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30/05/2022 | FRANCE | N°20/16717

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 30 mai 2022, 20/16717


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 30 MAI 2022



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/16717 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCVPE



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Octobre 2020 -TJ de PARIS RG n° 18/00225



APPELANTE



BMW FRANCE

Ayant son siège social 5 rue des Hérons

78180 MONTIGNY LE BRETONNEUX

N° SIRET : 722 000 965



Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



Représentée par Me Gilles SERREUILLE de la SELARL Cabinet SERREUILLE, avocat au barreau de PARIS, toque :...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 30 MAI 2022

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/16717 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCVPE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Octobre 2020 -TJ de PARIS RG n° 18/00225

APPELANTE

BMW FRANCE

Ayant son siège social 5 rue des Hérons

78180 MONTIGNY LE BRETONNEUX

N° SIRET : 722 000 965

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Gilles SERREUILLE de la SELARL Cabinet SERREUILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0153

INTIMES

Monsieur [O] [J]

Domicilié 50 rue du Rocher

75008 PARIS

né le 24 Août 1963 à ENGHIEN LES BAINS

Représenté par Me Jean-baptiste ROZES de l'AARPI SHERPA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0575

S.E.L.A.R.L. CABINET DU DOCTEUR [J]

Ayant son siège social 50 rue du Rocher

75008 PARIS

N° SIRET : 488 899 600

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Jean-baptiste ROZES de l'AARPI SHERPA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0575

SASUCH. [D]

Ayant son siège social

12-14 place du Général Koenig

75017 PARIS

N° SIRET : 525 580 288

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Stéphane FERTIER de la SELARL JRF & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

Représentée par Me Philippe BIARD de l'ASSOCIATION BIARD BOUSCATEL, avocat au barreau de PARIS, toque : R146

S.A.S. ALPHABET FRANCE FLEET MANAGEMENT

Ayant son siège social 5 rue des Hérons

78180 MONTIGNY LE BRETONNEUX

N° SIRET : 338 708 076

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Gilles SERREUILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0153

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère

Monsieur Stanislas de CHERGÉ, Conseiller

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur [Y] [W] dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Edouard LOOS, Président et par Mme Sylvie MOLLÉ, Greffier à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Bmw France a pour activité l'importation et l'exportation, l'achat vente et la distribution de tous véhicules moteurs.

La société Alphabet France Fleet Management est spécialisée dans la location de longue durée de voitures.

La société par actions simplifiée unipersonnelle Ch. [D] est un concessionnaire de la société Bmw France.

La Selarl Cabinet du docteur [J] a commandé le 03 février 2016 auprès de la société Ch. [D] un véhicule à moteur électrique Bmw i3 170, pour un montant de 37.576,76 euros Ttc. La livraison est mentionnée sur le bon de commande à la date du 29 avril 2016.

La société Cabinet du docteur [J] a conclu le 27 avril 2016 un contrat de location financière avec la société Alphabet France Fleet Management afin de financer l'achat du véhicule sur une durée de 36 mois.

Le véhicule a été livré le 02 septembre 2016.

Par lettres recommandées du 3 mai 2017, M. [O] [J] et la société Cabinet du docteur [J] ont mis en demeure les sociétés Bmw France, Ch. [D] et Alphabet France Fleet Management de les indemniser de préjudices liés à la livraison tardive du véhicule, une erreur d'adresse mentionnée sur la carte grise et une erreur commise lors de l'immatriculation du véhicule, la société Cabinet du docteur [J] ayant reçu des contraventions concernant un véhicule qui portait la même plaque d'immatriculation.

M. [O] [J] et la société Cabinet du docteur [J] ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de Paris, par exploits d'huissier en date des 4 et 7 décembre 2017, la société Ch. [D], la société Bmw France et la société Alphabet France Fleet Management aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.

