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25/05/2022 | FRANCE | N°21/18125

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 25 mai 2022, 21/18125


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 25 MAI 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/18125 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEP6W



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Septembre 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Paris - RG n° 19/59810





APPELANTS



M. [W] [M]



[Adresse 1]

[L

ocalité 4]



Mme [F] [C]



[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentés et assistés par Me Patrick MARÈS de la SELARL BOSCO AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0035







INTIMEE



VIL...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 25 MAI 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/18125 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEP6W

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Septembre 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Paris - RG n° 19/59810

APPELANTS

M. [W] [M]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Mme [F] [C]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentés et assistés par Me Patrick MARÈS de la SELARL BOSCO AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0035

INTIMEE

VILLE DE [Localité 7], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 6], Madame [O] [N], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Fabienne DELECROIX de l'ASSOCIATION DELECROIX GUBLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R229

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Avril 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [M] et Mme [C] étaient propriétaires d'un appartement situé au [Adresse 2] depuis le 29 novembre 2012 , qui a été vendu le 29 mai 2020.

Par exploit d'huissier de justice délivré le 16 septembre 2019, la ville de [Localité 6] a fait assigner M. [M] et Mme [C] devant le président du tribunal de grande instance de Paris (devenu tribunal judiciaire de Paris) saisi en la forme des référés, aux fins notamment de condamnation des défendeurs à lui payer une amende civile de 50 000 euros pour avoir enfreint les dispositions de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation concernant l'appartement susvisé.

Par ordonnance du 12 décembre 2019, le président du tribunal a sursis à statuer sur les demandes de la ville de [Localité 6] dans l'attente de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne appelée, sur renvoi préjudiciel de la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 15 nov. 2018, nº 17-26.156), à apprécier la compatibilité de la réglementation nationale, telle que celle prévue par l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.

La Cour de justice de l'Union européenne a statué par arrêt du 22 septembre 2020, considérant la réglementation nationale conforme aux dispositions de la directive 2006/123/CE (CJUE, 22 septembre 2020, Cali Apartments, affaires jointes C-724/18 et C-727/18).

Par cinq arrêts en date du 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne. Elle a notamment jugé que la règlementation locale de la Ville de [Localité 6] sur le changement d'usage est conforme à la réglementation européenne.

L'affaire a été rétablie à l'audience du 2 juin 2021.

Par jugement contradictoire du 29 septembre 2021 rendu en la forme des référés, le tribunal judiciaire de Paris a :

- condamné in solidum M. [M] et Mme [C] au paiement d'une amende civile de

40 000 euros ;

- rappelé que le produit de cette amende sera versé à la ville de [Localité 6], représentée par son maire en exercice ;

- condamné in solidum M. [M] et Mme [C] au paiement d'une amende civile de 5 000 euros, dont le montant sera versé à la ville de [Localité 6] ;

- condamné in solidum M. [M] et Mme [C] aux dépens ;

- condamné in solidum M. [M] et Mme [C] à payer à la ville de [Localité 6] la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 18 octobre 2021, M. [M] et Mme [C] ont relevé appel de l'ensemble des chefs du dispositif de cette décision.

Par dernières conclusions remises et notifiées le 4 février 2022, ils demandent à la cour

d'infirmer le jugement querellé sur le montant des amendes prononcées et statuant à nouveau, de limiter à de plus justes proportions les sommes demandées par la ville de [Localité 6] et de rejeter les autres demandes de la ville de [Localité 6].

M. [M] et Mme [C] arguent de leur bonne foi en soutenant :

- que le bien faisait déjà l'objet d'une location de longue durée avant même le courrier de la ville de [Localité 6] en date du 25 juin 2019 ;

- que le second bail d'un an, soit d'une durée réglementaire, a été signé dès mars 2019 soit avant même la fin du précédent bail, ce qui démontre leur volonté de faire revenir l'appartement litigieux dans le cadre légal et ce à long terme ;

- que de plus l'annonce a été désactivée sur le site Airbnb ;

- qu'ils ont fait preuve d'une totale collaboration avec le service contrôleur de la ville de [Localité 6] depuis la première lettre du 25 juin 2019, transmettant tous les documents en leur possession ;

- qu'ils étaient assistés d'un professionnel de la location immobilière qui ne les a pas avertis de la non-conformité à la réglementation de locations de courte durée et leur a proposé, s'agissant du bail du 10 octobre 2018, de signer en même temps que ledit bail un avenant prévoyant un terme au 20 mai 2019, soit 7 mois après son entrée en vigueur, manoeuvre dont ils n'ont pas eu conscience en tant que profanes, le professionnel, intéressé financièrement à la conclusion du bail, leur ayant forcé la main ;

