La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/05/2022 | FRANCE | N°21/18427

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 19 mai 2022, 21/18427


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 19 MAI 2022



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/18427 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEQ5F



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 08 Octobre 2021 -Président du TJ de CRETEIL - RG n°





APPELANTES



S.C.I. HOTEL [Localité 4] prise en la personne de ses représentants lÃ

©gaux domiciliés en cette qualité au siège



[Adresse 1]

[Localité 2]



S.A.R.L. GREEN HOTEL prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés

en cette qualité au sièg...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 19 MAI 2022

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/18427 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEQ5F

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 08 Octobre 2021 -Président du TJ de CRETEIL - RG n°

APPELANTES

S.C.I. HOTEL [Localité 4] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

S.A.R.L. GREEN HOTEL prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés

en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentées par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistées par Me Claire ETIENNE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

COMMUNE DE [Localité 2], prise en la personne de son Maire en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Blaise EGLIE-RICHTERS de la SCP LONQUEUE - SAGALOVITSCH - EGLIE-RICHTERS & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0482

Assistée par Me Sofije KRASNIQI, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 mars 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, et Michèle CHOPIN, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller chargé du rapport

Michèle CHOPIN, Conseillère

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Hôtel [Localité 4], propriétaire de la parcelle AR 674, assiette d'un hôtel, et la société Green Hôtel, exploitant situé sur cette parcelle, occupent une partie des parcelles AR 537 et 538. La commune de [Localité 2] prétend que cette occupation se fait sans droit ni titre.

Par acte du 13 septembre 2021, la commune de [Localité 2] a fait assigner la société Hôtel [Localité 4] et la société Green Hôtel devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil aux fins de, notamment, voir libérer les parcelles AR 537 et AR 538 de leur occupation, et ce sous astreinte.

En réponse, les sociétés défenderesses ont soulevé in limine litis l'incompétence du juge judiciaire, sollicité la mise hors de cause de la société Green Hôtel et à titre subsidiaire sollicité le débouté.

Par ordonnance contradictoire du 8 octobre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil a :

- retenu sa compétence ;

- rejeté la demande de mise hors de cause de la société Green Hôtel ;

- ordonné à la société Hôtel [Localité 4] et la société Green Hôtel de libérer les parcelles AR 537 et AR 538 de leur occupation sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard à compter d'un délai de sept jours suivant la signification de la présente ordonnance ;

- condamné solidairement la société Hôtel [Localité 4] et la société Green Hôtel à verser à la commune de [Localité 2] la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné solidairement la société Hôtel [Localité 4] et la société Green Hôtel aux dépens.

Par déclaration du 21 octobre 2021, les sociétés Hôtel [Localité 4] et Green Hôtel ont fait appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions remises le 14 mars 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, les sociétés Hôtel [Localité 4] et Green Hôtel demandent à la cour, au visa des articles 490, 503, 651, 675 à 678, 901-4, 954 du code de procédure civile, de :

- infirmer l'ordonnance rendue le 8 octobre 2021 (n° RG 21 01211) par Mme la vice-présidente du tribunal judiciaire de Créteil en ce qu'elle a statué par les chefs suivants :

s'est déclaré compétent ;

rejeté la demande de mise hors de cause de la société Green Hôtel ;

ordonné à la société Hôtel [Localité 4] et la société Green Hôtel de libérer les parcelles AR 537 et AR 538 de leur occupation sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard à compter d'un délai de sept jours suivant la signification de la présente ordonnance ;

condamné solidairement la société Hôtel [Localité 4] et la société Green Hôtel à verser à la commune de [Localité 2] la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné solidairement la société Hôtel [Localité 4] et la société Green Hôtel aux dépens ;

Et statuant à nouveau,

À titre principal,

- déclarer le juge judiciaire incompétent au profit du juge administratif ;

- en conséquence, renvoyer la commune de [Localité 2] à mieux se pourvoir ;

À titre subsidiaire,

- débouter la commune de [Localité 2] de sa demande tendant à voir ordonner à la société Hôtel [Localité 4] et à la société Green Hôtel de libérer les deux parcelles AR n°537 et AR n°538, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard ;

- débouter la commune de [Localité 2] de sa demande tendant à voir condamner les concluantes à lui verser la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

En tout état de cause,

- débouter la commune de [Localité 2] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la commune de [Localité 2] à verser à chacune des appelantes une somme de 5.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens ;

