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19/05/2022 | FRANCE | N°21/20756

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 10, 19 mai 2022, 21/20756


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 10



ARRÊT DU 19 MAI 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/20756 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEXRV



Décision déférée à la cour :

jugement du 26 octobre 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG n° 21/81414



APPELANTS



Monsieur [W] [R]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représenté par Me Sophie GACHET-BARETY de la

SELEURL GACHET-BARETY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D2113



Madame [G] [L] épouse [R]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Sophie GACHET-BARETY de la SELEURL GACHET-BARETY ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 19 MAI 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/20756 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEXRV

Décision déférée à la cour :

jugement du 26 octobre 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG n° 21/81414

APPELANTS

Monsieur [W] [R]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Sophie GACHET-BARETY de la SELEURL GACHET-BARETY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D2113

Madame [G] [L] épouse [R]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Sophie GACHET-BARETY de la SELEURL GACHET-BARETY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D2113

INTIMÉE

S.A.R.L. MATAUREL

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Vincent de LA SEIGLIERE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1261

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 8 avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Catherine LEFORT, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre

Madame Catherine LEFORT, conseiller

Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

GREFFIER lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT

-contradictoire

-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier, présent lors de la mise à disposition.

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La Sarl Mataurel a, le 25 mars 2016, acquis de la SCI [8] notamment un appartement situé [Adresse 2] occupé par M. [W] [R] et Mme [G] [L] épouse [R] en vertu d'un bail consenti en 2004 par la grand-mère de M. [R], lequel est également nu-propriétaire de parts dans la SCI familiale [8] à laquelle le bien avait été apporté.

Par jugement en date du 7 juin 2021, signifié le 21 juin 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a notamment :

- rejeté la demande de sursis à statuer sur la validité du congé pour vente signifié le 26 décembre 2019 dans l'attente d'une décision définitive dans le cadre du contentieux d'annulation de la vente de l'appartement consentie à la Sarl Mataurel formulée par M. [W] [R] et Mme [G] [L] épouse [R],

- constaté la validité du congé délivré par la Sarl Mataurel à M. et Mme [R] le 26 décembre 2019 à effet au 30 juin 2020,

- constaté que M. et Mme [R] étaient occupants sans droit ni titre des lieux, appartement et cave, situés [Adresse 2] depuis le 1er juillet 2020,

- autorisé la société Mataurel à faire procéder, à l'issue du délai de deux mois à compter du commandement de quitter les lieux, à l'expulsion de M. et Mme [R], ainsi que de celle de tous occupants de leur chef,

- condamné M. et Mme [R] au paiement d'une indemnité d'occupation s'élevant à la somme mensuelle de 3.994,17 euros, charges, taxes et prestations en sus, à compter du 1er juillet 2020 et jusqu'à libération effective des lieux,

- condamné M. et Mme [R] à payer à la société Mataurel la somme de 43.935,87 euros au titre des indemnités d'occupation dues pour la période du 1er juillet 2020 au 31 mai 2021, charges, taxes et prestations en sus,

- condamné M. et Mme [R] au paiement d'une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Un commandement de quitter les lieux a été délivré contre M. et Mme [R] le 21 juin 2021.

Les époux [R] ont relevé appel de ce jugement le 2 juillet 2021. L'appel est toujours pendant devant la cour d'appel de Paris. Par ordonnance de référé du 27 août 2021, le premier président a débouté les époux [R] de leur demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du 7 juin 2021.

Par acte d'huissier du 19 juillet 2021, M. et Mme [R] ont fait citer la société Mataurel devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris aux fins d'obtenir un délai pour quitter les lieux et des délais de paiement.

Par jugement en date du 26 octobre 2021, le juge de l'exécution a :

- rejeté la demande de délais présentée par M. et Mme [R] pour quitter le logement,

- rejeté la demande de délais de paiement,

- condamné M. et Mme [R] au paiement d'une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Le juge de l'exécution a estimé que les démarches de relogement étaient récentes et insuffisantes, et a retenu l'absence de paiement de l'intégralité de l'indemnité mensuelle d'occupation mise à leur charge depuis juillet 2020 malgré leurs revenus.

