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25/05/2022 | FRANCE | N°16/15593

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 25 mai 2022, 16/15593


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



PÔLE 5 - CHAMBRE 4



ARRÊT DU 25 MAI 2022



(n° , 10 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/15593 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZIUZ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Juin 2016 -Tribunal de Commerce de LYON - RG n° 2014J02460





APPELANTE



SARL LAMPERT

prise en la personne de ses reprÃ

©sentants légaux



ayant son siège social : [Adresse 3]



immatriculée au RCS de PERPIGNAN sous le numéro 329 370 860



Représentée par Me Nicolas PINTO, avocat au barreau de PARIS, toque : C1...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

PÔLE 5 - CHAMBRE 4

ARRÊT DU 25 MAI 2022

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/15593 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZIUZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Juin 2016 -Tribunal de Commerce de LYON - RG n° 2014J02460

APPELANTE

SARL LAMPERT

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social : [Adresse 3]

immatriculée au RCS de PERPIGNAN sous le numéro 329 370 860

Représentée par Me Nicolas PINTO, avocat au barreau de PARIS, toque : C1408

INTIMÉE

ENI FRANCE SARL

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social : [Adresse 1]

immatriculée au RCS de LYON sous le numéro 969 502 004

Représentée par Me Sandra OHANA-ZERHAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Ayant pour avocat plaidant Me Gwendoline ARNAUD, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre,

Sophie DEPELLEY, Conseillère,

Camille LIGNIERES, Conseillère,

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Sophie DEPELLEY, Conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Meggy RIBEIRO

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, et par Mme Najma EL FARISSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La SARL Lampert (ci-après 'la société Lampert') a pour activité l'exploitation d'une station autoroutière.

La S.A.R.L ENI France (ci-après 'la société ENI') a pour objet la commercialisation d'hydrocarbures.

A compter du 9 novembre 2005, la société AGIP France, aux droits de laquelle vient la société ENI, a confié à la société Lampert sa station-service autoroutière située Aire [Localité 4] à [Localité 2] (66). Les activités de la société Lampert se décomposaient contractuellement comme suit :

- un mandat pour la distribution des produits pétroliers,

- une location-gérance pour les activités annexes.

La vente des carburants était rémunérée mensuellement par :

- une commission fixe de 10.000 euros HT,

- une commission variable de 6 euros HT par m3.

Par ailleurs, la société Lampert versait à la société ENI un loyer mensuel fixe de 15.040 euros HT, ainsi qu'un loyer variable composé de 35% du chiffre d'affaires des activités « Bar-buffet / Restauration rapide » et de 27% du chiffre d'affaires réalisé sur les activités hors carburant au-delà de 1.172.975 euros.

La société ENI a renouvelé le contrat à durée déterminée pour une nouvelle période triennale à compter du 9 novembre 2008. Le loyer mensuel dû par la société Lampert a augmenté pour s'élever à la somme de 16.400 euros HT et la commission mensuelle fixe carburant versée par la société ENI a baissé pour s'élever à la somme de 8.400 euros HT.

A compter du 15 février 2011, la société ENI a aussi confié à la société Lampert l'exploitation de la station autoroutière située Aire de [Localité 5] à [Localité 6] (66) et prorogé au 31 décembre 2012 le contrat concernant la station-service autoroutière située Aire du [Localité 4], dont l'échéance était initialement fixée au 8 novembre 2011.

Les sociétés ENI et Lampert ont signé des actes intitulés « transactions » pour les exercices 2008/2009 et 2009/2010.

Le 31 décembre 2012, le contrat liant les sociétés Lampert et ENI a pris fin.

Des échanges ont ensuite eu lieu entre les parties, la société Lampert demandant à la société ENI de prendre en charge ses pertes.

Par acte du 27 novembre 2014, la société Lampert a saisi le tribunal de commerce de Lyon afin d'obtenir le remboursement des pertes du mandat et l'indemnisation totale de la rupture des relations commerciales.

