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19/05/2022 | FRANCE | N°21/139907

France | France, Cour d'appel de Paris, B1, 19 mai 2022, 21/139907


Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 19 MAI 2022

(no 273, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/13990 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEEKN

Décision déférée à la cour :
jugement du 24 juin 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 21/80464

APPELANT

Monsieur [W] [D]
[Adresse 2]
[Adresse 2] (CHINA)

Représenté par Me Jean-Philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque :

L0053

INTIMÉS

Monsieur [Z] [U]
[Adresse 1]
[Adresse 1]

Madame [F] [R] épouse [U]
[Adresse 1]
[Adresse 1]

Assistés par Me Michel MENANT ...

Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 19 MAI 2022

(no 273, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/13990 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEEKN

Décision déférée à la cour :
jugement du 24 juin 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 21/80464

APPELANT

Monsieur [W] [D]
[Adresse 2]
[Adresse 2] (CHINA)

Représenté par Me Jean-Philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053

INTIMÉS

Monsieur [Z] [U]
[Adresse 1]
[Adresse 1]

Madame [F] [R] épouse [U]
[Adresse 1]
[Adresse 1]

Assistés par Me Michel MENANT de la SELEURL CABINET MENANT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0190

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 07 avril 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Catherine LEFORT, conseiller, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [W] [D] est propriétaire d'un terrain situé à l'angle de la [Adresse 4] et de la [Adresse 1] à [Localité 3], sur lequel il a construit un immeuble. M. [Z] [U] et Mme [F] [R] épouse [U] sont propriétaires d'une maison au [Adresse 1].

Par jugement du 13 décembre 2013, le tribunal de grande instance de Paris, saisi par les époux [U], a notamment :
- fait interdiction à M. [W] [D] de poursuivre les travaux autorisés par le permis de construire délivré par la mairie de [Localité 3] le 27 juillet 2012, sous astreinte provisoire de 500 euros par jour à compter du 15e jour suivant la date de la présente décision, et pendant un délai de deux mois,
- dit que l'astreinte sera liquidée par le juge de l'exécution,
- condamné M. [W] [D], pour le cas où les travaux seraient entrepris jusqu'à l'édification de la surélévation litigieuse, à démolir sans délai la surélévation dépassant le premier étage, autorisée par le permis de construire, sous astreinte provisoire de 500 euros par jour à compter du 15e jour suivant la date de la présente décision, et pendant un délai de deux mois,
- ordonné l'exécution provisoire.

La cour d'appel de Paris a confirmé ce jugement en toutes ses dispositions par arrêt du 11 décembre 2015. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre cette décision par arrêt du 26 octobre 2017.

Par un jugement du 9 avril 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris a liquidé l'astreinte à la somme de 30.000 euros et fixé une nouvelle astreinte. Par arrêt du 4 juillet 2019, la cour d'appel de Paris, infirmant ce jugement, a rejeté les demandes de liquidation d'astreinte et de fixation d'une nouvelle astreinte des époux [U].

Le 20 août 2020, M. [D] a, sur le fondement de cet arrêt, fait délivrer aux époux [U] un commandement de payer aux fins de saisie-vente.

Par jugement du 11 février 2021, le juge de l'exécution a notamment rejeté les demandes de M. et Mme [U] en annulation de ce commandement et en liquidation d'astreinte et fixation d'une nouvelle astreinte.

Les époux [U] ont fait appel du jugement du 11 février 2021. Leur déclaration d'appel a été déclarée caduque par ordonnance du 20 mai 2021, mais la cour d'appel de Paris, statuant sur déféré, a infirmé cette décision et a dit n'y avoir lieu de prononcer la caducité de la déclaration d'appel par arrêt du 14 octobre 2021. L'appel est toujours pendant.

Par ordonnance du 17 février 2021, le juge de l'exécution a autorisé les époux [U] à saisir à titre conservatoire entre leurs propres mains la somme de 33.000 euros devant être restituée à M. [D] en exécution de l'arrêt du 4 juillet 2019, pour conservation des sommes leur étant dues au titre de la liquidation de l'astreinte. La saisie conservatoire a été réalisée le 26 février 2021 et dénoncée à M. [D] par acte d'huissier du 3 mars 2021.

