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20/05/2022 | FRANCE | N°20/16333

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 20 mai 2022, 20/16333


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11



ARRÊT DU 20 MAI 2022



(n° 2022/ , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/16333 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCUOJ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Octobre 2020 -Tribunal judiciaire de PARIS

- RG n° 18/14308





APPELANT



Monsieur [B] [A] né le 06 décembre 1957 à [Localité

6] de nationalité française domicilié

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034,

Ayant pour avo...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11

ARRÊT DU 20 MAI 2022

(n° 2022/ , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/16333 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCUOJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Octobre 2020 -Tribunal judiciaire de PARIS

- RG n° 18/14308

APPELANT

Monsieur [B] [A] né le 06 décembre 1957 à [Localité 6] de nationalité française domicilié

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034,

Ayant pour avocat plaidant Me Marie-christine BEGUIN de la SELAS CABINET BEGUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0254

INTIMÉE

S.A.S. [V] [F] ET ASSOCIES prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social

[Adresse 1]

[Localité 4]

Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 441 709 961

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant Me Charlotte BEAU VISAGE du Cabinet BEAU VISAGE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : W001

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Marie-Sophie L'ELEU DE LA SIMONE, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :M. Denis ARDISSON, Président de chambre

Mme Marion PRIMEVERT, ConseillèreMme Marie-Sophie L'ELEU DE LA SIMONE,Conseillère,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Meggy RIBEIRO

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Denis ARDISSON, et par Marylène BOGAERS, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

[V] [F], grand mécène, collectionneur d'art et bibliophile chevronné, a fondé à [Localité 5] en 2001 avec d'autres associés la société [V] [F] & Associés (PBA), société de ventes volontaires, agréée par le conseil des ventes. Passionné de littérature et de livres anciens, [V] [F] a constitué pendant près de trente ans une exceptionnelle collection de livres rares.

En 2013, [V] [F] a pris la décision de disperser une partie de sa bibliothèque au travers de sa maison de ventes aux enchères.

Le 3 novembre 2014, M. [P] [R], M. [L] [M] et M. [B] [A] ont chacun conclu un contrat d'expert avec la société [V] [F] & Associés en vue de la vente d'une partie de la bibliothèque de [V] [F].

La première vente a lieu le 11 décembre 2015, le commissaire-priseur dirigeant la vente étant Maître [Y] [U] et et les experts MM. [R], [M] et [A].

En vue de la deuxième vente de livres qui était programmée les 8 et 9 novembre 2016, la société PBA a conclu avec MM. [R] ' la société [P] [R] Rare Books - et [M] ' la société Librairie [L] [M] -, chacun, un contrat d'expert le 3 février 2016 et avec M. [A] un contrat de bibliothécaire consultant le 15 février 2016.

M. [A] a cependant démissionné de ses fonctions de bibliothécaire le 2 novembre 2016.

Le 1er décembre 2016, un nouveau contrat d'expert a été conclu entre la société PBA et M. [B] [A].

En vue de la troisième vente prévue pour le 28 juin 2017, la société PBA a conclu avec M. [X] [O] le 6 février 2017 et avec M. [B] [A] le 8 février 2017 un contrat d'expert.

[V] [F] est décédé le 8 septembre 2017, M. [I] [W] recueillant la succession en qualité de légataire universel.

Si M. [W] a choisi de continuer à collaborer avec la société PBA pour les ventes, il a souhaité que cette dernière s'associe à la société Sotheby's et exprimé la volonté que M. [A] n'intervienne plus en qualité d'expert auxdites ventes, ayant pris la décision de mettre un terme à son contrat de bibliothécaire.

Suivant courriel du 2 mai 2018 puis lettre de son conseil du 28 mai 2018, M. [A] a mis en demeure la société PBA de le réintégrer pour la vente des livres ayant appartenu à [V] [F] qu'elle organisait avec Sotheby's le 14 décembre 2018.

Le 27 juin 2018, le conseil de la société PBA a contesté le bien-fondé de la demande de réintégration au motif que les mandats et engagements antérieurs étaient frappés de caducité depuis le 8 septembre 2017, date du décès de [V] [F].

Suivant exploit du 6 décembre 2018, M. [B] [A] a fait assigner la société [V] [F] et Associés devant le tribunal de grande instance de Paris afin d'obtenir sa réintégration et en dommages-intérêts.

