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19/05/2022 | FRANCE | N°21/21090

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 10, 19 mai 2022, 21/21090


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 10



ARRÊT DU 19 MAI 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/21090 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEYN2



Décision déférée à la cour :

jugement du 18 novembre 2021-juge de l'exécution de PARIS -RG n° 21/81551



APPELANTE

Madame [T] [Z]

[Adresse 1] à [Localité 8]

[Localité 4]

Représentée par Me Jonathan BELLAICHE de la

SELEURL GOLDWIN SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K103



INTIMÉE

PARIS HABITAT OPH

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Sylvie KONG THONG de l'AARPI Dominique...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 19 MAI 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/21090 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEYN2

Décision déférée à la cour :

jugement du 18 novembre 2021-juge de l'exécution de PARIS -RG n° 21/81551

APPELANTE

Madame [T] [Z]

[Adresse 1] à [Localité 8]

[Localité 4]

Représentée par Me Jonathan BELLAICHE de la SELEURL GOLDWIN SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K103

INTIMÉE

PARIS HABITAT OPH

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Sylvie KONG THONG de l'AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069

Ayant pour avocat plaidant Me Aude LACROIX, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 8 avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Catherine LEFORT, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre

Madame Catherine LEFORT, conseiller

Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

GREFFIER lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT

-contradictoire

-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier, présent lors de la mise à disposition.

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par jugement réputé contradictoire en date du 27 mai 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a notamment annulé pour dol le bail conclu entre [10] et Mme [T] [Z] portant sur un local à usage d'habitation sis [Adresse 2] à [Localité 9], et ordonné l'expulsion de Mme [Z], en la condamnant au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer, augmentée des charges et accessoires, jusqu'à la date du jugement, et au double du loyer, augmentée des charges et accessoires, à compter du jugement jusqu'à libération des lieux.

Cette décision a été signifiée le 15 juin 2021 à Mme [Z] qui en a fait appel.

Le 8 juillet 2021, [10] lui a fait délivrer un commandement de quitter les lieux.

Par acte d'huissier du 30 juillet 2021, Mme [Z] a fait assigner [10] devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris aux fins d'annulation du commandement de quitter les lieux et d'obtention d'un délai pour quitter les lieux jusqu'au prononcé de l'arrêt de la cour d'appel sur l'appel interjeté contre le jugement du 27 mai 2021, à défaut un délai de trois ans.

Par jugement du 18 novembre 2021, le juge de l'exécution a :

dit n'y avoir lieu d'annuler le commandement de quitter les lieux du 8 juillet 2021 ni les actes d'exécution subséquents,

rejeté la demande de sursis à expulsion,

condamné Mme [Z] au paiement de la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par déclaration du 1er décembre 2021, Mme [Z] a relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions du 23 mars 2022, elle demande à la cour de :

infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

In limine litis,

prononcer la nullité du commandement de quitter les lieux du 8 juillet 2021,

prononcer la nullité du procès-verbal de tentative d'expulsion du 31 août 2021 et de la réquisition de la force publique du 1er septembre 2021,

Sur le fond,

lui accorder un délai pour quitter les lieux jusqu'à l'arrêt de la cour d'appel de Paris à intervenir sur l'appel interjeté à l'encontre du jugement rendu le 27 mai 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, ou à défaut, un délai de trois ans à compter de la présente décision,

à titre principal, débouter [10] de sa demande tendant à conditionner le délai de grâce au paiement des indemnités d'occupation doublées à bonne échéance,

à titre subsidiaire, lui accorder un délai de grâce pour le paiement des indemnités d'occupation doublées à échéance et reporter le paiement de ces sommes à deux ans à compter de la décision à intervenir,

En tout état de cause,

débouter [10] de l'ensemble de ses demandes,

condamner [10] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Sur la nullité du commandement de quitter les lieux, elle fait valoir que le commandement du 8 juillet 2021 indiquait une date de libération des locaux erronée, ce qui lui a causé un grief compte tenu de la brièveté du délai, de l'impossibilité de trouver un logement et d'organiser un déménagement dans un délai si court. Elle souligne que le procès-verbal de tentative d'expulsion du 31 août 2021 préalable à la réquisition de la force publique du 1er septembre 2021 n'indique pas précisément le commandement en application duquel cette tentative a été diligentée. A l'appui de sa demande de délai, elle invoque sa bonne volonté dans l'exécution de ses obligations et sa situation, faisant valoir qu'elle continue de verser le montant du loyer au titre de son occupation du logement, et qu'elle a 51 ans, perçoit un salaire mensuel de 1747,48 euros en moyenne, a deux enfants dont un atteint d'une grave maladie nécessitant l'intervention d'une infirmière à domicile. Elle explique qu'il existe un risque d'infirmation du jugement ayant prononcé la nullité du contrat de bail et son expulsion, en raison de la prescription de l'action en nullité et de l'absence de caractérisation des conditions du dol. Elle soutient enfin qu'elle a effectué des diligences en vue de son relogement et a entrepris des démarches dans le cadre du recours DALO.

