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02/06/2022 | FRANCE | N°19/19488

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 02 juin 2022, 19/19488


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 02 JUIN 2022

(n° /2022, pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/19488

N° Portalis 35L7-V-B7D-CA22K



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 avril 2019 - Tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 16/12423



APPELANTES



Société NICOLLIN

[Adresse 7]

[Localité 15]

représen

tée et assistée par Me Florence MONTERET AMAR de la SCP MACL SCP d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0184



SA AXA FRANCE IARD

[Adresse 5]

[Localité 12]

représentée et a...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 02 JUIN 2022

(n° /2022, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/19488

N° Portalis 35L7-V-B7D-CA22K

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 avril 2019 - Tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 16/12423

APPELANTES

Société NICOLLIN

[Adresse 7]

[Localité 15]

représentée et assistée par Me Florence MONTERET AMAR de la SCP MACL SCP d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0184

SA AXA FRANCE IARD

[Adresse 5]

[Localité 12]

représentée et assistée par Me Florence MONTERET AMAR de la SCP MACL SCP d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0184

INTIMES

Monsieur [K] [Y]

[Adresse 8]

[Localité 1]

représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

ayant pour avocat plaidant Me Jennifer LEBRUN, avocat au barreau de LYON

Désistement à son égard constaté par ordonnance du 09 mars 2020

Société MUTUELLE D'ASSURANCE DE L'ARTISANAT ET DES TRANSPORTS (MAT)

[Adresse 4]

[Localité 11]

représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

assistée par Me Mathilde LEMONNIER, avocat au barreau de LYON

SERVICE DEPARTEMENTAL - METROPOLITAIN D'INCENDIE ET DE SECOURS

[Adresse 2]

[Localité 9]

représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

assistée par Me Mathilde LEMONNIER, avocat au barreau de LYON

CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS

[Adresse 14]

[Localité 6]

représentée par Me Fabienne DELECROIX de l'ASSOCIATION DELECROIX GUBLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R229

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU RHONE

[Adresse 3]

[Localité 10]

Intimée non assignée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre, et devant Mme Nina TOUATI, présidente assesseur chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Sophie BARDIAU, conseillère

Greffière lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 24 décembre 2010 à [Localité 15] (69), alors qu'il était passager d'un véhicule d'intervention du service départemental métropolitain d'incendie et de secours (le SDIS), conduit par M. [T] [M] et assuré auprès de la société Mutuelle d'assurances de l'artisanat et des transports (la société MAT), M. [K] [Y], pompier professionnel, a été victime d'un accident de la circulation accident dans lequel était impliqué un camion benne appartenant à société Nicollin, assuré auprès de la société Axa France IARD (la société Axa) et conduit par M. [X] [F].

Une expertise amiable contradictoire a été réalisée à la demande de la société MAT par les Docteurs [G] et [D] qui ont établi leur rapport définitif le 10 septembre 2014, après avoir recueilli l'avis d'un médecin psychiatre, le Docteur [N].

Par actes d'huissier de justice du 3 et 4 août 2016 et du 15 mars 2017, M. [Y] a fait assigner la société MAT, le SDIS, la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône (la CPAM) et la Caisse des dépôts et des consignations afin d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.

Par acte d'huissier du 3 mai 2017, la société MAT et le SDIS ont fait assigner en intervention forcée la société Nicollin et la société Axa.

Par acte du 10 septembre 2018, la société Neeria est intervenue volontairement à l'instance tant en son nom personnel qu'en qualité de mandataire de la société Générali, tiers payeur, et du SDIS, employeur de M. [M].

Par jugement du 12 avril 2019, le tribunal de grande instance de Paris a :

- reçu en son intervention volontaire la société Neeria,

- dit que le droit à indemnisation de M. [Y] des suites de l'accident de la circulation survenu le 24 décembre 2010 est entier,

- dit que le véhicule du SDIS, assuré auprès de la société MAT, impliqué dans l'accident, a concouru à proportion de 25% dans les dommages subis par M. [Y],

- dit que le véhicule de la société Nicollin, assuré auprès de la société Axa, également impliqué, a concouru à proportion de 75% dans les dommages subis par M. [Y],