Par acte d'huissier en date du 3 mars 2021, M. et Mme [U] ont fait assigner M. [D] devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris aux fins d'annulation de la procédure de saisie-vente, liquidation de l'astreinte à hauteur de 30.000 euros, fixation d'une nouvelle astreinte et validation de la saisie conservatoire.

Par jugement du 24 juin 2021, le juge de l'exécution a :
- dit irrecevable la demande d'annulation du commandement de payer aux fins de saisie vente du 20 août 2020,
- rejeté la demande de mainlevée de la saisie conservatoire du 26 février 2021 et la demande de restitution des fonds appréhendés par cette saisie,
- dit recevable la demande de liquidation de l'astreinte prononcée par l'arrêt du 11 décembre 2015 ayant confirmé le jugement du 13 décembre 2013,
- liquidé l'astreinte à la somme de 30.000 euros au titre de la période allant du 13 décembre 2013 au 13 février 2014,
- condamné M. [W] [D] à payer cette somme aux époux [U],
- dit que l'injonction prononcée par la cour d'appel de Paris le 11 décembre 2015 est assortie d'une nouvelle astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai de 9 mois à compter de ce jour, durant 300 jours,
- rejeté la demande de dommages-intérêts,
- condamné M. [D] au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Pour statuer ainsi, le juge de l'exécution a retenu que la demande d'annulation du commandement de payer aux fins de saisie-vente avait déjà été rejetée par jugement du 11 février 2021 qui a autorité de la chose jugée. Il a en outre estimé que l'action en liquidation d'une astreinte était soumise au délai de prescription quinquennal prévu à l'article 2224 du code civil, que la décision assortie d'une astreinte était devenue irrévocable le 26 octobre 2017, par la décision de rejet du pourvoi, qui constituait le point de départ du délai de prescription, de sorte que l'action engagée le 3 mars 2021, interrompue en tout cas par assignation du 20 mars 2020, n'était pas prescrite. Il a jugé que le jugement du 13 décembre 2013 avait été régulièrement signifié à M. [D] le 20 septembre 2020 par la remise à son domicile par les autorités chinoises.
Sur le fond, le juge de l'exécution a retenu que l'astreinte avait couru du 13 décembre 2013 au 13 février 2014, soit durant 62 jours, pour un montant total de 31.000 euros, que M. [D] ne justifiait d'aucune impossibilité d'exécution ni difficultés d'exécution de nature à emporter suppression ou réduction de l'astreinte pendant cette période qui seraient liées à l'existence d'un contrat de bail ou d'un manque de clarté du jugement. Enfin, il a estimé indispensable d'ordonner une nouvelle astreinte compte tenu des manoeuvres dilatoires imputables à M. [D].

Par déclaration du 19 juillet 2021, M. [D] a fait appel de cette décision.