Par dernières conclusions du 1er mars 2022, [10] demande à la cour de :

débouter Mme [Z] de l'ensemble de ses demandes,

confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

condamner Mme [Z] à lui payer la somme de 1800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'appel,

A titre subsidiaire,

juger que le délai de grâce ne pourra excéder le 31 mars 2022,

strictement conditionner le délai de grâce au paiement des indemnités d'occupation doublées à bonne échéance,

En tout état de cause,

condamner Mme [Z] à lui payer la somme de 1800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens d'appel.

Il fait valoir que le commandement de quitter les lieux du 8 juillet 2021 mentionnant un délai de huit jours est valide et n'a pas pu causer de grief à l'appelante puisque le jugement avait supprimé tout délai pour quitter les lieux ; et que le nouveau commandement de quitter les lieux du 17 août 2021 indiquait précisément qu'il annulait et remplaçait le précédent acte du 8 juillet 2021. Il soutient que l'argument relatif au risque d'infirmation de la décision est étranger aux critères légaux d'octroi d'un délai de grâce et tend en réalité à la suspension du jugement. Il fait valoir que Mme [Z] est de mauvaise foi, qu'elle a commis une fraude pour obtenir son logement au détriment de nombreuses familles inscrites avant elle, qu'elle ne règle pas l'indemnité d'occupation doublée, ne produit aucun justificatif de démarches sérieuses en vue de son relogement, et n'a pas transmis un dossier complet à la commission [7].

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d'annulation du commandement de quitter les lieux

Le juge des contentieux de la protection, dans son jugement du 27 mai 2021, a ordonné l'expulsion « immédiate et sans délai » de Mme [Z] et a supprimé le délai de deux mois pour quitter les lieux suivant le commandement prévu par l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution.

Il résulte cependant de l'article R.411-1 du code des procédures civiles d'exécution que le commandement de quitter les lieux contient à peine de nullité l'indication de la date à partir de laquelle les locaux devront être libérés.

Le commandement de quitter les lieux en date du 8 juillet 2021 indique : « Je vous fais commandement dans le délai de huit jours à compter de la date figurant en tête du présent acte de quitter et vider les lieux ['] et ce au plus tard le 12 juillet 2021. » A l'évidence, cette contradiction ne permet pas de savoir précisément à quelle date Mme [Z] était censée libérer le logement. Cette erreur revient donc à une absence de mention de la date à partir de laquelle les locaux doivent être libérés.

Toutefois, en application de l'article 114 du code de procédure civile, la nullité pour vice de forme d'un acte de procédure ne peut être prononcée qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité.

Or en l'espèce, Mme [Z] ne saurait justifier d'un grief causé par cette irrégularité puisque neuf mois après la délivrance du commandement, elle est toujours dans les lieux.

En tout état de cause, [10] lui a fait délivrer un nouveau commandement de quitter les lieux le 17 août 2021 dont la régularité n'est pas contestée, étant précisé qu'il mentionne bien un délai de huit jours et la date du 25 août 2021 au plus tard. Cet acte mentionne qu'il annule et remplace un précédent acte signifié le 8 juillet 2021 par le même huissier de justice. C'est donc à juste titre que le juge de l'exécution a estimé que la demande d'annulation du commandement du 8 juillet 2021 était sans objet, puisque cet acte avait déjà été annulé par [10].

Il en résulte que la procédure d'expulsion ne peut s'être poursuivie que sur la base de ce dernier commandement. Il n'existe aucune ambiguïté possible.

C'est en conséquence à bon droit que le juge de l'exécution a dit n'y avoir lieu à annulation du commandement de quitter les lieux et des actes subséquents. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de délais pour quitter les lieux

Aux termes de l'article L.412-3 alinéa 1er du code des procédures civiles d'exécution, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d'un titre à l'origine de l'occupation.