- condamné la société MAT à payer à M. [Y] la somme de 75 534,36 euros à titre de réparation de son préjudice corporel, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, en deniers ou quittances, provisions non déduites,

en réparation des préjudices suivants :

- dépenses de santé actuelles : 280 euros

- frais divers : 740 euros

- perte de gains professionnels actuels : 4 133,77 euros

- dépenses de santé futures : 0 euro

- frais de logement adapté : 1 364,63 euros

- frais de véhicule adapté : 2 446,46 euros

- assistance par tierce personne : 16 032 euros

- perte de gains professionnels futurs : 0 euro

- incidence professionnelle : 0 euro

- déficit fonctionnel temporaire : 13 537,50 euros

- souffrances endurées : 20 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 0 euro

- préjudice esthétique permanent : 6'000 euros

- préjudice d'agrément : 5 000 euros

- préjudice sexuel : 6'000 euros

- outre la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- condamné la société MAT à rembourser à la société Neeria en qualité de mandataire de la société Générali, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour les sommes de :

- au titre des dépenses de santé : 92 984,66 euros (74 917,86 euros + 18 066,80 euros), outre, dans la limite d'un montant total de 44 699,07 euros, les frais futurs qu'elle assumera à ce titre, sur justificatifs et au fur et à mesure de leur paiement

- au titre des salaires bruts versés pour la période du 24 décembre 2010 au 25 septembre 2013 : 102 281,32 euros,

- condamné la société MAT à rembourser à la société Neeria en qualité de mandataire du SDIS, la somme de 37 740,72 euros versée au titre des charges patronales,

- condamné la société MAT à rembourser à la Caisse des dépôts et consignations la somme de 196 548,59 euros, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- condamné la société Nicollin et la société Axa in solidum à garantir 75% des sommes dues par la société MAT à M. [Y], à la société Neeria, et la caisse des dépôts et des consignations,

- condamné la société Nicollin et la société Axa in solidum à verser à la société MAT la somme de 37 241,91 euros en réparation de son préjudice matériel,

- condamné la société MAT, la société Nicollin et la société Axa aux dépens qui comprendront les frais d'expertise, à proportion de 25% pour la société MAT et 75% pour la société Nicollin et la société Axa,

- condamné la société MAT à payer à la société Neeria, en son nom personnel, la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- condamné la société MAT à payer à la caisse des dépôts et consignations la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- condamné in solidum la société Nicollin et la société Axa, à payer à la société MAT la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- dit que les avocats en la cause en ayant fait la demande, pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement à concurrence des deux tiers de l'indemnité allouée et en totalité en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens,

- déclaré le présent jugement commun à la CPAM,

- rejeté la demande relative à la prise en charge exclusive du débiteur des frais d'exécution forcée,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 18 octobre 2019, la société Nicollin et la société Axa ont interjeté appel de ce jugement, en ce qu'il a condamné la société MAT à rembourser à la caisse des dépôts et des consignations la somme de 196 548,59 euros, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, condamné la société Nicollin et la société Axa in solidum à garantir 75% des sommes dues à la société MAT, à M. [Y], à la société Neeria et à la Caisse des dépôts et consignations.

Par déclaration du 16 mars 2020, la société MAT et le SDIS ont également interjeté appel du jugement en ce qu'il a dit que le véhicule du SDIS, assuré par la société MAT, impliqué dans l'accident, a concouru à proportion de 25% dans les dommages subis par M. [Y], dit que le véhicule de la société Nicollin assuré par la société Axa, également impliqué, a concouru à proportion de 75% dans les dommages subis par M. [Y], condamné la société MAT à rembourser à la caisse des dépôts et des consignations la somme de 196'548,59 euros, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, condamné les sociétés Nicollin et Axa in solidum à garantir 75% des sommes dues par la société MAT à M. [Y], à la société Neeria et à la Caisse des dépôts et consignations, condamné les sociétés Nicollin et Axa aux dépens qui comprendront les frais d'expertise, à proportion de 25% pour la société MAT et 75% pour les sociétés Nicollin et Axa.

Par ordonnance du 9 mars 2020, le conseiller de la mise en état a donné acte à la société Nicollin et à la société Axa de leur désistement partiel d'appel à l'encontre de M. [Y].

