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02/06/2022 | FRANCE | N°19/18484

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 02 juin 2022, 19/18484


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 29 Septembre 2022

(n° 77 , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/18484 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAXPG



Décision déférée à la Cour : saisine sur renvoi après cassation de l'arrêt du 13 juin 2019 (pourvoi n°18-13.292) de la Cour de cassation cassant l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 19 décembre 2017 (RG n°15/03023) suite au jugement rendu le 04 mars 2015 (RG n°14

/00135) par la chambre de l'expropriation du tribunal de grande instance de Nanterre.





APPELANTE

Madame [M] [X] épouse [V]

[Adress...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 29 Septembre 2022

(n° 77 , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/18484 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAXPG

Décision déférée à la Cour : saisine sur renvoi après cassation de l'arrêt du 13 juin 2019 (pourvoi n°18-13.292) de la Cour de cassation cassant l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 19 décembre 2017 (RG n°15/03023) suite au jugement rendu le 04 mars 2015 (RG n°14/00135) par la chambre de l'expropriation du tribunal de grande instance de Nanterre.

APPELANTE

Madame [M] [X] épouse [V]

[Adresse 7]

[Localité 10]

représentée par Me Hassan GUEMIAH, avocat au barreau de PARIS, toque : C1572

INTIMÉE

COMMUNE DE [Localité 10] prise en la personne de son Maire en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 10]

représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056 substituée par Me Steeve MONTAGNE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0576

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Juin 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Hervé LOCU, Président, chargé du rapport,

Marie MONGIN, Conseillère,

Valérie MORLET, Conseillère,

Greffier : Marthe CRAVIARI, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Hervé LOCU, Président et par Dominique CARMENT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

Par délibération du conseil municipal du 14 octobre 2008, la ville de [Localité 10] a engagé une opération de résorption de l'habitat insalubre (RHI) du centre ville.

Par arrêté du 30 mars 2011, le préfet des Hauts-de-Seine a déclaré l'insalubrité de façon irrémédiable et l 'interdiction définitive d'habiter de l'ensemble immobilier situé [Adresse 7] en application de l'article L.1331-26 du code de la santé publique.

Par arrêté du 25 mars 2013 et arrêté modificatif du 27 mai 2013, le préfet des Hauts-de-Seine a déclaré d'utilité publique au profit de la commune de [Localité 10] l'acquisition par la commune des lots de copropriété n°l, 3, 5, 8, 9, 11, 14, 15, 17, 18 et 20 de l'immeuble situé sur la parcelle cadastrée section CM n°[Cadastre 5], sise [Adresse 7] et déclaré ces lots immédiatement cessibles.

Cet arrêté, rendu au visa de la loi n°70-612 du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre, a également fixé le montant des indemnités provisionnelles allouées aux propriétaires, conformément aux dispositions de l'article 511-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique qui a codifié la loi dite Vivien du 10 juillet 1970.

Par acte en date du 18 décembre 2014, la commune de [Localité 10] a fait assigner Mme [M] [X] épouse [V] devant le juge de l'expropriation aux fins de voir, au visa de l'article L. 15-1 du code de l'expropriation, prononcer l'expulsion immédiate et sans délai de Mme [V] ainsi que de tous occupants de son chef des lots 1, 8, 11, 14 et 20 de l'immeuble sis [Adresse 7], constitués d'un appartement et d'une cave avec l'assistance du commissaire de police et de la force publique s'il y a lieu, d'ordonner le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux dans un garde-meubles désigné par le juge ou laissé à l'appréciation de la commune en garantie des sommes qui pourraient être dues, prononcer en tant que de besoin l'exécution provisoire de la décision et condamner Mme [M] [X] épouse [V] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance prise en la forme des référés du 4 mars 2015, le tribunal de grande instance de Nanterre a :

- rejeté l'exception d'incompétence,

- déclaré irrecevables les demandes de Mme [V] visant à se voir reconnaître un droit de préférence sous astreinte journalière et allouer une indemnité en raison de la commission par la commune de [Localité 10] d'une voie de fait,

- déclaré le surplus des demandes recevable,

- ordonné l' expulsion de Mme [V] des lots 1, 8, 11, 14 et 20 de l'immeuble sis [Adresse 7] ainsi que de tout occupant qui serait dans les lieux du chef de Mme [V] avec l'assistance de la force publique en tant que de besoin,

- ordonné le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers appartenant à Mme [V] ou aux occupants de son chef garnissant les lieux dans un garde-meubles choisi par la commune de [Localité 10].