- dire que ceux d'appel seront recouvrés par Me Boccon Gibod, de la société Lexavoué Paris Versailles conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Les sociétés Hôtel [Localité 4] et la société Green Hôtel soutiennent que :

- selon l'article L. 2141-2 du code général de la propriété des personnes publiques, dans le cas d'un déclassement du domaine public par anticipation,les effets de la décision de désaffectation sont reportés à une période ultérieure ;

- lors de la conclusion du compromis de vente le 16 juin 2021, le bien relevait donc toujours du domaine public, et ne pouvait être vendu ;

- à titre subsidiaire, le trouble manifestement illicite est constitué par la violation flagrante d'une règle de droit ; or en l'espèce aucune violation de cette sorte n'a été commise, car les parcelles sont régies par l'arrêté du 25 mars 2020, et la sortie de ces parcelles du domaine public n'a pas été effectuée par la délibération du 25 juin 2020 ; ainsi le droit de propriété n'a pas été violé, contrairement à ce que souligne la commune ;

- par ailleurs, à la date de la signature de la promesse de vente, il était précisé que la promesse se réaliserait à la désaffectation du bien, dans un délai de trois ans suivant la délibération du 25 juin 2020 ;

- ainsi, au regard de ce délai, les deux sociétés appelantes ne pouvaient être tenues pour responsables du report de la signature de la promesse de vente ;

 

- en toute état de cause, les aléas avancés par la commune résultent de sa précipitation à réaliser l'opération de requalification, alors que les parcelles en litige étaient déjà comprises dans le périmètre des limites de propriété depuis 1981 ;

- l'occupation des parcelles AR n°538 et 537 n'est pas irrégulière, car le terrain d'assiette du projet englobait dès 1981 les deux parties des parcelles en litige, à l'époque les deux parties des deux parcelles relevaient bien de la propriété privée des sociétés appelantes ;

- les appelantes sont bien devenues propriétaires de ces deux parcelles par usucapion, en ce qu'elles en ont régulièrement assuré la garde, l'entretien et la protection du site dont font partie ces parcelles ;

- les biens immobiliers des communes peuvent appartenir au domaine public immobilier général, or l'opération d'acquisition n'entraîne pas par elle même l'incorporation au domaine public, et l'appartenance au domaine public ne se présume pas, elle résulte de son affectation ; ainsi, seuls sont considérés comme étant affectés à l'usage du public les biens des personnes publiques que les usagers peuvent utiliser directement ;

 

- les parcelles litigieuses constituant les espaces verts entourant le Green Hôtel ne peuvent être considérées comme appartenant au domaine public immobilier général de la commune, dans la mesure où elles n'ont jamais été affectées à l'usage du public, ni fait l'objet d'un aménagement spécial indispensable à l'exécution des missions d'un service public ; elles ne constituent pas non plus des éléments accessoires ou des annexes des dépendances du domaine public immobilier général de la commune ;

- les parcelles n'ont jamais été aménagées spécialement par la ville, ainsi qu'en témoignent les photographies produites à l'appui de sa démonstration par la commune ;

- enfin la commune ne peut se prévaloir de la théorie de la domanialité virtuelle dans la mesure où elle ne démontre pas avoir affecté ces parcelles à un service public, en l'absence d'actes administratifs d'affectation et de contrats.

Dans ses conclusions remises le 8 mars 2022, la commune de [Localité 2] demande à la cour au visa du code de procédure civile et notamment ses articles 490, 491, 675 à 678, 700 et 835, de :

- débouter la société Hôtel [Localité 4] et la société Green Hôtel de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- confirmer l'ordonnance rendue par le tribunal judiciaire de Créteil le 8 octobre 2021 en toutes ses dispositions ;

Et y ajoutant,

- condamner la société Hôtel [Localité 4] et la société Green Hôtel à verser à la commune de [Localité 2] la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La commune de [Localité 2] soutient que :

- l'article L. 2141-2 du code général de la propriété des personnes publiques prévoit que le déclassement d'un immeuble appartenant au domaine public artificiel peut être prononcé dès que sa désaffectation a été décidée, le législateur autorise les personnes publiques à incorporer à leur domaine privé les biens encore nécessaires au domaine public, ou utiles à l'usage public ; or la désaffection des parcelles en question a été décidée par délibération du 25 juin 2020, de sorte qu'au jour où le juge des référés a statué, les parcelles avaient déjà intégré le domaine privé de la commune ;