Par jugement du 16 juin 2016, le tribunal de commerce de Lyon a :

- Débouté la société SARL LAMPERT de ses demandes concernant les exercices 2008/2009 et 2009/2010 ;

- Débouté la société SARL LAMPERT de ses demandes concernant les années 2010/1011 et 2011/2012 tant pour le [Localité 5] que la station de [Localité 2] ;

- Dit qu'il n'y a pas lieu a nomination d'expert;

- Dit que la société ENI FRANCE SARL a commis une faute et est responsable de la rupture;

- Dit que cette rupture n'est pas brutale ;

- Fixé l'indemnité à la somme de 122 430 € ;

- Condamné la société ENI FRANCE SARL à payer à la société SARL LAMPERT la somme de 122 430 € a titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant de la rupture des relations contractuelles sans préavis ;

- Rejeté tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties ;

- Condamné la société ENI France SARL à payer à la société SARL LAMPERT la somme de 5000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision nonobstant appel et sans caution;

- Condamné la société ENI FRANCE SARL en tous les dépens de l'instance.

Le 15 juillet 2016, la Cour est saisie de l'appel interjeté par la société Lampert du jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon en date du 16 juin 2016, afin d'obtenir le remboursement des pertes du mandat et l'indemnisation totale de la rupture des relations commerciales.

Par arrêt du 22 mai 2019, la cour d'appel de Paris a :

- Infirmé le jugement sauf en ce qu'il a :

o Condamné la société ENI FRANCE à payer à la société LAMPERT la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

o Ordonné l'exécution provisoire,

o Condamné la société ENI FRANCE aux dépens ;

- L'a confirmé sur ces points ;

Et statuant à nouveau :

- Déclaré irrecevable la demande de la société LAMPERT en paiement des pertes subies par le mandat relatif à la station-service de [Localité 2] les exercices 2008/2009 et 2009/2010 ;

- Dit que la société ENI FRANCE doit verser à la société LAMPERT les différentiels nés de l'activité de mandat de vente des produits pétroliers au titre des exercices 2010/2011 et 2011/2012 pour les stations-services de [Localité 2] et [Localité 5] ;

- Ordonné une expertise pour déterminer le montant de ces différentiels ;

- Désigné Monsieur [V] [L] avec pour mission de :

o rechercher les commissions qui ont été versées au titre des exercices 2010/2011 et 2011/2012 pour les stations-services de [Localité 2] et [Localité 5],

o déterminer la répartition des différentes charges entre l'activité de mandat et l'activité de location-gérance,

o chiffrer le montant des pertes afférentes à l'activité de distribution des carburants au titre des exercices 2010/2011 et 2011/2012 pour les stations-services de [Localité 2] et [Localité 5] et déterminer l'origine de ces pertes,

o fournir tous éléments d'information permettant de déterminer le montant

des différentiels de commissions dus par la société ENI FRANCE.

- Fixé à 8.000 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert que versera la société LAMPERT entre les mains du régisseur d'avances et de recettes de la Cour d'appel de PARIS ;

- Réservé les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Débouté la société LAMPERT de sa demande au titre de la rupture brutale des

relations commerciales établies.

Vu les dernières conclusions de la société Lampert , déposées et notifiées le 28 janvier 2022 par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Vu les articles 1999 et 2000 du Code Civil,

Vu l'article 3.3 du contrat,

- Juger la SARL LAMPERT recevable en ses demandes.

En conséquence,

A titre principal,

- Condamner ENI France à verser à la SARL LAMPERT les sommes de:

'' 375.123 euros HT au titre du différentiel de commission pour l'exercice

2010/2011 pour la station de [Localité 2] ;

'' 429.479 euros HT au titre du différentiel de commission pour l'exercice

2011/2012 pour la station de [Localité 2] ;

'' 295.480 euros HT au titre du différentiel de commission pour l'exercice

2010/2011 pour la station de [Localité 5] ;

'' 426.827 euros HT au titre du différentiel de commission pour l'exercice

2010/2011 pour la station de [Localité 5].

