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30/05/2022 | FRANCE | N°18/24056

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 30 mai 2022, 18/24056


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 30 MAI 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/24056 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6XBY



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Septembre 2018 -Tribunal de Commerce de Paris RG n° j2018000420





APPELANTES



SA MARCEAU ISF 2010

Ayant son siège social 11 rue Marbeuf

75008 PARIS

° SIRET : 514 619 337

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



SA MARCEAU ISF OPTIMISATION

Ayant son siège social 11 rue Marbeuf

75008 PARIS

N° SIRET...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 30 MAI 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/24056 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6XBY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Septembre 2018 -Tribunal de Commerce de Paris RG n° j2018000420

APPELANTES

SA MARCEAU ISF 2010

Ayant son siège social 11 rue Marbeuf

75008 PARIS

N° SIRET : 514 619 337

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

SA MARCEAU ISF OPTIMISATION

Ayant son siège social 11 rue Marbeuf

75008 PARIS

N° SIRET : 510 879 471

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Anne-Laure LEBOUTEILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : G0344

Représentée par Me Nicolas MELOT de la SELEURL NM AVOCAT, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

SA SICAVONLINE

Ayant son siège social 50, Place de l'Ellipse 'Village 5" CS 50053

92985 PARIS LA DEFENSE CEDEX

N° SIRET : 423 973 494

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Pascale FLAURAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0090

Représentée par Me Christophe BOURDEL de la SCP Herald anciennement Granrut, avocat au barreau de PARIS, toque : P0014

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère

Monsieur Stanislas de CHERGÉ, Conseiller

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur [J] [O] dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Edouard LOOS, Président et par Mme sylvie MOLLÉ, Greffier à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La Sa Marceau ISF 2010 (Marceau) a pour objet la prise de participation au capital de PME.

La Sa Sicavonline a pour activités la réception et la transmission d'ordres pour le compte de tiers, le conseil en investissement, l'intermédiation en opérations de banque.

Le 22 avril 2010, la société Marceau a conclu une commission de placement avec la société Sicavonline ayant pour objet le placement de titres de capital à émettre dans le cadre d'une offre au public et donnant lieu à paiement de commissions.

Par courriers recommandés des 24 mars 2015 et 23 décembre 2016, la société Marceau a sollicité auprès de la société Sicavonline le remboursement des commissions de placement des années 2011 et 2012 pour un montant total de 27.445,48 euros. Par courrier du 19 janvier 2017, la société Sicavonline a rejeté cette demande de remboursement.

Par acte extrajudiciaire du 24 avril 2017, la société Marceau a assigné la société Sicavonline devant le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 26 septembre 2018, le tribunal de commerce de Paris a statué comme suit :

-Ordonne la jonction des dossiers RG 2017025635 et RG 2017025642,

-Dit les sociétés Marceau ISF 2010 et Marceau ISF Optimisation mal fondées en leurs demandes de remboursement par la société Sicavonnline (sic) des sommes respectivement de 27.445,48 euros et 80.434,09 euros et les déboute,

-Condamne les sociétés Marceau ISF 2010 et Marceau ISF Optimisation à payer à la société Sicavonline la somme de 3 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-Déboute les parties de leurs demandes autres. plus amples ou contraires,

-Condamne les sociétés Marceau ISF 2010 et Marceau ISF Optimisation aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquides a la somme de 100,08 euros dont 16,47 euros de Tva.

Par déclaration du 13 novembre 2018, les sociétés Marceau ISF 2010 et Marceau ISF Optimisation ont interjeté appel du jugement.

Par ordonnance sur incident en date du 24 juin 2019, le conseiller de la mise en état a déclaré caduc l'appel relevé par la société Marceau ISF Optimisation.

