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25/05/2022 | FRANCE | N°21/176867

France | France, Cour d'appel de Paris, B1, 25 mai 2022, 21/176867


Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 25 MAI 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général
No RG 21/17686 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEOOZ

Décision déférée à la cour
jugement du 14 septembre 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no21/81024

APPELANTS

Monsieur [F] [K]
[Adresse 3]
[Localité 4]

Madame [L] [D] épouse [K]
[Adresse 3]
[Localité 4]

Représentés par Me

Anne-Constance COLL de la SELASU CABINET COLL, avocat au barreau de PARIS, toque : E0653

INTIMÉE

S.A.S. DISTRIBUTION CASINO FRANCE
[Adresse 1]
[Localité...

Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 25 MAI 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général
No RG 21/17686 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEOOZ

Décision déférée à la cour
jugement du 14 septembre 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no21/81024

APPELANTS

Monsieur [F] [K]
[Adresse 3]
[Localité 4]

Madame [L] [D] épouse [K]
[Adresse 3]
[Localité 4]

Représentés par Me Anne-Constance COLL de la SELASU CABINET COLL, avocat au barreau de PARIS, toque : E0653

INTIMÉE

S.A.S. DISTRIBUTION CASINO FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 2]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Plaidant par Me Thomas FAGEOLE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Bénédicte PRUVOST, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier, présent lors de la mise à disposition.

Par ordonnance du 30 juin 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a notamment :
– constaté que les consorts [K] sont occupants sans droit ni titre des locaux sis à [Adresse 3], et ce depuis le 16 octobre 2017,
– dit qu'à défaut par les consorts [K] d'avoir libéré les lieux deux mois après la signification du commandement de quitter les lieux prévu à l'article L. 412-1 du code des procédures civiles d'exécution, la SAS Distribution Casino France pourra procéder à leur expulsion et à celle de tous occupants de leur chef avec l'assistance de la force publique si besoin est et au transport des meubles laissés dans les lieux dans tel garde meuble qu'il plaira au bailleur,
– condamné solidairement et par provision les consorts [K] à payer à la société Distribution Casino France une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant de 2534,37 euros outre les régularisations de charges, à compter du 17 octobre 2017 et jusqu'au départ effectif des lieux.

Le 5 août 2020, la société Distribution Casino France a fait délivrer un commandement de quitter les lieux à M. et Mme [K].

Par arrêt du 11 février 2021, la cour d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance de référé du 30 juin 2020 en toutes ses dispositions.

Par acte du 25 mai 2021, Mme [L] [K] et M. [F] [K] ont assigné la société Distribution Casino France devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir :
– ordonner leur maintien dans les lieux qu'ils occupent au [Adresse 3],
– constater qu'il n'y a pas lieu de les condamner au paiement d'une indemnité d'occupation,
– subsidiairement, se voir octroyer les plus larges délais de paiement pour s'acquitter de l'indemnité d'occupation,
– voir condamner la défenderesse au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 14 septembre 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris a :
– rejeté la demande de délais présentée par Mme et M. [K] pour quitter le logement qu'il occupent sis [Adresse 3],
– rejeté la demande de dispense de paiement de l'indemnité d'occupation mise à charge par l'ordonnance de référé du 30 juin 2020, confirmée en toutes ses dispositions pas l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 11 février 2021,
– rejeté la demande de délais de paiement,
– déclaré irrecevable la demande de délais de paiement
– condamné M. et Mme [K] aux dépens,
– dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, le juge de l'exécution a dit que la demande visant à dispenser les consorts [K] de payer l'indemnité d'occupation aurait pour conséquence de modifier ou suspendre le dispositif de la décision de justice qui sert au fondement des poursuites, ce qui ne relève pas de ses pouvoirs ; que leur situation personnelle et financière extrêmement difficile et leur bonne foi ne justifient pas leur maintien dans les lieux. Concernant la demande de délais de paiement, il l'a déclarée irrecevable au motif qu'il n'existait pas de voie d'exécution en cours se rapportant à la créance d'indemnités d'occupation, soit à une créance de somme d'argent, le commandement de quitter les lieux se rapportant à la seule expulsion.