- Juger que ces sommes porteront intérêts avec capitalisation conformément à l'article 1154 du Code civil à compter de la réception par ENI de la mise en demeure, soit du 18 juillet 2013.

À titre subsidiaire,

- Condamner ENI France à verser à la SARL LAMPERT les sommes correspondantes

à l'hypothèse n°2 du rapport d'expertise (page 45) de:

'' 322.423 euros HT au titre du différentiel de commission pour l'exercice

2010/2011 pour la station de [Localité 2] ;

'' 340.658 euros HT au titre du différentiel de commission pour l'exercice

2011/2012 pour la station de [Localité 2] ;

'' 248.401 euros HT au titre du différentiel de commission pour l'exercice

2010/2011 pour la station de [Localité 5] ;

'' 283.132 euros HT au titre du différentiel de commission pour l'exercice

2010/2011 pour la station de [Localité 5].

- Juger que ces sommes porteront intérêts avec capitalisation conformément à l'article 1154 du Code civil à compter de la réception par ENI de la mise en demeure, soit du 18 juillet 2013.

À titre très subsidiaire,

- Condamner ENI France à verser à la SARL LAMPERT les sommes correspondantes

à l'hypothèse n°1 du rapport d'expertise (page 44) de:

'' 186.068 euros HT au titre du différentiel de commission pour l'exercice

2010/2011 pour la station de [Localité 2] ;

'' 190.129 euros HT au titre du différentiel de commission pour l'exercice

2011/2012 pour la station de [Localité 2] ;

'' 124.096 euros HT au titre du différentiel de commission pour l'exercice

2010/2011 pour la station de [Localité 5] ;

'' 158.682 euros HT au titre du différentiel de commission pour l'exercice

2010/2011 pour la station de [Localité 5].

- Juger que ces sommes porteront intérêts avec capitalisation conformément à l'article 1154 du Code civil à compter de la réception par ENI de la mise en demeure, soit du 18 juillet 2013.

En tout état de cause,

- Débouter ENI France de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- Condamner ENI France à verser à la SARL LAMPERT la somme de 25.000 € au titre de l'article 700 du CPC ; ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont les frais d'expertise.

- Juger que ces sommes porteront intérêts au taux légal avec capitalisation conformément à l'article 1154 du Code Civil à compter de la demande.

Vu les dernières conclusions de la société ENI, déposées et notifiées le 4 février 2022 par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Vu le dispositif contractuel et les Accords Interprofessionnels du Pétrole,

Vu le rapport d'expertise en date du 08 avril 2021,

Vu les pièces versées aux débats,

Juger la société ENI FRANCE recevable et bien fondée en l'ensemble de ses

demandes, fins et conclusions.

Juger la société LAMPERT irrecevable et subsidiairement mal fondée en l'ensemble

de ses demandes, fins et conclusions.

En conséquence,

Débouter la société LAMPERT de l'intégralité de ses demandes au titre du différentiel de commissions.

Reprendre les conclusions de l'Expert après avoir procédé aux différentes corrections pointées par la société ENI FRANCE et en particulier aux corrections suivantes :

- D'une part : par l'application d'une clef de répartition à hauteur de 30% à l'activité « mandat » et 70% à l'activité « hors mandat » pour les principaux postes des services extérieurs, et 10% à l'activité « mandat » et 90% à l'activité « hors mandat » pour la consommation en eau,

- D'autre part : par l'application d'une clef de répartition à hauteur de 10% à l'activité « mandat» et 90% à l'activité « hors mandat » pour les postes de frais de personnel, subvention d'exploitation et taxes assises sur les salaires.

Juger que la rémunération des gérants à prendre en compte sera la rémunération annuelle brute de référence des gérants, telle que prévue par les A.I.P.

En conséquence, JUGER que la société ENI FRANCE ne doit aucune somme à la société LAMPERT au titre du différentiel de commissions, le montant des commissions effectivement versées ayant permis à la société LAMPERT de couvrir intégralement le montant des charges afférentes au mandat de vente de carburant.

Condamner la société LAMPERT au paiement de la somme de 8.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise.