Par jugement rendu le 15 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a statué comme suit :

- Condamne la société Ch. [D] et la société Bmw France à payer au cabinet du docteur [J] la somme de 2.500 euros en réparation du retard de livraison augmentée des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

- Condamne in solidum la société Ch. [D] et la société Alphabet France Fleet Management à payer à M. [O] [J] la somme de 500 euros en réparation de son préjudice moral, outre intérêts au taux légal à compter du prononce du jugement,

- Condamne in solidum la société Bmw France, la société Ch. [D] et la société Alphabet France Fleet Management à payer au cabinet du docteur [J] la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne in solidum la société Bmw France, la société Ch. [D] et la société Alphabet France Fleet Management à payer à M. [O] [J] la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne in solidum la société Bmw France, la société Ch. [D] et la société Alphabet France Fleet Management aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Me Jean-Baptiste Rozes, en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- Ordonne l'exécution provisoire,

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires qui ont été reprises dans l'exposé du litige.

Par déclaration du 19 novembre 2020, la société Bmw France a interjeté appel du jugement.

Par dernières conclusions signifiées le 15 février 2022, la société Bmw France demande à la cour de :

Vu les anciens articles 1134 et 1147 du code civil, 1231-1 du code civil,

- Réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 15 octobre 2020 en ce qu'il est entré en voie de condamnation à l'encontre de Bmw France,

- Recevoir Bmw France en son appel et le déclarer bien fondé,

- Débouter le cabinet du docteur [J] et toutes autres parties de leurs demandes dirigées à l'encontre de Bmw France, dès lors qu'elle n'est pas tenue par le délai de livraison fixé contractuellement par la société Ch. [D],

A titre subsidiaire,

- Débouter le cabinet du docteur [J] et toutes autres parties de leurs demandes dirigées à l'encontre de Bmw France, dès lors qu'elle n'a jamais été destinataire d'une mise en demeure de livrer le véhicule dans un délai raisonnable,

A titre infiniment subsidiaire,

- Débouter le cabinet du docteur [J] et monsieur [J], ainsi que, le cas échéant, toute autre partie, de leurs demandes dirigées à l'encontre de Bmw France, en ce qu'ils sont seuls responsables du prétendu retard de livraison,

A toujours plus subsidiaire,

- Débouter le cabinet du docteur [J] et monsieur [J] ainsi que, le cas échéant, toute autre partie, de leurs demandes dirigées à l'encontre de Bmw France, celles-ci n'étant pas justifiées dans leur principe et dans leur montant et/ou ne présentant aucun lien de causalité direct et immédiat avec un quelconque manquement contractuel de Bmw France,

En toute hypothèse,

- Condamner tout succombant à verser à Bmw France la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner tout succombant en tous les dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 6 juillet 2021, la société Ch. [D] demande à la cour de :

- Recevoir la société Ch. [D] en son appel incident, dans ses écritures, la dire bien fondée et y faire droit ;

- Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la société Ch. [D] à payer à la société cabinet du docteur [J] la somme de 2.500 euros en réparation du retard de livraison augmentée des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, condamné la société Ch. [D] à payer à M. [O] [J] la somme de 500 euros en réparation de son préjudice moral, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, condamné la société Ch. [D] à payer à la société cabinet du docteur [J] la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la société Ch. [D] à payer à M. [O] [J] la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la société Ch. [D] aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Jean-Baptiste Rozes, en application de l'article 699 du code de procédure civile, débouté la société Ch. [D] de ses demandes,

Et, statuant à nouveau :

- Débouter la société cabinet du docteur [J] de l'ensemble de ses contestations, demandes, fins, conclusions et appel incident dirigés contre la société Ch. [D] ;

- Débouter monsieur [O] [J] de l'ensemble de ses contestations, demandes, fins, conclusions et appel incident dirigés contre la société Ch. [D] ;

- Débouter toute partie de l'ensemble de ses contestations, demandes, fins, conclusions et appel incident dirigés contre la société Ch. [D] ;

En tout état de cause,

- Condamner solidairement la société Cabinet du docteur [J] et monsieur [O] [J] au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera effectué par la Selarl Jrf & associés, représentée par Me Stéphane Fertier, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions signifiées le 15 février 2022, la société Cabinet du docteur [J] et monsieur [O] [J] demandent à la cour de :

Vu les articles 1134, 1147 et 1382 anciens du code civil,

- Juger la société Bmw France mal fondée en son appel, l'en débouter,

- Juger la société Alphabet France Fleet Management mal fondée en son appel incident, l'en débouter,

- Juger le cabinet du docteur [J] et monsieur [O] [J] recevables et bien fondés en leur appel incident,

