La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/05/2022 | FRANCE | N°21/17852

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 19 mai 2022, 21/17852


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 19 MAI 2022



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/17852 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEPBG



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 06 Juillet 2021 -Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n° 12-21-001842





APPELANTE



Mme [G] [X] épouse [P]



[Adresse 2]r>
[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée et assistée par Me Stéphane FOLACCI, avocat au barreau de PARIS, toque : E2144



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/037...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 19 MAI 2022

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/17852 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEPBG

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 06 Juillet 2021 -Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n° 12-21-001842

APPELANTE

Mme [G] [X] épouse [P]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Stéphane FOLACCI, avocat au barreau de PARIS, toque : E2144

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/037105 du 29/09/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEE

Mme [U] [M]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Maryline LUGOSI de la SELARL Selarl MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0073

Assistée de Me Corentin PION, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Mars 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller, chargé du rapport dont il a donné lecture.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 8 avril 2019, Mme [U] [M] a conclu un contrat de bail d'habitation meublé avec Mme [X] [G] épouse [P], portant sur un logement sis [Adresse 2] à [Localité 3] 1er étage, bâtiment K, porte D. Mme [P] vit dans le logement avec sa fille, Mme [S] [P], née le 12 novembre 2003.

Le bail d'habitation était consenti pour un loyer de 1.800 euros par mois, 100 euros par mois de provisions sur charges, 3.600 euros de garantie, pour une durée de 1 an avec reconduction tacite.

Un commandement de payer visant la clause résolutoire du contrat a été délivré à Mme [P] le 15 juin 2020 pour un montant total de 7.781,95 euros (dont 7.600 euros au titre des arriérés de loyers et charges arrêtés au 12 juin 2020). Il a été dénoncé à la CCAPEX par voie électronique le 16 juin 2020.

Par acte du 14 septembre 2020, Mme [M] a fait assigner Mme [P] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir :

- constater la résiliation du bail suite à l'acquisition de la clause résolutoire ;

- ordonner l'expulsion des lieux des locataires ainsi que de tous occupants de leur chef avec séquestration des meubles présents dans les lieux ;

- condamner solidairement Mme [P] au paiement des sommes provisionnelles suivantes :

* 13.300 euros au titre de l'arriéré de loyer et charges et pénalités, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2020,

* une indemnité d'occupation correspondant au loyer augmenté de 500 euros soit 2.500 euros par mois jusqu'à restitution des lieux, avec intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2020,

* 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Le 1er avril 2021, la commission de surendettement des particuliers de Paris a déclaré le dossier de Mme [X] [G] épouse [P] recevable avec orientation vers un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire. Le 3 juin 2021, a été décidé par cette même commission un effacement total des dettes, le tableau des créances actualisées faisant état d'une dette de logement auprès de Mme [M] de 24.000 euros à la date du 3 juin 2021.

Par ordonnance de référé réputée contradictoire du 6 juillet 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a :

- déclaré recevable l'action intentée par Mme [M] ;

- débouté Mme [M] de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de Mme [S] [P] ;

- constaté l'absence de contestations sérieuses ;

- constaté que le contrat de bail liant Mme [M] et Mme [P] s'est trouvé de plein droit résilié le 16 août 2020 par application de la clause résolutoire contractuelle ;

- constaté que Mme [P] est donc, depuis cette date, occupante sans droit ni titre des lieux situés [Adresse 2] à [Localité 3] ;

- débouté Mme [P] de ses demandes en report de paiement et de délais de paiement ;

En conséquence,

- ordonné, faute de départ volontaire à l'expiration de ce délai, l'expulsion de Mme [P] du logement situé [Adresse 2] à [Localité 3] ainsi que tout occupant de son chef, si besoin est avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier conformément aux dispositions des articles L. 412-1, R. 412-1 et suivants du code de procédure civile ;

- rappelé qu'il ne pourra être procédé à l'expulsion qu'après l'expiration d'un délai de deux mois suivant la délivrance d'un commandement de quitter les lieux par huissier de justice, et que toute expulsion forcée est prohibée entre le 1er novembre de chaque année jusqu'au 31 mars de l'année suivante conformément aux dispositions des articles L. 412-1 et L. 412-6 du code des procédures civiles d'exécution ;

- débouté Mme [P] de sa demande de délais pour quitter les lieux ;