***

La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Les parties se sont opposées sur la répartition des produits et charges des stations service entre l'activité de la vente de carburant régie par les règles du mandat et les activités annexes, notamment la boutique, régies par les règles de la location-gérance, suivant les conventions et avenants signés entre les parties entre 2008 et 2011 ainsi que sur le principe de la compensation des pertes de l'une des activités par le bénéfice dégagé par l'autre activité.

La Cour de céans, dans son arrêt du 22 mai 2019, a dit aux termes de son dispositif que la société ENI FRANCE doit verser à la société LAMPERT les différentiels nés de l'activité de mandat de vente des produits pétroliers au titre des exercices 2010/2011 et 2011/2012 pour les stations-services de [Localité 2] et [Localité 5] et ordonné une expertise pour déterminer le montant de ces différentiels.

L'expert dans son rapport, dans un premier temps, a déterminé le montant des commissions versées par la société ENI à la société Lampert au titre des exercices 2010/2011 et 2011/2012 pour les aires de services de [Localité 2] et [Localité 5], puis a chiffré les pertes afférentes à l'activité de distribution de carburants en procédant à l'affectation des produits et charges entre les activités 'mandat' et 'hors mandat'. Au terme de son rapport, l'expert a chiffré les pertes de l'activité liée à la distribution de carburants par la société Lampert pour le compte de Eni suivant deux hypothèses :

1/ selon que les charges de loyers sont affectées intégralement à l'activité 'location-gérance', soit les pertes suivantes :

2010/2011

2011/2012

Total

[Localité 2]

-186068

-190129

-376197

[Localité 5]

-124096

-158682

-282778

TOTAL

-310164

-348811

-658975

2/ selon que les charges de loyers sont affectées à l'activité 'mandat' à hauteur de 73%, soit les pertes suivantes :

2010/2011

2011/2012

Total

[Localité 2]

-322434

-340658

-663091

[Localité 5]

-248401

-283132

-531533

TOTAL

-570835

-623790

-1194624

Les parties contestent ce rapport au regard de l'imputation du poste 'loyer', des charges courantes, des charges de personnel, des impôts et taxes, des autres postes.

* sur l'imputation du loyer

La société Lampert soutient qu'il ressort des termes du contrat que la totalité du fonds de commerce, y compris l'activité distribution carburant, a été mise en location-gérance, en sorte qu'il convient d'attribuer une quote-part du loyer à la vente de carburant. Elle estime qu'une quote-part de 73% doit être affectée à l'activité 'mandat', calculée par déduction du loyer variable égale à 27% du chiffre d'affaire annexe tel que prévu au contrat (art. 2.3 du contrat). La société ENI soutient qu'une partie du loyer doit être affectée à la vente de carburant dans la mesure où la variation dans le volume des ventes de carburant impacte le montant du loyer. Elle ajoute qu'il y a toujours un loyer même lorsque l'activité ne prévoit pas de diversification.

La société ENI prétend au contraire que les charges de loyer doivent être affectées en intégralité à l'activité de location-gérance. Elle ajoute que cette répartition est contractuellement établie à l'article 2.5 du contrat. Pour ENI, le taux de 27% existe mais il correspondrait à la partie du chiffre d'affaires dépassant l'objectif de vente facturé en plus en tant que loyer variable complémentaire de l'activité annexe hors carburant.

Sur ce,

Pour déterminer la clé de répartition de la charge de loyer, il convient de se reporter à la méthode de calcul de ce loyer telle que prévue aux conventions liants les parties.

Il ressort des contrats versés aux débats ( pièces Lampert n° 2 et 3) que suivant les dispositions de l'article 2.1, la location-gérance organisée au titre II a pour objet 'la partie du fonds de commerce' consacrée aux activités autres que celle de la distribution de carburant, elle-même organisée au titre III. L'article 2.5 fixe le calcul du loyer de la location-gérance de la manière suivante :

'La présente location-gérance est consentie moyennant le paiement à AGIP d'un loyer défini comme suit :

- une partie fixe, définie aux Conditions Particulières, qui sera réévaluée de 2% chaque année contractuelle. En outre, en cas d'investissement réalisé par AGIP en cours de contrat, le montant du loyer sera revu en conséquence,

- une partie complémentaire sur le dépassement d'objectif du chiffre d'affaires de ventes non carburants, tel que défini aux Conditions Particulières (...)'