- Confirmer le jugement en ce qu'il retenu la responsabilité des sociétés Ch.[D], Bmw France et Alphabet France Fleet Management et ramener le montant des condamnations de ces dernières à celles sollicitées par les concluants en première instance,

- Condamner in solidum la société Bmw France et la société Ch. [D] à payer au cabinet du docteur [J] la somme de 6.250 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par le cabinet du docteur [J] en raison du retard de livraison de son véhicule,

- Condamner in solidum la société Alphabet France Fleet Management et la société Ch. [D] à payer au cabinet du docteur [J] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'erreur d'immatriculation de son véhicule,

- Enjoindre à la société Ch. [D] de communiquer au cabinet du docteur [J] la copie de la demande d'annulation des contraventions indûment reçues et les explications de la société quant à la solution mise en place pour que ce trouble cesse définitivement sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

- Condamner in solidum la société Alphabet France Fleet Management et la société Ch. [D] à payer à monsieur [O] [J] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,

- Juger que les sommes allouées seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure,

- Débouter la société Alphabet France Fleet Management, la société Bmw France et la société Ch. [D] de l'ensemble de leurs demandes, fin et conclusions dirigées à l'encontre du cabinet du docteur [J] et du docteur [O] [J],

- Condamner in solidum la société Alphabet France Fleet Management, la société Bmw France et la société Ch. [D] à payer au cabinet du docteur [J] la somme de 2.000 euros et à monsieur [O] [J] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Jean-Baptiste Rozes, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions signifiées le 7 juillet 2021, la société Alphabet France Fleet Management demande à la cour de :

Vu les anciens articles 1134 et 1147 du code civil, 1231-1 du code civil,

- Réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 15 octobre 2020 en ce qu'il est entré en voie de condamnation à l'encontre de la société Alphabet France,

- Recevoir la société Alphabet France en son appel incident et le déclarer bien fondé,

- Débouter le cabinet du docteur [J] et monsieur [J] de leurs demandes dirigées à l'encontre de la société Alphabet France en l'absence de preuve d'une quelconque faute de sa part outre d'un lien de causalité direct et immédiat entre la prétendue faute de la société Alphabet France et les préjudices que prétendent avoir subis le cabinet du docteur [J] et monsieur [J],

- Débouter, le cas échéant, toute autre partie de ses demandes dirigées à l'encontre de la société Alphabet France,

A titre subsidiaire,

- Débouter le cabinet du docteur [J] et monsieur [J] de leurs demandes dirigées à l'encontre de la société Alphabet France dès lors que celles-ci ne sont justifiées ni dans leur principe, ni dans leur montant et/ou ne présentent aucun lien de causalité direct et immédiat avec une quelconque faute contractuelle de la société Alphabet France,

- Débouter, le cas échéant, toute autre partie de ses demandes dirigées à l'encontre d'Alphabet France,

En toute hypothèse,

- Condamner tout succombant à verser à la société Alphabet France la somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner tout succombant en tous les dépens.

SUR CE, LA COUR

La société Bmw France soutient qu'elle a parfaitement rempli son obligation en livrant le véhicule à la société Ch. [D] et ne saurait être tenue par le délai convenu entre cette dernière et la société Cabinet du docteur [J]. En cas de retard de livraison, la société Cabinet du docteur [J] aurait dû adresser une mise en demeure de s'exécuter dans un délai raisonnable. Le seul courrier date du 3 mai 2017, 8 mois après la livraison. L'offre de financement a été régularisée le 27 avril 2016, 3 mois après la signature du bon de commande, soit un délai raisonnable de 3 mois et demi, imputable à la société Cabinet du docteur [J]. Les demandes de dommages et intérêts ne correspondent à aucun préjudice.

La société Ch. [D] soutient que, ayant la qualité d'agent, le débiteur de l'obligation de livraison du véhicule est la société BMW France. Le délai de livraison correspond à une période de 4 mois et constitue un délai raisonnable. Il ne lui est pas imputable et elle a fait preuve de proactivité pour pallier l'inertie du Cabinet du docteur [J] en proposant un véhicule immédiatement disponible qui a été refusé. Les demandes de dommages et intérêts ne sont pas justifiées.

