 500 euros.

Sur ce, il a lieu de prendre en considération pour évaluer ce poste de préjudice, côté 2,5/7 par l'expert du traumatisme initial ayant entraîné une fracture-tassement du plateau supérieur de L1 et L2 et une fracture enfoncement du plateau tibial externe du genou gauche dont le diagnostic a été tardivement posé comme le relève le Docteur [X], des souffrances induites par ces lésions, de la poursuite régulière d'un traitement incluant des antalgiques de pallier II et un anti-inflammatoire non stéroïdien ainsi que des nombreuses séances de rééducation au niveau du rachis et du genou rapportées par l'expert dans le corps de son rapport.

Au vu de ces éléments, ce préjudice sera évalué à la somme réclamée de 5 000 euros.

Le jugement sera infirmé.

Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)

- Préjudice sexuel

Ce poste concerne la réparation des préjudices touchant à la sphère sexuelle, incluant le préjudice morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires résultant du dommage subi, le préjudice lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel (perte de l'envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l'acte, perte de la capacité à accéder au plaisir) et le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer.

Mme [W] sollicite à ce titre, en infirmation du jugement, une indemnité d'un montant de 5 000 euros.

La société SEMISE conclut à la confirmation du jugement qui a chiffré ce préjudice à la somme de 1 200 euros.

La société SMACL demande que le jugement soit infirmé et la demande d'indemnisation au titre de son préjudice sexuel rejetée.

Elle fait observer qu'initialement l'expert n'avait reconnu aucun préjudice sexuel, que ce n'est qu'en réponse à un dire du conseil de Mme [W] qu'il a finalement reconnu ce chef de préjudice, au mépris des déclarations de la victime durant l'accedit ; elle estime que Mme [W] ne peut soutenir le contraire de ce qu'elle déclarait lors de la réunion d'expertise.

Sur ce, la circonstance que Mme [W] n'ait pas exprimé de doléances relatives à un préjudice sexuel lors de la réunion d'expertise et que l'expert dans son pré-rapport ait indiqué dans ses conclusions : «préjudice sexuel : sans objet» , n'exclut pas l'indemnisation de ce poste de préjudice qui a été reconnu par le Docteur [X] dans ses conclusions définitives aux termes desquelles il admis à la suite d'un dire du conseil de la victime l'existence sur le plan sexuel d'une gêne mécanique positionnelle qui est parfaitement justifiée par les séquelles de l'accident consistant notamment en une raideur du genou, une limitation de la mobilité entre 0 et 95°, une douleur du rachis et une gêne douloureuse dans tous les mouvements en toute position.

Ce préjudice sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 3 000 euros.

Le jugement sera, dès lors, infirmé.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

Les sociétés SEMISE et SMACL qui succombent partiellement dans leurs prétentions et qui sont tenues à indemnisation supporteront la charge des dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer à Mme [W], en application de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Et statuant dans les limites de l'appel,

Infirme le jugement déféré rendu par le tribunal de grande instance le 25 juin 2020 en ce qu'il a :

- condamné in solidum la société immobilière d'économie mixte de la région parisienne secteur Sud Est et la société SMACL assurances à payer à Mme [V] [W] les sommes suivantes, en réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour :

* perte de gains professionnels actuels : 3 358 euros

* incidence professionnelle : 6 000 euros

* souffrances endurées : 3 500 euros

* préjudice sexuel : 1 200 euros

- débouté Mme [V] [W] de sa demande d'indemnisation au titre des frais de véhicule adapté et de l'assistance permanente par une tierce personne,

Le confirme pour le surplus, notamment en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation de Mme [W] au titre des dépenses de santé futures,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Condamne in solidum la société immobilière d'économie mixte de la région parisienne secteur Sud Est et la société SMACL assurances à payer à Mme [V] [W] les sommes suivantes, provisions et sommes versées au titre de l'exécution provisoire non déduites en réparation des postes de préjudice ci-après :

* perte de gains professionnels actuels : 4 478,63 euros

* frais de véhicule adapté : 12 953,60 euros

* incidence professionnelle : 20 000 euros

* assistance permanente par une tierce personne : 60 574,61 euros

* souffrances endurées : 5 000 euros

* préjudice sexuel : 3 000 euros,

Condamne in solidum la société immobilière d'économie mixte de la région parisienne secteur Sud Est et la société SMACL assurances à payer à Mme [V] [W] en application de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour,

Condamne in solidum la société immobilière d'économie mixte de la région parisienne secteur Sud Est et la société SMACL assurances aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 20/10789
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;20.10789 ?
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