Aux termes des conditions particulières à la convention de location-gérance, il était prévu :

* Pour l'aire de service de [Localité 2] en 2008 :

- un loyer de location gérance fixe mensuel à 16 640 € HT par mois,

- un taux de loyer complémentaire sur le dépassement des objectifs fixé à 27% pour un objectif de 1 172 975 € HT pour activité définie à l'article 2.5 et 35% pour un objectif de 0€ HT pour l'activité bar-buffet/ restauration rapide ;

* Pour l'aire de services de [Localité 5] :

- un loyer de location gérance fixe mensuel à 15 136 € HT par mois,

- un taux de loyer complémentaire sur le dépassement des objectifs fixé à 27% pour un objectif de 1 299 500 € HT pour l'activité 2.5 et 0% pour l'activité bar-buffet/ restauration rapide ;

Comme le relève à juste titre la société ENI, il se traduit clairement des dispositions contractuelles, notamment de la méthode de calcul de la partie variable du loyer uniquement sur le chiffre d'affaires ventes non carburants, que celui-ci est la contrepartie de l'exploitation par la société Lampert du commerce 'boutique généraliste', et que le taux de 27% est bien fixé pour le calcul de la partie variable sur le dépassement de l'objectif de chiffres d'affaires de l'activité non carburant, mais ne peut servir à déduire un taux de 73% à appliquer sur le montant total du loyer pour établir une quote-part à affecter à l'activité ' mandat'. Aussi, le loyer tel que prévu au contrat doit être intégralement affecté, pour la répartition des charges, à l'activité 'hors mandat'.

*sur l'imputation des charges courantes (eau, électricité, entretien, assurance, chauffage, fourniture...)

En l'absence d'information détaillées sur les diverses consommations des agencements et matériels et d'éléments précis permettant de procéder à une ventilation affinée des charges entre les différentes activités, l'expert a retenu une clé de répartition à 50% activité 'mandat' et à 50% activité 'location-gérance' pour les charges courantes.

Si les parties contestent cette répartition, et avancent une répartition 30% mandat/70% boutique pour la société ENI ou l'inverse 75% mandat/ 25% boutique pour la société Lampert, les pièces versés aux débats ne sont pas suffisantes pour justifier les proportions alléguées contraires.

La clé de répartition de l'expert 50/50 sera donc retenue.

* sur l'imputation des charges de personnel

L'expert judiciaire a d'abord déterminé un effectif minimum de 6,5 personnes permettant d'assurer l'ouverture de la station-service 24/24 et 365 jours/an, puis considérant :

- la répartition des frais de personnel dans les comptes annuels des stations-service

- l'absence d'information concernant le nombre de clients 'mandat' et 'location-gérance', ni le panier moyen de chacune des activités,

- la polyvalence des employés à chacune des activités,

il a retenu la clé de répartition 60% de frais de personnel (hors gérance) affectés à l'activité 'mandat' et 40% des frais de personnel affectés à l'activité 'location-gérance'.

La société Lampert conteste cette évaluation et estime la répartition à hauteur de 80% pour le mandat et 20% pour la location-gérance, notamment du fait que la vente de carburant devait être assurée 24h/24 et 365 jours/ an, et que :

- il faut plus d'une personne en permanence pour l'activité carburant car outre l'encaissement des ventes, il y a d'autres tâches qui doivent être effectuées en même temps impliquant le travail de plus d'un salarié,

- le coût des caissiers de nuits, qui ne sont présents que pour l'activité carburant (la boutique étant fermée la nuit) et devraient donc être imputés à 100% au mandat.