L'article L.412-4 du même code dispose : 'La durée des délais prévus à l'article L.412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans. Pour la fixation de ces délais, il doit être tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L.441-2-3 et L.441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés'.

Le jugement du juge des contentieux de la protection est exécutoire de plein droit par provision et il n'appartient pas au juge de l'exécution de prendre en compte les chances d'infirmation de la décision. A l'inverse, le jugement n'étant pas définitif, il n'y a pas lieu non plus de tenir compte du motif de l'expulsion, à savoir la résiliation du contrat pour dol, d'autant plus que Mme [Z] était non comparante et qu'elle a été relaxée définitivement des fins de la poursuite pour usage de faux.

Il ressort du décompte produit par [10] que Mme [Z] est redevable de la somme de 5.039,25 euros au 28 février 2022 au titre des indemnités d'occupation et charges dues depuis juillet 2021, l'occupante ne payant pas la totalité des sommes mises à sa charge (environ 1000 euros par mois).

Mme [Z] justifie percevoir un salaire de 1.700 euros environ par mois en moyenne, ce qui explique qu'elle ne peut payer la majoration prononcée par le juge des contentieux de la protection pour l'indemnité d'occupation (dont le montant est fixé au double de celui du loyer).

Elle justifie avoir deux enfants actuellement scolarisés, en CM2 et en 1ère, à [Localité 9]. Elle apporte la preuve, par la production d'un compte-rendu médical, des graves problèmes de santé de son fils [H], âgé de 17 ans, nécessitant l'intervention d'une infirmière à domicile une fois par semaine.

En outre, à hauteur d'appel, Mme [Z] justifie avoir effectué quelques démarches en octobre 2021 auprès de l'Agence Départementale d'Information sur le Logement ([6]) et du service social de proximité du 17e arrondissement, mais elle ne verse pas au débat l'attestation de demande de logement social. Elle produit cependant un courrier du 6 décembre 2021 de la commission de médiation [7] qui établit qu'elle a effectué un recours en vue d'une offre de logement le 1er décembre 2021 et qui l'invite à compléter son dossier, en listant les pièces justificatives manquantes, notamment justement la copie de l'attestation d'enregistrement de la demande de logement social ou de son renouvellement. Elle verse également au débat un courriel du secrétariat de la commission de médiation en date du 2 mars 2022 lui demandant à titre complémentaire pour quel motif son expulsion a été prononcée, ce qui montre qu'elle a bien complété son dossier, sinon il aurait déjà été rejeté. Par ailleurs, elle bénéficie d'un accompagnement social au centre d'action sociale de la ville de [Localité 9] depuis janvier 2022.

Même si les diligences de Mme [Z] en vue de son relogement peuvent apparaître tardives par rapport à la date de délivrance du commandement de quitter les lieux, elles sont néanmoins réelles et il convient de tenir compte de sa situation familiale, étant précisé que ses revenus ne lui permettent pas de se reloger dans le secteur privé avec ses deux enfants, et que le propriétaire est, quant à lui, un organisme HLM.

Au regard de ces éléments, il convient d'octroyer à Mme [Z] un délai pour se reloger jusqu'au 31 juillet 2023. Il y a donc lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de délai pour quitter les lieux.

Ces délais seront conditionnés par le paiement des indemnités d'occupation courantes, mais non doublées compte tenu de sa situation financière, étant toutefois précisé que cette indemnité majorée reste due, le juge de l'exécution, et partant, la cour statuant avec les mêmes pouvoirs, ne pouvant modifier le dispositif du jugement du juge des contentieux de la protection.

Sur les demandes accessoires

Mme [Z] restant débitrice et succombant partiellement en son appel, il convient de confirmer ses condamnations accessoires et de laisser les dépens d'appel à sa charge.

Il n'est pas inéquitable en revanche de laisser à [10] la charge de ses frais irrépétibles d'appel. Sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile sera donc rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

INFIRME le jugement rendu le 18 novembre 2021 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à expulsion formulée par Mme [T] [Z],

Statuant à nouveau de ce seul chef,

ACCORDE à Mme [T] [Z] un délai pour quitter les lieux jusqu'au 31 juillet 2023,

DIT qu'à défaut de paiement d'une seule indemnité d'occupation sur la base du loyer non doublé, Mme [T] [Z] perdra le bénéfice du délai accordé et [10] pourra reprendre la mesure d'expulsion,

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,

Y ajoutant,

DÉBOUTE [10] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [T] [Z] aux entiers dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 21/21090
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;21.21090 ?
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