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25/05/2022 | FRANCE | N°21/205977

France | France, Cour d'appel de Paris, B1, 25 mai 2022, 21/205977


Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 25 MAI 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général
No RG 21/20597 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEXEA

Décision déférée à la cour
jugement du 04 novembre 2021-juge de l'exécution de Paris-RG no 21/81466

APPELANT

Monsieur [Z] [M]
[Adresse 2]
[Localité 3]

Représenté par Me Anne -Charlotte MALLET, avocat au barreau de PARIS, toque : G0603r>
INTIMÉE

Madame [J], [O], [K] [S] veuve [C]
[Adresse 1]
[Localité 3]

Représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT, avocat au ba...

Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 25 MAI 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général
No RG 21/20597 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEXEA

Décision déférée à la cour
jugement du 04 novembre 2021-juge de l'exécution de Paris-RG no 21/81466

APPELANT

Monsieur [Z] [M]
[Adresse 2]
[Localité 3]

Représenté par Me Anne -Charlotte MALLET, avocat au barreau de PARIS, toque : G0603

INTIMÉE

Madame [J], [O], [K] [S] veuve [C]
[Adresse 1]
[Localité 3]

Représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050
Plaidant par Me Marie-Sophie CHAPUIS DAZIN, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Bénédicte PRUVOST, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier, présent lors de la mise à disposition.

Par contrat du 31 mars 2011, Mme [K] [S] veuve [C] a donné bail à M. [Z] [M] un local à usage d'habitation sis [Adresse 2].

Par jugement 18 janvier 2021, le juge du contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a constaté la résiliation du bail du fait d'un congé à effet du 1er avril 2020, ordonné l'expulsion de M. [M] et condamné ce dernier à verser à Mme [C] une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer majoré des charges et accessoires qui auraient été dus si le bail n'avait pas été résilié (indexation annuelle incluse), ce à compter du 1er avril 2020 et jusqu'au départ effectif des lieux et remise des clés.

Un commandement de quitter les lieux lui a été délivré le 3 mai 2021.

Le 20 juillet 2021, M. [M] a assigné Mme [C] devant le juge de l'exécution, sollicitant un délai de 36 mois pour quitter les lieux.

Par jugement du 4 novembre 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris a :
– rejeté la demande de sursis à expulsion,
– condamné M. [M] à payer à Mme [S] veuve [C] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [M] aux dépens.

Pour statuer ainsi, le juge a retenu que M. [M] ne justifiait d'aucune démarche en vue de son relogement et ne produisait aucune pièce relative à sa situation financière ; que M. [M] avait bénéficié d'un délai de fait d'un an et demi, le bail ayant été résilié avec effet au 1er avril 2020.

Par déclaration du 25 novembre 2021, M. [M] a fait appel de ce jugement.

Par conclusions du 25 mars 2022, il demande à la cour de :
– déclarer sa demande recevable et bien fondée,
en conséquence,
– infirmer le jugement entrepris,
– lui accorder un délai de grâce de 36 mois pour quitter les lieux,
– débouter Mme [C] de l'intégralité de ses demandes.

Rappelant qu'il a fait appel du jugement du 18 janvier 2021 prononçant son expulsion, il soutient que :
– si, retenu par ses obligations professionnelles, il n'avait pas pu, en première instance, justifier de démarches en vue de son relogement, il justifie désormais de diligences pour trouver à se reloger dans le parc privé et dans le parc locatif social,
– il est à jour du règlement des indemnités d'occupation courantes depuis plus de trois ans et aucun manquement aux clauses du bail ne peut lui être reproché ; il est âgé de 46 ans ; il est soumis à un traitement médicamenteux quotidien,
– il rencontre des difficultés pour se reloger en tant qu'intermittent du spectacle,
– il a un fils sans emploi, âgé de 20 ans, qui réside la majorité du temps chez lui,
– l'intimée est propriétaire de l'ensemble de l'immeuble sis [Adresse 2].

