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25/05/2022 | FRANCE | N°21/19152

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 25 mai 2022, 21/19152


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 25 MAI 2022



(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/19152 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CETIM



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 22 Octobre 2021 -Président du TJ de Melun - RG n° 21/00569





APPELANTE



S.C.I. DU GATINAIS, agissant poursuites et diligences en la personne de ses

représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



[Adresse 10]

[Localité 15]



Représentée et assistée par Me Paola LUGNANI de la SCP GUIEN LUGNANI & ASSOCI...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 25 MAI 2022

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/19152 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CETIM

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 22 Octobre 2021 -Président du TJ de Melun - RG n° 21/00569

APPELANTE

S.C.I. DU GATINAIS, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 10]

[Localité 15]

Représentée et assistée par Me Paola LUGNANI de la SCP GUIEN LUGNANI & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0488

INTIMES

M. [I] [F]

[Adresse 4]

[Localité 16]

Mme [L] [H] épouse [F]

[Adresse 4]

[Localité 16]

Représentés et assistés par Me Laurence LAUVERGNAT de la SELARL COLIN-LAUVERGNAT, avocat au barreau de MELUN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 avril 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Soutenant que des travaux de construction d'un bâtiment industriel sont en cours sur une des trois parcelles section AD n°[Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 7] situées [Adresse 12] (77) appartenant à la société du Gatinais, voisines de la parcelle dont ils sont propriétaires, cadastrée section AD n°[Cadastre 11] et située [Adresse 9], M. et Mme [F] ont, par acte du 13 octobre 2021 et après avoir été autorisés à assigner d'heure à heure, fait assigner la SCI du Gatinais devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Melun aux fins de voir :

- désigner un expert ;

- ordonner la cessation immédiate des travaux en cours de réalisation et ce au vu de la seule minute de l'ordonnance à venir ;

- interdire à la SCI du Gatinais de faire réaliser nuls autres travaux sous astreinte de 500 euros par jour retard ;

- se réserver la liquidation de l'astreinte ;

- condamner la société du Gatinais à leur payer une somme de 9.000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de leurs préjudices, ainsi que celle de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens qui comprendront notamment le coût des différents constats d'huissier réalisés.

La SCI du Gatinais n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter.

Par ordonnance réputée contradictoire du 22 octobre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Melun, a :

- ordonné une expertise aux frais avancés des demandeurs ;

- commis pour y procéder Me [G] [M], avec pour mission de :

' se rendre sur les lieux et y pénétrer au besoin avec le concours de la force publique,

' procéder aux constatations des travaux réalisés,

' se prononcer sur leur nature et sur l'empiétement sur le fonds de M. et Mme [F], soit des fondations du bâtiment, soit de tout autre ouvrage,

' dresser un pré-rapport relatant les constatations effectuées et les causes des dommages,

' fournir, dans son rapport définitif, tous éléments techniques ou de fait de nature à permettre à la juridiction du fond, éventuellement saisie, de se prononcer sur les responsabilité encourues et les préjudices subis,

- ordonné à la société du Gatinais de cesser immédiatement tous travaux en cours et futurs de réalisation sur les parcelles section AD n°[Cadastre 5],[Cadastre 6] et [Cadastre 7] situées [Adresse 13] et ce au vu de la minute de la présente ordonnance, dans l'attente du dépôt d'un pré-rapport par l'expert ;

- débouté M. et Mme [F] de leur demande d'astreinte et de provision ;

- rappelé que la présente décision est exécutoire par provision ;

- condamné la société du Gatinais à payer à M. et Mme [F] la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- laissé les dépens de la présente procédure provisoirement à la charge de M. et Mme [F].

