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25/05/2022 | FRANCE | N°21/184227

France | France, Cour d'appel de Paris, B1, 25 mai 2022, 21/184227


Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 25 MAI 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général
No RG 21/18422 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEQ43

Décision déférée à la cour
jugement du 06 octobre 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no21/81272

APPELANTE

S.A.S. PARIS CRÉATEUR
[Adresse 2]
75010 PARIS

Représentée par Me David CASTEL de la SELARL CAL AVOCATS, avocat au barreau de PARI

S, toque : L 149

INTIMÉE

Madame [N] [W]
[Adresse 1]
[Localité 3]

Représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT, avocat au barre...

Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 25 MAI 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général
No RG 21/18422 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEQ43

Décision déférée à la cour
jugement du 06 octobre 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no21/81272

APPELANTE

S.A.S. PARIS CRÉATEUR
[Adresse 2]
75010 PARIS

Représentée par Me David CASTEL de la SELARL CAL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L 149

INTIMÉE

Madame [N] [W]
[Adresse 1]
[Localité 3]

Représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050
Ayant pour avocat plaidant Me Marie-Sophie CHAPUIS DAZIN, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Bénédicte PRUVOST, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier, présent lors de la mise à disposition.

Selon bail commercial du 4 novembre 1987, Mme [N] [W] a donné en location à la société Création Yenilmez un local situé [Adresse 2] à [Localité 4]. Dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Création Yenilmez, et par cession en date du 29 mai 2017, la SAS Paris Créateur a acquis le fonds de commerce, en ce compris le droit au bail commercial sur le local, lequel bail avait fait l'objet d'un avenant de renouvellement au profit de la société liquidée le 18 juin 2015 moyennant un loyer annuel de 22.000 euros.

Par acte d'huissier en date du 19 décembre 2019, Mme [W] a fait délivrer à la SAS Paris Créateur un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail.

Par ordonnance du 17 août 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a condamné la société Paris Créateur à payer à Mme [W] la somme provisionnelle de 20.489,45 euros au titre de l'arriéré locatif arrêtée au 22 juin 2020, non compte tenu d'un virement de 7070,90 euros opéré le 19 juin 2020, a autorisé la société Paris Créateur à s'acquitter de cet arriéré locatif en 6 mensualités égales et consécutives payables à compter du 15 du mois suivant la signification, puis le 15 de chaque mois, et dit que, faute pour la société Paris Créateur de payer les échéances à bonne date, en sus du loyer courant, le tout deviendrait immédiatement exigible, la clause résolutoire serait aquise et il serait procédé à l'expulsion immédiate de la locataire, laquelle devrait s'acquitter d'une indemnité d'occupation égale au loyer contractuel augmenté des charges jusqu'à libération effective des lieux par remise des clefs.
Cette ordonnance a été signifiée le 24 septembre 2020.

Suivant acte du 9 décembre 2020, Mme [W] a fait délivrer à la SAS Paris Créateur un commandement de quitter les lieux.

Par requête du 28 juin 2021, la société Paris Créateur a saisi le juge de l'exécution aux fins d'obtenir un délai de 2 ans pour libérer les lieux.

Par jugement du 6 octobre 2021, le juge de l'exécution a :
– accordé à la SAS Paris Créateur un sursis à l'expulsion de trois mois pour quitter les lieux, soit jusqu'au 6 janvier 2022 inclus, délai subordonné au paiement ponctuel et régulier de l'indemnité d'occupation fixée par le juge des référés,
– dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité à sa date exacte, le délai sera caduc et l'expulsion pourra être poursuivie,
– rejeté la demande de Mme [W] formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SAS Paris Créateur aux dépens.

Pour statuer ainsi, le juge de l'exécution a retenu que, faute d'avoir respecté les délais fixés par l'ordonnance de référé, la clause résolutoire était acquise mais que, compte tenu de la bonne foi dont faisait preuve la société Paris Créateur dans l'exécution de ses obligations, il devait lui être accordé un délai pour quitter les lieux, néanmoins limité à trois mois au vu de l'ancienneté du commandement de quitter les lieux.

Par déclaration du 21 octobre 2021, la SAS Paris Créateur a fait appel de ce jugement.

Par dernières conclusions d'appelant du 6 décembre 2021, la SAS Paris Créateur demande à la cour de :
– la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ;
– infirmer le jugement déféré à la cour ;
et statuant à nouveau,
– lui accorder un délai de deux ans pour quitter les lieux ;
– débouter Mme [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– condamner Mme [W] aux entiers dépens ;

– condamner Mme [W] à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A cet effet, l'appelante rappelle avoir fait preuve de bonne foi et d'importants efforts dans l'exécution de ses obligations en apurant intégralement son arriéré locatif, y compris les frais de procédure, et ce à la date du 14 décembre 2020, soit bien avant l'expiration du délai de 6 mois fixé par l'ordonnance de référé.
Elle soutient que le délai de 3 mois octroyé par le juge de l'exécution, délai minimum prévu par les textes, soit 3 mois pour quitter lieux – qui sont bien utilisés à des fins commerciales et dans lesquels elle a, par ailleurs, effectué de nombreux travaux de remise aux normes – est insuffisant, la bailleresse, laquelle ne justifie pas de l'urgence de récupérer le local, étant propriétaire de nombreux biens immobiliers et détenant des participations dans plusieurs sociétés, tandis qu'elle-même, en raison de la crise sanitaire, a connu une baisse importante de son chiffre d'affaires.
Elle ajoute que les diligences en vue de son relogement sont plus difficiles par ce contexte économique défavorable et qu'elles n'ont pas abouti à ce jour, les locaux étant soit inadaptés aux besoins de son activité commerciale soit proposés à un prix disproportionné à ses capacités financières ; que dans de telles conditions, une expulsion aurait des conséquences économiques et sociales désastreuses en mettant fin à son activité commerciale ce qui, d'une part, conduirait au licenciement économique des 8 salariés qu'elle emploie, d'autre part, l'empêcherait d'honorer ses obligations envers ses partenaires contractuels.