Par jugement du 20 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Paris :

a débouté M. [B] [A] de sa demande de condamnation de la société [V] [F] et Associés à le réintégrer en qualité d'expert pour les ventes de la bibliothèque de [V] [F] à venir,

a débouté M. [B] [A] de ses demandes de condamnation de la société [V] [F] et Associés à lui verser une indemnité correspondant la rémunération de 2,5 % du montant de la vente du 14 décembre 2018 à laquelle il n'a pas participé,

a débouté M. [B] [A] de ses demandes de condamnation de la société [V] [F] et Associés à lui verser des dommages et intérêts,

a débouté la société [V] [F] et Associés de sa demande de condamnation de M. [B] [A] à lui verser des dommages et intérêts en raison du caractère abusif de la procédure,

a condamné M. [B] [A] aux dépens,

a condamné M. [B] [A] à verser à al société [V] [F] et Associés la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

n'a pas fait droit à l'exécution provisoire.

M. [A] a formé appel du jugement par déclaration du 12 novembre 2020 enregistrée le 18 novembre 2020.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 22 juillet 2021, M. [A] demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1111-1112-1112-1, 1221 et suivants, 724, 1186, 1122, 1199 et suivants du code civil, 7, 9, 16 et 700 du code de procédure civile et de l'article 1er du 1er protocole additionnel à la CESDH :

d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté l'intimée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et, statuant à nouveau ;

de débouter l'intimée de ses demandes, fins et conclusions ;

de condamner la société PBA à verser à M. [B] [A] une rémunération de 2,5 % du montant de la 4ème vente (8,1 Millions), soit 202.500 euros ;

de condamner la société PBA à verser à M. [B] [A] une rémunération de 2,5 % du montant de la 5ème vente (2.596.290 euros), soit 64.907,25 euros ;

de condamner la société PBA à verser à M. [B] [A] la somme de 200.000 euros au titre de dommages et intérêts pour préjudice moral résultant de l'atteinte à sa réputation ;

de condamner la société PBA à verser à M. [B] [A] la somme de 100.000 euros au titre de dommages et intérêts pour brusque rupture ;

de condamner la société PBA à verser à M. [B] [A] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

d'ordonner la publication du jugement à intervenir dans deux revues professionnelles ;

de condamner la société PBA aux entiers dépens.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 7 mai 2021, la société [V] [F] & Associés demande à la cour, au visa des articles 1187, 1988, 2003, 1218 et 1351, 1240 du code civil :

Sur l'appel principal de M. [A] :

de débouter M. [B] [A] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

de confirmer le jugement rendu le 20 octobre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a :

* Débouté Monsieur [B] [A] de sa demande de condamnation de la société [V] [F] et Associés à le réintégrer en qualité d'expert pour les ventes de bibliothèque de [V] [F] à venir ;

* Débouté Monsieur [B] [A] de ses demandes de condamnation de la société [V] [F] et Associés à lui verser une indemnité correspondant à la rémunération de 2,5% du montant de la vente du 14 décembre 2018 à laquelle il n'a pas participé ;

* Débouté M. [B] [A] de ses demandes de condamnation de la société [V] [F] et Associés à lui verser des dommages et intérêts ;

* Condamné Monsieur [B] [A] à verser à la société [V] [F] et Associés la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur l'appel incident de la Société [V] [F] et Associés :

d'infirmer le jugement rendu le 20 octobre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a débouté la société [V] [F] et Associés de sa demande de condamnation de M. [B] [A] à lui verser des dommages et intérêts ;

Et statuant à nouveau :

de condamner M. [B] [A] à payer à la société [V] [F] et Associés la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

En tout état de cause :

de condamner M. [B] [A] à verser à la société [V] [F] et Associés la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

de condamner M. [B] [A] aux entiers dépens de l'instance.

La clôture a été prononcée suivant ordonnance en date du 27 janvier 2022.

SUR CE, LA COUR,

Sur la demande de réintégration

M. [A] dit avoir été contraint d'abandonner sa demande de réintégration pour les prochaines ventes aux côtés des deux autres experts. Elles ont en effet eu lieu les 14 décembre 2018 et 16 décembre 2020. Cette demande faite en première instance n'est donc plus formée en appel.

Sur les demandes de dommages-intérêts

M. [B] [A] soutient que sa proximité avec [V] [F], de notoriété publique, a suscité des jalousies et qu'il a ainsi été écarté dès le décès de ce dernier, en dépit de la volonté du défunt sur sa participation à l'intégralité des ventes constituant sa bibliothèque, comme précisé en préambule du contrat du 1er décembre 2016. Ainsi, le contrat de mandat conclu entre [V] [F] et la société PBA d'une part, et le contrat passé entre PBA et lui le 1er décembre 2016 peuvent être déconnectés, en l'absence d'indivisibilité contractuelle. L'appelant souligne que [V] [F] avait maintes fois exprimé son souhait que M. [A] demeure l'expert attitré de toutes ses 'uvres dans le cadre des ventes et soutient que son décès était envisagé lors de la conclusion du contrat du 1er décembre 2016. Il rappelle les termes du préambule dudit contrat qui manifestent selon lui l'engagement ferme pris la société PBA.