Par déclaration du 26 novembre 2021, les époux [R] ont fait appel de ce jugement.

Par conclusions récapitulatives du 23 mars 2022, M. et Mme [R] demandent à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- leur accorder un délai de grâce de 12 mois pour quitter les lieux,

- condamner la Sarl Mataurel au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Ils font valoir en premier lieu qu'ils ont intenté une action en annulation de la vente de l'appartement qu'ils occupent au profit de la société Mataurel, que cette procédure est également pendante devant la cour d'appel de Paris, que les deux procédures au fond sont interdépendantes puisque le congé sera nécessairement annulé si la vente est annulée, de sorte qu'il convient de surseoir à l'expulsion et de leur accorder un délai de grâce dans l'attente de la décision au fond. En deuxième lieu, ils soutiennent qu'ils rencontrent des difficultés pour se reloger avec leurs quatre enfants puisqu'ils n'ont reçu que des réponses négatives.

Par conclusions en date du 23 mars 2022, la Sarl Mataurel demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- débouter M. et Mme [R] de l'ensemble de leurs demandes,

- condamner M. et Mme [R] au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle fait valoir que la demande de délai dans l'attente de la décision au fond est un moyen détourné et inopérant devant le juge de l'exécution qui ne peut arrêter l'exécution provisoire ni réformer le jugement du fond ayant rejeté sa demande de sursis à statuer. Elle rappelle qu'en vertu de l'article R.121-1 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution ne peut modifier le dispositif qui sert de fondement aux poursuites ni en suspendre l'exécution, et que s'il peut accorder un délai de grâce, c'est uniquement pour des motifs visés par les articles L.412-3 et L.412-4 du code des procédures civiles d'exécution. Sur les difficultés de relogement alléguées, elle approuve la motivation du premier juge et soutient que les époux [R] n'avaient pas justifié de leurs revenus exacts devant le juge de l'exécution ; qu'ils ne justifient pas de leur patrimoine, qu'ils sont dans une situation financière privilégiée leur permettant de se reloger aisément, qu'ils ne justifient pas de recherches sérieuses de relogement, leurs recherches étant tardives et déconnectées des réalités, ce qui montre qu'ils n'ont aucune intention de quitter le logement, étant rappelé que le congé leur a été délivré le 26 décembre 2019, de sorte qu'ils ont déjà bénéficié de délais importants pour se reloger. Elle ajoute que M. et Mme [R] sont redevables de la somme de 11.480,40 euros au titre de l'indemnité d'occupation au 31 décembre 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient de rappeler qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions figurant au dispositif des conclusions, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer en l'espèce sur la demande de délais de paiement qui n'est pas formulée dans le dispositif des conclusions des époux [R]. Le jugement ne peut donc qu'être confirmé en ce qu'il a rejeté les délais de paiement.

Sur la demande de délais pour quitter les lieux

Aux termes de l'article L.412-3 alinéa 1er du code des procédures civiles d'exécution, 'le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d'un titre à l'origine de l'occupation.'

L'article L.412-4 du même code dispose : 'La durée des délais prévus à l'article L.412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans. Pour la fixation de ces délais, il doit être tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L.441-2-3 et L.441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés'.

Les époux [R] justifient avoir quatre enfants scolarisés en 5e, en 3e, en classe préparatoire aux grandes écoles à [Localité 6] (19 ans) et en 4e année d'école de commerce à [Localité 5] (21 ans).

D'après les bulletins de paie produits, M. [R] perçoit un salaire mensuel net imposable d'environ 6.100 euros et son épouse 1.900 euros par mois. Le couple perçoit donc des revenus de 8.000 euros par mois environ, soit 96.000 euros par an. Les appelants produisent en outre, à hauteur d'appel, leur avis d'imposition 2021 qui montre qu'ils ont perçu en 2020 des revenus d'un montant annuel de 117.700 euros.