Par ordonnance du 29 juin 2020, le conseiller de la mise en état a déclaré caduque la déclaration d'appel de la société Nicollin et de la société Axa à l'égard de la CPAM.

Les procédures ont été jointes par ordonnance du 28 septembre 2020.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions de la société Axa et de la société Nicollin , notifiées le 25 janvier 2022, aux termes desquelles elles demandent à la cour de':

Vu les dispositions de la loi du 5 juillet 1985,

Vu l'article L. 122-12 du code des assurances,

- dire et juger parfait le désistement d'instance et d'action de la société Nicollin et de son assureur, la société Axa à l'encontre de la Caisse des dépôts et consignations,

A titre principal,

- infirmer le jugement du 12 avril 2019 en ce qu'il a dit que le véhicule de la société Nicollin impliqué dans l'accident du 24 décembre 2010 a concouru à hauteur de 75% aux dommages causés à M. [Y] d'une part, au SDIS de l'autre,

- juger qu'aucune faute de conduite ne saurait être reprochée au conducteur du camion benne de la société Nicollin,

En conséquence,

- débouter le SDIS et la société MAT de l'ensemble de leurs demandes en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la société Nicollin et de son assureur la société Axa,

Subsidiairement,

-dire et juger que les chauffeurs des camions respectifs du SDIS et de la société Nicollin ont engagé à parts égales leurs responsabilités,

Très subsidiairement,

- confirmer le jugement du 12 avril 2019,

En tout état de cause,

- débouter la société MAT de ses demandes de condamnation des sociétés Nicollin et Axa à lui payer la somme de 445 846, 95 euros,

- juger la société MAT irrecevable en sa demande de condamnation de la société Nicollin et de son assureur la société Axa à lui payer la somme de 54 705,29 euros, faute d'établir sa subrogation,

- infirmer le jugement du 12 avril 2019 en ce qu'il a condamné la société Nicollin et son assureur Axa à payer à la société MAT la somme de 37 241,91 euros au titre du préjudice matériel du camion du SDIS,

En tant que de besoin,

- condamner tout succombant en deniers et quittances,

- condamner in solidum le SDIS et la société MAT à payer aux sociétés Nicollin et Axa la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile in solidum le SDIS et la MAT aux entiers dépens de la présente instance.

Vu les dernières conclusions de la société MAT et du SDIS, notifiées le 26 janvier 2022, aux termes desquelles ils demandent à la cour de':

Vu les dispositions de la loi du 5 juillet 1985,

- donner acte à la société MAT de ce qu'elle se désiste de son appel en ce qu'il portait sur les sommes allouées à la Caisse des dépôts et consignations compte tenu de l'accord intervenu entre les parties,

Pour le surplus,

- réformer la décision dont appel en ce qu'elle a :

- dit que le véhicule du SDIS, assuré par la société MAT, impliqué dans l'accident, a concouru à proportion de 25 % aux dommages subis par M. [Y]

- dit que le véhicule de la société Nicollin assuré par la société Axa également impliqué, a  concouru à proportion de 75 % dans les dommages subis par M. [Y]

- condamné la société MAT à rembourser à la caisse des dépôts et des consignations la somme de 196 548,59 euros, cette somme avec intérêts au taux légal à compter du jour du dit jugement

- condamné la société Nicollin et la société Axa in solidum à garantir 75 % des sommes dues par la société MAT à M. [Y], à la société Neeria et à la caisse des dépôts et des consignations,

- condamné la société Nicollin et la société Axa in solidum à verser à la société MAT la somme de 37 241,91 euros, en réparation de son préjudice matériel

- condamné la société MAT, la société Nicollin et la société Axa aux dépens ce compris les frais d'expertise, à proportion de 25% pour la société MAT et 75% pour la société Nicollin et la société Axa,

Et statuant à nouveau,

-dire et juger qu'aucune faute de conduite du conducteur du véhicule du SDIS ne peut être retenue, et qu'il n'est pas ainsi démontré qu'il aurait participé à la réalisation du dommage de M. [Y],

- dire et juger que M. [F], chauffeur du camion appartenant à la société Nicollin, en ne cédant pas la priorité au véhicule du SDIS, qui circulait dans le cadre d'une intervention d'urgence a manqué à ses obligations légales,