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné Mme [V] aux dépens.

Par lettre reçue au greffe le 21 avril 2015, Mme [V] a fait appel de cette ordonnance.

Par arrêt du 19 décembre 2017, la Cour d'appel de Versailles a :

-Confirmé l'ordonnance,

Y ajoutant.

-Rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

-Condamné Mme [V] à payer la somme de 1 500 euros à la commune de [Localité 10], au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-Débouté les parties de toutes autres demandes,

-Condamné Mme [V] aux dépens.

Par arrêt du 13 juin 2019, N°18-13292, la Cour de cassation en sa troisième chambre a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande de Mme [V] tendant à se voir reconnaître un droit de préférence sous astreinte journalière, l'arrêt rendu le 19 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles et remis, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyé devant la cour d'appel de Paris,

La cassation est intervenue car la Cour d'appel a violé les articles L. 423-1 à L. 423-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

La cour de cassation indique en effet que ' attendu que pour déclarer irrecevable la demande reconventionnelle de Mme [V] tendant à ce qu'il soit fait injonction à la commune de [Localité 10], sous astreinte, de la faire bénéficier d'un droit de priorité et de préférence, l'arrêt, après avoir prononcé l'expulsion, retient que cette demande ne résulte pas des textes applicables ;

qu'en statuant ainsi, alors que l'occupant exproprié en vertu de la procédure spéciale d'expropriation des immeubles insalubres ou menaçant ruine bénéficie des droits de priorité et de préférence prévus aux articles L 423-1 à L423-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».

Par déclaration de saisine du 28 septembre 2019, reçu au greffe le jour même, la cour d'appel a été saisie pour renvoi après cassation par Mme [V].

La convocation à l'audience a été effectuée le 8 juillet 2021 pour une audience le 30 septembre 2021 à 9h00.

A la demande du conseil de Mme [V], l'affaire a été renvoyée à l'audience du 10 mars 2022 pour lui permettre de répliquer utilement aux conclusions de la commune de [Localité 10] du 30 septembre 2021 remise à l'audience contre émargement et en raison du fait que le notaire chargé de la succession de M. [V] décédé ne pouura pas lui adresser avant fin décembre 2021, les actes relatifs à la transmission des droits de propriété au conjoint survivant.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

- déposées au greffe, par Mme [V], appelante, le 24 janvier 2020, notifiées le 03 février 2020 (AR du 5 février 2020) et le 9 mars 2022 avec une pièce 'document de propriété' notifiées le 9 mars 2022 (AR du 10 mars 2022) aux termes desquelles elle demande à la cour :

-Dire Mme [V] recevable et bien fondée.

En conséquence,

-Infirmer l'ordonnance entreprise, en ce qu'elle a rejeté la demande de Mme [V] visant à lui voir reconnaître sous astreinte journalière son droit de préférence et son droit de priorité.

-Débouter la commune de [Localité 10] de l'ensemble de ses demandes

-Ordonner à la commune de [Localité 10], sous astreinte journalière de 10.000 euros, de la faire bénéficier d'un droit de préférence et un droit de priorité.

-Condamner la commune de [Localité 10] à lui payer :

- 5.000,00 euros à titre d'indemnité de déménagement

- 50.000,00 euros à titre d'indemnité de privation de jouissance

- 15.000,00 euros au titre des frais irrépétibles, en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, avec distraction au profit de Me GUEMIAH, en vertu de l'article 699 du code de procédure.

Elle a déposé un document de propriété notarial pour justifier de sa qualité d'ayant cause universel et de l'opposabilité de ses droits à la commune de [Localité 10].