- débouté Mme [M] de sa demande relative à la séquestration des meubles ;

- dit que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

- débouté Mme [M] de sa demande de majoration de l'indemnité d'occupation ;

- fixé, à compter de la résiliation du bail, l'indemnité mensuelle d'occupation sans droit ni titre due à titre provisionnel par Mme [P] au montant du loyer et des charges qui aurait été du en l'absence de résiliation du bail, et au besoin condamné Mme [P] à verser à Mme [M] ladite indemnité mensuelle provisionnelle à compter de la résolution du bail et jusqu'à complète libération des lieux caractérisée par la remise des clés au bailleur ou à son mandataire, un procès-verbal d'expulsion ou de reprise ou un état des lieux de sortie ;

- dit que l'indemnité d'occupation sera due au prorata temporis et payable à terme et au plus tard le 15 de chaque mois ;

- condamné Mme [P] à verser à Mme [M] la somme provisionnelle de 13.300 euros actualisée au 14 septembre 2020, au titre de l'arriéré locatif comprenant les loyers, charges et indemnités d'occupation impayés jusqu'à l'échéance du mois de septembre 2020 incluse, avec intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2020 sur la somme de 7.600 euros et à compter du 14 septembre 2020 pour le surplus ;

- dit que les sommes versées à ce titre par Mme [P] antérieurement à la présente décision et non incluses dans le décompte susmentionné viendront en déduction des dernières mensualités ;

- débouté Mme [M] de ses autres demandes plus amples ou contraires ;

- débouté Mme [P] de ses autres demandes plus amples ou contraires ;

- condamné Mme [P] au paiement des dépens ;

- condamné Mme [P] à payer à Mme [M] la somme de 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rappelé que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit ;

- dit que copie de la présente décision sera communiquée par les soins du greffe au représentant de l'Etat dans le département, en application de l'article R. 412-2 du code des procédures civiles d'exécution.

Par décision rectificative du 8 juillet 2021, le juge des contentieux de la protection a :

- ordonné la rectification de l'erreur matérielle affectant la décision originelle du 6 juillet 2021 ;

- dit qu'en bas de la page l de cette décision il convient de lire 'réputée contradictoire et en premier ressort rendue le 6 juillet 2021' au lieu de 'réputée contradictoire et en premier ressort rendue le 8 avril 2021' ;

- dit que la présente décision rectificative sera mentionnée sur la minute et les expéditions de la décision rectifiée et devra être signifiée comme celle-ci ;

- laissé les frais à la charge du Trésor public.

Par déclaration du 12 octobre 2021, Mme [P] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises le 7 mars 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, Mme [P] demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1227, 1343-5, 1728 et suivants du code civil et de l'article 7 de la loi du 6 juillet 1969, de :

- dire et juger celle-ci recevable et bien fondée en toutes ses demandes ;

- constater les démarches effectuées par elle afin de pouvoir se reloger ;

- constater sa bonne foi ;

- constater que Mme [S] [P] est mineure et en tirer toutes conséquences légales quant aux demandes formées à son encontre ;

- constater l'effacement de ses dettes de loyer à hauteur de 24.000 euros ;

- constater que les dettes fondant le commandement de payer et l'acquisition de la clause résolutoire ont été effacées ;

- constater que tant le commandement de payer que la demande d'acquisition de la clause résolutoire sont sans fondement et sont donc de nul effet ;

- constater les contestations sérieuses soulevées par elle sur les demandes formées par Mme [M] ;

Par conséquent,

- rejeter l'ensemble des demandes de Mme [M] en tant que sans fondement et la renvoyer pour le surplus à mieux se pourvoir au fonds ;

- suspendre l'acquisition de la clause résolutoire ;

- rejeter la demande de prononcer de l'expulsion au vue des conséquences particulièrement dommageables pour la défenderesse ;

À titre principal,

- accorder à celle-ci un délai de trois ans afin de régler les sommes qui seraient mises à sa charge ;

À titre subsidiaire,

- fixer un échéancier sur 36 mois, à terme égal, afin de lui permettre de régler les sommes qui seraient mises à sa charge ;

En tout état de cause,

- fixer le montant de l'indemnité d'occupation à hauteur du montant du loyer courant soit 1.800 euros par mois jusqu'à la restitution des lieux, si le bail devait être résilié ;

- rejeter la demande d'exécution provisoire des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

- prononcer l'exécution provisoire des mesures sollicitées par elle qui lui seraient accordées ;

- condamner Mme [M] aux entiers dépens.