Par déclaration du 3 novembre 2021, la société du Gatinais a relevé appel de cette décision en ce qu'elle a:

- ordonné à la société du Gatinais de cesser immédiatement tous travaux en cours et futurs de réalisation sur les parcelles section AD n°[Cadastre 5],[Cadastre 6] et [Cadastre 7] situées [Adresse 13] et ce au vu de la minute de la présente ordonnance, dans l'attente du dépôt d'un pré-rapport par l'expert ;

- condamné la société du Gatinais à payer à M. et Mme [F] la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 4 février 2022, la société du Gatinais demande à la cour, de :

A titre principal :

- annuler l'ordonnance du président du tribunal judiciaire de Melun du 12 octobre 2021 d'autorisation à assigner d'heure à heure ainsi que l'ordonnance de référé de la présidente du tribunal judiciaire de Melun du 22 octobre 2021 qui en a suivi, en raison de la violation des articles 485 et 486 du code de procédure civile, des droits de la défense, du principe du contradictoire et du droit à un procès-équitable ;

A titre subsidiaire :

- infirmer l'ordonnance de référé de la présidente du tribunal judiciaire de Melun du 22 octobre 2021 en ce qu'elle a ordonné la cessation immédiate de tous travaux en cours et futurs de réalisation sur les parcelles section AD n°[Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 7] situées [Adresse 13], au vu de la minute de l'ordonnance, dans l'attente d'un pré-rapport par l'expert ;

- statuer ce que de droit sur la mesure d'expertise judiciaire prescrite par l'ordonnance de référé de la présidente du tribunal judiciaire de Melun du 22 octobre 2021, donnant acte, le cas échéant, des protestations et réserve d'usage de la société du Gatinais ;

A titre reconventionnel :

- accorder à la société du Gatinais une autorisation de tour d'échelle à titre provisoire, pour une durée d'une semaine, aux conditions qui suivent :

' droit d'accès au mur pignon nord du bâtiment de la société du Gatinais consistant en un droit de passage sur la propriété de M. et Mme [F], sur une bande de terrain contiguë audit mur d'une largeur de deux mètres,

' droit de pénétrer sur toute cette bande de terrain pour tous ouvriers avec outils, matériel, échelles, échafauds, matériaux et autres, de les y transporter et de se servir de son assiette pour tout ce qui est nécessaire pour mener à bien les travaux envisagés,

' droit d'enlever la partie du grillage de clôture au droit du passage et obligation de la remettre en place dès la fin des travaux, la fermeture de l'accès ainsi créé étant assurée par celle-ci durant le cours de l'intervention,

' obligation de prévenir M. et Mme [F] de la réalisation de ces travaux au moins quinze jours à l'avance au moyen d'une lettre recommandée avec accusé de réception,

' engagement de la SCI du Gatinais à ne pas dégrader ni la végétation, ni le terrain de M. et Mme [F] ;

En tout état de cause :

- juger irrecevable et mal fondée la demande de M. et Mme [F] à titre d'appel incident et tendant au prononcé d'une astreinte rétroactive ;

- juger que la demande formulée par M. et Mme [F] à titre d'appel incident et tendant à la condamnation de la SCI du Gatinais au versement d'une provision d'un montant de 9.000 euros se heurte à des contestations sérieuses et la rejeter en conséquence ;

- condamner M. et Mme [F] à verser à la société du Gatinais une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. et Mme [F] aux entiers dépens ;

- rejeter les demandes de M. et Mme [F] au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

La société du Gatinais soutient en substance :

- que le litige ne présentait pas d'urgence particulière justifiant l'autorisation d'assigner d'heure à heure, le mur pignon du bâtiment de la SCI longeant la propriété [F] étant alors déjà entièrement construit ; et le délai laissé à la société du Gatinais pour se défendre, soit un jour seulement, n'était pas suffisant pour lui permettre d'organiser sa défense ;

- que le bâtiment construit par la SCI respecte parfaitement la limite de propriété ;

- qu'il n'existe aucun motif légitime de nature à justifier une expertise judiciaire dès lors que le mur de l'immeuble construit est bien situé en limite de propriété sans aucun dépassement ou empiétement sur la propriété [F] ainsi que cela est confirmé par la photographie dudit mur à proximité de la borne séparative et par le procès-verbal de constat d'huissier de justice réalisé le 22 octobre 2021; toutefois, n'ayant rien à craindre d'une expertise judiciaire, la SCI s'en rapporte à l'appréciation de la juridiction en formulant les protestations et réserves d'usage ;

- qu'elle est fondée à solliciter à titre reconventionnel une autorisation de tour d'échelle provisoire, le mur pignon nord de l'immeuble bâti en limite séparative étant construit en parpaings et ayant un besoin urgent de travaux de ravalement pour garantir son étanchéité.

Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 07 janvier 2022, M. et Mme [F] demandent à la cour de :

- débouter la société du Gatinais de sa demande de voir annuler la décision entreprise ;

- déclarer régulière l'ordonnance de référé rendue le 22 octobre 2021 par Mme la présidente du tribunal judiciaire de Melun ;

A titre subsidiaire, si la Cour devait annuler l'ordonnance de référé rendue le 22 octobre 2021 par Mme la présidente du tribunal judiciaire de Melun,

- évoquer l'affaire ;

- confirmer la mesure d'expertise judiciaire et la mission de l'expert ;

- confirmer l'ordonnance de référé du 22 octobre 2021 rendue par Mme la Présidente du tribunal judiciaire de Melun en ce qu'elle a fait injonction à la société du Gatinais de cesser immédiatement les travaux en cours de réalisation sur les parcelles section AD n°[Cadastre 5], n°[Cadastre 6] et n°[Cadastre 7] situées [Adresse 14]) et ce au vu de la seule minute conformément à l'article 489 du code de procédure civile ;

- déclarer irrecevable la demande de la société du Gatinais d'autorisation de tour d'échelle ;

- à titre subsidiaire, débouter la société du Gatinais de sa demande d'autorisation de tour d'échelle ;

- infirmer l'ordonnance de référé du 22 octobre 2021 rendue par Mme la Présidente du tribunal judiciaire de Melun en ce qu'elle a débouté M. et Mme [F] de leurs demandes d'astreinte et de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau,

- dire que l'injonction de cesser tous travaux se fera sous astreinte de 500 euros par jour de retard, rétroactivement à la date de la première demande soit au 13 octobre 2021, date de la délivrance de l'assignation ;

- condamner la société du Gatinais à payer à M. et Mme [F] une somme de 9.000 euros à titre de provision à valeur sur l'indemnisation de leurs préjudices ;

En tout état de cause,

- condamner la société du Gatinais à payer à M. et Mme [F] une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner la société du Gatinais aux entiers dépens qui comprendront notamment le coût des différents constats d'huissier réalisés et les frais d'expertise ;

- débouter la société du Gatinais de sa demande de voir condamner M. et Mme [F] à lui payer une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les époux [F] font valoir :

- sur la demande d'annulation de l'ordonnance, qu'ils ont été contraints de demander l'autorisation d'assigner d'heure à heure en raison des dégâts irréversibles qui avaient été causés à leur propriété par la construction de la SCI du Gatinais, constatés par huissier de justice (déssouchage d'arbres et étêtage d'arbres centenaires), et en raison de l'évolution très rapide des travaux empiétant sur leur propriété ; que la procédure a été menée régulièrement et l'urgence est appréciée par le juge auquel la requête est présentée, sans que cette appréciation ne puisse être remise en cause dans le cadre des débats relatifs au litige ; que l'autorisation d'assigner pour une audience se tenant le surlendemain est tout à fait légale, et ce délai a été apprécié souverainement par le juge des référés ; qu'en tout état de cause l'appel produit effet dévolutif quand le jugement est annulé pour une cause de nullité autre que celle affectant l'acte introductif d'instance ;

- sur la demande d'expertise, que dès lors que l'huissier de justice a constaté que les fondations du muret construit par la SCI du Gatinais dépassaient de plusieurs centimètres de la limite séparative pour se trouver implantées approximativement 5 centimètres dans la propriété des époux [F], l'intérêt légitime à voir ordonner une expertise était justifié ;

