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25/05/2022 | FRANCE | N°21/21918

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 25 mai 2022, 21/21918


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3



ARRET DU 25 MAI 2022



(n° , 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/21918 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CE23Z



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 08 Novembre 2021 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2021013470





APPELANTE



S.A.S.U. GLENGRANT INVESTMENTS prise en la personne de son

représentant légal ayant son siège social

[Adresse 5]

[Localité 4]



Représentée par Me Arié ALIMI de la SELARLU Arié ALIMI Avocat, avocat au barreau de PARIS, toque : E1899

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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3

ARRET DU 25 MAI 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/21918 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CE23Z

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 08 Novembre 2021 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2021013470

APPELANTE

S.A.S.U. GLENGRANT INVESTMENTS prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Arié ALIMI de la SELARLU Arié ALIMI Avocat, avocat au barreau de PARIS, toque : E1899

Ayant pour avocat plaidant Me Yelena CENARD, avocat au barreau de PARIS

INTIME

M. [B] [V] [X] [I] [T]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Me Sophie PRADEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C1898

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Avril 2022, en audience publique, rapport ayant été fait par M. Jean-Christophe CHAZALETTE, Président de chambre, conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Patrick BIROLLEAU, Premier Président de chambre

Jean-Christophe CHAZALETTE, Président de chambre

Edmée BONGRAND, Conseillère

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Meggy RIBEIRO

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Patrick BIROLLEAU, Premier Président de chambre, et par Saveria MAUREL, Greffier, présente lors de la mise à disposition.

***

Par acte sous seing privé du 17 novembre 2017, la société Glengrant Investments et M. [T], agent immobilier, ont créé une société en participation dénommée Cartier Bresson, ayant pour objet de réaliser une opération immobilière de commercialisation d'un appartement situé [Adresse 3] à [Localité 7] (93). La société Glengrant Investments a acquis le bien par acte authentique du 23 novembre 2017 moyennant le prix de 82.000 euros.

Par ordonnance du 29 octobre 2020, prise à la requête de M. [T], le président du tribunal de commerce de Paris a autorisé le requérant à constituer, à titre conservatoire, une sûreté judiciaire sur le bien situé [Adresse 3] à [Localité 7] (93) en garantie de la somme de 40.000,00 euros à laquelle était évaluée provisoirement la créance de M. [T].

M. [T] a fait inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur l'appartement situé 70 rue Cartier Bresson à [Localité 7] (93) le 12 novembre 2020. L'inscription a été dénoncée à la société Glengrant Investments par acte d'huissier du 17 novembre 2020.

Par acte d'huissier en date du 22 mars 2021, la société Glengrant Investments a fait assigner M. [T] en mainlevée de l'inscription d'hypothèque judiciaire conservatoire.

Par ordonnance du 8 novembre 2021, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a :

- dit l'assignation en référé rétractation de la société Glengrant Investments recevable,

- dit que l'ordonnance du 29 octobre 2020 est conforme aux articles L. 511-1, L. 511-3, L. 521-1 du code de procédure civile et débouté la société Glengrant Investments de sa demande de rétractation de l'ordonnance du 29 octobre 2020 et de la mainlevée de l'hypothèque judiciaire pratiquée à titre conservatoire ;

- dit être incompétent sur la demande du préjudice allégué par la société Glengrant Investments ;

- condamné la société Glengrant Investments à payer la somme de 2 500 euros à M. [T] en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Glengrant Investments aux dépens.

Par déclaration du 13 décembre 2021, la société Glengrant Investments a interjeté appel de cette décision en critiquant l'ensemble de ses chefs de dispositif.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 30 mars 2022 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, elle demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;

- infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

À titre principal,

- ordonner la mainlevée de l'inscription d'hypothèque judiciaire pratiquée à titre conservatoire par M. [T] car les conditions de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution ne sont pas réunies ;

Subsidiairement,

- ordonner la mainlevée immédiate de l'inscription d'hypothèque judiciaire pratiquée à titre conservatoire par M. [T] car elle est manifestement disproportionnée ;

Très subsidiairement,

- réduire l'hypothèque judiciaire provisoire à un montant de 3 500,00 euros ;

En tout état de cause,

- rétracter l'ordonnance du 29 octobre 2020 ;

- condamner M. [T] à procéder à toutes les formalités nécessaires à la mainlevée de l'inscription d'hypothèque sous astreinte de 500,00 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance (sic) ;

- condamner M. [T] à lui verser la somme de 20 000,00 euros en réparation du préjudice causé par la mesure conservatoire pratiquée à son encontre ;

- condamner M. [T] à lui verser la somme de 5 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [T] aux entiers dépens de première instance et de la procédure d'appel.