Mme [P] soutient que :

- le juge des référés n'a pas apprécié la situation à sa juste mesure à défaut d'être informé que le dossier de Mme [P] était déclaré recevable par la commission de surendettement depuis le 1er avril 2020 et que la dette de loyer de Mme [P] était incluse dans cette procédure, son créancier ne pouvant engager de mesures visant au recouvrement de ces sommes ;

- de plus, depuis cette date, la commission a imposé le 3 juin 2021 un effacement total des dettes de Mme [P] envers Mme [M] à hauteur de 24.000 euros, somme pourtant toujours présente dans le décompte présenté ce jour par la bailleresse afin d'en obtenir condamnation ;

- de même, les dettes visées dans le commandement et dont on excipe pour le jeux de la clause résolutoire étant effacés, les deux deviennent sans fondement et ne peuvent donc plus produire d'effet ;

- Mme [P] est mère de deux enfants de 22 ans et 19 ans ; elle est atteinte d'une pathologie chronique lourde qui requiert une intervention chirurgicale lourde ; elle est sans emploi depuis 17 ans et est entrée dans le dispositif du RSA en janvier 2020 ;

- les dettes sur le fondement desquelles le commandement a été délivré et sur lesquelles on voudrait faire jouer la clause résolutoire ont été annulées ;

- compte tenu de la situation de grande précarité de la défenderesse et de l'ensemble des démarches engagée par cette dernière pour d'une part revenir à meilleur fortune et d'autre part ses démarches afin de trouver un relogement dans les meilleurs délais, il est demandé des délais les plus larges.

Dans ses dernières conclusions remises le 14 mars 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, Mme [M] demande à la cour, au visa de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, des articles 1103, 1104, 1227 et 1728 du code civil, de l'article 700 du code de procédure civile, de :

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

condamné Mme [P] à verser à Mme [M] la somme provisionnelle de 13.300 euros actualisée au 14 septembre 2020, au titre de l'arriéré locatif comprenant les loyers, charges et indemnités d'occupation impayés jusqu'à l'échéance du mois de septembre 2020 inclue, avec intérêt au taux légal à compter du 15 juin 2020 sur la somme de 7.600 euros et à compter du 14 septembre 2020 pour le surplus ;

dit que les sommes versées à ce titre par Mme [P] antérieurement à la présente décision et non incluses dans le décompte susmentionné viendront en déduction des dernières mensualités ;

Statuant à nouveau,

- rappeler que l'ouverture d'une procédure de surendettement n'interdit pas au créancier d'obtenir un titre exécutoire ;

- constater que Mme [P] ne justifie d'aucun règlement à déduire du dernier décompte réalisé par Mme [M] ;

En conséquence,

- condamner Mme [P] à verser à Mme [M] la somme provisionnelle de 47.500 euros actualisée au 11 mars 2022, au titre de l'arriéré locatif comprenant les loyers, charges et indemnités d'occupation impayés jusqu'à l'échéance du mois de mars 2022 incluse, avec intérêt au taux légal à compter du 15 juin 2020 sur la somme de 7.600 euros et à compter du 14 septembre 2020 pour le surplus ;

- débouter Mme [P] de toutes demandes plus amples ou contraires ;

- condamner Mme [P] à lui régler la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la même aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais engagés aux fins de commandement de payer, commandement de quitter les lieux, PV de tentative d'expulsion, et réquisition de la force publique ;

- confirmer la décision entreprise pour le surplus.

Mme [M] soutient que :

- il n'est pas contesté que ce commandement de payer est demeuré infructueux dans le délai imparti ;

- si la situation personnelle de Mme [P] est désolante, Mme [M] n'a pas à en subir les conséquences en sa qualité de bailleresse ;

- Mme [P] est dans l'incapacité manifeste de se maintenir dans les lieux, le loyer étant bien au-dessus de ses moyens et étant impayé depuis le mois de mars 2020 ;