- déposées au greffe par la commune de [Localité 10], intimée, le 29 septembre 2021 à 16h20 remises contre émargement à l'audience du 30 septembre 2021 aux termes desquelles elle demande à la cour de :

- rejeter la requête aux fins d'appel de Mme [X] veuve [V] ;

statuant de nouveau :

- confirmer l'ordonnance d'expulsion rendue en la forme des référés le 4 mars 2015 par le juge de l'expropriation de [Localité 10] s'agissant des dispositions qui n'ont pas été cassées par l'arrêt de la cour de cassation du 13 juin 2019 ;

- rejeter la demande de feu Mme [X] veuve [V] visant à la faire bénéficier d'un droit de préférence et de priorité sous astreinte journalière de 10 000 euros ;

- condamner Mme [X] Veuve [V] à verser à la commune de [Localité 10] la somme de 3000 euros au titre des frais de l'instance d'appel ;

- condamner Mme [X] veuve [V] aux entiers dépens.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Mme [V] font valoir que ;

Concernant le droit au relogement ;

-Les propriétaires occupants des locaux d'habitation expropriés et dont les ressources n'excèdent pas les plafonds fixés pour l'attribution de logements construits en application de la législation relative aux HLM bénéficient d'un droit de priorité ;

-Mme [V] a bien pris soin de répondre aux offres de relogement, notamment par lettre des 8 et 27 janvier 2013 (pièce 4), à cet égard, par lettre du 05/03/14 (pièce 5), Monsieur [H] [S], adjoint au maire en charge de l'habitat auprès de la commune de [Localité 10] a pris acte des demandes, notamment de son droit de retour, mais s'est retranché derrière le calendrier de la construction.

Concernant le droit à l'indemnité de déménagement et à l'indemnité de privation de jouissance, la cour condamnera la commune de [Localité 10] à payer à Mme [V] :

- 5.000,00 euros à titre d'indemnité de déménagement

- 50.000,00 euros à titre d'indemnité de privation de jouissance

Concernant les frais irrépétibles ; la commune de [Localité 10] sera condamnée à lui verser la somme de 15.000,00 euros pour les frais exposés et non compris dans les dépens.

En outre, la cour rejettera comme particulièrement inéquitable toute demande de ce chef formulée par la commune de [Localité 10] qui réalise une opération de spéculation immobilière (pièce 6), en rachetant selon la méthode de récupération foncière (Loi Vivien) un terrain situé au c'ur du Centre-Ville de [Localité 10].

Elle a déposé un document de propriété notarial pour justifier de sa qualité d'ayant cause universel et de l'opposabilité de ses droits à la commune de [Localité 10].

La commune de [Localité 10] fait valoir que :

Aucune demande de droit de préférence prévu par l'article L423-4 du code de l'expropriation n'a été formulée.

Pour le droit de priorité prévu par l'article L 423-1 du code de l'expropriation, s'agissant des offres de relogement, il n'est pas contesté que plusieurs courriers de propositions ont été transmis aux époux [V], comme indiqué dans l'ordonnance du 22 octobre 2014 et l'arrêt du 19 décembre 2017, sérieuses et correspondant aux besoins des époux [V], dont l'appartement au rez de chaussée du bâtiment A était de moindre superficie:

- le 21 novembre 2012 : un logement de trois pièces, sis [Adresse 8] d'une surface de 53 m² pour un loyer, charges comprises de 415, 08 euros par mois (pièce N°19) ;

- le 8 janvier 2013 : même logement (pièce N°20) ;

- 9 avril 2013 : logement trois pièces au [Adresse 4] pour une superficie de 58 m², pour un loyer hors charges de 295,18 euros par mois (pièce N°21) ;

-15 mars 2015 : un logement [Adresse 6], d'une superficie de 57 m² pour un loyer charges comprises de 431, 17 euros par mois (pièce N°22) ; elle leur a également transmis les coordonnées des constructeurs qui proposaient des logements en accession différée (pièce N°23).

La commune a donc rempli ses obligations.

SUR CE LA COUR

- Sur la recevabilité des conclusions

S'agissant des dispositions applicables devant la cour d'appel statuant sur renvoi après cassation, aux termes de l'article 631 du code de procédure civile, devant la juridiction de renvoi, l'instruction est reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation. La juridiction de renvoi connaît donc le litige dans l'état où celui-ci se trouvait devant la juridiction dont la décision été cassée ; il en résulte que les parties ne sont pas assujetties au respect des délais de dépôt de leurs mémoires tels que ceux fixés par l'article R 12-49 du code de l'expropriation devenu l'article R 311-26 dudit code, cet article n'étant pas applicable devant la cour d'appel statuant sur renvoi de cassation.