Par dernières conclusions d'intimée signifiées le 5 avril 2022, Mme [W] demande à la cour de :
– débouter la société Paris Créateur de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– constater que la société Paris Créateur ne justifie pas avoir entrepris la moindre démarche en vue de son relogement et qu'un arriéré locatif demeure ;
en conséquence,
– confirmer le jugement dont appel ;
– la juger bien fondée à poursuivre la procédure aux fins d'expulsion de la société Paris Créateur ;
en tout état de cause,
– condamner la société Paris Créateur à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, en ce compris les frais d'exécution.

A cet effet, elle fait valoir que, à la date de ses dernières conclusions du 5 avril 2022, la locataire n'a toujours pas justifié des démarches entreprises pour son relogement et ne démontre pas qu'il ne peut avoir lieu dans des conditions normales.
Elle soutient également que la société Paris Créateur a déjà bénéficié de facto de délais importants pour quitter les lieux, plus d'une année s'étant écoulée depuis l'acquisition de la clause résolutoire et la délivrance du commandement de quitter les lieux, délais suffisants pour trouver un local adapté aux besoins de son activité.
L'intimée ajoute que, en considération de la situation respective des parties, les difficultés financières invoquées par l'appelante ne sauraient justifier à elles seules l'octroi de délai supplémentaires pour quitter lieux – dont elle fait d'ailleurs usage à des fins d'habitation en violation du contrat de bail commercial – et qu'elle-même, simple particulier, n'a pas à supporter les conséquences de l'impécuniosité de sa locataire ni à démontrer l'urgence qu'elle y a à récupérer le local donné à bail, qui n'est pas une condition exigée par la loi.
Enfin elle souligne que, en dernier lieu, la société Paris Créateur a reconstitué un arriéré locatif, les loyers et charges des 4ème trimestre 2021, 1er et 2ème trimestre 2022 n'ont pas été réglés.

La clôture, initialement prononcée le 3 mars 2022, a fait l'objet d'une révocation à l'audience du 18 mars 2022 et a à nouveau été prononcée à l'audience de plaidoirie du 15 avril 2022.

MOTIFS

Aux termes de l'article L. 412-3 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution peut accorder des délais aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales. L'article L. 412-4 du même code précise que la durée des délais prévus à l'article L. 412-3 ne peut être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement.

Il appartient donc au juge de respecter un juste équilibre entre deux revendications contraires, en veillant à ce que l'atteinte au droit du propriétaire soit proportionnée et justifiée par la sauvegarde des droits du locataire, dès lors que ces derniers apparaissent légitimes.

En l'espèce, si la société Paris Créateur a, dans un premier temps, fait la preuve d'efforts louables pour apurer l'arriéré locatif visé par l'ordonnance de référé avant même la date d'expiration de l'échéancier prévu par le juge des référés, quoique en n'ayant pas respecté avec exactitude la date de la première échéance, il apparaît aujourd'hui, au vu du décompte arrêté au 4 avril 2022, dont la production a été expressément autorisée par la cour à l'audience du 18 mars 2022 et que la société locataire ne conteste pas, que celle-ci accuse à nouveau un arriéré locatif, s'élevant à 20.290,60 euros, représentant les loyers et provisions sur charges impayés des 4ème trimestre 2021, 1er et 2ème trimestres 2022.

En outre, à la même audience du 18 mars 2022 à laquelle la clôture a été révoquée notamment pour ce motif, l'appelante a été autorisée à produire les justificatifs de ses recherches effectuées en vue de son relogement qui, par suite d'une erreur, ne correspondaient pas à la numérotation de son bordereau de communication de pièces. Cependant, l'examen de ces pièces montre qu'il s'agit de simples recherches sur internet et d'une seule proposition d'un site, pointdevente.fr, non datée, qui ne permet pas de démontrer la réalité de ses efforts pour se reloger, alors que, désormais, les difficultés à ce titre liées à la crise sanitaire ne peuvent plus être sérieusement invoquées.

Compte tenu de ces éléments et quelle que soit la disparité de situations économiques existant entre la bailleresse, particulier propriétaire de plusieurs biens immobiliers, et la locataire, société exploitant un commerce de vêtements, il n'y a pas lieu, en cause d'appel, d'accorder un nouveau délai à la locataire pour libérer les lieux, en sus du délai de trois mois accordé par le premier juge et qui a expiré le 6 janvier 2022, compte tenu des délais qui se sont, de fait, écoulés depuis l'ordonnance de référé du 17 août 2020, soit il y a 21 mois, et la demande de délais formée devant le juge de l'exécution le 28 juin 2021, soit il y a onze mois.

Sur les demandes accessoires

En revanche les situations économiques respectives des parties justifient de ne pas prononcer de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante, qui succombe en ses prétentions, doit être condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu de prononcer de condamnation en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Paris Créateur aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 21/184227
Date de la décision : 25/05/2022
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-05-25;21.184227 ?
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