Par dernières conclusions signifiées le 15 mars 2021, la société Marceau ISF 2010 demande à la cour :

Vu les articles 1302 et suivants du code civil,

-Déclarer recevable et fondé l'appel interjeté par la société Marceau ISF 2010 ;

-Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 26 septembre 2018 ;

Et, statuant à nouveau,

-Dire les sommes perçues par la société Sicavonline indues ;

-Condamner la société Sicavonline à la restitution à la société Marceau ISF 2010 des sommes indûment perçues, soit 27 445,48 euros ;

-Débouter la société Sicavonline de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

-Condamner la société Sicavonline au paiement d'intérêts moratoires au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 24 mars 2015 au profit de la société Marceau ISF 2010 ;

-Condamner la société Sicavonline au paiement de la somme de 6 000 euros au profit de la société Marceau ISF 2010, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile   ;

-Condamner la société Sicavonline au paiement des entiers dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 25 février 2022, la société Sicavonline demande à la cour :

Vu les articles 1376 et suivants, 1382 et 1383 du code civil, dans leur rédaction applicable,

-Confirmer le jugement rendu le 26 septembre 2018 par le tribunal de commerce de Paris, en l'ensemble de ses dispositions ;

A titre principal,

-Débouter la société Marceau ISF 2010 de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions comme étant mal fondées ;

Subsidiairement et reconventionnellement,

-Constater que la société Marceau ISF 2010 a commise une faute constituée par sa négligence grave et manifeste ;

-Condamner la société Marceau ISF 2010 à payer à la société Sicavonline Sa la somme de 27.445,48 euros à titre de dommages et intérêts ;

-Ordonner la compensation des dettes réciproques de chacune des parties ;

En tout état de cause:

-Condamner la société Marceau ISF 2010 à verser à la société Sicavonline Sa la somme de 6.000 euros application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-La condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de maître Pascale Flauraud, conformément aux dispositions de l'article 699 du code procédure civile.

SUR CE, LA COUR

La société Marceau fait valoir que, selon l'article 1302 du code civil, aucune commission n'était due à la société Sicavonline en l'absence de bénéfices dégagés sur les exercices 2010 à 2013, selon les comptes sociaux certifiés par un commissaire aux comptes. La société Sicavonline n'a pas sollicité d'information et reconnaît ne pas avoir été en mesure de connaître le résultat annuel des sociétés du groupe Marceau. Les deux paiements au titre des commissions de placement 2011 et 2012 doivent lui être restitués. L'erreur commise par le solvens n'ouvre pas droit à réparation d'un préjudice.

La société Sicavonline soutient qu'il était légitime de procéder à l'envoi de factures à sa cocontractante, n'étant pas en mesure de connaître le résultat annuel du groupe Marceau. Il lui appartenait de s'assurer de la réalité des bénéfices avant de procéder aux virements et de prendre les précautions commandées par la prudence. Les bilans et comptes de résultats produits ne sont pas accompagnés d'une annexe comptable détaillant la perte subie et ses causes, liées en réalité à la dépréciation de ses actifs. Subsidiairement, elle fait valoir une négligence fautive à l'occasion des paiements effectués après le dépôt des comptes sociaux.

Ceci étant exposé,

Selon l'article 38 du CGI, alors applicable, « 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter,40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation.

2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) ».

La convention de placement conclue entre les sociétés Sicavonline et Marceau le 22 avril 2010 a pour objet un mandat octroyé au « prestataire » Sicavonline aux fins de placement non garanti de nouveaux titres de capital émis par la société Marceau (40 000) auprès d'actionnaires existants ou nouveaux, dans le cadre de toute offre au public qui serait réalisée avant le 15 juin 2010. Le prestataire doit ainsi réaliser une mission d'audit préalable « due diligence », le placement avec des conventions de démarchage, un livre d'ordres et les attestations légales pour les souscripteurs.

La convention de placement stipule que la rémunération du prestataire est perçue à l'issue du placement, outre une rémunération périodique annuelle prévue à l'article 8. Ce dernier stipule trois types de commission, dont une commission de placement « P' » de 1,2% Ht par an du montant des investissements en cours, versée le 20 décembre de chaque année, à compter du 1er janvier 2011, non cumulative et plafonnée annuellement aux bénéfices nets après impôts de la société Marceau.

La société Marceau demande le reversement des commissions payées au titre des exercices 2011 et 2012 en l'absence de bénéfices nets après impôts dégagés sur ces deux exercices.