En conséquence, les conclusions de Mme [V] du 24 janvier 2020, du 10 mars 2022 sont recevables ainsi que la pièce déposée au greffe le 9 mars 2022.

Les conclusions de la commune de [Localité 10] du 30 septembre 2021 déposées au greffe sont également recevables.

- Sur le fond

La Cour de cassation par arrêt du 13 juin 2019 a dit que l'occupant expropriant en vertu de la procédure spéciale d'expropriation des immeubles insalubres menaçant ruine régie par les articles L 511-1 et suivants du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique bénéficie des droits de priorité et de préférence prévue aux articles L 423-1 à L423-5 de ce code ; elle a cassé et annulé mais seulement en ce que l'arrêt de la cour d'appel de Versailles a déclaré irrecevable la demande de Mme [V] tendant à se voir reconnaître un droit de préférence sous astreinte journalière.

Il sera noté que dans les motifs susvisés, la cour de cassation fait état des droits de priorité et de préférence prévus aux articles L423-1 à L423-5 du code de l'expropriation, mais que la cassation partielle porte uniquement sur l'irrecevabilité de la demande de Mme [V] à se voir reconnaître un droit de préférence sous astreinte journalière.

L'article L 314'2 du code de l'urbanisme, auquel renvoie l'article L511'9 du code de l'expropriation dispose que si les travaux nécessitent l' éviction définitive des occupants, ceux-ci bénéficient des dispositions applicables en matière d'expropriation. Toutefois, tous les occupants de locaux à usage d'habitation, professionnels ou mixtes ont droit au relogement dans les conditions suivantes : il doit être fait à chacun d'eux au moins deux propositions portant sur les locaux satisfaisants à la fois aux normes d'habitabilité définies par application du 3e alinéa de l'article L322-1 du code de la construction et de l'habitation et aux conditions prévues à l'article 13 bis de la loi n°48'1360 du 1er septembre 1948 ; ils bénéficient, en outre, des droits de priorité et de préférence prévue aux articles L423-1 à L423-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, même dans le cas où ils ne sont pas propriétaires.

Ils bénéficient également, à leur demande, d'un droit de priorité pour l'attribution ou l'acquisition d'un local dans les immeubles compris dans l'opération ou de parts ou actions d'une société immobilière donnant vocation à l'attribution, en propriété ou en jouissance, d'un tel local.

Aux termes de l'article L314-1 du code de l'urbanisme, la personne publique qui a prit l'initiative de la réalisation de l'une des opérations d'aménagement définies dans le présent livre qui bénéficie d'une expropriation est tenue, envers les occupants des immeubles intéressés, aux obligations prévues ci-après.

Les occupants, au sens du présent chapitre, comprend les occupants au sens de l'article L521-1 du code de la construction et l'habitation, ainsi que les preneurs de baux professionnels, commerciaux et ruraux.

Ces articles mettent donc à la charge de la personne publique à l'initiative d'une opération d'aménagement ou bénéficiant d'une expropriation une obligation de relogement des occupants des immeubles affectés par cette opération.

L'article L 314-2 en fixe les bénéficiaires, les conditions et les modalités. Il prévoit en outre au bénéfice de ses occupants des droits de priorité et de préférence, par envoi aux dispositions des articles L 423-1 à L 423-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

Ces articles disposent :

'article L 423-1 :

«I-les propriétaires occupants des locaux d'habitation expropriés et dont les ressources n'excèdent pas les plafonds fixés pour l'attribution de logements construits en application de la législation relative aux habitations à loyer modéré bénéficient d'un droit de priorité :

'soit pour le relogement en qualité de locataires dans un local soumis à la législation sur les habitations à loyer modéré ou dans un local dont le loyer n'excède pas celui d'un local construit en application de la législation relative aux habitations à loyer modéré de même consistance ;

'soit pour l'accession à la propriété au titre de la législation applicable en matière d'habitations à loyer modéré ainsi que pour l'octroi, le cas échéant, des prêts correspondants.

II-lorsque l'expropriation a porté sur une maison individuelle, ce droit de priorité s'exerce, à la demande des intéressés et si cela est possible, sur un local de type analogue situé dans la même commune ou dans une commune limitrophe ».