Par conclusions du 25 mars 2022, Mme [K] [S] veuve [C] demande à la cour de :
– débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes,
– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
– condamner M. [M] à lui payer la somme de 2500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [M] en tous les dépens d'appel dont distraction au profit de Maître [E] [U] selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :
– le jugement d'expulsion a été rendu le 18 janvier 2021, soit plus de neuf mois avant le début du tournage de l'appelant, de sorte que celui-ci avait le temps d'effectuer des démarches en vue de son relogement,
– l'appelant ne justifie d'aucune démarche de recherche effective dans les parcs privé et social et ne démontre pas son impossibilité à pouvoir se reloger,
– selon son bulletin de santé produit aux débats, M. [M] est en très bonne santé,
– par le passé, l'appelant n'a pas toujours réglé ses loyers régulièrement contrairement à ce qu'il affirme,
– M. [M] a bénéficié d'un délai de fait de deux ans pour quitter les lieux et il ressort du procès-verbal d'huissier du 5 octobre 2020 qu'il ne veut pas restituer le logement.

MOTIFS

Aux termes de l'article L. 412-3 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution peut accorder des délais aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales. L'article L. 412-4 du même code précise que la durée des délais prévus à l'article L. 412-3 ne peut être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans.

Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.

Il appartient donc au juge de respecter un juste équilibre entre deux revendications contraires en veillant à ce que l'atteinte au droit du propriétaire soit proportionnée et justifiée par la sauvegarde des droits du locataire, dès lors que ces derniers apparaissent légitimes.

En ce qui concerne la situation de M. [M], celui-ci, âgé de 46 ans, intermittent du spectacle, justifie de l'intégralité de ses récents contrats de travail, de ses revenus sur les trois dernières années à hauteur de 27.993 euros pour l'année 2018, 20.909 euros pour l'année 2019 et 50.485 euros pour l'année 2020, de sorte que, même s'il assume l'hébergement de son fils âgé de 20 ans « à 98% du temps », ainsi qu'il ressort de l'attestation de la mère de ce dernier, Mme [B] [A], la demande de logement social qu'il a déposée le 9 janvier 2022 a peu de chances d'aboutir. Or il est indéniable que, ainsi qu'en attestent de manière concordante et circonstanciée, MM. [V] [F] et [I] [T], le statut d'intermittent du spectacle de M. [M] ne favorise guère l'aboutissement de ses recherches de logement dans le parc privé, recherches dont il justifie par la production d'un mandat de recherches signé le 16 février 2021, confié à la société IAD France, complétée par des exemples de recherches sur le site internet seloger.com.
Par ailleurs, M. [M] justifie, par la production d'un compte-rendu d'hospitalisation du 20 janvier 2021 et d'un certificat médical du Dr. [L] en date du 18 mars 2022, être affecté d'une insuffisance cardiaque lourde et évolutive.

Pour sa part, Mme [C] ne produit pas de justifications de sa situation personnelle, si ce n'est qu'elle est veuve et âgée de 96 ans. L'appelant indique, sans être contredit, que l'intimée est propriétaire de l'ensemble de l'immeuble sis [Adresse 2], immeuble comportant notamment un local commercial exploité sous l'enseigne Intermarché.

En ce qui concerne la bonne volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, il n'est pas contesté que, depuis trois ans, M. [M] a réglé régulièrement le loyer, puis l'indemnité d'occupation mise à sa charge par le jugement du 18 janvier 2021. Il ressort en outre de l'examen des jugements rendus par le tribunal d'instance de Paris 9ème en date des 14 octobre 2013, 1er juillet 2015, 29 janvier 2019 et 25 février 2020, que M. [M] n'a jamais accusé un arriéré locatif très élevé (entre un et trois termes de loyer). Il en résulte que la dette locative, inexistante à ce jour, ne s'accroît pas.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la cour accorde à M. [M] un délai de 18 mois pour libérer les lieux à compter du prononcé de la présente décision, sous réserve du paiement des indemnités d'occupation courantes, telles que fixées par le jugement du 18 janvier 2021.

Sur les autres demandes :

L'équité et les situations économiques respectives des parties ne justifient pas de prononcer de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ni en première instance ni à hauteur d'appel.

Les dépens d'appel seront mis à la charge de la partie intimée, partie perdante principalement.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau,

Accorde à M. [Z] [M] un délai de dix-huit mois à compter du prononcé du présent arrêt pour libérer les lieux situés [Adresse 2] ;

Dit qu'à défaut de paiement d'une seule indemnité d'occupation, M. [Z] [M] perdra le bénéfice du délai accordé et que Mme [C] pourra reprendre la mesure d'expulsion,

Condamne Mme [K] [S] veuve [C] aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Dit n'y avoir lieu à condamnation en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ni en première instance, ni à hauteur d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 21/205977
Date de la décision : 25/05/2022
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-05-25;21.205977 ?
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