M. [T], aux termes de ses dernières conclusions en date du 23 mars 2022 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

- débouter la société Glengrant Investments de sa demande en paiement de dommages et intérêts ;

- condamner la société Glengrant Investments à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 mars 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

SUR CE,

Sur la demande de mainlevée de l'hypothèque provisoire

En vertu de l'article L. 511-1 du code des procédures d'exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.

L'article 4 des statuts de la société en participation Cartier Bresson, dénommé « apports » est ainsi libellé :

« La société en participation ne jouissant pas de la personnalité morale, les apports de chacun des associés se répartissent de la sorte pour la mise en commun :

M. [T] pour permettre la réalisation de l'objet social apporte l'immeuble décrit ci-dessus et assurera le suivi et le développement de l'opération.

La société Glengrant Investments pour son rôle essentiel et déterminant dans l'apport financier de cette opération immobilière, et acquerra les biens et droits immobiliers.

Des apports en fonds propres pourront être décidés par les associés. Il a été convenu que la société Glengrant Investments apporte 100 % des fonds propres qui seront restitués suite à la réalisation de l'opération convenu dans l'objet. ».

En vertu des alinéas 5 et 6 des statuts de la société en participation Cartier Bresson, dans l'hypothèse où l'un des associés ne réaliserait pas son apport tel que prévu dans l'article 4, l'autre associé lui adressera une mise en demeure lui enjoignant d'y procéder dans un délai de 10 jours. Dans le cas où cette mise en demeure resterait sans effet, la société en participation serait alors de plein droit annulée.

En l'espèce, il est démontré que, par lettre recommandée avec avis de réception du 17 janvier 2019, l'avocat de la société Glengrant Investments a mis en demeure M. [T] de justifier de son apport en nature au titre du suivi des travaux (devis, contrats passés, achèvements des travaux etc.) dans un délai de 10 jours, faute de quoi la société en participation serait annulée de plein droit par application de l'article 12 de ses statuts (pièce 6 Glengrant Investments). L'appelante produit également la même mise en demeure adressée par lettre recommandée avec avis de réception du 4 mars 2019 à l'adresse professionnelle de M. [T], au siège de la société Coupdec'ur immobilier dont il est le gérant, le 4 mars 2019 (pièce 7 Glengrant Investments). Elle produit enfin la même mise en demeure signifiée par voie d'huissier à M. [T] le 10 mai 2019 (pièce 8 Glengrant Investments).

Pour justifier disposer d'une créance fondée en son principe à l'égard de la société Glengrant Investments, M. [T] fait valoir qu'il était prévu une répartition des résultats de 50 % chacun et que M. [C], gérant de la société Glengrant Investments lui avait adressé deux courriels en novembre 2018 confirmant la fin des travaux de rénovation et la mise en vente programmée du bien. Ce moyen manque en droit et en fait et sera rejeté : en effet, l'article 10 des statuts conditionne la détermination des résultats à la vente effective de l'immeuble et à l'imputation des charges sur le produit de la vente ; or, en l'espèce, les parties ne contestent pas qu'au jour où la cour statue l'immeuble n'a pas été vendu ; en outre les deux courriels de novembre 2018 n'établissent pas de manière péremptoire que les travaux étaient achevés et l'immeuble mis en vente.

M. [T] soutient ensuite que la lettre de mise en demeure adressée par la société Glengrant Investments le 17 janvier 2019 a été envoyée 15 mois après l'acquisition de l'appartement, et 3 mois après la fin des travaux de rénovation de l'appartement. M. [T] souligne que l'appartement était alors occupé illégalement, puisque l'expulsion n'a pu être obtenue que par ordonnance du 7 mai 2019. Il en déduit qu'il s'agissait d'une mise en demeure de circonstance puisque ce qui était prévu dans les statuts de la société en participation avait déjà été réalisé. Ce moyen est dépourvu de pertinence pour établir que l'intimé disposait d'une créance dans son principe, outre qu'il affirme de manière inexacte que l'objet de la société était réalisé, puisqu'il n'explique pas pour quelle raison M. [T] n'a pas répondu à la mise en demeure de justifier de la réalisation de son apport en industrie, celui-ci permettant seul de valider sa qualité d'associé et sa vocation au partage des bénéfices.