Article L 423-2 :

'« s'il est tenu une obligation de relogement, l'expropriant en est valablement libéré par l'offre aux intéressés d'un local correspondant à leurs besoins et n'excédant pas les normes relatives aux habitations à loyer modéré.

Lorsque l'expropriation a porté sur une maison individuelle, le relogement est, si cela est possible, offert dans un local de type analogue, n'excédant pas les normes relatives aux habitations à loyer modéré et situé dans la même commune limitrophe ».

Article L 423-3 :

« les contestations relatives au relogement des locataires ou occupants de locaux d'habitation ou usages professionnels sont instruites et jugées conformément aux dispositions du livre III.

Le juge fixe le montant l'indemnité de déménagement et, s'il y a lieu, d'une indemnité de privation de jouissance ».

Article L 423-4 :

« les propriétaires occupants de locaux d'habitation expropriée jouissent d'un droit de préférence pour l'octroi de prêts spéciaux au titre de l'aide de la construction, lorsque leurs ressources ne dépassent pas les plafonds fixés par cette aide ».

Article L 423-5 :

« les dispositions du présent chapitre s'appliquent sans préjudice des articles L 314-1 et suivants du code urbanisme relatif à la protection des occupants ».

Les occupants auxquelles s'appliquent les dispositions de l'article L 314-2 du code de l'urbanisme bénéficient :

'd'un droit au relogement, l'expropriant étant tenu de faire à chacun d'eux deux propositions ; l'offre de relogement doit être notifiée au moins 6 mois à l'avance et, à défaut de réponse dans un délai de 2 mois, l'occupant est réputé avoir accepté l'offre. Cette offre doit satisfaire à des normes d'habitabilité au sens de l'article L 322-1 du code de la construction et l'habitation et de l'article 13 bis de la loi du premier septembre 1948 (logement décent, en bon état général, adapté aux besoins personnels et familiaux, situé à proximité de l'habitation d'origine, etc) ;

'd'un droit de priorité pour l'attribution d'un logement HLM lorsque leurs ressources n'excèdent pas un niveau déterminé et pour l'attribution ou l'acquisition d'un local dans les immeubles compris dans l'opération ou de parts ou actions d'une société immobilière donnant vocation à l'attribution, en propriété ou en jouissance, d' un tel local ;

'd'un droit de préférence pour l'octroi de prêts spéciaux au titre de l'aide de la construction lorsque leurs ressources n'excèdent pas les plafonds fixés pour cette aide.

Le droit de priorité est décliné comme l'indique elle même la commune de [Localité 10] en application de l'article L423-1 du code de l'expropriation en deux possibilités:

- soit pour le relogement

- soit pour leur accession à la propriété au titre de la législation applicable en matière d'habitation à loyer modéré ainsi que pour l'octroi, le cas échéant, des prêts correspondants.

Le relogement est une obligation pour l'expropriant qui doit offrir, à deux reprises, un logement social à l'occupant ; s'il accepte, celui-ci, après avoir encaissé soit l'indemnité d'éviction personnelle et de déménagement, soit l'indemnité de dépossession, est tenu dans le mois du paiement, d'abandonner les lieux, en vertu l'article L 15-1 devenu l'article L231-1 du code de l'expropriation, même s'il a fait appel de la décision indemnitaire. Le propriétaire qui a refusé son relogement doit, lui aussi, libérer l'appartement où l'immeuble après avoir encaissé l'indemnité de dépossession correspondant à la valeur libre de son bien.

En revanche, c'est à sa demande et non sur offre de l'expropriant que l'occupant fait valoir son droit de priorité pour l'attribution ou l'acquisition d'un local. L'exercice de ce droit n'est, par ailleurs, aucunement lié à la libération du local exproprié, sa mise en 'uvre interviendra, en effet, généralement à longue échéance puisque c'est dans un immeuble à construire au lieu et place de celui exproprié, dans un immeuble voisin, que se situera le local loué ou à vendre. Un délai plus ou moins long séparera donc normalement la libération de l'ancien immeuble et la mise à disposition de nouveaux locaux dans l'immeuble neuf.