Il en résulte qu'en dépit de leurs quatre fils, M. et Mme [R] n'ont pas de difficultés financières faisant obstacle à leur relogement, sous réserve de rechercher des appartements adaptés à leurs capacités financières.

Les appelants justifient avoir déposé une demande de logement social le 28 juillet 2021 et avoir essuyé quatre refus dans leur recherche d'appartements dans le secteur locatif privé. Il ressort des courriels produits, tous datés de septembre 2021, que leurs revenus sont insuffisants pour les logements visités, tous situés dans le 16e arrondissement. Un des interlocuteurs exige des revenus d'au moins 140.000 euros nets annuels et indique qu'il reviendra vers eux si un appartement plus petit se présente. Un autre indique que le loyer de 55.000 euros par an représente plus de 50 % de leurs revenus, mais qu'il peut leur proposer un appartement de 138 m² (3 chambres + double séjour) dans le même immeuble. Un troisième rappelle que les revenus doivent correspondre à environ trois fois le montant du loyer, ce qui n'est pas le cas. Le quatrième indique seulement que les revenus sont insuffisants. M. et Mme [R] ne produisent aucun descriptif, annonce publicitaire permettant de connaître le type d'appartements qu'ils ont visités (nombre de pièces, standing, loyer). Mais il apparaît clairement que ces recherches apparaissent tardives (postérieures à la saisine du juge de l'exécution), très ponctuelles et limitées à [Localité 7], et inadaptées à leur situation financière.

C'est donc à juste titre que le juge de l'exécution a estimé que les diligences des époux [R] en vue de leur relogement étaient récentes et insuffisantes, étant rappelé que le congé a été délivré le 26 décembre 2019 de sorte qu'ils ont déjà disposé d'un large délai pour pouvoir se reloger et ne l'ont nullement utilisé. Comme le relève le premier juge, leur situation financière peut leur permettre un relogement dans le secteur locatif privé s'ils élargissent leurs recherches au-delà du 16e arrondissement. Or ils n'ont pas, depuis la décision du juge de l'exécution, repris leurs recherches.

Il y a tout lieu de penser que les démarches entreprises en juillet et en septembre 2021, après avoir saisi le juge de l'exécution, n'ont été accomplies que pour les besoins de la cause et que leur véritable but n'est pas de se reloger mais de se maintenir dans les lieux jusqu'au prononcé des décisions de la cour d'appel sur le fond de leurs litiges avec la Sarl Mataurel et la SCI [8] comme ils le demandent d'ailleurs expressément.

Or l'article R.121-1 du code des procédures civiles d'exécution interdit au juge de l'exécution de modifier le dispositif de la décision de justice servant de fondement aux poursuites et d'en suspendre l'exécution. Les délais de grâce pour quitter les lieux ne peuvent être accordés que dans le cadre des articles L.412-3 et L.412-4 précités du même code. Ainsi, ne peuvent être pris en considération que les difficultés rencontrées par l'occupant pour se reloger, la bonne ou mauvaise volonté de l'occupant dans l'exécution de ses obligations, les situations respectives du propriétaire et de l'occupant, les circonstances atmosphériques et les diligences accomplies par l'occupant en vue de son relogement. L'attente de la décision au fond ne peut donc constituer un motif d'octroi d'un délai.

En outre, il ressort des pièces versées au débat que M. et Mme [R] ne versent pas l'intégralité de l'indemnité d'occupation fixée par le juge des contentieux de la protection.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, c'est à juste titre que le juge de l'exécution a rejeté leur demande de délai. Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires

Partie perdante, M. et Mme [R] seront condamnés aux dépens d'appel.

Il n'est pas inéquitable de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner les époux [R] à verser à la Sarl Mataurel la somme de 2.000 euros pour ses frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 26 octobre 2021 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris,

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [W] [R] et Mme [G] [L] épouse [R] à payer à la Sarl Mataurel la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [W] [R] et Mme [G] [L] épouse [R] aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 21/20756
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;21.20756 ?
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