- Mme [P] sollicite un report de trois ans dans le paiement des dettes de loyers ; pourtant le montant de la dette s'élève aujourd'hui à plus de 40.000 euros et sa situation ne présente à l'heure actuelle aucune garantie de s'améliorer de manière assez rapide pour permettre de limiter le préjudice subi par Mme [M] ; le courrier de la commission de surendettement démontre qu'elle se trouve dans une situation irrémédiablement compromise puisque les dettes déclarées vont visiblement faire l'objet d'un effacement pur et simple ; cependant, l'intégralité de sa dette à l'égard de sa bailleresse ne sera pas effacée, seuls les arriérés de loyers (et non les charges) ont été pris en compte, pour un montant total de 24.000 euros ;

- l'effacement des dettes mentionnées sur l'état des créances au 1er avril 2021 ne la libérait pas du paiement de ses charges courantes dont loyer et provisions sur charges qui ont continué à courir postérieurement au dépôt dossier ;

- malgré la décision rendue, Mme [P] se maintient dans les lieux alors qu'un commandement de quitter les lieux lui a pourtant bien été signifié le 13 juillet 2021 ;

- l'occupation illicite des lieux par Mme [P] cause manifestement et nécessairement un préjudice à Mme [M], qui doit être réparé par l'allocation d'une indemnité d'occupation ;

- le montant total des sommes dues à ce jour s'élève donc à 47.500 euros (arrêté au mois de mars 2022) ; l'intégralité de la créance de Mme [M] n'a pas été effacée puisque seule une somme de 24.000 euros a été déclarée ; le fait d'avoir déposé un dossier de surendettement n'exonérait pas Mme [P] du règlement des loyers et des charges postérieures au dépôt de son dossier ; ainsi, sur les 47.500 euros d'arriérés dus à ce jour, Mme [P] resterait redevable à ce jour d'une somme de 23.500 euros ;

- Mme [P] justifie avoir reçu en date du 3 juin 2021 une décision de la commission qui impose l'effacement total des dettes de Mme [P] à hauteur de 24.000 euros ; or l'ouverture d'une procédure de surendettement ne crée pas d'impossibilité d'agir pour les créanciers, ces derniers pouvant toujours saisir la juridiction concernée et obtenir un titre exécutoire.

SUR CE LA COUR

En application de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remises en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans tous les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

L'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 dispose que toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement ou des charges aux termes convenus ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

Le maintien d'un locataire dans les lieux, alors qu'il est devenu occupant sans droit ni titre en application d'une clause résolutoire de plein droit, caractérise un trouble manifestement illicite. A tout le moins, l'obligation de quitter les lieux est non sérieusement contestable.

Il sera rappelé à cet égard :

- qu'un commandement de payer visant la clause résolutoire délivré pour une somme supérieure à la dette véritable reste valable pour la partie des sommes réclamées effectivement due ;

- qu'il n'appartient pas à la cour, statuant comme juge des référés, de prononcer la nullité d'un commandement de payer, sachant qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du magistrat des référés de prononcer une telle nullité ; que le juge des référés ne peut que déterminer si les éventuelles irrégularités, invoquées à l'encontre du commandement, sont susceptibles de constituer un moyen de contestation sérieuse l'empêchant de constater la résolution du bail.

De plus, aux termes de l'article 1343-5 du code civil le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. De telles mesures suspendent les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier.

Selon l'article 24-V de la loi du 6 juillet 1989, le juge peut, même d'office, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation à l'article 1343-5 alinéa 1er du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative.

L'octroi de ces délais suspend les effets de la clause résolutoire. Aucun délai n'est imposé au preneur pour saisir le juge d'une demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire.

En outre, il résulte de l'article 24-VIII de la loi du 6 juillet 1989, dans sa version issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, entrée en vigueur le 1er mars 2019, que, lorsqu'un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire a été imposé par la commission de surendettement des particuliers, le juge suspend les effets de la clause de résiliation de plein droit pendant un délai de deux ans à partir de la date de la décision imposant les mesures d'effacement.

Par dérogation au premier alinéa du présent VIII, lorsqu'en application de l'article L. 741-4 du code de la consommation, une contestation a été formée par l'une des parties contre la décision de la commission de surendettement des particuliers imposant un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, le juge suspend les effets de la clause de résiliation de plein droit jusqu'à la décision du juge statuant sur cette contestation.

Ce délai ne peut affecter l'exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges.

Si le locataire s'est acquitté du paiement des loyers et des charges conformément au contrat de location pendant le délai de deux ans mentionné au premier alinéa du présent VIII, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué. Dans le cas contraire, elle reprend son plein effet.