Par déclaration du 8 octobre 2021, les époux [K] ont relevé appel de ce jugement.

Par conclusions du 19 novembre 2021, ils demandent à la cour de :
à titre principal,
– ordonner leur maintien dans les lieux qu'ils occupent [Adresse 3], et ce à titre gratuit sans paiement de loyers,
– constater qu'il n'y a pas lieu de les condamner au paiement d'une indemnité d'occupation,
à titre subsidiaire,
– leur octroyer les plus larges délais de paiement pour s'acquitter de l'indemnité d'occupation,
en conséquence,
– condamner la société Distribution Casino France aux entiers dépens,
– condamner la société Distribution Casino France au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir que :
– leur revenu mensuel était de 2813,52 euros jusqu'au 30 avril 2021 et s'élève désormais à 986,23 euros seulement ; ils supportent des charges mensuelles de 1020,50 euros et ont leurs deux filles de 20 et 30 ans à charge ; chacun d'eux est titulaire d'une pension d'invalidité et ils sont en mauvaise santé,
– ils justifient de diligences en vue leur relogement,
– en vertu de l'article 29 d'un accord collectif national concernant les gérants-mandataires non-salariés et de l'article 4.1 du contrat de gérance, le logement de ces derniers est assuré gratuitement,
– ils ne sont ni en mesure de quitter les lieux, ni de payer une indemnité d'occupation, puisque leurs problèmes de santé les empêchent de retrouver un emploi et qu'il rencontrent des difficultés pour trouver un nouveau logement malgré leurs diligences,
– il leur est impossible de régler leur dette en un seul paiement, étant redevable d'une somme de 113.767,80 euros au 3 mai 2021,
– l'issue du litige devant le conseil de prud'hommes, lequel s'est achevé par un jugement du 2 septembre 2021 leur octroyant des dommages-intérêts pour rupture du contrat sans motif réel et sérieux, leur permettait de se maintenir dans les lieux.

Par conclusions du 6 décembre 2021, la société Distribution Casino France demande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
– condamner solidairement M. et Mme [K] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
– condamner solidairement M. et Mme [K] aux entiers dépens.

L'intimée soutient que :
– les prétentions formulées par les appelants devant le conseil de prud'hommes de Paris ne peuvent avoir aucun impact sur la présente procédure liée à leur occupation sans droit ni titre du logement, le conseil de prud'hommes n'ayant jamais ordonné la réintégration des consorts [K] dans les lieux,
– la saisine du juge de l'exécution d'une demande de délais de grâce ne suspend pas le caractère exécutoire de la décision d'expulsion,
– les appelants manquent de bonne volonté dans la libération des locaux ; ils occupent le logement sans droit ni titre depuis le 17 octobre 2017, n'ont jamais payé d'indemnité d'occupation, même partiellement, et ne justifient d'aucune démarche active pour se reloger malgré le temps qui s'est écoulé depuis lors,
– les appelants ne bénéficient plus de la gratuité du logement, celle-ci étant subordonnée au statut de gérant-mandataire non salarié,
– elle-même est locataire des locaux.
MOTIFS

Aux termes de l'article L. 412-3 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution peut accorder des délais aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales.

L'article L. 412-4 du même code précise que la durée des délais prévus à l'article L. 412-3 ne peut être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.

Il appartient donc au juge de respecter un juste équilibre entre deux revendications contraires, en veillant à ce que l'atteinte au droit du propriétaire soit proportionnée et justifiée par la sauvegarde des droits du locataire, dès lors que ces derniers apparaissent légitimes.

A ce titre, la société Distribution Casino France fait observer qu'elle n'est pas propriétaire des locaux donnés à bail, mais simple locataire elle-même.

Par ailleurs, le jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 2 septembre 2021 a certes constaté que la résiliation du contrat de cogérance mandataire non salarié était dépourvue de cause réelle et sérieuse et a condamné la société Distribution Casino France à payer aux époux [K] une somme de 25.000 euros à titre de dommages-intérêts à chacun d'eux. Cependant et bien que le logement dans lequel se sont maintenus les appelants soit un logement de fonction, le conseil de prud'hommes n'a pas ordonné la réintégration des époux [K] dans ce logement. Par ailleurs et surtout l'ordonnance de référé du 30 juin 2020, constatant que ceux-ci sont occupants sans droit ni titre depuis le 16 octobre 2017, ordonnant leur expulsion et les condamnant au paiement d'une indemnité d'occupation, a été confirmée par un arrêt de cette cour d'appel du 11 février 2021, aujourd'hui passé en force de chose jugée.