- qu'il y avait lieu à cessation des travaux en raison du trouble manifestement illicite, tant pour arrêter le massacre de la végétation que pour éviter que la construction ne soit achevée si l'expertise devait révéler qu'elle doit être démolie en raison de l'empiétement ;

- qu'il y a lieu en appel d'assortir l'injonction de cesser les travaux d'une astreinte dès lors que la SCI du Gatinais n'a pas respecté l'injonction du premier juge en poursuivant sa construction ;

- qu'il y a lieu en outre à dommages et intérêts provisionnels en raison des dégradations commises sur leur propriété, un devis de remise en état de la clôture se chiffrant à plus de 28.000 euros.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur la demande d'annulation de l'ordonnance entreprise

Selon les article 485 et 486 du code de procédure civile,

"La demande est portée par voie d'assignation à une audience tenue à cet effet aux jour et heure habituels des référés.

Si, néanmoins, le cas requiert célérité, le juge des référés peut permettre d'assigner à heure indiquée, même les jours fériés ou chômés, soit à l'audience, soit à son domicile portes ouvertes."

" Le juge s'assure qu'il s'est écoulé un temps suffisant entre l'assignation et l'audience pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense."

En l'espèce, par requête en date du 11 octobre 2021, M. et Mme [F] ont sollicité l'autorisation du juge des référés d'assigner la SCI du Gatinais d'heure à heure.

Par requête en date du 12 octobre 2021, ils ont été autorisés à assigner la SCI du Gatinais à l'audience des référés du 15 octobre 2021, l'assignation devant être délivrée au plus tard le 13 octobre 2021 à 16 heures.

Alors que les constats d'huissier de justice produits au soutien de la requête établissent que la SCI du Gatinais était en train d'effectuer la construction de son bâtiment industriel en limite immédiate de la propriété de M. et Mme [F] et que l'huissier de justice avait constaté le 30 septembre 2021 que le grillage de clôture de la propriété [F] avait été endommagé et mis totalement hors d'usage du fait des travaux de construction, la végétation et les arbres présents sur la propriété [F] détruits sur une largeur d'environ trois mètres, l'urgence à saisir le juge des référés aux fins d'expertise et de cessation des travaux était bien caractérisée, en sorte que c'est à bon droit que le juge des référés a autorisé une assignation à bref délai.

En revanche, si l'assignation a été délivrée à la SCI du Gatinais le 13 octobre 2021 à 11 h25, soit aux jour et heure impartis, elle ne l'a pas été à personne, l'huissier de justice ayant dû la laisser à son étude faute d'avoir pu la remettre au représentant de la SCI ni à aucune autre personne du fait de son absence aux trois adresses auxquelles il s'est rendu (siège de la société, terrain construit, domicile personnel). Dans ces conditions, force est de constater que le délai de moins de 48 heures séparant la délivrance de l'assignation de date d'audience était insuffisant pour permettre au représentant de la SCI de se rendre à l'étude de l'huissier de justice pour prendre connaissance de l'assignation puis d'organiser sa défense avant l'audience.

C'est donc à bon droit que l'appelante se prévaut de la violation du principe de la contradiction et qu'elle sollicite, en conséquence, l'annulation de l'ordonnance entreprise.

Toutefois, la nullité n'affectant pas l'exploit introductif d'instance, la cour doit évoquer l'entier litige en vertu de l'effet dévolutif de l'appel.