M. [T] affirme enfin qu'il a réalisé son apport en industrie dès lors qu'il a apporté le bien, contacté l'entrepreneur pour les travaux, fait acheter tout le matériel, et les travaux étaient terminés depuis plusieurs mois. Il explique en effet qu'il a choisi l'ouvrier en charge des travaux que la société Glengrant Investments ne connaissait pas, qu'il a accompagné l'ouvrier dans tous les magasins d'achat de matériaux et qu'il a suivi la réalisation du chantier sur place.

Il souligne que toutes les factures de matériaux produites par l'appelante datent de 2018 et ont été établies au nom de l'entrepreneur qui les a ensuite transmises à la société Glengrant Investments qui devait les prendre en charge conformément aux statuts de la société en participation. Ce moyen sera rejeté dès lors qu'il appartenait à M. [T] de justifier qu'il avait réalisé son apport en industrie à la suite de la mise en demeure qui a été renouvelée à trois reprises ; au demeurant, l'attestation de l'ouvrier chargé des travaux (M. [R], pièce 31 Glengrant Investments) permet de vérifier que l'essentiel du chantier jusqu'à son achèvement a été suivi uniquement par M. [C], gérant de la société Glengrant Investments.

En définitive, dès lors qu'il apparaît plausible que la société en participation Cartier Bresson a été annulée par application de l'article 12 de ses statuts et alors qu'en tout état de cause, M. [T] ne démontre pas que la société en participation Cartier Bresson était en mesure de procéder à la détermination des résultats conformément à l'article 10 de ses statuts en l'absence de vente effective de l'immeuble et de détermination des charges à imputer, il y a lieu de constater que M. [T] ne justifie pas disposer d'une créance fondée en son principe à l'égard de la société Glengrant Investments. Dans ces conditions, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner l'existence de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance, il conviendra d'infirmer l'ordonnance entreprise et, rétractant l'ordonnance sur requête du 29 octobre 2020, de donner mainlevée de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire litigieuse.

La société Glengrant Investments peut séquestrer la somme de 3 500 euros à la Caisse des dépôts et consignations sans avoir besoin de l'autorisation de la cour. Cette demande, qui est formulée comme une demande de donner acte, répond à une démarche unilatérale qui ne constitue pas une prétention et sur laquelle la cour n'a pas besoin de statuer.

Sur les autres demandes

Il n'est pas nécessaire de condamner M. [T] à procéder aux formalités de mainlevée sous astreinte compte tenu du caractère exécutoire du présent arrêt. Il suffira en effet à la société Glengrant de requérir la radiation de l'inscription auprès du service chargé de la publicité foncière conformément aux articles 2435 et suivants du code civil.

Si, en vertu du 2e alinéa de l'article L. 512-2 du code des procédures civiles d'exécution, lorsque la mainlevée a été ordonnée par le juge, le créancier peut être condamné à réparer le préjudice causé par la mesure conservatoire, il demeure qu'en l'espèce la société Glengrant Investments se borne à affirmer l'existence d'un préjudice causé par la sûreté provisoire, sans en démontrer la consistance. La demande sera rejetée.

L'ordonnance sera également infirmée quant à la charge des dépens et de l'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. M. [T], qui succombe et sera tenu aux entiers dépens, sera tenu d'une somme de 3 500 euros que le fondement de l'article 700 précité.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Rétracte l'ordonnance sur requête rendue le 29 octobre 2020 par le président du tribunal de commerce de Paris ;

Prononce la mainlevée de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire prise sur le lot de copropriété n° 15 de l'immeuble situé à [Localité 7] (93) au [Adresse 3], cadastré section K n° [Cadastre 1], enregistrée le 12 novembre 2020 sous le numéro 2020 V 4394 et, en tant que de besoin, ordonne la radiation de ladite inscription ;

Déboute les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires ;

Condamne M. [T] à payer à la société Glengrant Investments une somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [T] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 21/21918
Date de la décision : 25/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-25;21.21918 ?
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