Comme l'a exactement rappelé le premier juge, l'article R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution interdit au juge de l'exécution de modifier le dispositif du titre exécutoire sur lequel sont fondées les poursuites. Or l'ordonnance de référé du 30 juin 2020, confirmée en toutes ses dispositions, a condamné solidairement les époux [K] au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant de 2534,37 euros, outre les charges. Par conséquent, la cour, statuant sur appel d'un jugement du juge de l'exécution avec les mêmes pouvoirs que celui-ci, ne peut les dispenser du paiement des indemnités d'occupation. Or les appelants prétendent et justifient être dans l'incapacité de payer l'indemnité d'occupation impartie par l'ordonnance de référé du 30 juin 2020 et confirmée par l'arrêt du 11 février 2021, laquelle correspond à l'ancien loyer qu'ils devaient payer dans le cadre du contrat de cogérance mandataire non salarié. En effet, ils justifient percevoir actuellement deux pensions d'invalidité pour 478,04 et 508,19 euros par mois. Par conséquent, il ne peut leur être accordé des délais pour quitter les lieux, dont l'octroi est nécessairement subordonné au strict respect de l'obligation de payer l'indemnité d'occupation.

En outre, leur dette d'indemnités d'occupation ne fait que s'accroître chaque mois, étant non contesté qu'elle s'élevait à la somme de 113.767,80 euros à la date du 3 mai 2021, soit il y a un an.

Enfin les époux [K], même s'ils soutiennent avoir engagé une procédure [C], n'en justifient pas.

Pour l'ensemble de ces motifs, et bien que les époux [K] justifient tous deux de leur état d'invalidité, il n'apparaît ni réaliste, ni même de leur intérêt, de leur octroyer des délais pour quitter les lieux, délais qu'ils ne sont pas en mesure de respecter.

En ce qui concerne la demande en délais de paiement, que le juge de l'exécution a déclaré irrecevable motif pris de l'absence de voie d'exécution en cours quant à la créance d'indemnités d'occupation, la cour relève qu'il est néanmoins justifié d'une saisie-attribution pratiquée le 6 mai 2021 pour avoir paiement d'une somme de 113.767,80 euros représentant les indemnités d'occupation d'octobre 2017 à avril 2021, outre des indemnités de procédure et provision sur intérêts et frais.

Par conséquent, le jugement doit être infirmé en ce qu'il a déclaré la demande en délais de paiement irrecevable. Cependant, selon les dispositions invoquées de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. Or, dès lors que les appelants ne contestent pas s'être abstenus de régler les indemnités d'occupation depuis le mois d'octobre 2017, ils sont nécessairement redevables à ce jour d'un arriéré d'indemnités d'occupation avoisinant 140.000 euros. De toute évidence, ils ne seraient pas en mesure de respecter un échéancier de leur dette sur deux ans, supposant le paiement de mensualités de 5800 euros par mois en sus des indemnités d'occupation courantes d'un montant mensuel de 2534,37 euros, alors qu'ils expliquent ne pas même pouvoir assumer le paiement de ces dernières actuellement.

Dans ces conditions, la demande en délais de paiement, même recevable, ne peut qu'être rejetée au fond.

Sur les demandes accessoires

Les époux [K], qui succombent en leur appel, doivent supporter les dépens d'appel solidairement.

En revanche la situation économique respective des parties justifie le rejet de la demande formée par la société Distribution Casino France sur le fondement sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande en délais de paiement,

Statuant à nouveau dans cette limite,

Rejette la demande en délais de paiement,

Dit n'y avoir lieu de prononcer de condamnation par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,

Condamne les époux [K] solidairement aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 21/176867
Date de la décision : 25/05/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-05-25;21.176867 ?
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