Sur la demande d'expertise

L'article 145 code de procédure civile dispose que s'il existe un motif de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

En l'espèce, le motif légitime à voir ordonner une expertise pour vérifier l'existence d'un éventuel empiétement de la construction litigieuse et évaluer les dommages apparemment causés à la propriété des époux [F] se trouve clairement établi dès lors que :

- d'une part, les procès-verbaux de constat d'huissier de justice produits par les parties se contredisent sur l'implantation de la construction de la SCI du Gatinais en limite de la propriété voisine, l'huissier mandaté par M. et Mme [F] constatant que si le mur de la construction se situe dans l'alignement de la borne marquant la séparation, les fondations empiètent de quelques centimètres, l'huissier mandaté par la SCI constatant pour sa part que le mur du bâtiment est édifié à 17 centimètres de la clôture ;

- d'autre part, l'huissier de justice mandaté par les époux [F] a à plusieurs reprises constaté que la clôture de leur terrain a été endommagée par les travaux de construction, ainsi que la végétation et les arbres qui s'y trouvaient sur une largeur de trois mètres, employant l'expression de "massacre".

La demande d'expertise est donc justifiée ; cette mesure sera ordonnée aux frais avancés de M. et Mme [F].

Sur la cessation des travaux

En application de l'article 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En l'espèce, le constat de l'empiétement des fondations et les désordres causés à la clôture et à la végétation se trouvant sur la propriété des époux [F] constituent à l'évidence un trouble manifestement illicite qui justifie que soit ordonné, à titre conservatoire, l'arrêt des travaux en l'attente des conclusions de l'expert judiciaire, cela afin de prévenir tout autre dommage et de permettre à l'expert de diligenter utilement ses opérations.

M et Mme [F] sont bien fondés à voir assortir cette mesure d'une astreinte alors qu'il est constant que la SCI du Gatinais a poursuivi ses travaux de construction en dépit de l'injonction du premier juge de les cesser, sollicitant même en appel une autorisation de tour d'échelle pour finir sa construction.

Cette astreinte ne saurait toutefois être prononcée de manière rétroactive comme le requièrent les intimés, l'astreinte ne pouvant prendre effet avant que le juge qui la prononce ne statue, ainsi qu'il résulte des dispositions de l'article R.131-1 du code des procédures civiles d'exécution.

Elle sera prononcée à compter de la date du présent arrêt.

Sur la demande de tour d'échelle

Contrairement à ce que soutiennent les intimés, la demande reconventionnelle de la SCI du Gatinais, qui se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant, est bien recevable en appel conformément aux dispositions de l'article 567 du code de procédure civile.

En revanche, cette demande, reposant sur les dispositions de l'article 835 du code de procédure civile, est mal fondée, l'intimée ne justifiant pas d'un dommage imminent à voir différer, le temps des opérations d'expertise, les travaux de ravalement du mur de son bâtiment, et ne justifiant pas plus d'un trouble manifestement illicite à voir différer ces travaux alors que sa construction est en l'état litigieuse au regard du respect de la limite séparative et des dommages qu'elle a pu occasionner à la propriété voisine.

Il n'y a donc pas lieu à référé sur cette demande.

Sur la demande de provision des intimés

S'il résulte des constatations effectuées par l'huissier de justice mandaté par M et Mme [F] que la clôture et la végétation de leur terrain ont été endommagés par les travaux réalisés par la SCI du Gatinais, cette dernière produit de son côté un procès-verbal de constat du 30 mars 2021 attestant du mauvais état préexistant de cette clôture et du défaut d'entretien de la végétation.

Aussi, et avant que l'expert judiciaire ne se prononce sur les préjudices subis, la demande de dommages et intérêts provisionnels qui est formée par M. et Mme [F] est prématurée et se heurte en l'état à contestation sérieuse.

Il n'y a donc pas lieu à référé sur cette demande.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

La SCI du Gatinais, perdant sur le fond du référé, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels n'incluent pas le coût des constats d'huissier de justice qui relèvent du champ d'application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI du Gatinais sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer sur ce fondement aux époux [F] la somme de 3000 euros dont ils sollicitent le paiement, au titre de leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Annule l'ordonnance entreprise,

Evoque l'entier litige,

Ordonne une mesure d'expertise et commet pour y procéder :

Me Niels Bonnal,

demeurant [Adresse 8],

téléphone: [XXXXXXXX02] et [XXXXXXXX03],

courriel : [Courriel 17],

avec pour mission de :