 

- l'existence d'un contentieux sur un arrêté qui a procédé à la délimitation du domaine public communal n'a aucune incidence sur l'appartenance ou non de ces parcelles au domaine public ;

 

- la commune de [Localité 2], par sa délibération en date du 25 juin 2020, pouvait régulièrement décider de déclasser par anticipation de son domaine public les parcelles relevant de l'unité foncière du projet d'immeuble de la SCCV [Localité 2] Rabelais parmi lesquelles figurent notamment les parcelles litigieuses cadastrées AR 537 et AR 538 et de les incorporer ainsi dans son domaine privé et ce sans procéder à un retrait formel de l'arrêté portant délimitation du domaine public susvisé ;

- l'occupation illicite d'un bien immobilier constitue en principe un trouble manifestement illicite que le juge des référés doit faire cesser par une mesure d'expulsion ou d'interdiction d'occupation, les appelantes occupant sans droit ni titre des biens appartenant à une personne publique ;

- le bien entre bien dans le domaine public dès l'instant où les conditions d'appartenance au domaine public sont réunies, soit qu'il soit affecté à l'usage direct du public, soit qu'il concourt à l'utilisation d'un bien appartenant au domaine public, soit encore qu'il soit destiné de manière certaine à l'aménagement du domaine public ;

 

- par ailleurs, le raisonnement des appelantes tend à retenir que les biens en question sont des biens publics, or elles ne pourraient arguer d'une propriété par usucapion, les biens relevant du domaine public étant imprescriptibles ;

- la parcelle AR 537 a toujours constitué une dépendance du domaine public, car le ministère des postes et télécommunications la destinait à accueillir un central téléphonique, avant d'être cédée à la commune de [Localité 2]-sous-bois en 1989, pour être maintenue comme une parcelle de pelouse et d'arbres mise à la disposition du public (affectation ancienne, voir photos en date de 2003, pièces 21 et 24), de même que la parcelle AR 538 ;

- en tout état de cause, même si la commune n'avait incorporé le domaine public qu'en 2003, le prétendu usucapion ne courrait que depuis 22 ans, et non 30 ;

- la commune souffre d'un trouble né de l'impossibilité pour elle de réitérer la promesse de vente sur les parcelles irrégulièrement occupées ;

- la commune de [Localité 2] a un délai de 3 ans à compter de la date de la délibération prononçant le déclassement anticipé des biens (soit en l'espèce à compter du 25 juin 2020) pour procéder à la désaffectation effective de ces derniers ;

- les parcelles AR 537 et AR 538 n'ont jamais fait partie du terrain d'assiette du projet de construction de l'Hôtel (parcelles au nord est du bâtiment, voir page 31 du dernier jeu de conclusions) ;

- l'extrait cadastral est confirmé par le géomètre qui a établi un plan contradictoire, en présence des appelantes représentées par M. [E] ;

- l'arrêté de permis de construire qui avait été délivré aux appelantes pour construire sur les parcelles AR 537 et AR 538 a été retiré par la commune par un arrêté du 3 septembre 2002 ;

- même si des autorisations d'urbanisme ont été déposées sur les parcelles en question, elles ne démontrent pas de droit de propriété sur celles-ci, car les autorisations d'urbanisme sont accordées sous réserve des droits des tiers ;

 

- le plan de vente de 1982 souligne qu'à cette date les parcelles ne faisaient pas partie de l'unité foncière de l'Hôtel ;

 

- il est manifeste que la parcelle AR 538 a constitué une dépendance du domaine public contre laquelle aucune prescription acquisitive ne court, elle constitue une dépendance du domaine public depuis son acquisition par la commune de [Localité 2]-sous-bois en 1998, ce que la société Hôtel [Localité 4] reconnaît dans un courrier de 2011 (cf pièce 8) ;

- les photos disponibles sur Google témoignent de cet état de fait en 2004, ainsi même s'il y avait pu y avoir une prescription acquisitive, elle n'aurait couru que de 1981 à 2004, soit 23 ans ;

- l'occupation compromet la conclusion de la vente de l'unité foncière destinée à accueillir l'immeuble pour la construction duquel la SCCV [Localité 2] Rabelais a obtenu un permis de construire, mais aussi en ce qu'elle a obligé les parties à cette promesse de vente à proroger son délai de validité, en engageant des frais financiers, et elle prive la commune du prix de la vente (3.130.000 euros).