La société Cabinet du docteur [J] et M. [O] [J] font valoir que le délai contractuel de livraison du véhicule n'a pas été respecté, avec 125 jours de retard. M. [O] [J] a fait le nécessaire pour son financement dès le 8 février 2016. Les propositions orales du concessionnaire Ch. [D] ne comportaient pas les options commandées et augmentaient les mensualités. Le geste commercial de 1 000 euros a été refusé. M. [O] [J] a dû se débrouiller pour assurer ses déplacements, justifiant le versement d'une indemnité de 50 euros par jour de retard. La société Alphabet France Fleet Management a commis une erreur dans l'enregistrement des mentions relatives aux véhicules, à l'origine de difficultés, justifiant le versement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

La société Alphabet France Fleet Management soutient qu'il appartient à la société Cabinet du docteur [J] et à M. [O] [J] de démontrer un manquement contractuel. Elle n'est pas responsable de l'erreur sur l'adresse pour le premier certificat d'immatriculation et l'autre erreur portant sur l'adresse communiquée à la société BMW France. Elle n'installe pas les plaques d'immatriculation sur les véhicules, tâche dévolue aux concessionnaires. Il n'y pas de lien de causalité entre ces prétendues erreurs et la réception de contraventions et de convocations au commissariat de police. Les demandes de dommages et intérêts de la société Cabinet du docteur [J] et à M. [O] [J] ne correspondent à aucun préjudice qui lui serait imputable.

Ceci étant exposé,

Le bon de commande signé le 03 février 2016 entre la société Cabinet du docteur [J] et la société Ch. [D], ayant pour objet un véhicule à moteur électrique Bmw i3 170, pour un montant de 37.576,76 euros Ttc, mentionne une livraison à la date du 29 avril 2016. Le véhicule est destiné à un usage professionnel et est financé à crédit. La mention « je demande que la livraison du véhicule n'intervienne pas avant trois mois » figure à côté de la signature des parties. Le tableau annexé « vente à crédit », paraphé, confirme ce délai en ce que M. [O] [J] n'a pas rempli l'encart « demande de livraison immédiate dans le cadre d'un crédit ».

L'article 4 « livraison » des conditions générales de vente stipule que la « date de livraison est celle indiquée à la première page de la présente commande et constitue la date limite de livraison sauf prorogation en cas de force majeure d'une période « égale à la durée de cet événement » ; « toutefois, tant que le prêteur ne l'a pas avisé de l'octroi du prêt et tant que l'emprunteur peut exercer sa faculté de rétractation, l'Agence et BMW France ne sont pas tenus d'accomplir leur obligation de livraison » ; « en cas de dépassement de la date limite de livraison du véhicule le client devra enjoindre BMW France par lettre recommandée d'effectuer la livraison dans un délai raisonnable. Le client pourra résoudre la présente commande au terme de ce délai » ; « les dispositions ne sont pas applicables en cas de commande très spéciale comportant une ou plusieurs options importantes ou inhabituelles ».

A/Sur la livraison du véhicule

La société Bmw France soutient qu'elle n'est pas tenue par le délai de livraison fixé contractuellement par la société Ch. [D], qu'elle n'a jamais été destinataire d'une mise en demeure de livrer le véhicule dans un délai raisonnable, et que le cabinet du docteur [J] et monsieur [J] sont seuls responsables du prétendu retard de livraison.

D'une part, il y a lieu de relever que la société Cabinet du docteur [J] a signé le contrat de location financière du 27 avril 2016, dépourvu de date de livraison, sans émettre d'observation. Si les stipulations dérogatoires sur les délais de l'article 4 des conditions générales de vente pouvaient s'appliquer en l'état des options équipant le véhicule loué, la date de livraison du véhicule a été contractuellement fixée à partir de l'octroi du financement de la location de longue durée, concrétisé par « l'offre de location valant bon de commande et contrat de location et faisant partie intégrante du contrat » du 27 avril 2016. C'est à compter de cette date, outre un délai théorique de 14 jours, que la société Alphabet France Fleet Management a pu procéder le 6 mai 2016 à l'enregistrement de la commande auprès de la société BMW France et recevoir le 25 juillet 2016 les données d'homologation du concessionnaire pour établir le certificat d'immatriculation (pièce 9), confirmées le 29 juillet 2016 (pièce 17). Le délai final de la livraison a été indiqué par le concessionnaire, et non la société BMW France, « en fonction du transport à la première quinzaine d'août » dans un courrier du 16 juin 2016 (pièce 10).