Par conclusions du 15 mars 2022, M. [D] demande à la cour d'appel de :
- infirmer le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
- déclarer prescrite l'action en liquidation de l'astreinte,
- dire que l'astreinte ne court pas à défaut de signification,
En conséquence,
- déclarer les époux [U] irrecevables en leur demande de liquidation de l'astreinte,
- ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 26 février 2021,
A titre subsidiaire,
- interpréter le jugement quant à l'obligation mise à sa charge, à savoir quel niveau est considéré comme le rez-de-chaussée afin de savoir quels niveaux précis il doit démolir pour être conforme à la décision de justice, et au besoin désigner un expert,
- réduire de manière significative le montant de l'astreinte, et différer son point de départ éventuel à la fin de tous les recours,
- dire n'y avoir lieu à fixation d'une nouvelle astreinte, et en tout état de cause, fixer son point de départ à compter de l'issue de la procédure administrative,
- ordonner la restitution de la somme de 33.000 euros, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la présente décision,
- condamner solidairement M. et Mme [U] à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts,
- débouter M. et Mme [U] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- les condamner solidairement au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Il invoque à titre principal :
- l'absence de caducité de la déclaration d'appel puisqu'il réside en Chine de sorte que le délai d'un mois pour conclure est augmenté de deux mois par l'article 911-2 du code de procédure civile ;
- le non-respect par M. et Mme [U] du délai de comparution augmenté de deux mois dont il bénéficie en application de l'article 643 du code de procédure civile du fait de son domicile en Chine, ce qui lui a causé un préjudice justifiant l'octroi de dommages-intérêts ;
- l'absence de signification régulière du jugement du 13 décembre 2013, non signifié à sa personne, de sorte que l'astreinte, qui n'a pas commencé à courir, ne peut être liquidée ;
- la prescription de l'action en liquidation d'astreinte, soumise au délai quinquennal de l'article 2224 du code civil, faisant valoir que l'absence de signification du jugement prononçant une astreinte est sans incidence sur le point de départ de la prescription qui court à compter de la date fixée par le juge, soit en l'espèce, dans la mesure où le jugement du 13 décembre 2013 assorti de l'exécution provisoire a été confirmé par la cour d'appel en toutes ses dispositions, 15 jours après la date du jugement et non sa signification ni la date à laquelle la décision est devenue irrévocable comme l'a retenu à tort le premier juge, soit le 28 décembre 2013, de sorte que l'action est prescrite depuis le 28 décembre 2018, et est donc irrecevable. Il précise que les précédentes demandes en liquidation d'astreinte n'ont pas interrompu la prescription puisqu'elles ont été rejetées, et ce en application des articles 2241 et 2243 du code civil.

Subsidiairement, sur le fond, il conteste en premier lieu le mépris de la justice qui lui est imputé par les époux [U], en ce qu'il n'a différé la démolition, compte tenu du caractère irréversible d'une telle mesure, que parce qu'il a exercé des recours, y compris auprès de la cour européenne des droits de l'homme et la cour internationale des droits de l'homme, à tel point que les époux [U] eux-mêmes n'ont pas pris le risque financier de faire exécuter le jugement assorti de l'exécution provisoire, et qu'il a bien à ce jour mis en oeuvre les mesures nécessaires à la démolition, ce qui nécessite de nombreuses démarches. En deuxième lieu, il invoque des difficultés d'exécution, puisque d'une part, les logements construits étaient loués, d'autre part, il s'est heurté à une difficulté d'interprétation du jugement quant au niveau considéré comme le rez-de-chaussée, s'agissant d'un immeuble semi-enterré, en outre, les normes ayant évolué, sa construction est désormais conforme, enfin, contrairement à ce qui ressort du jugement, les travaux étaient déjà achevés à la date du jugement et aucuns travaux n'ont été entrepris postérieurement, de sorte que l'astreinte n'a pas d'objet. Il s'oppose par ailleurs à la fixation d'une nouvelle astreinte puisqu'il a sollicité un nouveau permis de construire et que la difficulté relative aux étages à démolir ne sera résolue qu'à l'issue de la procédure administrative.

Sur sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts, il invoque un préjudice résultant d'une part du refus par les époux [U] de lui restituer la somme de 33.000 euros qu'il a payée en exécution du jugement du juge de l'exécution du 9 avril 2018 qui a été infirmé par la cour d'appel car ils n'avaient pas signifié le jugement, d'autre part du non-respect par ces derniers des règles de procédure applicables, et enfin de l'acharnement procédural des époux [U] qui ne respectent pas eux-mêmes le cahier des charges dont ils se prévalent.