- que s'agissant du bail du 1er juin 2019, si des locations de courte durée ont en effet été proposées jusqu'au 25 juin 2019, c'est parce que le locataire avait décalé son arrivée d'un mois et que le logement était donc disponible ;

- que s'agissant de l'obligation d'enregistrement, le manquement n'a pas persisté pendant une longue durée, cette obligation résultant d'une délibération de juillet 2017 de la mairie de [Localité 6], soit moins de deux ans avant la cessation de l'activité de location, d'autant qu'à cette époque la société Airbnb se gardait bien d'informer ses hôtes propriétaires des obligations déclaratives imposées par la réglementation nationale, ne le faisant que depuis février 2021 soit depuis qu'elle y est judiciairement contrainte ;

- qu'ils n'ont jamais dissimulé que le bien dont s'agit ne constituait pas leur résidence principale et ont déclaré auprès de l'administration fiscale tous les revenus tirés desdites locations ;

- que selon la jurisprudence, au regard de ces circonstances atténuantes, l'amende ne pourra excéder 15.000 euros.

Dans ses conclusions remises et notifiées le 6 janvier 2022, la ville de [Localité 6] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions dont le quantum des amendes, de débouter M. [M] et Mme [C] de leurs demandes et de les condamner en cause d'appel à lui payer une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, faisant essentiellement valoir, en réponse aux conclusions des appelants :

- que l'infraction n'avait pas cessé avant la réception du courrier de la ville de [Localité 6] du 25 juin 2019, le bail conclu le 10 octobre 2018 n'ayant été conclu que pour une durée de sept mois ;

- que la preuve de l'effectivité du bail du 31 mars 2019, non signé par le locataire, n'est pas rapportée alors qu'il ressort des relevés de réservations Airbnb que des locations de courte durée ont été faites du 1er au 25 juin 2019, soit concomitamment au prétendu bail de longue durée ;

- que la collaboration des consorts [L] avec les services de la ville de [Localité 6] ne saurait être considérée comme constitutive de bonne foi, alors qu'il est démontré par ailleurs qu'ils n'ont mis fin à l'infraction qu'à réception de la lettre recommandée au 25 juin 2019 ;

- que l'argument tiré de l'assistance par un professionnel de l'immobilier qui ne les a pas avertis de la réglementation n'est pas opposable à la ville de [Localité 6], ce d'autant que les consorts [L] ont directement loué en courte durée comme en attestent les relevés de réservations ;

- que la déclaration des revenus est une obligation légale et ne saurait attester de la bonne foi ;

- que l'infraction perdure depuis avril 2014 et est très rentable puisque le gain est estimé à 193.317,58 € alors que le gain régulier aurait dû être de 61.488 € soit un différentiel de 131.829,58 €, et que le montant de la compensation nécessaire pour obtenir l'autorisation de changement d'usage du local d'habitation et pouvoir exercer une activité d'hébergement hôtelier est de 54.000 € ;

- qu'en conséquence, l'amende de 40.000 euros prononcée doit être confirmée ;

- que s'agissant de l'infraction à l'article L 324-1-1 du code de tourisme, M. et Mme [M] ne se sont pas conformés à l'obligation de déclaration soumise à enregistrement et ils ne font pas valoir d'argumentation à l'appui de leur appel sur le quantum de l'amende de 5000 euros encourue et prononcée, laquelle devra être confirmée.

SUR CE, LA COUR

La discussion se limite en appel au montant des amendes prononcées, les infractions commises n'étant pas contestées par M. et Mme [L].

A titre liminaire, il convient de rappeler, pour les besoins de la discussion, que hormis les cas d'une location consentie à un étudiant pour une durée d'au moins neuf mois, de la conclusion, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 23 novembre 2018, d'un bail mobilité d'une durée de un à dix mois et de la location du local à usage d'habitation constituant la résidence principale du loueur pour une durée maximale de quatre mois, le fait de louer, à plus d'une reprise au cours d'une même année, un local meublé pour une durée inférieure à un an, telle qu'une location à la nuité, à la semaine ou au mois, à une clientèle de passage qui n'y fixe pas sa résidence principale au sens de l'article 2 de la loi du 6 juillet 1989, constitue un changement d'usage d'un local destiné à l'habitation et, par conséquent, est soumis à autorisation préalable.

En l'espèce, il est constant que l'appartement litigieux ne constituait pas la résidence principale des appelants.

Selon les propres déclarations faites par M. [M] et Mme [C] aux services de la ville de [Localité 6] par mail du 3 juillet 2019 qu'ils ont adressé en réponse au courrier de la vile de [Localité 6] du 25 juin 2019, le contrat de location qui a été conclu le 20 octobre 2018 n'a duré que jusqu'au 20 mai 2019, date du congé du locataire, soit pendant sept mois, et les propriétaires ont remis en location l'appartement sur Aibnb entre le 24 mai et le 25 juin 2019.