- juger, que, ce faisant, M. [F], conducteur du véhicule de la société Nicollin, a commis une faute directement et uniquement à l'origine de l'ensemble des préjudices subis,

- condamner solidairement la société Nicollin et la société Axa à prendre en charge 100 % des conséquences dommageables de l'accident subis par M. [Y] le 24 décembre 2010,

- condamner solidairement la société Nicollin et la société Axa à prendre en charge la totalité des sommes dues tant à M. [Y] qu'à ses organismes sociaux, à la Caisse des dépôts et consignations, à son employeur ou à toute autre partie, à la suite de l'accident survenu le 24 décembre 2010,

- condamner solidairement la société Nicollin et la société Axa à verser au SDIS au titre de son préjudice matériel, la somme de 54 705,29 euros,

- condamner solidairement la société Nicollin et la société Axa, son assureur :

- à rembourser la société MAT les sommes dont elle a fait l'avance pour le compte de qui il appartiendra à la suite de cet accident notamment au titre de l'exécution provisoire, et des sommes à verser à la suite de cet accident que ce soit à M. [Y], ou à ses organismes sociaux, à la CPAM, à la société Neeria et à la Caisse des dépôts et consignations, soit la somme globale de 445 846,95 euros

- à relever et garantir la société MAT et le SDIS de toute condamnation prononcée à leur encontre au bénéfice de M. [Y] et de ses organismes sociaux, de la Caisse des dépôts et consignations et de son employeur,

- confirmer la décision dont appel pour le surplus,

Y ajoutant,

- condamner les sociétés Axa et Nicollin, ou qui mieux le devra, à verser à la société MAT et au SDIS la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civil,

- statuer ce que de droit sur les dépens dont distraction en application de l'article 699 du code de procédure civil.

La Caisse des dépôts et consignations a constitué avocat mais n'a pas conclu.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le désistement partiel

La société Nicollin, la société Axa, le SDIS, la société MAT et la Caisse des dépôts et consignations ont signé en cours de procédure un protocole d'accord transactionnel mettant un terme au litige les opposant sur le montant du recours subrogatoire de la caisse.

Aux termes de ce protocole d'accord transactionnel, versé aux débats, les parties sont convenues, notamment, de fixer la créance de la Caisse des dépôts et consignations à la somme de 141 044,14 euros en principal en lieu et place de la somme de 196 548,59 euros allouée par le tribunal.

Il a été prévu une répartition provisoire de la créance de la caisse en principal, intérêts et frais à hauteur de 25 % à la charge de la société MAT et de 75 % à la charge de la société Axa dans l'attente de la décision à intervenir de la cour d'appel de Paris sur la contribution à la dette.

Il convient conformément à la demande de la société Nicollin et de la société Axa de déclarer parfait leur désistement d'instance et d'action à l'égard de la Caisse des dépôts et consignations.

Il y a lieu également de déclarer parfait le désistement d'appel effectué sans réserve par la société MAT à l'égard de la Caisse des dépôts et consignations qui n'a formé ni appel incident ni demande incidente.

Sur les recours entre coobligés et la contribution à la dette d'indemnisation du préjudice corporel de M. [Y]

Les premiers juges ont estimé que M. [M], conducteur du véhicule de pompiers et M. [F], chauffeur du camion benne avaient chacun commis des fautes justifiant une contribution à la dette d'indemnisation des préjudices de M. [Y] dans la proportion de 75 % à la charge de la société Nicollin et de la société Axa et de 25 % à la charge du SDIS et de la société MAT.

Les sociétés Nicollin et Axa qui concluent à l'infirmation du jugement sur ce point font observer à titre liminaire que le permis de conduire de catégorie C de M. [M] n'avait pas été prorogé à la date de l'accident et qu'il n'était plus valide depuis six mois ; elles ajoutent que si cet élément de fait est sans rapport direct avec les causes de l'accident, il est révélateur de la légèreté avec laquelle le SDIS traite les contrôles d'aptitude de ses personnels.

Elles soutiennent ensuite que M. [F], au volant du camion benne n'a en aucun cas refusé la priorité au véhicule d'intervention des pompiers mais s'est, à l'inverse, efforcé de libérer rapidement le passage en progressant dans la rue [P] [D] ; elles ajoutent qu'il a signalé son changement de direction et constatant que le passage était libre a débuté sa manoeuvre.