D'autre part, la société Cabinet du docteur [J] et M. [O] [J] échouent à démontrer la responsabilité du concessionnaire pour un retard de livraison qui serait dû à une « adresse erronée » le 23 août 2016. En effet, la société Cabinet du docteur [J] et M. [O] [J] ont fourni une adresse de livraison à Epinay sur Seine les 03 février et 27 avril 2016, mais l'ont toutefois modifiée peu après de leur propre chef. Ainsi, un Kbis de la société Cabinet du docteur [J] a été fourni tardivement au concessionnaire le 2 mai 2016, alors que le courrier du 13 juin 2016 (pièce 3) mentionne une adresse à Epinay sur Seine. De fait, le véhicule a été livré le 02 septembre 2016 à une adresse distincte de celle figurant sur le bon de commande (rue du Rocher à Paris 8e au lieu d'Epinay sur Seine), le procès-verbal de réception mentionnant cette adresse de façon manuscrite (pièce 5).

Par ailleurs, la société Cabinet du docteur [J] et M. [O] [J] n'ont pas enjoint la société BMW France par lettre recommandée d'effectuer la livraison dans un délai raisonnable. Leur mise en demeure tardive, adressée le 03 mai 2017, près de 8 mois après la livraison effective du véhicule (pièce 7), est contredite par un courriel en date du 19 juin 2016 de M. [O] [J] mentionnant « on tourne la page et on oublie tout ; ma décision finale est d'attendre la voiture que j'ai commandée le 3 février dernier et d'obtenir un dédommagement de façon amiable » (pièce 11). En outre, les cocontractants, conscients de l'importance des délais, ont formulé des propositions amiables à la société Cabinet du docteur [J] : la société Ch. [D] a ainsi proposé le 16 juin 2016 un véhicule alternatif avec une mensualité plus élevée, la fourniture d'un accessoire, d'un cable de charge et d'un badge de recharge, une solution de mobilité ponctuelle (pièce 10). La société Alphabet France Fleet Management a de son côté proposé un dédommagement de 50 euros par jour de retard entre le 23 août et le 2 septembre 2016, soit la somme de 500 euros Ht.

Il en résulte que la société Cabinet du docteur [J] et M. [O] [J] ne démontrent aucunement que la responsabilité des sociétés Bmw France et Ch. [D] serait engagée sur le délai contractuel de livraison du véhicule.

Le moyen sera rejeté.

C'est en conséquence à tort que les premiers juges ont condamné la société Ch. [D] et la société Bmw France à payer la société Cabinet du docteur [J] la somme de 2.500 euros en réparation du retard de livraison augmentée des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce chef.

B/Sur l'immatriculation erronée du véhicule

La société Cabinet du docteur [J] et M. [O] [J] font valoir que la société Alphabet France Fleet Management et la société Ch. [D] ont commis une erreur dans l'enregistrement des mentions et l'immatriculation du véhicule loué.

La société Ch. [D] rejette sa responsabilité en rappelant que la société Alphabet France Fleet Management, en charge des demandes de certificat d'immatriculation, lui a fourni les mauvais numéros de chassis entraînant une inversion des cartes grises. La société Alphabet France Fleet Management allègue de son côté qu'il n'existe aucun lien de causalité entre une prétendue erreur et la réception de contraventions et qu'elle n'est pas chargée d'installer les plaques d'immatriculation.

Mais, d'une part, il n'est pas contesté que le véhicule loué à la société Cabinet du docteur [J] a été équipé d'une plaque d'immatriculation revêtue du même numéro qu'un autre véhicule, également mis en circulation par la société Ch. [D]. La société Cabinet du docteur [J] a pris connaissance fortuitement de cette erreur par la réception d'un avis de contravention pour excès de vitesse le 06 décembre 2016, outre deux autres contraventions pour stationnement irrégulier. A partir d'un dépôt de plainte effectué le 06 décembre 2016 par M. [O] [J], le ministère public saisi a indiqué une « erreur du concessionnaire » et effectué un classement sans suite.