Aussi, et comme l'a exactement retenu le tribunal, ce bail était de courte durée, et il a été immédiatement suivi d'autres locations de courtes durée en sorte que contrairement à ce qu'affirment les appelants, l'infraction n'avait pas cessé avant même le courrier de la ville de [Localité 6] du 25 juin 2019.

S'agissant du second bail de longue durée invoqué, qui aurait été conclu dès le 31mars 2019 avant même la fin du précédent, son effectivité n'est pas établie alors que le contrat n'est pas signé par le locataire et qu'en outre, comme l'a relevé le tribunal, il s'agit d'un contrat de location meublée ne constituant pas la résidence principale du locataire, ce qui est contraire à la condition de résidence principale de l'article L 631-7 du code de la construction et de l'habitation, en ce qu'il renvoie à l'article L 632-1 pour établir qu'il s'agit d'une location de longue durée. Enfin, comme le remarque tout aussi justement le tribunal, il ressort des relevés de réservation de 2019 de Airbnb que des locations de courte durée ont eu lieu concomitamment à ce contrat de bail, soit du 1er au 25 juin 2019, M. [M] et Mme [C] déclarant d'ailleurs eux-même dans leur courriel du 3 juillet 2019 que l'appartement a été remis en location sur Airbnb entre le 24 mai et le 25 juin 2019.

C'est donc aussi à tort que les appelants se prévalent d'une seconde location de longue durée régulière et soutiennent avoir respecté la réglementation dès avant le courrier de la ville de [Localité 6] du 25 juin 2019.

Le fait d'ignorer la réglementation applicable et de ne pas en avoir été informés par l'agence immobilière par laquelle ils ont conclu le bail du 20 octobre 2018, ne caractérise pas la bonne foi alors qu'avant de s'engager dans une activité de location de courte durée via Airbnb, il appartenait à M. [M] et Mme [C] de se renseigner sur la réglementation applicable afin d'en observer toutes les dispositions.

Ne caractérise pas non plus la bonne foi le fait d'avoir déclaré les revenus tirés de l'activité litigieuse à l'administration fiscale, s'agissant d'une obligation légale, de même qu'il est normal que M. et Mme [L] aient aussitôt collaboré avec les services de la ville de [Localité 6] et cessé leur activité irrégulière dès qu'il le leur a été demandé.

Cette attitude positive doit néanmoins être mise à leur actif et elle a bien été prise en compte par le tribunal qui n'a pas appliqué le montant maximum de l'amende encourue, à savoir 50.000 euros et qui, en prononçant une amende de 40.000 euros, a fait une juste appréciation au regard notamment de la durée de l'infraction (d'avril 2014 au 25 juin 2019) et des profits réalisés.

Il résulte en effet de la note établie par la ville de [Localité 6] (pièce 6 de l'intimée), dont les données chiffrées établies à partir des éléments du dossier ne sont pas remises en cause par les appelants, que le gain est estimé à 193.317,58 € alors que le gain régulier aurait dû être de 61.488 €, soit un différentiel de 131.829,58 €, et que le montant de la compensation nécessaire pour obtenir l'autorisation de changement d'usage du local d'habitation et pouvoir exercer une activité d'hébergement hôtelier s'élève à 54.000 €.

Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé en ce qu'il a prononcé une amende de 40.000 euros à l'encontre de M. et Mme [L] sur le fondement de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation.

Le jugement sera également confirmé pour avoir prononcé une amende de 5000 euros sur le fondement de l'article L 324-1-1 III du code du tourisme, alors qu'il n'est pas contesté que M. et Mme [L] ne se sont pas conformés à l'obligation de déclaration préalable soumise à enregistrement prévue par ce texte, et que l'amende maximale de 5000 euros qui a été prononcée est adaptée, quand bien même l'obligation résulte d'une délibération de juillet 2017 de la mairie de [Localité 6] antérieure de moins de deux ans avant la cessation de l'activité de location. L'argument tiré du défaut d'information par la société Airbnb des obligations déclaratives imposées par la réglementation nationale, inopposable à la ville de [Localité 6], est là aussi inopérant, alors qu'il appartenait à M. et Mme [L] de se renseigner sur la réglementation applicable avant de se livrer à leur activité lucrative de location.

Parties perdantes, les appelants seront condamnés aux entiers dépens de première instance et d'appel et à payer à la ville de [Localité 6] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, cette indemnité venant s'ajouter à celle de 1.500 euros qui lui a été allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [W] [M] et Mme [F] [C] aux dépens de l'instance d'appel, et à payer à la ville de [Localité 6] la somme de 1.500 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 21/18125
Date de la décision : 25/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-25;21.18125 ?
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