Elles considèrent que même si M. [M] était au volant d'un véhicule prioritaire, cela ne l'autorisait pas à conduire de manière dangereuse et, à tout le moins, à une vitesse ne lui permettant pas de maîtriser son véhicule qui, selon ses déclarations, était chargé en eau et donc difficilement maniable.

Elles concluent que M. [F] ne peut se voir reprocher aucune faute et que c'est le chauffeur du SDIS qui a commis une imprudence et qui a mal estimé sa vitesse et celle du camion-benne et percuté ce dernier à l'arrière gauche sans avoir pu s'arrêter à temps.

Le SDIS et la société MAT font valoir que le seul conducteur fautif est M. [F] qui a, d'une part, contrevenu aux dispositions de l'article R. 412-10 du code de la route en ne s'assurant pas qu'il pouvait effectuer sa manoeuvre de changement de direction sans danger et qui, d'autre part, a méconnu les disposition de l'article R. 415-12 du même code en ne cédant pas le passage à un véhicule d'intérêt général en intervention et ayant utilisé ses signaux lumineux et sonores.

Ils soutiennent qu'il ne peut être reproché à M. [M] aucune faute d'imprudence ni aucun défaut de maîtrise de sa vitesse, alors qu'il était en intervention d'urgence, qu'il a pris le soin d'actionner ses avertisseurs sonores et lumineux et que la soudaineté de la manoeuvre du camion-benne et sa concordance immédiate avec le passage du véhicule de secours ont rendu toute manoeuvre d'évitement impossible.

Sur ce, il résulte de l'enquête pénale que l'accident est survenu à l'angle de la [Adresse 13] (69) et qu'à leur arrivée sur les lieux, les fonctionnaires de police ont constaté que le véhicule des pompiers se trouvait au milieu de la chaussée et le camion-benne couché sur le flanc droit.

Selon les indications des fonctionnaires de police et le croquis de l'accident, la [Adresse 13] est une route bidirectionnelle d'une largeur totale de 12,70 mètres, perpendiculaire à la [Adresse 13].

Il est mentionné sur la fiche de renseignement relative aux lieux de l'accident que la chaussée était mouillée.

Entendu par les services de police, M. [M], conducteur du véhicule d'intervention des pompiers, a déclaré qu'il était en mission pour un feu d'appartement avec suspicion de personnes présentes à l'intérieur, que les sirènes et le gyrophare étaient enclenchés, qu'au début de la [Adresse 13], il avait dépassé deux ou trois véhicules, qu'il avait vu au loin un camion-benne qui voulait tourner à gauche et avait mis son clignotant, qu'il avait voulu le doubler et que c'est à ce moment que le camion avait tourné à gauche; il a ajouté que les voitures circulant en sens inverse s'étaient arrêtées pour le laisser passer , qu'il pensait que le chauffeur du camion benne ferait de même et qu'il n'avait pas été en mesure de l'éviter, d'autant que son camion étant chargé d'eau et qu'un mauvais coup de volant pouvait le renverser.

M. [F], chauffeur du camion-benne, a expliqué devant les services de police qu'il roulait à une vitesse normale, qu'il avait voulu tourner à gauche [Adresse 13], qu'il avait regardé dans son rétroviseur et constaté que le passage était libre, qu'il avait mis son clignotant, qu'un camion arrivait derrière lui et se trouvait à une distance d'environ cent cinquante mètres, qu'il avait commencé sa manoeuvre pour libérer le passage, que les pompiers avaient enclenché la sirène et le gyrophare, que la cabine de son camion se trouvait déjà engagée sur la rue perpendiculaire, la [Adresse 13], lorsqu'il avait entendu «un grand boum», que son camion s'était couché sur le flanc droit et qu'il avait réalisé lorsque les pompiers étaient venus à son aide que le véhicule qui l'avait percuté sur le côté arrière gauche de la benne était leur véhicule d'intervention. Il a précisé que selon lui le véhicule des pompiers n'avait pas tenté de le dépasser et que s'il l'avait fait il aurait percuté la cabine du camion.