En outre, contrairement au droit de relogement, le droit de priorité reste très aléatoire. Il suppose, en effet que dans l'opération pour laquelle a été exproprié l'ancien immeuble, il soit édifié des immeubles d'habitation. Même si c'est le cas, un ancien occupant ne pourra utilement exercer son droit s'il demande à acquérir un appartement alors que tous les locaux construits ou à construire sont destinés à la location. Le droit de priorité lorsqu'il peut s'exercer, porte sur tout local et pas non seulement sur un local à caractère social.

A) droit au relogement

La commune de [Localité 10] a proposé aux époux [V] dès 2012 avant l'arrêté préfectoral de DUP/cessibilité plusieurs offres de relogement:

-par lettre recommandée du 21 novembre 2012 reçue le 23 novembre 2012 : un logement 3 pièces, sis au [Adresse 8] d'une surface de 53 m². Loyer, charges comprises, de 415,08 euros/par mois (pièce n°19).

Cette même proposition a été renouvelée par courrier recommandé avec AR du 8 janvier 2013, reçu le 19 janvier 2013 (pièce n°20).

-courrier du 9 avril 2013 : un logement 3 pièces au premier étage au [Adresse 2] pour une superficie de 50 m². Loyer hors charges de 295,18 euros/par mois (pièce n°21).

-courrier recommandé avec AR du 15 mars 2014 distribué le 20 mars 2014 : un logement situé au [Adresse 6] d'une surface de 57 m². Loyer, charges comprises, 431,17 euros/mois (pièce n°22).

La commune de [Localité 10] indique que les époux [V] n'ont pas répondu à ces propositions de logement, ce que ceux-ci réfutent en faisant état des courrier du 8 janvier 2013 et du 27 janvier 2013 (pièce n°4).

Ces propositions de relogement aux époux [V] sont sérieuses et en adéquation avec leurs besoins, puisque leur appartement au rez-de-chaussée du bâtiment est de moindre superficie et que celles-ci ne sont pas critiqués.

Cependant, comme indiqué dans le courrier du 5 mars 2013 de Monsieur [H] [S] adjoint au maire en charge de l'habitat (pièce N°5) :

'j'ai bien pris connaissance de vos courriers en date des 18 et 27 janvier 2013 et ait pris note de vos souhaits en termes de relogements.

Il est difficile de m'engager à vous donner un droit de retour dans la future opération immobilière qui sera réalisée au [Adresse 7]. En effet, comme vous le savez la ville n'est pas encore acquéreur de l'ensemble des biens de votre copropriété. Nous ne maîtrisons donc pas la temporalité du projet et le programme définitif de l'opération n'a pas encore été arrêté. Les constructions neuves ne seront donc pas livrées avant plusieurs années.

En ce qui concerne une réinstallation dans un programme neuf dans le cadre d'une accession à la propriété, il nécessaire que vous vous inscriviez auprès du service habitat de la mairie en envoyant un courrier et que vous consultiez l'ADIL 92 dans le cadre d'un dossier de financement.

Toutefois, aucun de ces programmes n'est à ce jour livré et ne le sera avant 2014, aussi il est impératif que nous puissions trouver une solution de logement temporaire. En effet, face à votre défaillance respecter les obligations qui vous ont été imposées par arrêté préfectoral, la ville de [Localité 10] doit se substituer et procéder à la démolition de l'immeuble sis [Adresse 7] afin d'en éradiquer l'insalubrité.

Je vous invite donc à effectuer dans les meilleurs délais les formalités citées plus haut. Le service de la ville reste en alerte afin que vous puissiez être destinataires d'une nouvelle proposition de logement social, qui ne sera que temporaire si votre dossier de demande d'accession à la propriété est enregistré et validé par un promoteur.'

Dans le courrier susvisé du 9 avril 2013, la mairie de [Localité 10] indique également : 'je vous indiquais par ailleurs qu'aucun programme neuf n'étant livré à ce jour, il était impératif que nous trouvions une solution de logement temporaire'.

Si les époux [V] n'ont pas répondu à ces offres de logement, il ressort des courriers des 8 janvier 2013 et 27 janvier 2013 (pièce n°4), qu'ils ont sollicité non un relogement mais un droit de priorité dans l'immeuble en cas de reconstruction du local, et à défaut un échange avec un immeuble de même surface, dans l'un des nombreux programmes construits par la commune, dans le cadre de l'accès sur la propriété.