D'autre part, le fournisseur du véhicule assume l'obligation de délivrer et de garantir la chose qu'il vend, conforme à l'usage auquel les parties l'avaient destinée et répondre aux attentes de l'acheteur. Ainsi, la fourniture d'un véhicule dont les caractéristiques figurant sur la facture et la carte grise diffèrent de celles figurant sur la plaque constructeur, ou accompagnée d'une carte grise erronée, constitue un manquement à l'obligation de délivrance. De ce point de vue, l'interlocuteur de la société Ch. [D] a reconnu les 13 et 23 décembre 2016 l'existence de cette double immatriculation fautive : « là vous subissez quelque chose que vous n'auriez pas dû subir ; je tenais moi à m'excuser personnellement ; c'est pas moi qui ai posé les plaques sur la voiture de l'autre voiture (sic), mais on a affaire à une incompétence générale qui peut assez lourde de conséquences » (pièce 21), entraînant de fait la responsabilité de la société Ch. [D] pour cette erreur fautive.

Par ailleurs, en ce qui concerne la responsabilité de la société Alphabet France Fleet Management, il y a lieu de relever qu'elle a commis deux erreurs successives, sans même justifier d'un contrôle interne de ses procédures. En tant que société habilitée à demander l'immatriculation d'un véhicule de sa flotte dans l'application gouvernementale SIV, elle a ainsi adressé deux courriels du 25 juillet 2016, signés de Mme [G] [X], à la société BMW France, intitulés respectivement « demande d'immatriculation cabinet du docteur [J] » et « demande d'immatriculation cabinet société AHN», accompagnés d'une « demande de certificat d'immatriculation d'un véhicule » et d'un « mandat donné à un tiers pour effectuer les formalités administratives » (pièces 5 et 6). La société BMW a expressément relevé une erreur sur les numéros de chassis des deux véhicules concernés à la suite de ces deux courriels, sans être démentie.

En outre, la société Alphabet France Fleet Management a été informée de cette erreur le 23 août 2016 par un courriel de la société BMW la priant d'en avertir la société Ch. [D] (« on me transmet deux cartes grises qui nous ont été retournées suite à une erreur d'immatriculation ; nous vous remercions de prendre en charge les modifications de commande », pièce 7), ce dont elle ne justifie aucunement.

Il en résulte que la société Alphabet France Fleet Management et la société Ch. [D] ont commis une erreur dans l'enregistrement des mentions et l'immatriculation du véhicule loué et que leur coresponsabilité doit être constatée. Si M. [O] [J] fait valoir un préjudice moral résultant des conséquences de cette erreur, notamment les dysfonctionnements liés aux contraventions indûment adressées et l'intervention de policiers, il ne fournit pas de justification au soutien d'une augmentation du montant alloué par les premiers juges.

C'est en conséquence à juste titre que les premiers juges ont condamné in solidum la société Ch. [D] et la société Alphabet France Fleet Management à payer à M. [O] [J] la somme de 500 euros en réparation de son préjudice moral, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce chef.

La solution du litige conduira à rejeter toutes les autres demandes, et notamment la demande d' injonction de communication sous astreinte, formulée tardivement dans la présente instance par la société Cabinet du docteur [J] et M. [O] [J].

Il y a lieu de confirmer les premiers juges en ce qu'ils ont condamné les sociétés Ch. [D] et Alphabet France Fleet Management au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Mais il se déduit de la solution du litige que les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile devant la présente cour seront toutes rejetées.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la société Ch. [D] et la société Bmw France à payer à la société Cabinet du docteur [J] la somme de 2.500 euros en réparation du retard de livraison augmentée des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;

Statuant à nouveau de ce chef,

DIT n'y avoir lieu à condamner la société Ch. [D] et la société Bmw France à payer à la société Cabinet du docteur [J] une somme en réparation du retard de livraison du véhicule loué ;

REJETTE toute autre demande ;

CONDAMNE in solidum la société Ch. [D] et la société Alphabet France Fleet Management aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

S.MOLLÉ E.LOOS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 20/16717
Date de la décision : 30/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-30;20.16717 ?
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