Les quatre sapeurs-pompiers transportés à l'arrière du véhicule du service de lutte contre l'incendie ont confirmé qu'ils effectuaient une intervention pour un incendie dans un appartement et que le chauffeur avait actionné ses avertisseurs sonores et lumineux.

L'un d'eux, M. [V] a précisé dans son audition : «Les trois pompiers et moi-même étions en train de nous équiper. Nous avions nos avertisseurs sonores et lumineux actionnées; A un moment, j'a senti que notre véhicule frei[nait] fortement. J'ai levé la tête et j'ai vu que nous allions percuter l'arrière d'un camion.»

Aux termes de l'article R. 412-15 du code de la route «En toutes circonstances, tout conducteur est tenu de céder le passage aux véhicules d'intérêt général prioritaires annonçant leur approche par l'emploi des avertisseurs spéciaux prévus par leur catégories», véhicules au nombre des quels se trouvent les véhicules des services d'incendie en application de l'article R. 311-1 du même code.

Il résulte des éléments qui précèdent, qu'après avoir mis son clignotant, M. [F] a constaté qu'un véhicule d'intervention des pompiers se trouvait derrière lui à une distance de cent cinquante mètres environ et avait signalé son approche par l'emploi de ses avertisseurs sonores et lumineux et qu'au lieu de lui céder le passage, au besoin en s'arrêtant pour lui permettre de se frayer rapidement un passage dans la circulation, il a entrepris de tourner à gauche sur la rue [P] [D] en obstruant, compte tenu de son gabarit, une grande partie de la chaussée.

Il est ainsi établi qu'il a commis une faute de conduite ayant concouru à la survenance de l'accident.

Si le droit de priorité prévu à l'article R. 412-15 du code de la route ne dispense pas les conducteurs qui en bénéficient de l'observation des règles de prudence s'imposant aux usagers de la route, il n'est pas établi que M. [M] qui circulait à bord d'un véhicule chargé en eau pour une intervention sur un incendie dans un appartement et qui avait signalé son approche dans des conditions permettant aux autres usagers d'être correctement prévenus de son arrivée, ait commis une telle faute en n'anticipant pas que le conducteur du camion benne ne lui céderait pas le passage et entreprendrait sa manoeuvre de changement de direction au lieu de s'arrêter comme les autres véhicules.

En l'absence de tout élément permettant d'évaluer la vitesse du véhicule de service de lutte contre l'incendie, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir adapté celle-ci aux conditions de la circulation, compte tenu de l'urgence de sa mission, et de ne pas être parvenu à éviter la collision avec le camion-benne, dont le chauffeur tout en ayant conscience de son approche signalée par l'usage des avertisseurs sonores et lumineux a décidé de réaliser sa manoeuvre de changement de direction, alors qu'il n'en avait pas le temps.

Enfin, si les fonctionnaires de police ont relevé que le permis de conduire catégorie C obtenu par M. [M] n'avait pas été prorogé, ce qui caractérise une faute, celle-ci est sans lien avec la survenance de l'accident, ce qu'admettent elles-mêmes les sociétés Nicollin et Axa.

Au bénéfice de ces observations, M. [F], préposé de la société Nicollin, étant le seul conducteur fautif, la société Nicollin et son assureur, la société Axa, devront dans leurs rapports avec le SDIS et la société MAT supporter intégralement la charge finale des conséquences dommageables de l'accident subi par M. [Y], le 24 décembre 2010.

Les pièces versées aux débats ne permettent pas, compte tenu des termes de la transaction précitée de faire le compte entre les parties, de sorte que seule une condamnation de principe sera prononcée.

Le jugement sera infirmé.

Sur l'indemnisation du préjudice matériel du SDIS

Contrairement à ce qu'indiquent les sociétés Nicollin et Axa dans leurs écritures, la société MAT dont il n'est pas justifié qu'elle ait indemnisé son assurée n'exerce pas de recours subrogatoire sur le fondement des dispositions de l'article L. 121-12 du code des assurances, la demande d'indemnisation émanant du SDIS, propriétaire du véhicule accidenté.

Le moyen tiré de ce que la société MAT ne justifierait pas de sa subrogation dans les droits de son assurée est dès lors inopérant.

Aux termes de l'article 5, alinéa 2, de la loi du 5 juillet 1985, «lorsque le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur n'en est pas le propriétaire , la faute de ce conducteur peut être opposée au propriétaire pour l'indemnisation des dommages causés à son véhicule».