' se rendre sur les lieux et y pénétrer au besoin avec le concours de la force publique,

' procéder aux constatations des travaux réalisés,

' se prononcer sur leur nature et sur l'empiétement sur le fonds de M. et Mme [F], soit des fondations du bâtiment, soit de tout autre ouvrage,

' dresser un pré-rapport relatant les constatations effectuées et les causes des dommages,

' fournir, dans son rapport définitif, tous éléments techniques ou de fait de nature à permettre à la juridiction du fond, éventuellement saisie, de se prononcer sur les responsabilité encourues et les préjudices subis ;

Dit que pour procéder à sa mission l'expert devra :

' en concertation avec les parties, définir un calendrier prévisionnel de ses opérations à l'issue de la première réunion d'expertise, l'actualiser ensuite dans le meilleur délai :

* en fixant aux parties un délai pour procéder aux interventions forcées,

* en les informant de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son document de synthèse,

' adresser dans le même temps le montant prévisible de sa rémunération, qu'il actualisera, s'il y a lieu, procédant parallèlement aux demandes de provisions complémentaires,

' adresser aux parties un document de synthèse, sauf exception (par exemple : réunion de synthèse, communication d'un projet de rapport) dont il expliquera dans son rapport, et y arrêter le calendrier de la phase conclusive de ses opérations :

* fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse,

* rappelant aux parties, au visa de l'article 276 alinéa 2 du code de procédure civile, qu'il n'est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà de ce délai ;

Dit que l'expert devra fournir de façon générale, tous éléments techniques ou de fait de nature à permettre à la juridiction du fond de se prononcer sur les responsabilités encourues et les préjudices subis ;

Fixe à la somme de 3.000 euros la provision concernant les frais d'expertise qui devra être consignée par M. et Mme [F] à la régie du tribunal judiciaire de Melun dans le délai maximum de huit semaines à compter de l'ordonnance, sans autre avis, de préférence par virement bancaire adressé à la régie du tribunal, à laquelle la présente décision ou la référence de la présente décision devra être communiquée par courriel : Coordonnées bancaires, IBAN [XXXXXXXXXX018], BIC: TRPUFRP1, courriel: [Courriel 19], téléphone : [XXXXXXXX01] ;

Dit que faute de consignation de la provision dans ce délai impératif, la désignation de l'expert sera caduque et de nul effet ;

Dit que l'exécution de la mesure d'instruction sera suivie par le juge du service du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Melun, spécialement désigné à cette fin en application des articles 155 et 155-1 du code de procédure civile ;

Dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 255, 263 à 284-1 du code de procédure civile et qu'il déposera l'original de chacun de ses pré-rapports et rapport sous format papier et en copie sous la forme d'un fichier PDF enregistré sur un CD-ROM au greffe du tribunal judiciaire, service du contrôle des expertises, dans un délai de 6 mois pour le pré-rapport relatif à l'état des existants et de 8 mois à compter de l'avis de versement de la provision à valoir sur sa rémunération, sauf prorogation de ce délai dûment en temps utile auprès du juge chargé du contrôle de la mesure ;

Ordonne à la société du Gatinais, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du présent arrêt et courant pendant un délai de 6 mois, de cesser immédiatement tous travaux en cours et futurs de réalisation sur les parcelles section AD n°[Cadastre 5],[Cadastre 6] et [Cadastre 7] situées [Adresse 13], dans l'attente du dépôt du rapport de l'expert judiciaire ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision de M. et Mme [F],

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de tour d'échelle de la SCI du Gatinais

Condamne la SCI du Gatinais aux entiers dépens de première instance et d'appel,

Déboute la SCI du Gatinais de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCI du Gatinais à payer à M. et Mme [F] la somme de 3.000 euros au titre de leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 21/19152
Date de la décision : 25/05/2022
Sens de l'arrêt : Annulation

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-25;21.19152 ?
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