SUR CE LA COUR

Selon l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

L'alinéa 2 précise que, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Le trouble manifestement illicite ici visé s'entend de toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

L'occupation sans droit ni titre d'un immeuble propriété d'autrui est de nature à constituer un trouble manifestement illicite ; à tout le moins, l'obligation de quitter les lieux est non sérieusement contestable.

En l'espèce, s'agissant d'abord de l'exception d'incompétence au profit des juridictions administratives déjà soulevée devant le premier juge par les sociétés appelantes, au motif que les parcelles en cause ne seraient pas sorties du domaine public, il y a lieu de relever :

- que, selon l'article L. 2141-1 du code général de la propriété des personnes publiques, 'un bien d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1, qui n'est plus affecté à un service public ou à l'usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l'intervention de l'acte administratif constatant son déclassement' ;

- que l'article L. 2141-2 du même code indique que, 'par dérogation à l'article L. 2141-1, le déclassement d'un immeuble appartenant au domaine public artificiel des personnes publiques et affecté à un service public ou à l'usage direct du public peut être prononcé dès que sa désaffectation a été décidée alors même que les nécessités du service public ou de l'usage direct du public justifient que cette désaffectation ne prenne effet que dans un délai fixé par l'acte de déclassement. Ce délai ne peut excéder trois ans. Toutefois, lorsque la désaffectation dépend de la réalisation d'une opération de construction, restauration ou réaménagement, cette durée est fixée ou peut être prolongée par l'autorité administrative compétente en fonction des caractéristiques de l'opération, dans une limite de six ans à compter de l'acte de déclassement' ;

- qu'il résulte encore de l'article L. 3112-4 de ce code qu' 'un bien relevant du domaine public peut faire l'objet d'une promesse de vente ou d'attribution d'un droit réel civil dès lors que la désaffectation du bien concerné est décidée par l'autorité administrative compétente et que les nécessités du service public ou de l'usage direct du public justifient que cette désaffectation permettant le déclassement ne prenne effet que dans un délai fixé par la promesse' ;

- qu'ainsi, la sortie d'un bien du domaine public nécessite en principe, en fait, une désaffectation et, en droit, un acte formel de déclassement par un acte administratif ;

- que cependant, l'article L. 2141-2 du code général de la propriété des personnes publiques permet de déclasser par anticipation un bien, dès lors que sa désaffectation a été décidée par l'autorité publique, en fixant un délai pour que la désaffectation prenne effet ;

- qu'il est constant que c'est bien l'acte de déclassement qui permet de faire sortir le bien du domaine public, les effets reportés de la désaffectation permettant notamment d'incorporer dans le domaine privé des biens qui sont encore nécessaires au service public ou à l'usage du public ;

- qu'ici, par délibération en date du 25 juin 2020 (pièce 12 appelantes, pièce 3 intimée), le conseil municipal de la commune de [Localité 2] a autorisé la procédure de déclassement par anticipation des parcelles AR 537 et AR 538, le compte-rendu du conseil municipal rappelant que la désaffectation interviendra postérieurement, dans le délai de trois ans pouvant être prorogé jusqu'à six ans ;

- qu'il s'en déduit que les parcelles sont bien sorties du domaine public le 25 juin 2020 en application des dispositions susrappelées du code général de la propriété des personnes publiques et de la délibération du conseil municipal, intégrant ainsi le domaine privé de la commune, les développements relatifs à la désaffectation effective étant dès lors sans effet, la commune justifiant par ailleurs en toute hypothèse de ce que la désaffectation est devenue effective à ce jour (pièce 28, relevé d'un géomètre-expert du 10 novembre 2021, pièce 29, procès-verbal d'huissier de justice du 17 décembre 2021) ;

- que l'arrêté antérieur à la délibération du conseil municipal, arrêté en date du 25 mars 2020 (pièce 9 intimée), relatif à la délimitation du domaine public et qui fait l'objet d'une procédure contentieuse, est sans effet, contrairement à ce qu'indiquent les sociétés appelantes, s'agissant d'une décision relative uniquement aux limites du domaine public, sans conséquence sur le classement des parcelles en cause, décision en outre intervenue avant la procédure de déclassement.

Dès lors, la décision du premier juge sera confirmée en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence, les parcelles litigieuses étant sorties du domaine public, de sorte que le juge judiciaire est bien en toute hypothèse compétent pour statuer.