D'une part, il n'est pas contesté que deux factures de 13 722 euros chacune ont été adressées à la société Marceau en octobre 2012 et en septembre 2013 par la société Sicavonline au titre des commissions de placement 2011 et 2012. Ces deux factures ont été réglées par la société Marceau les 6 décembre 2012 et 10 octobre 2013, toutefois en avance sur le délai contractuel qui prévoit un versement à la société Sicavonline le 20 décembre de chaque année.

D'autre part, la société Sicavonline ne justifie pas avoir respecté les stipulations contractuelles consistant à plafonner le montant annuel de la commission de placement « P' ». S'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention, la société Sicavonline n'a pas produit les deux factures litigieuses parmi les 11 pièces de son dossier. La seule facture produite par l'appelante, en date du 12 septembre 2013, mentionne un montant de 13 722,74 euros Ttc (pièce 14). Adressée par la société Sicavonline, sa rubrique « désignation » précise : « Marceau 2010 COM PLCT 2012 commission de placement 2012 (1 166 900,00 euros*98 %*1,20%). L'autre facture, non versée aux débats, sera considérée comme étant similaire, en l'absence d'opposition des parties. De fait, ces deux factures, ne prévoyant pas le plafonnement contractuel, sont susceptibles de modification, par exemple par la création d'un avoir et l'envoi d'une refacturation.

Par ailleurs, si le compte de résultat des exercices 2011 et 2012 de la société Marceau mentionne respectivement un résultat net après impôts « perte » de -5 339 euros et -33 730 euros, pour une société créée en 2009, la société Sicavonline ne justifie aucunement de ses critiques à l'égard des justifications produites par l'appelante.

La société Sicavonline invoque ainsi l'absence d'annexe aux comptes sociaux de la société Marceau, la dépréciation d'actifs, l'absence « douteuse de provision pour dépréciation de titres » ou la valorisation de biens immobilisés. Mais cette interprétation est totalement absente des stipulations de la convention qu'elle a librement conclue le 22 avril 2010. De plus, il doit être relevé que le résultat net comptable (poste GW du compte de résultat), augmenté du résultat exceptionnel (poste HI) et minoré de l'impôt sur les bénéfices (poste HK), est un indicateur financier qui peut être en apparente contradiction avec la santé de l'entreprise. Les opérations exceptionnelles peuvent former un résultat net positif, alors que le résultat d'exploitation est déficitaire. A l'inverse, une charge exceptionnelle peut, en raison d'un investissement important, former un déficit. La société Sicavonline ne fournit également aucune explication sur l'absence de facturation pour les exercices 2010 et 2013, s'étant appropriée de fait les données comptables de son cocontractant qui indiquaient un résultat net après impôts « perte » de -100 510 euros et -362 003 euros (pièce 6).

Enfin, la société Sicavonline est malfondée à invoquer le manque de prudence de son cocontractant qui a, de bonne foi, exécuté les stipulations du contrat et justifié du caractère erroné de leur application.

Il en résulte que les deux paiements effectués au titre des commissions de placement 2011 et 2012 doivent être restitués à la société Marceau.

C'est en conséquence à tort que les premiers juges ont dit la société Marceau mal fondée en sa demande de remboursement par la société Sicavonline de la somme de 27.445,48 euros et l'ont déboutée.

La société Sicavonline doit être condamnée à payer à la société Marceau la somme de 27.445,48 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 24 mars 2015.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce chef.

La solution du litige conduira à rejeter toutes les autres demandes, et notamment les demandes subsidiaires et reconventionnelles de la société Sicavonline.

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement déféré ;

Statuant à nouveau dans les limites de l'appel,

CONDAMNE la société Sicavonline à payer à la société Marceau ISF 2010 la somme de 27.445,48 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 24 mars 2015 ;

REJETTE toute autre demande ;

CONDAMNE la société Sicavonline à payer à la société Marceau ISF 2010 la somme de 3 500 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Sicavonline aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

S.MOLLÉ E.LOOS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 18/24056
Date de la décision : 30/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-30;18.24056 ?
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