La cour ayant retenu pour les motifs qui précèdent que M. [M], conducteur du véhicule du SDIS, n'avait commis aucune faute, le droit à indemnisation de ce dernier est intégral.

Au vu des photographies produites et du procès-verbal de police mentionnant que la cabine avant a été détruite, lesquels permettent de corroborer le rapport d'expertise amiable réalisé par la société Expertises automobiles Kettel, le préjudice matériel du SDIS sera évalué à la somme réclamée de 54 705,29 euros incluant les frais de réparation d'un montant de 49 655,88 euros et le coût des bandes réfléchissantes, de la rampe d'accès et des feux de pénétration d'un montant de 5 049,41 euros.

Le jugement déféré sera infirmé.

Sur les demandes annexes

Compte tenu de la solution du litige, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société MAT, la société Nicollin et la société Axa aux dépens, qui comprendront les frais d'expertise, à proportion de 25 % pour la société MAT et 75 % pour les sociétés Nicollin et Axa.

Les dispositions relatives aux frais irrépétibles seront, en revanche confirmées.

La société Nicollin et la société Axa qui succombent dans leurs prétentions seront condamnées aux dépens de première instance et d'appel, avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer à la société MAT et au SDIS une indemnité d'un montant global de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour et de rejeter la demande des sociétés Nicollin et Axa formulées au même titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Et dans les limites de l'appel,

Déclare parfait le désistement d'instance et d'action de la société Nicollin et de la société Axa France IARD à l'égard de la Caisse des dépôts et consignations.

Déclare parfait le désistement d'appel de la société Mutuelle d'assurances de l'artisanat et des transports à l'égard de la Caisse des dépôts et consignations,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- dit que le véhicule du service départemental métropolitain d'incendie et de secours, assuré par la société Mutuelle d'assurances de l'artisanat et des transports, impliqué dans l'accident, a concouru à proportion de 25 % aux dommages subis par M. [Y]

- dit que le véhicule de la société Nicollin assuré par la société Axa France IARD également impliqué, a concouru à proportion de 75 % dans les dommages subis par M. [Y]

- condamné la société Nicollin et la société Axa France IARD in solidum à garantir 75 % des sommes dues par la société Mutuelle d'assurances de l'artisanat et des transports à M. [K] [Y], à la société Neeria et à la caisse des dépôts et des consignations,

- condamné la société Nicollin et la société Axa France IARD in solidum à verser à la société Mutuelle d'assurances de l'artisanat et des transports la somme de 37 241,91 euros, en réparation de son préjudice matériel

- condamné la société Mutuelle d'assurances de l'artisanat et des transports, la société Nicollin et la société Axa France IARD aux dépens ce compris les frais d'expertise, à proportion de 25% pour la société Mutuelle d'assurances de l'artisanat et des transports et 75% pour la société Nicollin et la société Axa France IARD,

Le confirme pour le surplus, sous réserve des termes du protocole d'accord transactionnel conclu entre les parties,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Dit que la société Nicollin et la société Axa France IARD devront dans leurs rapports avec le service départemental métropolitain d'incendie et de secours et la société Mutuelle d'assurances de l'artisanat et des transports supporter intégralement la charge finale des conséquences dommageables de l'accident subi par M. [Y], le 24 décembre 2010,

Condamne, en conséquence la société Nicollin et la société Axa France IARD in solidum, à garantir de ce chef le service départemental métropolitain d'incendie et de secours et la société la société Mutuelle d'assurances de l'artisanat et des transports de toutes condamnations prononcées à leur encontre,

Condamne in solidum la société Nicollin et la société Axa France IARD à payer au service départemental métropolitain d'incendie et de secours la somme de 54 705,29 euros en réparation de son préjudice matériel,

Condamne in solidum la société Nicollin et la société Axa France IARD à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile, au service départemental métropolitain d'incendie et de secours et à la société Mutuelle d'assurances de l'artisanat et des transports la somme globale de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour,

Déboute la société Nicollin et la société Axa France IARD de leur demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Nicollin et la société Axa France IARD aux dépens de première instance et d'appel, avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 19/19488
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;19.19488 ?
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