Par conclusions récapitulatives en date du 7 avril 2022, M. et Mme [U] demandent à la cour d'appel de :
- déclarer caduc l'appel de M. [D],
A titre subsidiaire,
- juger irrecevable et mal fondé l'appel de M. [D],
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
- condamner M. [D] au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Ils font valoir à titre liminaire que M. [D] a conclu plus d'un mois après l'avis de fixation à bref délai de sorte que son appel est caduc en application de l'article 905-1 (sic) du code de procédure civile.
Ils estiment qu'ils ont bien respecté le délai de distance de l'article 643 du code de procédure civile et que M. [D] a disposé un délai largement suffisant pour se défendre ; et que la signification à domicile, par la remise de l'acte à Mme [G], présente au domicile, conformément aux dispositions de l'article 655 du code de procédure civile est valable. Ils soutiennent en outre que la prescription de l'action en liquidation d'astreinte n'a pu courir qu'à compter de la notification du jugement du 13 décembre 2013 qui a été faite le 2 décembre 2020, de sorte qu'elle n'est pas prescrite, et s'approprient les motifs du jugement du juge de l'exécution sur ce point.
Ils sollicitent la validation de la saisie conservatoire par la condamnation de M. [D] au titre de la liquidation d'astreinte à hauteur de 30.000 euros, soit 500 euros pendant deux mois, ainsi que la fixation d'une nouvelle astreinte, définitive, pendant 12 mois, et subsidiairement une nouvelle astreinte provisoire pendant un an. Ils indiquent que sur le fond, ils entendent s'approprier les motifs du jugement dont appel et contestent le caractère semi-enterré de sa maison.
Ils s'opposent à la demande reconventionnelle de dommages-intérêts estimant que M. [D] use et abuse de son adresse à Pékin alors qu'il est domicilié à [Localité 3].

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il convient de rappeler que la cour ne statue, en application de l'article 954 du code de procédure civile, que sur les prétentions formulées au dispositif des conclusions. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur le respect ou non du délai de comparution (sauf dans le cadre de la demande de dommages-intérêts) ni sur la régularité de la signification du jugement du 13 décembre 2013 effectuée le 2 décembre 2020.

En outre, la cour constate que M. et Mme [U] ne sollicitent plus, à hauteur d'appel, l'annulation du commandement de payer aux fins de saisie-vente. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré cette demande irrecevable.

Sur la caducité de la déclaration d'appel

Il résulte de l'article 905-2 alinéa 1er du code de procédure civile (et non 905-1) qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel, l'appelant dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe.

Toutefois, selon l'article 911-2 du même code, ce délai d'un mois est augmenté d'un délai de deux mois lorsque l'appelant demeure à l'étranger.

En l'espèce, M. [D] demeure en Chine, de sorte qu'il dispose d'un délai de trois mois au total pour conclure. L'avis de fixation de l'affaire à bref délai a été délivré par le greffe le 17 septembre 2021 et M. [D] a déposé ses premières conclusions d'appelant le 13 décembre 2021, soit dans le délai de trois mois.

Il convient donc de rejeter la demande de caducité de la déclaration d'appel.

Sur la prescription de l'action en liquidation d'astreinte

Il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que l'action en liquidation d'une astreinte n'est pas soumise au délai de prescription prévu à l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution applicable à l'exécution des titres exécutoires, mais au délai de prescription des actions personnelles et mobilières prévu à l'article 2224 du code civil, lequel dispose que ces actions se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Selon les articles 2241 et 2243 du code civil, la demande en justice interrompt la prescription, mais cette interruption est non avenue si la demande est définitivement rejetée.

L'article R.131-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose que :
« L'astreinte prend effet à la date fixée par le juge, laquelle ne peut pas être antérieure au jour où la décision portant obligation est devenue exécutoire.
Toutefois, elle peut prendre effet dès le jour de son prononcé si elle assortit une décision qui est déjà exécutoire. »

Il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que lorsque la cour d'appel confirme un jugement non exécutoire assorti d'une astreinte, cette mesure ne commence à courir qu'à compter du jour où l'arrêt devient exécutoire, à moins que les juges ne fixent un point de départ postérieur.

Aux termes de l'article 503 du code de procédure civile, les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire.

Selon l'article 504, la preuve du caractère exécutoire ressort du jugement lorsqu'il bénéficie de l'exécution provisoire.

En l'espèce, le jugement du 13 décembre 2013 est assorti de l'exécution provisoire, fixe le point de départ des astreintes qu'il a prononcées quinze jours après sa date, soit le 28 décembre 2013, et fait courir le délai d'astreinte pendant deux mois, soit jusqu'au 28 février 2014.