La société ENI conteste les répartitions retenues par l'expert et par la société Lambert. Elle indique que selon une étude menée par l'APRR et Vinci Autoroute, le besoin de carburant viendrait en dernière position après le repos, la restauration et le besoin sanitaire. Elle estime que les frais de personnel doivent être déterminés, non pas en fonction du temps passé par le salarié sur l'aire d'autoroute, mais suivant les besoins des fonctions dédiées à l'activité carburant, à savoir l'encaissement du carburant, la gestion comptable de la vente de carburant, le nettoyage et l'entretien des pistes, gants, raclette et remplacement de l'eau dans les seaux. A partir de cette analyse elle estime que l'effectif moyen doit être 8,2 salariés et non 10,5 et une répartition des charges de 90% pour la location-gérance et 10% pour le mandat.

Sur ce,

Il ressort des analyses de chacune des parties, et notamment de la liste des tâches devant être réalisées au sein des stations situées sur des aires d'autoroute par des salariés polyvalents (conclusions Lampert pages 19 et 20 ; conclusions ENI pages 27 et 28) et des constatations de l'expert, que sa clé de répartition des charges de personnel 40% pour l'activité 'location-gérance' et 60% pour l'activité 'mandat' est réaliste et n'est pas utilement contredite par les éléments produits par les parties, et en particulier la quantification du temps passé par la société ENI. Il en est de même pour l'effectif moyen établi par l'expert à 6,5 ETP.

La clé de répartition 50/50 de la rémunération gérant n'est pas sérieusement contestée. Par ailleurs, la Cour retient le montant de la rémunération des gérants tels prévu par l'expert.

* sur les impôts et taxes et autres postes

Les parties ne contestent pas utilement les différentes clés de répartition retenues par l'expert.

Au regard de l'ensemble de ces constatations, la Cour retient le calcul de l'expert des pertes de l'activité 'mandat' suivant l'hypothèse où les charges de loyers sont intégralement affectées à l'activité 'location-gérance', soit pour les stations [Localité 2] et [Localité 5]:

* Pour l'exercice 2010/2011 : une perte totale de 310 164 euros

* Pour l'exercice 2011/2012 : une perte totale de 348 811 euros

En conséquence, la société ENI France sera condamnée à verser à la société Lampert les sommes suivantes :

- 186.068 euros HT au titre du différentiel de commission pour l'exercice

2010/2011 pour la station de [Localité 2] ;

- 190.129 euros HT au titre du différentiel de commission pour l'exercice

2011/2012 pour la station de [Localité 2] ;

- 124.096 euros HT au titre du différentiel de commission pour l'exercice

2010/2011 pour la station de [Localité 5] ;

- 158.682 euros HT au titre du différentiel de commission pour l'exercice

2010/2011 pour la station de [Localité 5].

La société Lampert sera déboutée du surplus de ses demandes.

Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 2014, date de l'acte introductif d'instance, et avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile en appel

La société ENI, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel, y compris les frais d'expertise.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société ENI sera déboutée de sa demande et condamnée à payer la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Vu l'arrêt du 22 mai 2019 infirmant le jugement sauf en ce qu'il a :

- condamné la société ENI France à payer à la société Lampert la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la société ENI France aux dépens,

La Cour, statuant de nouveau des chefs infirmés et Y ajoutant,

Condamne la société ENI France à verser à la société Lampert les sommes suivantes :

- 186.068 euros HT au titre du différentiel de commission pour l'exercice

2010/2011 pour la station de [Localité 2],

- 190.129 euros HT au titre du différentiel de commission pour l'exercice

2011/2012 pour la station de [Localité 2],

- 124.096 euros HT au titre du différentiel de commission pour l'exercice

2010/2011 pour la station de [Localité 5],

- 158.682 euros HT au titre du différentiel de commission pour l'exercice

2010/2011 pour la station de [Localité 5],

Déboute la société Lampert du surplus de ses demandes ;

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 2014, date de l'acte introductif d'instance, et avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

Condamne la société ENI France aux dépens d'appel y compris les frais d'expertise ;

Condamne la société ENI France à payer à la société Lampert la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 16/15593
Date de la décision : 25/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-25;16.15593 ?
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