Sur le fond du référé, il sera constaté :

- que l'occupation sans droit ni titre d'un bien appartenant à autrui constitue à l'évidence un trouble manifestement illicite, l'expulsion étant la seule mesure de nature à permettre au légitime propriétaire de recouvrer la plénitude de son droit de propriété sur le bien occupé illicitement ;

- qu'à partir du moment, comme la cour l'a constaté ci-avant, où les parcelles litigieuses font partie du domaine privé de la commune, l'occupation sans droit ni titre par les sociétés appelantes justifient la mesure d'expulsion sollicitée devant le juge judiciaire, sans qu'il n'y ait lieu d'exiger de la commune qu'elle démontre une autre violation évidente de la règle de droit que celle résultant de l'occupation illicite ;

- que les conditions mentionnées dans la promesse de vente du 16 juin 2021 (pièce 13 appelantes, pièce 6 intimée) entre la commune et la SCCV [Localité 2] Rabelais, à savoir notamment la condition suspensive relative à l'obligation pour la commune de procéder à la désaffectation effective dans les trois ans à compter de la date de délibération effective des biens, importent ainsi peu, le trouble manifestement illicite au sens de l'article 835 du code de procédure civile étant caractérisé dès le constat d'une occupation sans droit ni titre, sans qu'il ne soit nécessaire de prendre en compte le sort à venir des parcelles en cause ou encore une impossibilité de vendre, la condition que la commune a dû proroger la validité de la promesse de vente n'étant pas requise pour caractériser un trouble manifestement illicite ;

- que le moyen tiré de l'existence d'un titre ou de l'acquisition par usucapion des parcelles, soulevé par les appelantes, sera également rejeté ;

- qu'il sera d'abord relevé, ainsi que le précisent de manière claire le plan de vente de 1982 de la SAERP à la société SOGECLIF (prédécesseur de la SCI [Localité 2] dénommée aujourd'hui Hôtel [Localité 4], pièce 15) et le procès-verbal du géomètre expert du 6 mars 2020 (pièce 5 appelantes, pièce 4 intimée), que les parcelles AR 537 et 538 n'ont pas fait partie du terrain d'assiette de l'hôtel, de sorte que l'existence d'un titre de propriété n'est pas établie, les clichés produits (pièces 7 à 10), pris en hauteur, étant en outre insuffisants à prouver une occupation trentenaire par la mise en place d'une clôture, l'extension du parking ou encore la pose d'un panneau, qui justifieraient un droit acquis sur ces parcelles ;

- qu'en outre, aux termes de l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques, sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public est constitué des biens soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas qu'ils fassent l'objet d'un aménagement ;

- que les parcelles en cause relevaient ici du domaine public comme étant affectées à l'usage direct du public, étant rappelé que la parcelle AR 537 dépendait du domaine public de l'Etat (pièce 15, ministère des P et T) puis a été vendue à la commune et entretenue et maintenue avec pelouse et arbres à destination de la population, tandis que la parcelle AR 538 a été cédée à la commune en 1998 (pièce 13), accueillant pelouse et arbres toujours accessible à la population et aussi entretenue par la ville, ce avant la délibération du 25 juin 2020 autorisant leur déclassement ;

- que, dans ces conditions, ces parcelles ne pouvaient, en toute hypothèse, donner lieu à acquisition par usucapion, en application du principe de l'imprescriptibilité des biens du domaine public ;

- que l'octroi de permis de construire le 25 novembre 1981 (pièce 18 des appelantes) ou encore le 2 février 2001 (pièce 16 des appelantes) ne permet pas non plus d'en déduire l'existence d'un titre de propriété, s'agissant de permis toujours délivrés sous réserve des droits des tiers.

Ainsi, au regard de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de confirmer la décision entreprise, étant établie l'occupation sans droit ni titre de parcelles justifiant une mesure d'expulsion, la décision de première instance étant également confirmée sur le sort des dépens et frais de première instance exactement réglé par le premier juge.

A hauteur d'appel, les sociétés appelantes devront indemniser la commune intimée des frais non répétibles exposés et seront condamnées aux dépens d'appel, dans les conditions indiquées au dispositif.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum la SCI Hôtel [Localité 4] et la SARL Green Hôtel à verser à la commune de [Localité 2] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la SCI Hôtel [Localité 4] et la SARL Green Hôtel aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 21/18427
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;21.18427 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award