Il en résulte que c'est à l'issue de ce délai d'astreinte que le créancier a eu connaissance de son droit d'agir en liquidation des astreintes contre M. [D], qui n'a pas exécuté ses obligations résultant du jugement, ni pendant le premier délai de quinze jours, ni pendant le délai de deux mois. Le délai quinquennal de prescription de l'action en liquidation des astreintes a donc commencé à courir à compter du 28 février 2014, de sorte que M. et Mme [U] avaient jusqu'au 28 février 2019 pour agir contre M. [D].

La cour n'approuve donc pas le premier juge d'avoir retenu que le point de départ du délai de prescription pouvait être fixé au jour où la décision prononçant l'astreinte est devenue irrévocable, soit en l'espèce le 26 octobre 2017, date de l'arrêt de la Cour de cassation rejetant le pourvoi formé contre l'arrêt du 11 décembre 2015. En effet, ni l'appel ni le pourvoi en cassation ne suspendaient l'exécution des obligations assorties d'une astreinte pesant sur M. [D], de sorte que les créanciers, qui avaient connaissance de l'inexécution de ces obligations prononcées par un jugement exécutoire, pouvaient agir en liquidation de l'astreinte malgré l'exercice des voies de recours par le débiteur.

C'est également en vain que les époux [U] soutiennent que la prescription court à compter de la signification du jugement de 2013 qui n'est intervenue qu'en 2020. En effet, la signification, qui est nécessairement effectuée par le créancier pour donner connaissance du jugement au débiteur, ne saurait constituer un fait dont le créancier prend connaissance et lui permettant d'exercer son droit en application de l'article 2224 du code civil. Admettre l'inverse donnerait la possibilité au créancier de reculer indéfiniment le point de départ de la prescription de l'action en liquidation en retardant la signification de la décision fixant l'astreinte, ce qui serait contraire d'une part aux termes de l'article 2224 du code civil, et d'autre part au but recherché par le juge ayant prononcé l'astreinte pour assurer l'efficacité de sa décision qu'il a en outre assortie de l'exécution provisoire. C'est donc à juste titre que M. [D] soutient que l'absence de signification de la décision prononçant une astreinte n'a pas pour effet de différer le point de départ du délai de prescription de l'action en liquidation de l'astreinte.

Par ailleurs, par arrêt du 4 juillet 2019, la cour d'appel de Paris a infirmé un premier jugement du juge de l'exécution (saisi par assignation du 24 janvier 2018) liquidant l'astreinte et a rejeté la demande de liquidation d'astreinte. Ainsi, les époux [U] ne peuvent bénéficier, en application de l'article 2243 du code civil, de l'effet interruptif de la prescription de l'assignation délivrée devant le juge de l'exécution le 24 janvier 2018.

M. et Mme [U] ont ensuite assigné M. [D] en liquidation d'astreinte le 20 octobre 2020. Le juge de l'exécution, par jugement du 11 février 2021, a estimé que l'action en liquidation d'astreinte n'était pas prescrite, mais a rejeté les demandes de M. et Mme [U]. Toutefois, ce jugement n'est pas définitif, l'appel formé par M. [D] étant toujours pendant devant la cour.

La cour constate cependant qu'à la date du 20 octobre 2020, le délai pour agir était déjà expiré, de sorte que l'assignation du 20 octobre 2020 n'a pu avoir aucun effet interruptif, comme le souligne à juste titre M. [D].

Il en résulte que la présente procédure engagée le 3 mars 2021 est prescrite. Il convient donc d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit recevable la demande de liquidation de l'astreinte et en ce qu'il a liquidé l'astreinte et condamné M. [D] au paiement. Statuant à nouveau, il convient de déclarer irrecevable la demande de liquidation d'astreinte.

Sur la demande de fixation d'une nouvelle astreinte

M. [D] ne soulève pas la prescription de cette demande. Il y a donc lieu de statuer.

Aux termes de l'article L.131-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution peut assortir d'une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.

Le juge de l'exécution dispose d'un pouvoir souverain pour apprécier si les circonstances font apparaître la nécessité d'assortir d'une astreinte la décision rendue par un autre juge.