La société [V] [F] & Associés soutient que c'est M. [P] [R] qui a présenté M. [A] à [V] [F]. Elle fait valoir que le mandat de vente pour tous les livres de la bibliothèque confié par [V] [F] à la société PBA est devenu caduc par le décès de [V] [F], et partant, tous les contrats pris pour son exécution le sont devenus également. Elle fait valoir que le décès de [V] [F] constitue un cas de force majeure empêchant définitivement l'exécution du contrat du 1er décembre 2016 et qu'elle n'a donc pas commis de faute en n'engageant pas M. [A]. Enfin elle souligne que le contrat conclu le 1er décembre 2016 ne prévoit pas d'engagement de PBA de recourir aux services de M. [A] en tant qu'expert.

Le contrat litigieux ayant été conclu postérieurement au 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, les nouvelles dispositions issues de cette réforme sont applicables.

Aux termes de l'article 1186 du code civil :

« Un contrat valablement formé devient caduc si l'un de ses éléments essentiels disparaît.

Lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie.

La caducité n'intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement. ».

Le « contrat expert » conclu entre la société de ventes volontaires [V] [F] & Associés (« PBA »), représentée par M. [Y] [U], et M. [B] [A] (« l' « EXPERT ») le 1er décembre 2016 contient le préambule suivant :

« 1. PBA est une société active notamment dans le domaine de l'organisation et la tenue de ventes aux enchères publiques d''uvres d'art, d'objet de collection ou de décoration et, notamment de livres ;

2. PBA a le mandat de vente de l'intégralité de la bibliothèque de M. [V] [F] qui a eu lieu à [Localité 5] en 2015 et 2016 et qui devrait se prolonger jusqu'en décembre 2018.

3. L'EXPERT a été contacté par PBA en raison de sa réputation et de ses compétences en matière de bibliophilie. Il participera à l'intégralité des ventes constituant la bibliothèque de M. [V] [F].

4. L'EXPERT accepte de s'investir, en temps et en efforts, autant que nécessaire dans la réalisation du dossier qui lui sera confié.

5. L'EXPERT a été informé par PBA, que PBA s'associera également les soins et expertises professionnelles de deux autres experts, à savoir :

[P] [R]

Benoît [M]

6. L'EXPERT a été informé par PBA que PBA s'associera avec la maison de vente « Sotheby's » dans le cadre de la promotion de la vente au plan international. ».

L'article 4.1 « ENTREE EN VIGUEUR ET DUREE » précise : « Le présent contrat entrera en vigueur dès sa signature et jusqu'à la date de la dernière vente des 'uvres constituant la bibliothèque de M. [V] [F]. ».

Les précédents contrats « expert » conclus entre PBA et MM. [P] [R], [L] [M] et [B] [A] le 3 novembre 2014 comportaient un préambule identique, à l'exception du point 2 sur les dates des ventes et du point 3 qui ne comprenait pas la phrase « Il participera à l'intégralité des ventes constituant la bibliothèque de M. [V] [F]. ». L'article 4.1 est également identique. Il en est de même des deux autres contrats « expert » conclus entre la société PBA et respectivement la société [P] [R] Rare Books et la société Librairie [L] [M] le 3 février 2016 et du contrat bibliothécaire-consultant conclu entre la société PBA et M. [A] le 15 février 2016.

Deux nouveaux contrats d'expert ont été conclus postérieurement au 1er décembre 2016, en vue de la vente d''uvres musicales et de poésie, entre la société PBA et M. [X] [O] le 6 février 2017 et M. [B] [A] le 8 février 2017. Le préambule de ces contrats est similaire. Celui du contrat de l'appelant est ainsi libellé :

« 1. PBA est une société active notamment dans le domaine de l'organisation et la tenue de ventes aux enchères publiques d''uvres d'art, d'objet de collection ou de décoration et, notamment de livres ;

2. PBA a le mandat de vente de l'intégralité de la bibliothèque de M. [V] [F] qui a eu lieu à [Localité 5] le 11 décembre 2015 et le 8 et 9 novembre 2016 et qui se poursuivra en 2017 et 2018 à travers au moins une session annuelle.

PBA envisage de réaliser une vente d''uvres musicales et de poésie au 1er semestre 2017.

3. L'expert a été contacté par PBA en raison de sa réputation et de ses compétences en matière de bibliophilie et de poésie, et notamment ayant collaboré depuis de nombreuses années avec le vendeur.

4. L'expert accepte de s'investir, en temps et en efforts, autant que nécessaire dans la réalisation du dossier qui lui sera confié.

5. L'expert a été informé par PBA, que PBA s'associera également les soins et expertises professionnelles d'un expert spécialisé dans la musique classique, M. [X] [O].