Il sera enfin observé que les dispositions susvisées de l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 sont applicables aux contrats de location de logements meublés, conformément à l'article 25-3 de cette même loi.

En l'espèce, il sera observé à titre liminaire que la décision n'est pas remise en cause en ce qu'elle a débouté Mme [M] de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de Mme [S] [P], fille de l'appelante. 

S'agissant en premier lieu de la condamnation provisionnelle, la décision du 3 juin 2021de la commission de surendettement des particuliers de Paris, imposant un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire pour le locataire, a effacé la dette locative antérieure à son prononcé.

La dette locative antérieure au prononcé de la décision de la commission correspond ici aux impayés pour les mois de mars 2020 à mai 2021 inclus (les loyers étant dus au 5 de chaque mois), étant précisé que si le tableau de la commission mentionne 24.000 euros pour la dette locative, ce montant ne représente pas la totalité de la dette de loyers et charges, qui correspond en réalité à 15 mois X 1.900 euros (1.800 euros de loyer + 100 euros pour les charges) soit 28.500 euros.

Subsiste dans ces conditions une contestation sérieuse sur la totalité de la période antérieure au 3 juin 2021, du fait de la procédure de surendettement.

Il sera donc dit n'y avoir lieu à référé les échéances allant jusqu'au mois de mai 2021.

Pour la période à compter du mois de juin 2021, la cour peut toujours statuer à titre provisionnel, nonobstant la procédure de surendettement.

Est sollicité le paiement des loyers et charges jusqu'au mois de mars 2022, ce qui correspond à dix mois, soit la somme provisionnelle de 1.900 X 10, soit 19.000 euros.

Aucune somme n'ayant été réglée depuis cette date, ce qui n'est pas contesté, la propriétaire intimée peut donc valablement solliciter la condamnation de l'appelante à lui régler à titre provisionnel cette somme, incontestablement due, les intérêts légaux partant à compter du présent arrêt au regard de l'actualisation des sommes dues.

Aux termes du dispositif de ses écritures, l'appelante sollicite à titre principal un délai de trois ans afin de régler les sommes qui seraient mises à sa charge et à titre subsidaire un échéancier sur 36 mois, à terme égal, afin de lui permettre de régler les sommes qui seraient mises à sa charge.

La demande de report de paiement formulée à titre principal et la demande subsidiaire de mise en place d'un échéancier ne sauraient toutefois prospérer.

Il sera en effet relevé que si la situation personnelle de Mme [G] [X] épouse [P] est précaire (pathologie chronique, bénéficiaire du RSA), l'appelante a déjà bénéficié d'une décision favorable de la commission de surendettement.

En outre, comme le rappelait déjà à juste titre le premier juge, la propriétaire est une personne privée qui ne perçoit plus les loyers depuis de nombreux mois, la locataire n'établissant dans quelle mesure elle pourrait s'acquitter des sommes dues.

Concernant, en second lieu, l'acquisition de la clause résolutoire, il résulte des pièces produites aux débats que, suivant acte en date du 15 juin 2020, la propriétaire a fait signifier à la locataire un commandement de payer un arriéré locatif - loyer et charges dus au 12 juin 2020 - d'un montant de 7.600 euros au principal, ce commandement de payer visant la clause résolutoire du contrat de bail, rappelant les dispositions législatives et réglementaires applicables en la matière et comportant le décompte des sommes dues.

Ce commandement n'a été argué d'aucune irrégularité de fond ou de forme.

Les causes du commandement n'ont pas été réglées dans le délai de deux mois suivant la signification de ce dernier.

Il faut rappeler à cet égard que l'expulsion du locataire ne constitue pas une mesure d'exécution destinée au recouvrement d'une créance locative. Ainsi, le bailleur peut poursuivre la procédure d'expulsion, dès lors que la décision de recevabilité de la procédure de surendettement entraînant la suspension de l'exigibilité des dettes antérieures à son prononcé est intervenue postérieurement à l'acquisition de la clause résolutoire.

C'est donc en vain que la locataire indique que le commandement de payer ne pourrait plus trouver application à raison de la procédure de surendettement et de l'effacement des dettes.

Il convient dès lors de confirmer la décision entreprise, en ce qu'elle a constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire étaient réunies à la date du 16 août 2020.