En l'espèce, il résulte du jugement du 13 décembre 2013 et de l'arrêt confirmatif du 11 décembre 2015 que M. [D] avait obtenu un permis de construire pour la construction d'une maison de ville de R + 3 + combles sur un niveau en sous-sol, alors que selon le cahier des charges de sa rue, les constructions ne peuvent comprendre qu'un rez-de-chaussée et un étage, de sorte qu'il a été condamné à démolir la surélévation dépassant le premier étage.

Il est constant que le débiteur n'a toujours pas exécuté son obligation judiciaire, étant rappelé que la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel le 26 octobre 2017 et que le jugement du 13 décembre 2013 a été signifié par les époux [U] à M. [D] le 2 décembre 2020. M. et Mme [U] produisent d'ailleurs un procès-verbal de constat d'huissier en date du 25 mars 2022 établissant que la maison de M. [D] est toujours un bâtiment R + 3.

M. [D] fait valoir qu'il a effectué les démarches administratives nécessaires pour réaliser les travaux auxquels il a été condamné et que la difficulté relative à la qualification de la construction et des étages à démolir ne sera résolue qu'à l'issue de la procédure administrative, de sorte qu'il n'y a pas lieu de fixer une nouvelle astreinte, ou à tout le moins que son point de départ doit être fixé à l'issue de la procédure administrative. Il justifie avoir contesté devant le tribunal administratif de Paris l'arrêté de la maire de Paris en date 24 septembre 2018 ayant rejeté sa demande de permis de construire, et que l'affaire était toujours en cours devant le tribunal administratif au 28 octobre 2020.

Il résulte de l'arrêté contesté que la construction envisagée (maison de ville d'un étage et combles sur 2 niveaux de sous-sol sur rue) a été requalifiée par l'autorité administrative en « maison de ville en R + 2 + combles + combles sur 1 niveau de sous-sol » et que la demande constitue une fraude. Par ailleurs, par courriel du 3 novembre 2020, le maire du 19e arrondissement indique à M. et Mme [U] que M. [D] a déposé un permis de construire artificiel pour contourner les règles en vigueur sur le secteur.

Ainsi, force est de constater qu'au lieu de solliciter, le cas échéant, un permis de démolir les deux étages prohibés ou un permis de construire conforme, M. [D] a sollicité un nouveau permis de construire en modifiant la qualification de sa maison afin qu'elle ne soit pas considérée comme un bâtiment R + 3. Il n'a manifestement aucune intention de démolir les étages 2 et 3 de sa maison comme cela lui a été ordonné depuis 2013.
Dès lors, c'est à juste titre que les époux [U] font valoir que les manoeuvres dilatoires de M. [D] justifient le prononcé d'une nouvelle astreinte. Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a assorti l'injonction d'une nouvelle astreinte de 500 euros par jour de retard pendant 300 jours, mais de modifier le point de départ de cette nouvelle l'astreinte, qui courra à compter de l'expiration d'un délai de neuf mois suivant la signification du présent arrêt.

Sur les demandes reconventionnelles de M. [D]

1) Sur la mainlevée de la saisie conservatoire et la demande de restitution

M. [D] sollicite la mainlevée de la saisie conservatoire du 26 février 2021, tandis que les époux [U] en demandent la validation à hauteur de 33.000 euros.

Cette saisie a été autorisée et pratiquée pour garantir à M. et Mme [U] le paiement des sommes dues au titre de la liquidation de l'astreinte. Dans la mesure où l'action en liquidation d'astreinte est irrecevable en raison de la prescription, il convient de faire droit à la demande de mainlevée de cette saisie conservatoire qui n'est pas justifiée.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de mainlevée de la saisie conservatoire.

En revanche, il sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de restitution de la somme de 33.000 euros sous astreinte, dans la mesure où l'arrêt infirmatif du 4 juillet 2019 constitue déjà le titre exécutoire permettant le recouvrement des sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire. D'ailleurs, M. [D] a déjà délivré un commandement de payer aux fins de saisie-vente.