6. L'expert a été informé par PBA que PBA s'associera avec la maison de vente « Sotheby's » dans le cadre de la promotion de la vente au plan international. ».

L'article 4.1 « ENTREE EN VIGUEUR ET DUREE » précise : « Le présent contrat entrera en vigueur dès sa signature et jusqu'à l'apurement comptable des acheteurs de ladite-dernière vente. ».

Cette vente a eu lieu le 28 juin 2017.

Il résulte de l'enchaînement de ces contrats que plusieurs mandats de vente successifs ont été confiés à la société PBA par [V] [F], dans le but de vendre le contenu de sa bibliothèque personnelle. L'existence de ces mandats de vente, rappelée en préambule de chacun des contrats produits, nonobstant l'absence d'écrit, n'est pas contestable. Chacune des ventes ayant un contenu différent ' avec un thème tel que « 'uvres musicales et de poésie » par exemple pour la vente du 28 juin 2017 -, chaque session a donné lieu à des contrats d'expert conclus spécifiquement, avec, en amont, le mandat de vente particulier donné par [V] [F] à la société PBA. Dans le cadre de ces ventes, nul mandat général n'a pu être donné par [V] [F] mais un mandat exprès devait être renouvelé à chaque vente, conformément aux termes de l'article 1988 du code civil.

Certes le contrat d'expert du 1er décembre 2016 précise bien que M. [B] [A] participera à toutes les ventes des 'uvres constituant la bibliothèque de [V] [F] et que le contrat restera en vigueur jusqu'à la dernière vente. Les courriels produits témoignent du contexte particulier de la signature de ce contrat et de la confiance renouvelée de [V] [F] en M. [A] envers lequel il nourrissait une profonde amitié et qu'il tenait en haute estime. Les termes de ce contrat traduisent ainsi la volonté de [V] [F] de faire appel à M. [A] en qualité d'expert jusqu'à la dernière vente des 'uvres de la bibliothèque de [V] [F].

[V] [F] est décédé le 8 septembre 2017. Par testament, il a légué à M. [I] [W], son mari et légataire universel, l'ensemble des livres composant sa bibliothèque. M. [W] a accepté la succession et est devenu propriétaire de ces livres.

Le mandat de vente liant [V] [F] à la société [V] [F] & Associés est donc devenu caduc par l'effet du décès du mandant, conformément aux dispositions de l'article 2003 du code civil. Ce mandat et les contrats d'expert conclus successivement étant incontestablement liés, les seconds ne pouvant avoir d'effet sans le premier, la disparition du mandat de vente a rendu impossible l'exécution du contrat d'expert du 1er décembre 2016. Les livres composant la bibliothèque litigieuse étant devenus la propriété de M. [W], ce dernier a fait le choix de ne pas faire appel à M. [A] en tant qu'expert pour les ventes à venir. Aucune disposition testamentaire ne l'obligeait à avoir recours aux services de M. [A].

La quatrième vente a eu lieu le 14 décembre 2018 et la cinquième vente le 16 décembre 2020.

Aussi violent qu'ait pu être le ressenti de M. [A], seul expert du trio initial à être ainsi évincé de la vente du 14 décembre 2018 pour laquelle M. [W] a continué à faire appel à la société PBA et à MM. [R] et [M], la société PBA n'a cependant pas commis de faute en ne faisant pas appel à ses services, sachant au surplus que l'appelant a été informé dès le 2 mai 2018 qu'il ne participerait pas à la vente prévue pour le mois de décembre.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a débouté M. [A] de l'ensemble de ses demandes.

Sur la demande reconventionnelle de la société [V] [F] & Associés

La société PBA sollicite la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts en estimant avoir subi un préjudice du fait de la délivrance par M. [A] de son assignation quelques jours avant la vente organisée le 14 décembre 2018 à des fins d'intimidation et de nuisance.

M. [A] fait valoir qu'il a tenté pendant plusieurs mois de trouver une solution amiable avant d'être contraint de délivrer assignation à la société PBA.

Force est de constater que la société PBA ne démontre ni le préjudice moral résultant de cette action en justice, dont il n'est pas non plus prouvé qu'elle ait dégénéré en abus, ni que la vente du 14 décembre 2018 en ait été perturbée.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société PBA de sa demande de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

M. [A] succombant à l'action, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les dépens et statuant de ce chef en cause d'appel, il sera aussi condamné aux dépens. En revanche, il n'est pas inéquitable de débouter la société PBA de ses demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu'en appel.

PAR CES MOTIFS, statuant publiquement

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné M. [B] [A] à verser à la société [V] [F] & Associés la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE M. [B] [A] aux dépens ;

DÉBOUTE la société [V] [F] & Associés de ses demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile formées en première instance et en appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 20/16333
Date de la décision : 20/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-20;20.16333 ?
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