La mairie de [Localité 10] en avait parfaitement pris note en leur proposant un relogement uniquement à titre temporaire.

B) droit de priorité

Les époux [V] ont donc fait par les courrier susvisés une demande de priorité de réinstallation dans l'immeuble en cas de reconstruction du local.

Il est indiqué dans le compte rendu du conseil de quartier centre du 10 décembre 2011 (pièce n°2) :

«'le [Adresse 7] est une copropriété de 8 logements. L'arrêté d'insalubrité irrémédiable a été prononcé en 2011 et 3 logements sont en cours d'acquisition. Par la suite une procédure d'expropriation pourrait être engagée si les propriétés refusent de vendre. Pour cela il faudra lancer une procédure de DUP validée en conseil municipal.

Le projet de réunir ces 2 parcelles afin de créer 2 bâtiments R+2, rassemblant 11 logements (un T1, T2, 4 T3,3 T4). Le stationnement serait créé en coeur de parcelles. »

Il n'est pas contesté par Mme [V] que la commune [Localité 10] n'est pas le maître d'ouvrage de programmes de logements et n'est pas le propriétaire de logement sociaux ; elle a uniquement joué un rôle de relais des demandes des époux [V] pour bénéficier d'un droit de priorité dans le parc social comme mentionné dans les courriers susvisés des 5 mars 2013 et 9 avril 2013.

En outre, par courrier du 22 décembre 2014, Monsieur [H] [S] écrivait aux époux [V] en leur indiquant (pièce N°24 : LRAR non retiré) :

« objet :OPAH RU de [Localité 10]'propositions de relogement

En réponse à votre courrier en date du 4 novembre dernier, je vous informe que je transmettrai vos coordonnées aux promoteurs immobiliers construisant sur le territoire communal afin qu'ils vous préviennent en avant-première lorsque les commercialisations sont lancées.

Ces commercialisation concernent des logements vendus au prix du marché ou des logements vendus en accession « encadrée » pour lesquels les conditions particulières d'accès sont requises (fiche jointe). L'instruction des dossiers et la décision finale de vente relève de la responsabilité des promoteurs et non de la municipalité.

Je me permets de vous signaler que l'agence départementale d'information sur le logement (ADIL 92-[Adresse 3] [XXXXXXXX01]) est à votre disposition pour vous aider à analyser vos capacités financières et à monter un plan de financement.

J'attire par ailleurs votre attention sur quelques programmes dont la commercialisation a déjà commencé. Vous en trouverez la liste ci-jointe. Si l'un d'entre vous est intéressé, je vous invite à contacter directement le promoteur.

Par ailleurs, concernant votre relogement temporaire, la ville de [Localité 10] vous a déjà adressé trois propositions de logement auxquelles vous n'avez pas donné suite, et vous n'avez pas non plus renouvelé vos dossiers de demande de logement social depuis le mois de novembre 2012. Celui-ci a donc été archivé. Ainsi, je vous invite à refaire dans les plus brefs délais une demande auprès des services habitat de la mairie [Localité 10] au moyen du formulaire correspondant ci-joint. '

Par courrier du 9 juin 2015 Monsieur [H] [S] adjoint au maire en charge de l'habitat écrivait à nouveau à Monsieur et Madame [V] (pièce n°23 : LRAR du 9 juin 2015) en indiquant : « objet : OPAH RU de [Localité 10]

proposition de logements en accession

Lors de votre rencontre avec Monsieur le maire, le 5 mai dernier, vous avez exprimé le souhait de pouvoir acquérir un nouveau logement en accession encadrée sur la ville.

À ce jour, deux programmes sont en cours de commercialisation :

-programme Néocity [Adresse 11] commercialisé par Terralia (06'08'41'21'20 16)

-programme renaissance'rue Thomas Lemaître commercialisé par Haut de Seine Habitat (01'41'49'0'00 ou 06'27'56'39'07).

Si ces programmes vous intéressent, je vous invite à vous rapprocher dans les meilleurs délais de Terralia ou de Haute Seine Habitat. L'instruction des dossiers et la décision finale de vente relèvent de la seule responsabilité des organismes et non de la municipalité.