2) Sur la demande de dommages-intérêts

Il résulte de l'article 643 du code de procédure civile que le délai de comparution est augmenté de deux mois pour les personnes qui demeurent à l'étranger.

Toutefois, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, lorsque la loi ne fixe pas de délai de comparution, les dispositions de l'article 643 du code de procédure civile, qui ont pour objet d'augmenter un tel délai, ne sont pas applicables. Or, ni le code de procédure civile ni le code des procédures civiles d'exécution ne prévoient un délai de comparution devant le juge de l'exécution, qui doit seulement s'assurer qu'il s'est écoulé un temps suffisant entre l'assignation et l'audience pour permettre au défendeur de préparer sa défense (article R.121-13 du code des procédures civiles d'exécution).

En l'espèce, M. [D], qui demeure en Chine, a été assigné par acte d'huissier du 3 mars 2021 à l'audience du juge de l'exécution du 20 mai 2021. Il a donc bénéficié d'un temps suffisant pour préparer sa défense.

En outre, M. [D] ne peut utilement se plaindre de l'absence de restitution par les époux [U] des sommes versées au titre de l'exécution provisoire du premier jugement du juge de l'exécution du 9 avril 2018 qui a été infirmé par la cour d'appel par arrêt du 4 juillet 2019, dans la mesure où il n'avait pas lui-même commencé à exécuter ses propres obligations résultant du jugement du 13 décembre 2013 assorti de l'exécution provisoire et confirmé par la cour d'appel le 11 décembre 2015.

Pour la même raison, l'acharnement procédural des époux [U], allégué par M. [D], ne sera pas retenu, car ils ont attendu en vain, au mépris de leur propre droit, l'issue de la procédure au fond jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour de cassation avant d'agir contre le débiteur en liquidation de l'astreinte alors que celui-ci était tenu de s'exécuter dès le jugement du 13 décembre 2013. Il convient de rappeler au surplus que l'erreur d'appréciation qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute dans l'exercice de son droit d'agir en justice.

Enfin, le fait pour les époux [U] de prétendre que M. [D] serait de mauvaise foi ne constitue pas des propos diffamatoires dépassant les limites de la liberté d'expression en vue de la défense de leurs intérêts.

Faute de démontrer une faute des époux [U], qui d'ailleurs ne succombent pas en totalité, un préjudice subi et un lien de causalité entre la faute et le préjudice, M. [D] doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts.

Sur les demandes accessoires

Dans la mesure où il a été fait droit à une partie des demandes de M. et Mme [U] et M. [D] n'ayant toujours pas exécuté l'ordre judiciaire, il convient de confirmer les condamnations accessoires de ce dernier et de le condamner aux dépens d'appel.

L'équité commande de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles d'appel. La demande des époux [U] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile sera donc rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

REJETTE la demande de caducité de la déclaration d'appel,

INFIRME le jugement rendu le 24 juin 2021 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris, en ce qu'il a :
- rejeté la demande de mainlevée de la saisie conservatoire du 26 février 2021,
- dit recevable la demande de liquidation de l'astreinte prononcée par l'arrêt du 11 décembre 2015 ayant confirmé le jugement du 13 décembre 2013,
- liquidé l'astreinte à la somme de 30.000 euros au titre de la période allant du 13 décembre 2013 au 13 février 2014,
- condamné M. [W] [D] à payer cette somme aux époux [U],

Statuant à nouveau dans cette limite,

DÉCLARE irrecevable car prescrite la demande de liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 13 décembre 2013, confirmé par l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 11 décembre 2015, au titre de la période du 13 décembre 2013 au 13 février 2014,

ORDONNE la mainlevée de la saisie conservatoire du 26 février 2021,

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,

Y ajoutant,

DIT que la nouvelle astreinte provisoire prononcée par le premier juge courra à compter de l'expiration d'un délai de neuf mois suivant la signification du présent arrêt,

DÉBOUTE M. [Z] [U] et Mme [F] [R] épouse [U] de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [W] [D] aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 21/139907
Date de la décision : 19/05/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-05-19;21.139907 ?
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