RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 27 Mai 2022
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/03725 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7SG2
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Mars 2019 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY RG n° 17/00407
APPELANTE
Société CARREFOUR HYPERMARCHES
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Camille-Frédéric PRADEL, avocat au barreau d'ANGERS substituée par Me Rachid ABDERREZAK, avocat au barreau de PARIS, toque : D0107
INTIMEE
CPAM 91
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Camille MACHELE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Mars 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Pascal PEDRON, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Pascal PEDRON, Président de chambre
Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller
Monsieur Lionel LAFON, Conseiller
Greffier : Madame Joanna FABBY, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par devant Monsieur Pascal PEDRON, Président de chambre et par Madame Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par la société Carrefour Hypermarchés (la société) d'un jugement rendu le 19 mars 2019 par le tribunal de grande instance d'Evry dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne (la caisse).
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que la caisse a le 24 novembre 2016 pris en charge d'emblée au titre de la législation professionnelle l'accident concernant Mme [Y] [F], salariée de la société en qualité d'équipière de vente, déclaré le 24 octobre 2016 par l'employeur qui indique avoir émis des réserves ; que la société, après vaine contestation en inopposabilité devant la commission de recours amiable, a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry.
Par jugement avant dire droit du 19 juin 2018, le tribunal a :
- ordonné une expertise médicale judiciaire sur pièces.
- désigné le Dr [O] pour y procéder, avec pour mission d'indiquer la durée des arrêts de travail de Mme [F] imputables à l'accident du travail du 24 octobre 2016.
L'expert a procédé à sa mission et a déposé son rapport le 29 octobre 2018.
Par jugement du 19 mars 2019, le tribunal de grande instance d'Evry auquel le dossier avait été transféré a :
- déclaré la société recevable en son recours mais mal fondée.
- entériné le rapport d'expertise du Dr [O].
- débouté la société de l'ensemble de ses demandes formulées au titre de la prise en charge dans le cadre de la législation professionnelle, de l'accident du travail de Mme [F] survenu le 24 octobre 2016 et des arrêts de travail et des soins subséquents jusqu'à la date du 09 décembre 2017.
- condamné la société aux dépens.
La société a interjeté appel de ce jugement le 26 mars 2019.
Par ses conclusions écrites déposées à l'audience par son avocat qui s'y est oralement référé, la société demande à la cour, par voie de réformation du jugement déféré, de lui déclarer inopposable la décision de prise en charge de l'accident déclaré ainsi que l'ensemble de ses conséquences et de débouter la caisse de sa demande de condamnation au paiement de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, faisant valoir en substance que :
- ses réserves sont motivées en ce qu'elle portent sur la réalité du caractère professionnel de l'accident et sont circonstanciées.
- son courrier de réserves qui est annoncé dans la déclaration d'accident du travail a bien été envoyé à la caisse.
-la caisse n'a pas respecté son obligation de diligenter une instruction en présence de réserves motivées.
- il ne peut lui être reproché son absence de réponse au mail du 01er février 2018 demandant la production de la lettre de réserves car la décision de prise en charge est intervenue le 24 novembre 2016.
Par ses conclusions écrites déposées à l'audience par son avocat qui s'y est oralement référé, la caisse demande à la cour de déclarer la société mal fondée en son appel, de confirmer le jugement déféré et de condamner la société à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, faisant valoir en substance que :
- en l'absence de réception par elle-même d'une lettre de réserves, elle n'était pas tenue d'adresser de questionnaires aux parties.
- elle apporte la preuve d'une continuité des arrêts de travail et des soins prescrits sans interruption.
- le Dr [O] désigné par le tribunal a indiqué après expertise que l'arrêt était justifié jusqu'au 09 décembre 2017, date de consolidation.
- aucun état pathologique antérieur ou indépendant n'est clairement identifié.
SUR CE, LA COUR
Sur les réserves
L'article R.441-11 du Code de sécurité sociale applicable dispose qu' « en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés (...) ».
Les réserves visées par ce texte s'entendent de la contestation du caractère professionnel de l'accident par l'employeur, et doivent porter sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail. Elles doivent apporter des éléments ou indices de nature à mettre en doute la réalité de l'accident survenu et l'imputabilité des lésions au travail.
En l'espèce, la société indique avoir établi et adressé à la caisse le 24 octobre 2016 une lettre de réserves avec la déclaration d'accident du travail, par télétransmission avec le service dématérialisé Net-entreprise.
La société fait valoir que la déclaration d'accident du travail, dans l'encadré dédié aux réserves, mentionne : « Oui. Voir courrier envoyé avec la DAT via net entreprise » (pièce n°01 de la société) et produit une lettre de réserves (sa pièce n°14), laquelle ne comporte cependant aucun élément permettant de déterminer son envoi dématérialisé ou autre, à la caisse.
Elle ne produit aucune pièce émanant de [4], aucun accusé de dépôt, aucune preuve d'une pièce jointe accompagnant la déclaration d'accident du travail ou tout autre élément permettant de démontrer la télétransmission d'une lettre de réserves.
De surcroit, la caisse qui indique ne pas avoir reçu de lettre de réserves produit les impressions écran de son logiciel Orphée démontrant l'absence de pièce jointe reçue avec la déclaration d'accident du travail (pièce n°10 de la caisse).
Elle verse également un mail du 01er février 2018 resté sans réponse, dans lequel elle demande à l'avocat de l'employeur la communication d'une copie de la lettre de réserves (sa pièce n°08), confirmant l'absence de réception de réserves.
Dans ces conditions, la société ne rapporte pas la preuve de l'envoi à l'organisme de la lettre de réserves dont elle se prévaut, étant précisé que la simple mention à la déclaration d'accident du travail de l'envoi d'un courrier de réserves est insuffisante à y pourvoir. Par ailleurs, la caisse qui n'a pas reçu de lettre de réserves, n'était nullement tenue, même en présence d'une déclaration d'accident du travail mentionnant dans l'encadré dédié aux réserves, : « Oui. Voir courrier envoyé avec la DAT via net entreprise », de s'assurer plus avant de la réalité d'une transmission effective par la société d'une telle lettre de réserves, étant ajouté qu'une telle mention « Oui. Voir courrier envoyé avec la DAT via net entreprise » ne constitue pas une réserve motivée au sens de l'article R.441-11 susvisé.
C'est donc à bon droit que la caisse a considéré qu'en l'absence de lettre de réserves, elle n'était pas tenue d'adresser un questionnaire à l'employeur ni de procéder à une enquête, et a pris en charge d'emblée l'accident au titre de la législation professionnelle.
Le moyen d'inopposabilité tiré de ce chef ne saurait donc utilement prospérer.
Sur la prise en charge de l'ensemble des arrêts de travail consécutifs à l'accident
La société, à hauteur d'appel, ne conteste plus la durée des soins et arrêts de travail.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.
La société sera condamnée à payer une somme de 1 000 euros à la caisse au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
DECLARE l'appel recevable.
CONFIRME le jugement déféré.
CONDAMNE la société Carrefour Hypermarchés à payer la somme de 1 000 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne au titre des frais irrépétibles.
CONDAMNE la société Carrefour Hypermarchés aux dépens d'appel.
La greffièreLe président