D'autres programmes, sur les secteurs Joliot-Curie et Provinces françaises, devraient être mis en vente fin 2015 voire début 2016. Vous recevrez un dossier de candidature directement de la part des promoteurs au moment de leur commercialisation.

Par ailleurs, certains biens livrées il y a quelques années sont actuellement revendus en accession encadrée. Ainsi, T2, propriété de la ville, est en vente par l'intermédiaire de Terralia que vous pouvez joindre directement aux 06 08 41 21 16 pour de plus amples informations ».

Les époux [V] n'ont donc pas renouvelé leur dossier de logement social depuis le mois de novembre 2012, et la mairie leur renvoyait un formulaire pour formuler une nouvelle demande ; concernant le droit de priorité, par des courriers renouvelés, dont l'un n'a pas été retiré, la commune de [Localité 10] a donné toutes les informations utiles aux époux [V] pour prendre contact avec les promoteurs immobiliers.

Ceux-ci ne justifient pas avoir effectué les démarches utiles pour bénéficier de leur droit de priorité, ni même de pouvoir bénéficier en application de l'article L423-1 du code de l'urbanisme de pouvoir bénéficier d'un droit de priorité pour une accession à la propriété au titre de la législation applicable en matière d'habitation à loyer modéré.

Ils n'ont donc pas mis la commune en mesure de respecter leurs droits en n'effectuant pas les diligences

Il convient d'infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande de Mme [V] visant à se voir reconnaître un droit de préférence sous astreinte journalière, puisque l'occupant exproprie en vertu de la procédure spéciale d'expropriation des immeubles insalubres ou menaçant ruine bénéficie des droits de priorité et de préférence prévue aux articles L 423-1 à L423-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

Il convient de rejeter la demande de Madame [V] es qualité de voir ordonner à la commune de [Localité 10], sous astreinte journalière de 10'000 euros, de la faire bénéficier d'un droit de préférence et d'un droit de priorité.

C) droit de préférence

Mme [V] ne justifie pas avoir formulé une demande de droit de référence sur le fondement de l'article L 423-4 du code de l'expropriation.

- Sur la demande à titre d'indemnité de déménagement

Madame [V] demande la condamnation de la commune de [Localité 10] à lui verser une somme de 5000 euros à titre d'indemnité de déménagement.

Madame [V] ne formule aucun moyen à l'appui de sa demande de voir condamner la commune de [Localité 10] à lui payer la somme de 5000 euros à titre d'indemnité de déménagement et ne produit aucune facture de déménagement.

En conséquence, Madame [V] sera déboutée de cette demande.

- Sur la demande à titre d'indemnité de privation de jouissance

Madame [V] demande la condamnation de la commune de [Localité 10] à lui payer la somme de 50'000 euros à titre d'indemnité de privation de jouissance.

Madame [V] ne formule aucun moyen à l'appui de sa demande de voir condamner la commune de [Localité 10] à lui payer la somme de 50000 euros à titre d'indemnité de privation de jouissance et ne justifie pas d'ailleurs avoir quitté le logement.

En conséquence, Madame [V] sera déboutée de cette demande.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande de débouter les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

- Sur les dépens

Il convient de confirmer l'ordonnance déférée qui a condamné Mme [V] aux dépens.

Madame [V] perdant le procès sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Vu l'arrêt de la cour de cassation du 13 juin 2019 N°18-13292,

Déclare recevables les conclusions des parties ;

Infirme partiellement l'ordonnance déférée ;

Statuant à nouveau :

Déboute Madame [V] de sa demande de voir ordonner à la commune de [Localité 10], sous astreinte journalière de 10'000 euros, de la faire bénéficier d'un droit de préférence et d'un droit de priorité ;

Déboute Madame [V] de sa demande de voir condamner la commune de [Localité 10] à lui payer la somme de 5000 euros à titre d'indemnité de déménagement ;

Déboute Madame [V] es qualité de sa demande de voir condamner la commune de [Localité 10] à lui payer la somme de 50'000 euros à titre d'indemnité de privation de jouissance ;

Confirme l'ordonnance déférée en ses autres dispositions ;

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Madame [V] aux dépens.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 19/18484
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;19.18484 ?
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