Reste que, le 3 juin 2021, la commission de surendettement des particuliers de Paris a décidé d'imposer un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire et qu'aucune contestation n'apparaît avoir été formée contre cette mesure.

Dans ces circonstances, et ce en application des dispositions applicables de plein droit de l'article 24-VIII de la loi du 6 juillet 1989, il y a lieu de suspendre les effets de la clause de résiliation pendant un délai de deux ans à partir du 3 juin 2021, date de la décision imposant les mesures d'effacement.

Il faut rappeler que ce délai ne peut affecter l'exécution du contrat de location, et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges, et que, si le locataire s'est acquitté du paiement des loyers et des charges conformément au contrat de location pendant le délai de deux ans, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué.

Dans le cas contraire, elle reprendra son plein effet, l'expulsion pouvant avoir lieu dans les conditions indiquées au dispositif, avec tous effets de droit, la locataire étant alors redevable d'une indemnité provisionnelle d'occupation égale au montant du loyer et des charges qui aurait été du en l'absence de résiliation du bail, étant précisé que l'intimée ne sollicite plus en cause d'appel que cette somme soit augmentée de 500 euros.

La question de l'exécution provisoire ne se pose enfin pas en cause d'appel.

Ainsi, au regard de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de confirmer la décision en ce qu'elle a débouté Mme [U] [M] de ses demandes dirigées contre Mme [S] [P], en ce qu'elle a constaté l'acquisition de la clause résolutoire au 16 août 2020 et en ce qu'elle a statué sur le sort des frais et dépens de première instance, exactement réglé par le premier juge et sans qu'il n'y ait lieu de préciser la teneur des dépens, fixée par les dispositions de l'article 695 du code de procédure civile.

Pour le surplus, la décision sera infirmée, Mme [G] [X] épouse [P] étant condamnée à payer à titre provisionnel à Mme [U] [M] la somme de 19.000 euros, échéance du mois de mars 2022 incluse, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Il y a lieu en outre de suspendre les effets de la clause résolutoire pendant une durée de deux ans à compter du 3 juin 2021, les conditions en étant précisées au dispositif.

Les demandes en report et en octroi de délais de paiement seront rejetées.

Il sera dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes des parties.

Ce qui est jugé en cause d'appel commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel, chacune des parties conservant la charge de ses dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme la décision entreprise, sauf en ce qu'elle a débouté Mme [U] [M] de ses demandes dirigées contre Mme [S] [P], en ce qu'elle a constaté l'acquisition de la clause résolutoire au 16 août 2020 et en ce qu'elle a statué sur le sort des frais et dépens de première instance ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne Mme [G] [X] épouse [P] à payer à titre provisionnel à Mme [U] [M] la somme de 19.000 euros, échéance du mois de mars 2022 incluse, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Suspend les effets de la clause résolutoire pendant une durée de deux ans, à compter du 3 juin 2021 ;

Rappelle que ce délai ne peut affecter l'exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges ;

Rappelle que si le locataire s'acquitte du paiement des loyers et des charges dus, conformément au contrat de location, pendant le délai de deux ans, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué ;

Dit que, faute pour Mme [G] [X] épouse [P] de payer cette somme à bonne date, en sus du loyer courant, dès le premier impayé et huit jours après l'envoi par Mme [U] [M] d'une simple mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception demeurée vaine :

- le tout deviendra immédiatement exigible ;

- la clause résolutoire sera à nouveau acquise à la date du 16 août 2020 et reprendra son plein effet ;

- Mme [G] [X] épouse [P] sera tenue au paiement provisionnel d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer, taxes et charges qui auraient été dus si le bail s'était poursuivi et condamne Mme [G] [X] épouse [P] à titre provisionnel au paiement de cette indemnité d'occupation à Mme [U] [M], jusqu'à parfaite libération des lieux';

- il pourra être procédé à l'expulsion de Mme [G] [X] épouse [P] et de tout occupant de son chef, avec le concours de la force publique et d'un serrurier si besoin, passé le délai de deux mois suivi la délivrance d'un commandement de quitter les lieux dont s'agit, [Adresse 2] ;

- le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles R. 433-1 et R. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

Rejette les autres demandes de report des paiements et de délais de paiement ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes des parties ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 21/17852
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;21.17852 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award